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L’HUMANISATION DES EXPULSIONS
Parcours fléché entre législation, judiciarisation,
conciliation et médiation
Olivier Moreno
Avocat au barreau de Bruxelles
Assistant à la faculté de droit de l’U.L.B.
En collaboration avec Sophia Sabbour
Avocate au Barreau de Bruxelles
Préliminaires
Relevée dans le Rapport Général sur la pauvreté, la problématique des
expulsions est bien souvent, étroitement, liée à celle de la paupérisation de la
société.
Dans le cadre de son objectif de lutte contre la précarisation sociale, le
législateur s’est attaqué à revoir les procédures d’expulsion au regard du droit au
logement consacré à l’article 23 de la Constitution.
C’est ainsi que le 30 novembre 1998, est née la loi dite de l’humanisation des
expulsions1. Trois nouvelles mesures sont désormais imposées pour tenter une
humanisation toute relative de l’expulsion d’un locataire :
– l’information préalable du C.P.A.S.,
– le respect d’un délai d’un mois entre la signification du jugement prononçant
l’expulsion et la mise en oeuvre matérielle de cette dernière ;
– l’enlèvement et la conservation par l’administration communale des biens du
locataire expulsé.
Revendiquant explicitement sa filiation avec le droit constitutionnel au logement,
cette loi dépasse la lutte contre la pauvreté et vise plus largement la dignité
humaine en plaçant l’être humain au centre du débat.
La présente étude est une réactualisation d’une étude précédente portant sur le
même sujet et parue dans le Journal des procès du 22 février 20022.
1 Loi modifiant certaines dispositions du Code judiciaire relatives à la procédure en matière de louage de choses
et de la loi du 30 décembre 1975 concernant les biens trouvés en dehors des propriétés privées ou mis sur la voie
publique en exécution de jugements d’expulsion, M.B., 01.01.1999, pp. 3-5.
2 O. Moreno, la loi sur l’humanisation des expulsions, état du droit et de son évolution, Journal des Procès, n°
431, 22 février 2002, pp.14 et ss
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Chapitre I – aperçu panoramique de la loi du 30 novembre 1998
Les règles définies par la loi du 30 novembre 1998 sont à présent insérées dans
les articles 1344bis à 1344sexies du Code Judiciaire.
Section I – Champ d’application
L’article 1344ter § 1 du Code judiciaire définit le champ d’application de la
loi du 30 novembre 1998 dans les termes suivants :
« § 1er. Le présent article s’applique à toute demande introduite par
requête écrite, par citation ou par comparution volontaire, tendant à
l’expulsion d’une personne physique qui a conclu un bail à loyer visé à
la section II ou à la section IIbis du livre III, titre VIII, chapitre II du Code
civil portant sur un bien qui, selon l’acte introductif d’instance, sert de
domicile au preneur ou, à défaut de domicile, de résidence.
Lors des travaux préparatoires3, les discussions ont portés sur l’éventualité
d’une réglementation plus large des expulsions sans avoir égard au statut
juridique de la personne qui devait quitter le bien.
Le gouvernement y était réticent, rappelant que le projet de loi vise avant
tout à remédier au problème d’expulsion de personnes n’observant pas
leurs obligations locatives en raison de leur situation de pauvreté, et n’a
dès lors pas pour objectif de fixer un cadre légal pour des situations où
l’égalité des parties est davantage assurée.
Toutefois, cette discussion a permis l’adoption de l’article 1344 sexies
imposant l’information préalable au CPAS en cas de jugement ordonnant
une expulsion étrangère à l’hypothèse d’un bail de résidence principale,
mais non le bénéfice du délai d’un mois et la conservation des biens par la
commune4.
Il résulte de l’article 1344ter § 1er que cinq conditions sont nécessaires afin
de bénéficier des trois nouvelles mesures énumérées ci-avant :
– le locataire expulsé doit être une personne physique ;
– les parties doivent être liées par un contrat de bail de résidence
principale au sens de la loi du 20 février 1991 ou d’un bail commercial5;
3 Doc.Ch., 96-97, n°125
4 Voyez infra.
5 L’article 4, 1° de la loi sur les baux commerciaux prévoit qu’elle s’applique également au bail de locaux
destinés à l’habitation qui font partie de l’ensemble contenant l’établissement commercial si le bailleur est le
même que celui de cet établissement.
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Sont par contre exclus de son champ d’application, les résidences
secondaires et les locations de vacances.
– la loi ne s’applique qu’en cas d’expulsion du bien servant de domicile
au preneur ou à défaut de domicile, de résidence ;
– la demande introductive d’instance doit être formulée par voie de
requête, par citation ou par comparution volontaire ;
Il existe cependant une controverse doctrinale concernant cette
condition.
En effet, pour la doctrine majoritaire, la loi du 30 novembre 1998 ne
s’applique pas dans l’hypothèse où la demande en expulsion est
formée par voie reconventionnelle dans des conclusions.
Il est donc aisé pour le propriétaire de contourner la loi en introduisant
une action tendant à obtenir le paiement des arriérés de loyer et la
résiliation du bail mais sans demander l’expulsion du locataire. Il lui
suffit par la suite de solliciter l’expulsion par voie de conclusions.
C’est pourquoi, certains auteurs préconisent au juge de paix de vérifier
s’il n’y a pas d’abus de droit dans le chef du bailleur.
D’aucuns6 vont même jusqu’à affirmer que la loi est applicable à tous
les jugements d’expulsion qui concernent un bien affecté à la résidence
principale du preneur, quel que soit le mode d’introduction de la
demande en expulsion. Ils soutiennent que le renvoi fait par les articles
1344quater et quinquies à l’article 1344ter §1er vise la condition
d’affectation du bien concerné au domicile ou à la résidence principale
du preneur et non le mode d’introduction de la demande d’expulsion.
Soulignons que la loi ne s’applique pas à la demande introduite par
voie de requête unilatérale en cas d’absolue nécessité ou d’extrême
urgence. 7.
– la demande doit tendre à l’expulsion et non simplement à la résiliation
du bail.
Rationae temporis, la nouvelle réglementation des expulsions n’est pas
applicable aux demandes introduites avant le 11 janvier 1999, date
d’entrée en vigueur de la loi8.
6 G. Benoit, « le bail de résidence principale », la Charte, Ed.2006, 489
7 « L’expulsion en cas d’extrême urgence », note sous J.P. Beauraing, 14 décembre 1999, Les Echos du
Logement, n° 3, juin 2000, p. 94.
8 Article 9 de la loi du 30 novembre 1998.
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Section II – L’information préalable du C.P.A.S.
C’est lors de la conférence interministérielle pour l’intégration sociale qui
s’est déroulée en novembre 1995 que fut évoquée pour la première fois,
l’importance de l’intervention des CPAS dans le cadre de la gestion des
expulsions9
L’article 1344ter du Code judiciaire consacre une obligation d’information
préliminaire au C.P.A.S. du domicile (ou de la résidence) du preneur :
« § 2. Lorsque la demande est introduite par requête écrite ou par
comparution volontaire, le greffier envoie, sauf opposition du preneur
conformément au § 4, après un délai de quatre jours suivant
l’inscription de l’affaire au rôle, par quelque procédé de
télécommunication que ce soit, à confirmer par simple lettre, une copie
de la requête écrite au Centre public d’aide sociale du domicile du
preneur ou, à défaut de domicile, au Centre public d’aide sociale de la
résidence du preneur.
§ 3. Lorsque la demande est introduite par citation, l’huissier de justice
envoie, sauf opposition du preneur conformément au § 4, après un
délai de quatre jours suivant la signification de l’exploit, par quelque
procédé de télécommunication que ce soit, à confirmer par simple
lettre, une copie de la citation au Centre public d’aide sociale, ou, à
défaut de domicile, au Centre public d’aide sociale de la résidence du
preneur.
§ 4. Le preneur peut manifester son opposition à la communication de
la copie de l’acte introductif d’instance au Centre public d’aide sociale
dans le procès-verbal de comparution volontaire ou auprès du greffe
dans un délai de deux jours à partir de la convocation par pli judiciaire
ou auprès de l’huissier de justice dans un délai de deux jours à partir de
la signification.
