des champs électromagnétiques
Sciences – Santé Pourquoi dénombre-t-on de plus en plus de personnes devenues hypersensibles aux ondes (3 à 4% en Belgique) ? GSM, WiFi, câbles haute tension… causent-ils des risques de cancer, d’Alzheimer, d’autisme ou d’une faible fertilité ? Cancérologue et spécialiste internationalement reconnu des effets des champs électromagnétiques sur la santé, le Professeur Dominique Belpomme est l’Invité du samedi de LaLibre.be. Il dénonce « La gravité du déni politique » et « une corruption idéologique » en matière de santé.
Le Docteur Dominique Belpomme est professeur de cancérologie à l’Université Paris-Descartes (Paris V), auteur d’ouvrages scientifiques*, membre de plusieurs sociétés savantes internationales et président de l’ARTAC (Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse). Il dirige à Bruxelles l’ECERI, L’Institut Européen de Recherche sur le Cancer et L’Environnement.
Commençons par la base : c’est quoi des champs électromagnétiques ?
Un champ électromagnétique comporte un champ électrique et un champ magnétique. Si vous faîtes passer un courant électrique dans un fil, l’aiguille aimantée d’une boussole placée à côté est déviée par le champ magnétique induit par ce courant. Chez les êtres vivants, on retrouve de faibles courants électriques naturels capables de générer