La requête écrite ou la citation contient le texte de l’alinéa précédent.
§ 5. Le Centre public d’aide sociale offre, de la manière la plus
appropriée, d’apporter son aide dans le cadre de sa mission légale ».
Il résulte de ces différents alinéas plusieurs principes :
– le C.P.A.S. du domicile ou à défaut de la résidence du preneur doit être
informé de la décision d’expulsion après un délai de quatre jours
suivant l’inscription au rôle général ou la signification de l’exploit10. Ce
délai permet au preneur de s’opposer à l’information du C.P.A.S.
9 Oliviers G., « une nouvelle et énième modification des dispositions législatives en matière de baux pour
humaniser les expulsion », J .J.P 1999, p 4
10 Selon que la demande est introduite par requête, par comparution volontaire ou par citation.
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– Ce devoir d’information incombe au greffe ayant inscrit le litige au rôle
général ou à l’huissier de justice ayant procédé à la signification de
l’exploit.
– Cette information peut se faire par quelque procédé de
télécommunication que ce soit mais doit être confirmée par simple
lettre.
– le C.P.A.S. est tenu d’offrir son aide à l’expulsé de la manière la plus
appropriée dans le cadre de ses missions légales.
Aucune sanction n’est néanmoins prévue par la loi. Or, il n’existe aucune
nullité ou cause d’irrecevabilité sans texte. C’est ce qu’a rappelé le juge de
paix de Beauraing dans un jugement du 14 décembre 1999 :
« attendu que si la loi est précise quant à l’obligation de reproduire ce
texte, aucune sanction n’est prévue ;
qu’il s’agit sans doute d’un oubli du législatif, car celui-ci ne peut ignorer
qu’une obligation sans sanction risque de rester vaine ;
qu’il n’existe aucune nullité ou cause d’irrecevabilité sans texte »11.
Soulignons qu’il n’existe pas d’obligation d’informer le C.P.A.S de
l’existence d’une demande en conciliation concernant une demande en
expulsion qui fait pourtant l’objet de l’article 1344septies du Code
Judiciaire.
Le 29 juin 2005, une proposition12 de loi visant à compléter l’article
1344septies a été déposée en ce sens au Sénat.
Cette proposition prévoit en effet qu’une copie de la demande de
conciliation doit être adressée par le greffier au C.P.A.S du domicile du
preneur.
Toutefois, certains auteurs13 doutent de l’effectivité d’une telle proposition
étant donné l’encombrement que connaissent les C.P.A.S dû aux
nombreux avertissements qui leur sont communiqués.
Un autre problème qui a donné lieux à des débats houleux lors des
travaux préparatoires concerne le rôle du CPAS en matière d’expulsion.
Le projet initial prévoyait que « le CPAS assure l’aide nécessaire ou
dispense l’aide urgente dans le cadre de l’hébergement du preneur et des
occupants du bien ».
11 J.P. Beauraing, 14 décembre 1999, Les Echos du Logement, n° 3, juin 2000, pp. 92 et suiv.
12 Doc.Parl, Sénat, sess.2004-2005, n° 3-1268/1
13 G.Benoit, « le bail de résidence principale », la Charte, Ed.2006, 487
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Finalement, après plusieurs amendements le texte a été rédigé comme
suit : « le C.P.A.S. offre de la manière la plus appropriée d’apporter son
aide dans le cadre de sa mission légale ».
Le terme « offre » semble indiquer qu’il n’existe pas d’obligation
d’intervention dans le chef du C.P.A.S.
Doctrine et Jurisprudence s’accordent également pour affirmer que le
C.P.A.S n’a pas d’obligation de procéder au relogement de la personne
expulsée, sa mission se limitant à un accompagnement dans les
démarches à effectuer en vue trouver un nouveau logement.14
Il convient de souligner que la procédure d’avertissement du C.P.A.S
s’avère souvent vaine.
En effet, la plupart des demandes relatives à un litige locatif visent à
obtenir l’expulsion du locataire mais finalement peu d’actions se soldent
effectivement par une expulsion15 Le C.P.A.S est bien souvent encombré
par des avertissements inutiles, la menace d’expulsion n’étant que peu
présente.
Notons que la décision de refus d’intervention du C.P.A.S à la suite de la
communication par le greffe de la justice de paix d’une requête en
expulsion des lieux loués peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal
du travail.16
Section III : Le délai d’expulsion
L’article 1344quater du Code Judiciaire dispose :
« L’expulsion, visée à l’article 1344ter, § 1er, ne peut être exécutée en
tout état de cause qu’après un délai d’un mois suivant la signification du
jugement, à moins que le bailleur ne prouve l’abandon du bien, que les
parties n’aient convenu d’un autre délai, cet accord devant être
constaté dans le jugement, ou que le juge prolonge ou réduise ce délai
à la demande du preneur ou du bailleur qui justifient de circonstances
d’une gravité particulière, notamment les possibilités de reloger le
preneur dans des conditions suffisantes respectant l’unité, les
ressources financières et les besoins de la famille, en particulier
pendant l’hiver. Dans ce dernier cas, le juge fixe le délai dans lequel
14 Civ.Bruxelles (réf.), 19 juin 2002, J.T., 2004, p 50. A contrario : Cour du travail de Bruxelles, 22 décembre
2004, RG. 2004/2400 : « attendu qu’il y a lieu de condamner le CPAS à effectuer des démarches positives et
concrètes de manière à trouver au demandeur un logement, non précaire, constitué de deux chambres au rez-dechaussée
ou au 1er étage d’immeuble à moins qu’il n’y ait un ascenseur, sur le territoire de la commune de X,
dans un délai maximum de trois mois à dater de la signification du présent arrêt. A défaut pour le CPAS d’avoir
trouvé un logement comme précisé ci-dessus dans un délai de 3 mois, celui-ci sera condamné à une astreinte de
50 EUR par jour de retard à dater de la signification du présent arrêt ».
15 .Benoit, « le bail de résidence principale », la Charte, Ed.2006, 486
16 T.T. Liège, 27 février 2002, C.D.S, 2004, p 62.
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l’expulsion ne peut pas être exécutée, en tenant compte de l’intérêt des
deux parties et dans les conditions qu’il détermine.
En tout état de cause, l’huissier doit aviser le preneur ou les occupants
du bien de la date effective de l’expulsion en respectant un délai de
cinq jours ouvrables ».
Il résulte de cette disposition un délai de principe : pendant un délai d’un
mois suivant la signification du jugement, l’expulsion ne pourra pas être
exécutée. Cette protection tend à venir en aide aux personnes les plus
vulnérables de notre société et répond à une demande explicite du
Rapport général sur la pauvreté : « comme la dignité humaine ne permet
pas de faire vivre des gens dans la rue, on ne peut jamais procéder à une
expulsion si aucune possibilité de relogement n’est prévue »17.
Il ressort des travaux préparatoires que, pendant cette durée d’un mois, le
locataire reste redevable du paiement du loyer. Ce qui pose évidemment
problème lorsque l’expulsion fait suite à la résiliation du bail pour cause de
non-paiement d’arriérés de loyer…
Il a été exclu que le C.P.A.S paie le loyer durant cette période ou cautionne
le locataire expulsé.18
Etant de principe et à défaut d’autres précisions dans un jugement
ordonnant l’expulsion d’un locataire, il faut considérer que le délai d’un
mois pour déguerpir à compter de la signification du jugement, est
applicable19.
La loi complète la protection du locataire par un dernier avertissement de
l’huissier. En tout état de cause, l’huissier devra avertir le preneur ou les
occupants du bien de la date effective de l’expulsion moyennant un préavis
de cinq jours.
En pratique, les huissiers procèdent en deux étapes en signifiant le
jugement dans un premier temps et en informant par la suite l’intéressé de
la date fixée pour l’expulsion effective afin de permettre au locataire de
trouver un nouveau logement et de déménager volontairement.20
Interrogés par le Ministre de la Justice, les huissiers avaient fait valoir que
ce délai leur paraissait court, et ce d’autant plus que le jugement ordonnant
l’expulsion contient souvent une condamnation au paiement d’arriérés de
loyers et partant, un titre exécutoire en vue d’une saisie-exécution
mobilière.
17 Rapport général sur la pauvreté, p. 256.
18 Oliviers. G., « une nouvelle et énième modification des dispositions législatives en matière de baux pour
humaniser les expulsion », J.J.P 1999, p 4
19 Tribunal civil de Liège, réf., 14 décembre 2000, J.L.M.B., 2001, pp. 162-163.
20 G. Benoit, « le bail de résidence principale », la Charte, Ed.2006, 490
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Le juge peut décider de prolonger ou de réduire ce délai.
Si cette réduction a lieu d’être dans certaines situations, elle mettrait à
néant toute protection si elle était utilisée systématiquement par le juge.
La réduction du délai d’un mois se justifie notamment lorsque le bien est
abandonné.
La preuve de l’abandon peut être rapportée par toute voie de droit
(constat préalable d’huissier, attestations de voisins ou de personnes
neutres,…).
Ainsi, le juge de paix de Namur a réduit le délai d’expulsion a deux jours
dans une affaire où il est apparu que le locataire avait abandonné du jour
au lendemain le bien loué qui était en très mauvais état. Le juge a fait droit
au souhait du propriétaire de pouvoir récupérer le logement à très bref
délai pour éviter une détérioration plus grande encore.21
Les parties peuvent également se mettre d’accord sur un autre délai,
accord qui devra alors être entériné dans un jugement. Une date de
résiliation anticipée du bail peut de même avoir été fixée par les parties,
sur proposition du locataire22.
Le juge peut également réduire ou prolonger ce délai à la demande d’une
des parties qui justifierait de « circonstances d’une gravité particulière ».
La notion de « circonstance d’une gravité particulière » est une exception
au délai de principe d’un mois dont l’application est rarement utilisée dans
le sens voulu par le législateur.
Initialement, le projet de loi donnait la possibilité au juge de prolonger ou
de réduire le délai d’un mois à la demande du locataire ou du propriétaire
qui justifiait de « circonstance exceptionnelles ». Selon le ministre de la
Justice, ces circonstances exceptionnelles seront appréciées par le juge
en tenant compte des intérêts des deux parties. Ceci implique une
approche individuelle dans le cadre de laquelle le juge tiendra compte,
d’une part, des antécédents et des efforts réalisés entre-temps par les
parties, de la prévisibilité des circonstances invoquées, de la situation
locale et d’autre part, des motifs de la demande principale, de la situation
familiale des parties concernées, de leurs attentes et de leurs prévisions23.
Au cours des travaux parlementaires, la notion de circonstances d’une
gravité particulière a finalement été retenue au détriment de la notion déjà
existante de circonstances exceptionnelles telles que définies dans l’article
11 de la loi du 20 février 1991. Hormis le souci d’éviter des confusions
21 Paix de Namur (1er canton) 28 janvier 2000, Les Echos du logement, n°3, juin 2000, 91
22 Dans ce cas, l’expulsion est prévisible. J.P. Beauraing, 14 décembre 1999, Les Echos du Logement, n° 3, juin
2000, pp. 92 et suiv.
23 Doc. Parl., Ch., 1157/1, 96/97, 5
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entre ces deux notions, le concept de « circonstance d’une gravité
particulière » implique une interprétation restrictive24.
Lors des travaux parlementaires, il a également été suggéré au juge de
tenir compte des répercussions financières qui pourrait peser sur le chef
du bailleur : les intérêts d’un propriétaire d’un petit appartement qui ne jouit
que d’une modeste pension, ne seront pas évalués de la même manière
que ceux d’un bailleur qui est propriétaire d’un grand nombre
d’appartements25.
Contrairement à la décision rendue par le juge de paix de Visé26, les
retards de paiement du locataire et le fait qu’il n’ait rien entrepris en vue de
régulariser cette situation, ne pourraient être qualifiés de circonstances
d’une gravité particulière justifiant une réduction du délai de principe d’un
mois27 et ce même si ce type de litige constitue un cas classique de
contentieux d’ordre locatif28.
Dans une décision du 27 juin 200029, le juge de paix de Torhout a accordé
une prorogation au preneur, après avoir fait la balance entre les intérêts de
chaque partie. Le juge a néanmoins considéré que la prorogation portait
atteinte au droit de propriété du bailleur et à majoré le loyer en équité.
L’article 1344quater précise avec justesse, l’obligation incombant au juge
de prendre en considération la possibilité de relogement du preneur et ce,
en particulier, pendant la période d’hiver30. Le pouvoir d’appréciation du
juge a ainsi été étendu, tout en fixant des éléments objectifs qui donnent
un contenu au droit du logement.
En date du 8 juillet 2003, Madame Laloy et Monsieur Mahoux ont déposé
une proposition de loi31 visant à réformer les articles 1344ter et quater du
Code Judiciaire en reprenant en partie le texte de la proposition qui avait
été déposée par ces derniers le 15 janvier 2001.
Cette proposition a principalement pour but d’interdire toute expulsion
pendant la période hivernale, soit au minimum entre le 1er décembre et le
28 février sous la réserve que le relogement de l’intéressé ne soit assuré
dans des conditions suffisantes respectant l’unité, les ressources
financières et les besoins de sa famille.
24 Justice de Paix de Bruxelles (deuxième canton) 6 octobre 1999, Act. Jur. des Baux, 2000, 45
25 Doc. Parl., Sénat, 1-926/4, 1997/1998, 41
26 Justice de paix de Visé, 13 mars 2006, Les Echos du logement, 2006, p 25
27 Justice de Paix de Bruxelles (deuxième canton) 6 octobre 1999, Act. Jur. des Baux, 2000, 45
28 Tholomé, L. « Faut-il humaniser la procédure d’expulsion ?, Les Echos du logement, 1998, 149
29 J.P. Torhout, 27 juin 2000, JJP, 2005, p 87.
30 La loi reprend ainsi l’amendement n° 17 proposé conjointement par MM. Erdman et Santkin, Doc. Parl,
Sénat, session 1997-1998, 1-926/4, p. 40 : « A cet article, insérer, in fine de l’avant dernière phrase de l’article
1344 proposé après les mots ‘circonstances d’une gravité particulière’ les mots ‘notamment les possibilités de
reloger le preneur dans des conditions suffisantes respectant l’unité, les ressources financières et les besoins de
la famille, en particulier en hiver ».
31 Proposition du 8 juillet 2003 déposée par Mme Laloy et M.Mahoux, Doc.Parl, Sénat, sess extr 2003, 3-28
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Elle prévoit également que toute mesure d’expulsion doit être précédée
d’une information préalable du C.P.A.S et des organismes de défense des
droits des locataires.
A cet égard, le Sénat32 a affirmé dans son avis rendu le 15 février 2006,
que la communication de la requête à un organisme de défense des
locataires semblait difficilement concevable dans la mesure où de tels
organismes sont des personnes morale de droit privé oeuvrant à la
défense d’intérêts particuliers, contrairement au C.P.A.S qui est une
institution publique tenue à certaines obligations, dont celle de discrétion.
De plus, selon le Sénat, la communication d’une pièce de procédure
appartenant au bailleur à un organisme de droit privé sans que ledit
bailleur puisse s’y opposer semble contraire aux article 8 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 22 de la Constitution
garantissant le respect du droit à la vie privée.
Pour le surplus, cette nouvelle proposition tend à donner une forme
concrète au droit au logement mais risque de se heurter aux mêmes
critiques déjà formulées lors de l’analyse de la proposition déposée en
2001 (atteinte au droit de propriété, précarisation de certains propriétaires
vivant de leurs revenus locatifs,…)
En effet, certains auteurs33 soulignent que l’exemple français (la
proposition s’inspire en effet largement de la législation française)
démontre que la clause hivernale a pour effet de susciter un
endormissement des populations intéressées et de l’administration, au lieu
d’être mise à profit pour trouver une solution de relogement du preneur.
D’autres craignent que les bailleurs se lancent dans une course à
l’expulsion avant et après la trêve hivernale ou procèdent à une expulsion
manu militari, sans décision de justice34.
De plus, il est à noter que cette proposition ne contient aucune mesure de
nature préventive mais n’intervient qu’au stade de la procédure judiciaire.
Certaines mesures pourraient être envisagées comme celle consistant à
imposer de prendre en considération les diligences et les démarches que
le preneur justifie avoir accomplies en vue de son relogement depuis le
début de la procédure judiciaire. A l’instar des deux amendements
proposés par Messieurs Vandenberghe et Bourgeois lors de l’élaboration
de la loi de 199835, pourquoi ne pas imposer pendant la période au cours
de laquelle l’expulsion ne peut être exécutée, d’indemniser le bailleur. Le
preneur serait redevable d’une indemnité d’un montant équivalent au
loyer et le C.P.A.S. visé à l’article 1344ter du Code judiciaire serait
solidairement responsable du paiement de l’indemnité dans les cas où le
32 Doc.parl., Sénat, session 2005-2006, 3-28
33 G.Benoit, « le bail de résidence principale », la Charte, Ed.2006, 496
34 L. Tholome, « Vers une réforme de la loi sur l’humanisation des expulsions : un emplâtre sur une jambe de
bois ? », Echos log 2001, p 94-96
35 Projet de loi du 8 juillet 1998, Doc. Parl, Sénat, session 1997-1998, 1-926/4, p. 30.
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preneur ne disposerait pas de ressources suffisantes au sens de la loi 26
mai 2002 sur le droit à l’intégration sociale.
Section IV : Le sort des biens
La loi du 30 novembre 1998 ne concerne pas seulement le Code Judiciaire
mais modifie également les dispositions générales du Livre III du Code
Civil concernant les différentes manières dont on acquiert la propriété. En
l’occurrence, il s’agit d’une modification de la loi du 30 décembre 1975
concernant les biens trouvés en dehors des propriétés privées ou mis sur
la voie publique en exécution de jugements d’expulsion36.
L’article 1344quinquies du Code judiciaire dispose désormais :
« Lors de la signification d’un jugement ordonnant une expulsion, visée
à l’article 1344ter, § 1er, l’huissier de justice notifie à la personne que
les biens qui se trouveront encore dans l’habitation après le délai légal
ou le délai fixé par le juge seront mis sur la voie publique et à ses frais,
s’ils encombrent la voie publique et que le propriétaire des biens ou ses
ayants droit les y laisse, qu’ils seront, également à ses frais, enlevés et
conservés durant six mois par l’administration communale, sauf s’il
s’agit de biens susceptibles d’une détérioration rapide ou préjudiciables
à l’hygiène, à la santé ou à la sécurité publiques. L’huissier de justice
mentionne dans l’exploit de signification qu’il a fait cette
communication ».
Les nouveaux principes peuvent se résumer ainsi :
– les biens se trouvant encore dans les lieux loués, après l’expiration du
délai d’un mois ou du délai fixé par le juge, seront mis sur la voie
publique ;
Par ce moyen de pression, le législateur a souhaité que le preneur
prenne les devants en évacuant à temps ses biens mobiliers des lieux
loués.
– à défaut pour le preneur de les retirer, ils sont enlevés et conservés
pendant six mois par l’Administration communale, à l’exceptions des
biens susceptibles de détérioration rapide ou préjudiciable à l’hygiène,
qui seront vendus.
L’huissier de justice qui procède à l’exécution peut convenir avec la
commune de faire directement transporter les biens en un lieu désigné
par la commune, lorsqu’il est certain que le propriétaire abandonnera
ces biens et que l’encombrement ou l’atteinte à l’environnement serait
contraire à la bonne administration de la commune.
36 M.B. 17 janvier 1976
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La loi impose à présent aux administrations communales, déjà
chargées auparavant de conserver les biens trouvés en dehors des
propriétés privées ou mis sur la voie publique en exécution d’un
jugement d’expulsion, de délivrer gratuitement au propriétaire des
biens enlevés, un extrait du registre de ces biens .
Il convient de souligner que la commune est responsable de la
conservation des biens recueillis, et ce en tant que dépositaire de ces
biens.
– Les frais d’enlèvement et de conservation resteront à charge du
locataire. Les administrations communales peuvent ainsi subordonner
la restitution des biens au payement préalable des frais.
Notons que l’article 1344quinquies du Code judiciaire est également
applicable au mobilier insaisissable. L’Administration communale ne
bénéficie toutefois d’aucun du droit de rétention sur celui-ci et ne pourra
donc soumettre la restitution des biens insaisissables visés à l’article
1408 du Code Judiciaire au paiement de ce type de frais.
La circulaire du 1er décembre 200637 prenant la forme d’un Protocole-cadre
entre le SPF Intérieur et la Chambre national des huissiers de justice
précise que « l’huissier de justice a, pour sa part, l’obligation d’avertir le
plus tôt possible et au moins 10 jours ouvrables à l’avance, le service de
police concerné, en la personne du chef de zone ou de son délégué, ainsi
que le service communal compétent avec l’obligation pour ces deux
derniers d’adresser leur réponse à l’huissier de justice instrumentant dans
les cinq jours ouvrables de la réception de la demande ».
Chapitre II : la dignité par le (re)logement à travers le prisme de
la loi sur l’humanisation des expulsions
La loi du 30 novembre 1998 sur l’humanisation des expulsions affirme sa
filiation avec le droit constitutionnel au logement. Celui-ci est l’une des
composantes d’un autre droit constitutionnel fondamental, celui de « mener une
vie conforme à la dignité humaine ».
Si la notion de « dignité » est demeurée pendant de longues années, éloignée
du droit, son application législative et jurisprudentielle semble lui promettre un
avenir certain. D’une part, l’article 23 de la Constitution indique clairement au
législateur fédéral et régional la voie à suivre et d’autre part, l’augmentation du
nombre de décisions fondées sur le droit de mener une vie conforme à la
dignité humaine devient progressivement significative.
37 M.B. 29 décembre 2006
– 13 –
Section I – Rappel des sources
Les sources internationales
Le « droit au logement » est consacré par différents instruments juridiques
internationaux. Les diverses sources internationales en la matière sont
l’article 25 de la Déclaration universelle des droits de l’homme ; l’article 11
du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ;
l’article 16 de la Charte sociale européenne ; les articles 3 et 8 de la
Convention européenne des droits de l’homme ; l’article 27 de la
Convention relative aux droits de l’enfant et l’article 7 du Règlement
européen n° 1612/68 du 15 octobre 1968.
Les sources internes
L’article 23 de la Constitution dispose que : « Chacun a le droit de mener
une vie conforme à la dignité humaine. A cette fin, la loi, le décret ou la
règle visée à l’article 13438 garantissent, en tenant compte des obligations
correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et
déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent
notamment : (…) 3° le droit à un logement décent ».
L’article 23 de la Constitution consacre tout d’abord un principe général, le
droit au respect de la dignité humaine. Il confie ensuite aux législateurs
l’élaboration des dispositions pour le concrétiser. Enfin, il énumère ce que
contient le principe général, et notamment le droit à un logement décent.
Le droit au logement devient donc un élément constitutif du droit de mener
une vie conforme à la dignité humaine, auquel le législateur a souhaité
donner corps.
Une protection constitutionnelle du droit au logement n’entraîne cependant
pas nécessairement une réalisation concrète de ce droit : l’implémentation
légale, décrétale ou réglementaire reste déterminante. Essentiellement
morale et symbolique à l’origine, la portée de cet article ne va cesser de
s’accroître39, atténuant au fil du temps la tension relevée par la
jurisprudence entre l’interprétation maximaliste – droit autonome – et
minimaliste – déclaration de principe – de ce droit.
Section II – les fondements
Le droit de mener une existence conforme à la dignité humaine constitue le
noyau central de tous les droits sociaux fondamentaux. Un tel droit a été
présenté par le constituant comme un objectif que les pouvoirs publics
38 Il s’agit des décrets et ordonnances édictées par les Régions.
39 L. Ingber, « De l’égalité à la dignité en droit : de la forme au contenu », Mélanges offerts à P. Van
Ommeslaghe, Bruylant, 2000, pp. 905 et ss.
– 14 –
doivent atteindre lorsqu’ils élaborent leur politique relative aux droits
sociaux fondamentaux.
Le principe fondé sur la dignité humaine est demeuré pendant de longues
années plus proche de la morale et de l’honneur que du droit proprement
dit40. C’est au terme d’une lente évolution que le Constituant a fini par
élever les droits économiques, sociaux et culturels au rang de droits
constitutionnels.
Les études relatives au droit au logement privilégient à une définition
stricte, un aperçu global de ce droit ou encore des données empiriques
relatives à la situation réelle du logement.
Reconnu comme un droit socio-économique fondamental, le droit au
logement se rattache à la définition générale des droits fondamentaux
définis comme étant « un ensemble de droits subjectifs qui ont pour objet
de garantir les conditions essentielles pour vivre dignement en tant
qu’individu et s’épanouir en toute liberté »41.
Ce droit est défini en premier lieu comme l’un des « besoins vitaux les plus
élémentaires de l’être humain »42.
Des termes aussi variés et imprécis que « convenable », « suffisant »,
« adéquat »43, « décent » sont utilisés pour définir le contenu du droit au
logement décent. Ce constat induit une approche subjective des
composantes de ce droit qui ne sont que le reflet de l’état d’esprit d’une
société à un moment précis
Le droit au logement regroupe souvent les mêmes composantes, à savoir
« le droit à un logement de son choix dans un environnement sain, d’une
bonne qualité, à un prix abordable, assorti d’une sécurité de logement »44.
D’autres composantes ou éléments sont également retenus. Ainsi, l’accès
au logement ; la sécurité de logement – en d’autres termes, l’élimination du
risque de la perte du logement – ; la stabilité de l’habitat ; le paiement d’un
loyer abordable ou justifié ; la salubrité, l’habitabilité la sécurité du
logement ; l’adéquation des moyens d’existence ; la présence
d’infrastructures domestiques minimales telles que l’eau courante,
l’électricité, le chauffage, les sanitaires, l’aération ; le caractère familial du
40 L. Ingber, op.cit., 911
41 B. Hubeau, « Le droit au logement, un droit social fondamental », Aménagement-Environnement, 1996, n°
spécial, p. 276.
42 Doc. Parl., Sénat, sess. Extr. 1988, n° 100-10/5°, 12 (proposition ARTS).
43 Elément proposé par la « Vlaamse Wooncodecommissie » en 1994 lors de l’élaboration d’un nouveau Code du
Logement pour la Région flamande.
44 Définition proposée en 1979 par le groupe de travail baptisé « Initiatiefgroep Huurwetgeving » et regroupant
plusieurs organisations locatives, voyez : B. HUBEAU, « Le droit au logement, un droit social fondamental »,
Aménagement-Environnement, 1996, n° spécial, p. 278.
– 15 –
logement45 sont autant d’éléments charnières de la réalisation du droit au
logement.
Section III – Conséquences sur les procédures d’expulsion
Une des composantes du droit au logement est nécessairement méconnue
dans les hypothèses d’expulsions : la sécurité de logement ou, en d’autres
termes, « la garantie d’obtenir l’usage d’une habitation adaptée aux
besoins personnels, de continuer à occuper cette habitation aussi
longtemps que cette dernière correspond aux besoins personnels et, avec
la même garantie de permanence, d’obtenir une autre habitation lorsque le
changement de circonstances le rend souhaitable ; la qualité de la dite
habitation doit correspondre au niveau de l’évolution sociale »46.
Selon les concepteurs de l’article 23 de la Constitution, c’est en vain qu’un
particulier pourrait revendiquer devant les cours et tribunaux la réalisation
concrète du droit à un logement décent, à défaut de mesures législatives
en définissant le contenu juridique47.
De nombreux auteurs se rallient à la thèse du caractère impératif non
immédiat ou des effets indirects.
En revanche en France, le droit au logement est une règle de valeur
constitutionnelle consacrée par une loi, ce qui permet de le mettre en
balance sur un pied d’égalité avec le droit de propriété
La portée de ces prétentions particulières sur base de l’article 23, alinéa
1er, dépendra toutefois de l’appréciation du juge.
Hésitante dans un premier temps, la jurisprudence a évolué, reconnaissant
à l’article 23 de la Constitution une valeur normative autonome et, partant,
des effets directs immédiats.
Bien plus que symbolique, la reconnaissance constitutionnelle de la dignité
humaine a permis au droit fondamental du logement d’avoir une assise
concrète. L’action actuelle des organes sociaux présente des garanties
d’effectivité.
Le Professeur Nicolas Bernard synthèse de manière magistrale ces
évolutions jurisprudentielles et doctrinales et s’engage résolument vers une
réelle effectivité du droit à la dignité par le biais du droit au logement48.
45 B. Hubeau, « Le droit au logement, un droit social fondamental », Aménagement-Environnement, 1996, n°
spécial, p. 278.
46 B. Hubeau, « Le droit au logement, un droit social fondamental », Aménagement-Environnement, 1996, n°
spécial, p. 278.
47 B. Hubeau, « Le droit au logement, un droit social fondamental », Aménagement-Environnement, 1996, n°
spécial, p. 284.
48 N. Bernard, « le droit constitutionnel au logement comme arrière plan indissociable du droit au bail », IN le
bail de résidence principale, La Charte, 2006, 28
– 16 –
Plusieurs jugements et ordonnances, concernant tant le parc immobilier
privé que public, témoignent de cette tendance à considérer la dignité
humaine comme un droit fondamental ne pouvant rester lettre morte, à
défaut de mesures législatives :
– Par une ordonnance du 11 mai 1994, le président du Tribunal de
première instance de Namur a infligé au bourgmestre de Namur une
interdiction d’exécuter un ordre d’expulsion à la suite d’une déclaration
d’insalubrité d’une habitation, au motif que l’article 23 de la Constitution
fait naître des droits subjectifs pour le citoyen qui doivent être respectés
par les pouvoirs publics49.
– Par un jugement du 15 février 1995, le juge de paix du canton d’Uccle
s’est basé sur l’article 23 de la Constitution pour refuser une résolution
du bail et pour accorder un plan de remboursement au locataire pour le
paiement de ses arriérés de loyer50.
– Par un jugement du 6 mars 1995, le juge de paix du canton d’Ixelles a
décidé, se basant sur le droit fondamental à un logement décent et du
respect de la dignité humaine, qu’il fallait attendre la fin de l’hiver pour
permettre à une personne âgée de déménager dans les conditions qui
répondent à la dignité humaine51.
– Par un jugement du 3 décembre 1997, le juge de paix du 2ème canton
d’Ixelles a jugé que : « l’article 23 de la Constitution de 1994 garantit à
la fois le droit au logement et le droit d’être traité conformément à la
dignité humaine. Compte tenu des circonstances particulières du
locataire (grand âge, faibles revenus et occupation des lieux depuis
1967) du fait que le renon litigieux a été donné pour travaux, et que
l’hiver approche, il y a lieu d’allouer un délai de grâce pour pouvoir
quitter les lieux ainsi qu’une indemnité d’occupation égale au montant
du dernier loyer »52.
– Par un jugement du 10 octobre 2000, le juge de paix de Grâce-
Hollogne s’est basé directement sur l’article 23 de la Constitution afin
de prononcer d’office la nullité d’un contrat de bail portant sur un
logement qui, dès la conclusion du bail et au moment de l’entrée en
jouissance, était insalubre et dangereux au point de ne pouvoir
héberger des personnes dans le respect de leur intégrité et de leur
dignité humaine, ceci de façon inaméliorable eu égard à la volonté et
aux facultés du propriétaire. Il a ainsi jugé que : « En donnant au
preneur par l’alinéa 4, de l’article 2 des règles particulières précitées
(Loi du 13 avril 1997 modificative des règles particulières aux baux
49 Prés. Trib. Namur, réf., 11 mai 1994, Dr. Quart Monde, 1995, n° 7, note J. FIERENS.
50 J.P. Uccle, 15 février 1995, inédit, R.G. n° 3.470, cité par B. HUBEAU, « Le droit au logement, un droit social
fondamental », Aménagement-Environnement, 1996, n° spécial, p. 285.
51 J.P. Ixelles, 6 mars 1995, inédit, R.G., n° 9.560, cité par B. HUBEAU, « Le droit au logement, un droit social
fondamental », Aménagement-Environnement, 1996, n° spécial, pp. 285-286, R.G.D.C., 1996, p. 296..
52 J.P. Ixelles, 3 décembre 1997, Act.jur. baux, 1998, p. 57.
– 17 –
relatifs à la résidence principale) la faculté d’exiger l’exécution des
travaux nécessaires ou de demander la résiliation du contrat avec
dommages et intérêts, le législateur de 1997, tenu de donner efficience
à l’article 23 de la Constitution, ne peut avoir laissé dans le commerce
l’exploitation de taudis qu’il s’agit précisément de combattre »53.
– Le juge de paix d’Uccle a rendu une décision54 pour le moins
audacieuse en ordonnant à la Régie foncière bruxelloise de reloger un
particulier qui occupait sans titre, ni droit un immeuble appartenant à
l’Etat belge. Cette décision se fonde essentiellement sur l’article 23 de
la Constitution. Le juge de paix a ainsi jugé que « dans la mesure où la
doctrine et la jurisprudence reconnaissent au droit au logement décent
consacré par la Constitution la nature d’un droit subjectif,
particulièrement à l’égard des institutions chargés de l’aide sociale, il
appartient aux autorités publiques concernées de conjuguer leurs
efforts et d’agir ensemble afin qu’une solution alternative concrète soit
proposée à la défenderesse en vue de son relogement »
– Par ailleurs, la jurisprudence du Conseil d’Etat55 indique que lorsque le
bourgmestre ordonne l’évacuation d’un logement pour cause
d’insalubrité, il doit tenir compte de la situation des habitants et de leurs
possibilités de trouver un autre logement.
– Se fondant sur la situation précaire du locataire ainsi qu’à la mission de
service public de la société bailleresse, le juge de paix de Courtrai56 a
jugé que lorsque la résiliation du bail pour cause de retard de paiement
s’accompagnait de l’évacuation de l’habitation, la société bailleresse est
tenue de procéder au relogement des occupants.
Dans tous ces litiges, l’article 23 de la Constitution a été reconnu comme
un moyen de contrôle et de correction à l’égard des dispositions du droit
relatives aux baux à loyer dans des situations sociales inacceptables.
On peut toutefois observer que c’est surtout à l’égard des pouvoirs publics
que la jurisprudence considère le droit au logement comme étant un droit
subjectif opposable
Certaines décisions dénient cependant encore tout effet horizontal à
l’article 23 de la Constitution. En témoigne la motivation d’un jugement
récent du 30 juin 2000, rendu par le juge de paix de Verviers : « Attendu
que les effets directs de cette reconnaissance constitutionnelle du droit au
logement sont contestés (…). Attendu que selon la doctrine et la
jurisprudence majoritaires, les droits économiques et sociaux contenus
dans l’article 23 de la Constitution ne sont pas directement applicables aux
relations entre particuliers, ceux-ci ne pouvant se fonder sur cet article qui
53 J.P. Grâce-Hollogne, 10 octobre 2000, Les Echos du Logement, n° 1, février 2001, p. 14.
54 J.P d’Uccle, 16 avril 2007, J.L.M.B., 2007, 1007
55 N. Bernard, « Motivation et conséquences sur le plan administratif d’un arrêté d’inhabitabilité », in La lutte
contre les logements insalubres à Bruxelles », Bruylant, 2004, p.94 et suiv
56 J.P Courtrai, 2 janvier 2001, R.G.D.C., 424
– 18 –
ne leur consacre pas de droit subjectif (en l’espèce, au logement). Attendu
que selon l’alinéa 1er de l’article 23 de la Constitution « chacun a le droit de
mener un vie conforme à la dignité humaine » (…) cet alinéa crée un droit
subjectif directement applicable ». Que la mesure d’expulsion (de gens de
voyage) ne pourrait qu’entraîner, une situation contraire à cette dignité
humaine puisque cette expulsion aurait pour effet de générer une situation
d’errance ».57
L’article 3 du Code bruxellois du logement concrétise sans ambigüité ce
droit constitutionnel à un logement décent en stipulant que « chacun a droit
à un logement décent. A cette fin, les dispositions qui suivent tendent à
assurer à tous, dans les conditions fixées par le présent Code, l’accès à un
logement répondant aux exigences minimales de sécurité, de salubrité et
d’équipement ».
C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat considère l’expulsion d’un
logement comme un risque de préjudice grave et difficilement réparable
justifiant la suspension d’une décision du Bourgmestre de fermeture d’un
immeuble et de résiliation d’un bail58.
CHAPITRE III : LES EXPULSIONS DANS LE LOGEMENT SOCIAL
ET LE PARC PUBLIC
Il est majoritairement admis que le parc immobilier public, en ce compris les
SISP, sont soumis au régime général en matière de bail pour tout ce qui n’est
pas expressément pris en charge par les règlementations régionales.
A ce sujet, en Région bruxelloise, l’article 33 du bail-type annexé à l’arrêté du
26 septembre 1996 tel que modifié par l’arrêté du 19 février 2004 et par
l’arrêté du 06 mars 2008 stipule que « la loi relative aux contrats de louage est
applicable au présent contrat dans la mesure où il n’y est pas dérogé par la
législation et la réglementation spécifique à la Société du Logement de la
Région bruxelloise et à ses sociétés immobilières de service public ainsi que
par les dispositions du présent bail qu’elle ne prohibe pas ».
En d’autre terme, le droit commun s’applique à tout ce qui n’est pas réglé par
le régime de location sociale ou par ses arrêtés d’exécution ; ce qui est le cas
des mesures d’expulsion à une nuance près : la circulaire ministérielle
imposant un moratoire hivernal.
Il s’agit d’une circulaire prise le 16 octobre 2000 par le Secrétaire d’Etat au
Logement de la Région de Bruxelles-Capitale interdisant aux SISP de
procéder à des expulsions entre le 1er décembre et le 28 février. Son objectif
était d’encadrer l’exécution des jugements d’expulsion, d’éviter tout expulsion
« sèche », de garantir aux locataires que de réelles tentatives de médiation et
57 J.P. Verviers II, 30 juin 2000, Les Echos du Logement, n° 4, octobre 2000, pp. 119 et suiv.
58 C.E., 16 juillet 2004, n°133.979, Echos du Logement, 2005, 212
– 19 –
d’accompagnement social seraient effectués avant qu’une SISP ne procède à
une expulsion59.
Ce souci de faire coïncider les conditions locatives du parc privé et du parc
public social en matière d’expulsion rejoint une préoccupation de la Cour
européenne des droits de l’homme, laquelle a récusé, dans son arrêt Larkos c.
Chypre les discriminations qui ne s’appuieraient pas sur une justification
spécifique60.
On ne manquera pas de rappeler également que Cour européenne des droits
de l’homme a décidé, au sujet d’une expulsion dans l’habitat social, que
« toute personne risquant de perdre son domicile doit pouvoir faire déterminer
par un Tribunal indépendant la proportionnalité de la mesure en question »61.
Certains juges cantonaux et Tribunaux de Première Instance vont même
jusqu’à consacrer le principe de «pas d’expulsion sans relogement » :
– se fondant sur la situation précaire du locataire ainsi que la mission de
service public de la société bailleresse, le juge de paix de Courtrai62 a jugé
que lorsque la résiliation du bail pour cause de retard de paiement
s’accompagnait de l’évacuation de l’habitation, la société bailleresse est
tenue de procéder au relogement des occupants ;
– dans l’affaire du « squat du 103 Boulevard de Waterloo », le juge de paix
du 2ème canton de Bruxelles63 estime qu’ « on pourrait concevoir une
modalisation de la mesure d’expulsion qui serait subordonnée à un
relogement effectif à charge d’une bailleresse qui serait par ailleurs une
autorité publique compétente en matière de logement » ;
– Le juge de paix d’Uccle 64 ordonne à la Régie foncière bruxelloise de
reloger un particulier qui occupait sans titre, ni droit un immeuble
appartenant à l’Etat belge. Le juge de paix a ainsi jugé que « dans la
mesure où la doctrine et la jurisprudence reconnaissent au droit au
logement décent consacré par la Constitution la nature d’un droit subjectif,
particulièrement à l’égard des institutions chargés de l’aide sociale, il
appartient aux autorités publiques concernées de conjuguer leurs efforts et
d’agir ensemble afin qu’une solution alternative concrète soit proposée à la
défenderesse en vue de son relogement »
Le Code bruxellois du logement met en exergue cette doctrine et
jurisprudence reconnaissant au droit au logement décent consacré par la
Constitution la nature d’un droit subjectif et ce au travers de divers droits et
obligations :
59 A. Hutchinson, le moratoire hivernal dans le parc social bruxellois, D.Q.M., n°34, 2003, pp.39
60 CEDH, arrêt Larkos c. Chypre du 18.02.1999, Rec. 1999-I, p.531, § 31
61 CEDH, arrêt Mc Caan c. Royaume Uni du 13.05.2008
62 J.P Courtrai, 2 janvier 2001, RGDC, 424
63 J.P. Bruxelles, 2ème canton, 14 novembre 2006, RG. 2129/06
64 J.P d’Uccle, 16 avril 2007, J.L.M.B., 2007, 1007
– 20 –
– les autorités publiques doivent examiner les possibilités de relogement
avant de procéder à des expulsions décidées en application du Code
(article 17 al.2) ;
– les locataires, obligés de quitter un logement qui ne respecte pas les
exigences de sécurité, de salubrité et d’équipement, ont un droit d’accès
prioritaire aux logements gérés par les pouvoirs publics (article 17 al.1er ) ;
– les logements concernés par le droit de gestion publique devront être
prioritairement proposés aux locataires expulsés des habitations ne
répondant pas aux normes minimales de sécurité, de salubrité et
d’équipement (article 21 par. 2, al .2) ;
– un fonds budgétaire régional de solidarité est créé dans le but d’assurer
aux expulsés le montant pour couvrir les frais de déménagement ou
d’installation et le coût de la nouvelle garantie locative (article 16, par 1er ).
Il y a lieu toutefois de noter que ces différentes options de relogement ne
trouveront à s’appliquer que dans l’hypothèse où le logement a fait l’objet
d’une visite (suivie d’une fermeture) par les Services d’inspection régionale,
chargés de vérifier la conformité des lieux loués aux règles régionales de
qualité.
Il n’en demeure pas moins que dans le cadre du parc locatif public, il
conviendra d’être particulièrement attentif à ce que le principe du relogement
soit compatible avec les principes constitutionnels d’égalité de traitement et de
non discrimination ainsi qu’avec les règles objectives de priorité gouvernant
l’octroi des habitations sociales. Dans ces limites, on ne perdra pas de vue
qu’au-delà de la situation particulière du locataire, se retrouve la mission de
service public assumée par les SISP. Il est donc parfois de l’intérêt général
d’expulser un locataire en défaut de paiement de loyer au motif que ce
manquement contractuel risque de fragiliser la santé financière de la SISP
elle-même, ce qui affaiblirait à son tour l’aptitude du bailleur social à accueillir
des ménages défavorisés à l’avenir65.
Dans ce contexte, la Région flamande est la plus progressive et s’inspire
grandement du système français en prévoyant expressément que lorsque
l’exécution d’une décision relevant de l’objet social d’une société de logement
social requiert l’expulsion du logement, son auteur est tenu de reloger les
occupants dans les conditions fixées par le Gouvernement flamand66.
65 Bernard, N. et Lemaire, L., le bail de logement social à Bruxelles et en Wallonie, Larcier, 2009, p.386 ; J.P.
Marchienne-au-Pont, 1991, J.L.M.B., 1993, 1161
66 Article 26 du Code flamand du logement
CHAPITRE IV : REFLEXIONS CRITIQUES
Section I. : L’effectivité du droit face à l’hermétisme de la terminologie juridique
Comme il a été exposé au chapitre 1er, des délais de rigueur ont été instaurés
au profit du preneur qui ne souhaite pas que le C.P.A.S. territorialement
compétent soit informé de l’introduction d’une procédure en expulsion à son
encontre.
Il y a toutefois lieu de s’interroger sur la pertinence de ces délais au regard de
l’article 22 de la Constitution consacrant le droit au respect de la vie privée.
Est-il vraisemblable de supposer que le locataire sujet à une expulsion mette
en oeuvre dans le délai restreint de deux jours, la possibilité qui lui offerte de
sauvegarder à l’égard du C.P.A.S. (avec lequel il pourrait avoir des intérêts
divergents) son droit au respect de sa vie privée ?
N’était-il pas paradoxal que face à la grandeur des principes consacrés aux
articles 22 et 23 de la Constitution, le législateur ne se soit pas penché sur le
détail concret de la mise en oeuvre du droit à l’information du justiciable ?
Face à l’hermétisme linguistique des exploits d’huissier et des plis judiciaires,
ne faudrait-il pas revoir tout le système de signification ou de notification d’un
acte introductif d’instance aussi important qu’une demande d’expulsion ?
Le poids des traditions et le caractère comminatoire rencontrés dans la
rédaction des exploits d’huissier et des plis judiciaires empêchent bien
souvent les auxiliaires de la justice de faire preuve de pédagogie dans la
communication de l’information judiciaire. La Chambre Nationale des Huissiers
de Justice a toutefois entamé depuis quelques années une réflexion positive
privilégiant le vocabulaire courant à la terminologie juridique traditionnelle.
Dans l’attente d’une réglementation consacrant cette évolution, il appartient au
monde associatif et politique de se donner les moyens de combler cette
carence législative.
Section II. : L’exécution du jugement d’expulsion
La matière de l’expulsion est régie par le principe selon lequel un jugement
comportant une condamnation à une obligation autre qu’une somme d’argent
est exécutoire dès la signification, même s’il n’est pas exécutoire par
provision.
La loi du 30 novembre 1998 a pour principal effet de retarder l’exécution du
jugement d’expulsion d’un mois sauf exceptions.
– 22 –
Ce moratoire dans l’exécution d’un jugement d’expulsion est toutefois mis à
mal chaque fois que le locataire assigné ne comparaît pas à l’audience et se
laisse condamner par défaut. Un tel jugement par défaut devient
extrêmement dommageable à l’égard du locataire qui se voit ainsi priver
juridiquement de toute possibilité de se maintenir dans les lieux dans l’attente
d’un jugement contradictoire.
En effet, l’application stricte de l’article 1402 du code judiciaire ne permet pas
au juge d’appel ou sur opposition de surseoir à statuer à l’égard d’un tel
jugement exécutoire.
La réparation en nature par le biais de la réintégration dans le logement
duquel il a été expulsé est matériellement impossible, contraignant ainsi le
locataire qui triompherait dans sa procédure sur opposition à se contenter
d’une réparation par équivalent.
Afin d’éviter de telles iniquités, ne conviendrait-il pas de recommander aux
juges cantonaux de ne pas faire droit à ce type de demande d’exécution
provisoire à l’égard de locataire défaillant ?
Section III. : La lutte contre les exclusions en France : un modèle pour la
Belgique ?
La loi française du 29 juillet 1998 a institué un vaste programme et un projet
audacieux visant à rassembler en un seul corps de normes, des mesures
destinées à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif aux droits
fondamentaux dans les domaines aussi divers que ceux du logement, de la
santé ou encore de l’emploi67.
Le législateur s’est ainsi engagé sur la voie de la prévention en choisissant de
combattre à la base les diverses causes d’exclusions.
Cette loi française contient différentes mesures destinées à assurer l’effectivité
des droits sociaux et traite des questions aussi diverses que :
– l’emploi,
– le logement,
– les soins de la santé,
– la lutte contre le surendettement,
– le maintien des personnes en difficulté dans leur logement,
– l’octroi de moyens d’existence,
– la promotion du droit à la culture, à l’éducation et aux loisirs,
– la création d’organes de contrôle et de coordination des politiques de
lutte contre les exclusions à la fois au plan national et au plan local.
67 Loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, Journal Officiel de la
République française du 31 juillet 1998, pp. 11679 et s.
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Le législateur manifeste clairement par ce biais l’interdépendance et le
caractère indissociable des droits fondamentaux de la personne.
En matière de logement, il convient de rappeler qu’en France le droit au
logement est une règle de valeur constitutionnelle consacrée par une loi.
En effet, la loi 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement
opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale
désigne l’Etat comme garant du droit au logement dans les conditions qu’elle
prévoit.
La mise en oeuvre de cette garantie s’appuie sur un recours amiable devant
une commission de médiation et à défaut de solution, un recours contentieux
devant le tribunal administratif. Ces recours sont ouverts aux personnes
résidant sur le territoire français de façon régulière et qui ne peuvent accéder
par leurs propres moyens à un logement décent et indépendant.
La loi prévoit la création d’un comité, de suivi de la mise en oeuvre du droit au
logement qui a pour principale mission de formuler toute proposition relative à
la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Il est également chargé
d’élaborer chaque année un rapport destiné au Président de la République, au
Premier Ministre et au Parlement.
Tout récemment, la loi dite loi « Boutin » sur la mobilisation pour le logement
et la lutte contre l’exclusion publiée au Journal Officiel le 25 mars 2009 a
modifié certaines dispositions du Code de la construction et de l’habitation en
matière d’expulsion.
La loi prévoit notamment que le juge des référés ou le juge de l’exécution,
peut accorder des délais aux occupants de locaux d’habitation ou à usage
professionnel, dont l’expulsion est ordonnée judiciairement, chaque fois que le
relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.
Ce délai ne peut être inférieur à un mois ni supérieur à un an.
Le régime antérieur prévoyait quant à lui un délai minimum du sursis à
exécution des décisions judiciaires d’expulsion de trois mois et un délai
maximum de trois ans.
La loi impose également la notification de l’assignation aux fins de constat de
résiliation du bail ou de prononcé de la résiliation du bail au préfet par huissier
de justice par lettre recommandée avec avis de réception, à peine
d’irrecevabilité, quel que soit le motif de la demande de résiliation. Un délai
d’un mois est instauré entre la notification de l’assignation au préfet et
l’audience afin de permettre au préfet d’informer les services compétents,
notamment les organismes chargés du service des aides au logement et le
fonds de solidarité pour le logement
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Section IV. : La procédure de conciliation : une solution préventive ?
Le caractère éminemment humain du contentieux locatif s’accommode sans
trop de difficulté de l’instauration d’une procédure de conciliation en cas de
procédure d’expulsion.
Ce passage facultatif par la conciliation a le mérite de permettre au juge de
jouer un rôle actif et préventif dans la résolution du litige. A ce stade la
procédure, un plan de règlement des arriérés de loyers pourrait adéquatement
et dans le respect des deux parties permettre un dénouement rapide et
humain du conflit locatif.
L’article 1344septies nouveau du Code Judiciaire tel qu’il a été modifié par la
loi du 18 juin 200868 consacre ce mode alternatif de résolution des conflits
sans pour autant l’imposer aux parties. Il s’agit naturellement d’une avancée
importante sur le plan symbolique lorsqu’on se souvient que la loi programme
du 24 décembre 2002 avait introduit l’article 1344septies du Code judiciaire en
imposant tant au locataire qu’au bailleur, l’appel en conciliation obligatoire
devant le Juge de Paix comme préalable à toutes demandes visant à obtenir
l’adaptation du prix du loyer, le recouvrement des arriérés de loyers et
l’expulsion.
Dans cette lignée et se fondant sur le Rapport général sur la pauvreté, qui
préconisait une procédure de conciliation extra judiciaire, devant des
commissions locatives composées de manière paritaire, il y a lieu de relever le
projet pilote consistant à installer des Commissions Paritaires Locatives pour
régler les conflits locatifs quels qu’ils soient sur le territoire de la Ville de
Bruxelles, de Gand et de Charleroi. On regrettera cependant que ce projet,
soutenu par le Fédéral, fut circonscrit à certaines villes et limités dans le
temps (2005-2006).
L’originalité de ce projet consistait pourtant à réserver une place centrale à la
médiation telle qu’elle est organisée par la loi du 21 février 2005 sur la
médiation.
La chambre de conciliation et d’arbitrage de Nivelles en matière immobilière
constitue également une belle illustration de cet idéal de conciliation. Il
convient d’ailleurs de souligner que tant le Syndicat des Locataires que le
Syndicat National des Propriétaires y participent activement.
Permettre aux justiciables de se réapproprier le différend qui les oppose,
favoriser la justice négociée plutôt que décidée, promouvoir l’accès au droit et
à la justice : telles sont les lames de fond qui animent parfois les mentalités du
monde judiciaire et de la société civile.
Face aux résultats peu encourageants de la procédure de conciliation
préalable et facultative devant le Juge de Paix, les associations de première
68 M.B. 14 juillet 2008
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ligne s’occupant des conflits locatif, devraient songer à proposer aux
personnes qui les consultent de s’adresser préalablement à des médiateurs
civils ou des organismes professionnels qui promeuvent, dans un cadre
neutre, la solution des litiges par des techniques de négociation raisonnée69.
Dans un tel contexte les avocats peuvent également jouer un rôle très positif.
Rapidité, confidentialité et accessibilité des coûts, sont les maîtres mots de
ces médiateurs et de la Commission fédérale de Médiation qui les agréé.
Les statistiques nous enseignent qu’une fois que les parties s’accordent pour
aller en médiation, 80 % des affaires aboutissent à une solution négociée et
équilibrée. Partant de ces résultats plus que satisfaisants, on peut se
demander pourquoi les locataires et les propriétaires sont tellement réticents à
utiliser pareille voie alternative à la justice traditionnelle. La réponse se trouve
sans doute essentiellement dans un déficit d’information que nous souhaitons
modestement combler par cet article.
Une solution simple et efficace ne serait-elle pas d’insérer dans les contrats de
location, une clause invitant les parties à tenter une médiation, avant de porter
les litiges devant les juridictions cantonales ?
Outre les questions de loyer et d’expulsion, les charges, l’état du bien loué et
les devoirs respectifs des parties pourraient ainsi, en aval du litige, être
évoqués avec efficacité en ce qu’elles se fonderaient sur une convention
librement consentie.
Les expériences française, néerlandaise ou québécoise ont montré la voie…
aux locataires et aux propriétaires de prendre leur destinée en mains ; et dans
un même temps, aux associations de défense des locataires et propriétaires
d’encourager le législateur à se réemparer du problème.
69 A titre d’exemples : B.B.M.C., avenue Louise, 500 à 1050 Bruxelles, Tél. : 02 643 78 33 ou la Chambre de
conciliation et d’arbitrage de Nivelles en matière immobilière, Tél. : 067 2147 96
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CONCLUSIONS
La loi du 30 novembre 1998, aussi modeste soit-elle, tend à donner une forme
concrète à l’un des droits de l’Homme les plus fondamentaux, le droit au
logement.
L’humanisation des expulsions, liée directement au droit au logement, soulève
un problème plus profond lié à la crise du logement et à la paupérisation de la
société.
A l’évidence, la loi sur l’humanisation des expulsions ne suffit pas à
concrétiser de manière optimale le droit au logement.
Le droit naturel du logement en tant que facteur d’intégration sociale est à la
base du droit constitutionnel au logement décent qui ne trouvera à se réaliser
complètement qu’à travers la consécration du droit au relogement.
Ce pas semble avoir été en grande partie franchi par une jurisprudence
encore minoritaire qui n’hésite pas à reconnaître une obligation de relogement
dans le chef des pouvoirs publics et dans une moindre mesure de bailleurs
privés.
Afin d’éviter une polarité par trop manichéenne dans ce type de conflit et de
réellement replacer l’humain au centre des débat, il nous paraît essentiel de
redonner aux parties le pouvoir de décider par elles-mêmes et pour ellesmêmes.
En cela, les modes alternatifs de résolution de conflits, tels la
médiation et dans une moindre mesure la conciliation permettraient aux
parties de s’accorder volontairement, sereinement et sous le sceau de la
confidentialité sur les modalités pratiques de leur rupture.
CE TEXTE ECRIT POUR LE RBDH EST PUBLIÉ SUR NOTRE SITE AVEC L’AIMABLE ACCORD DE Me O. MORENO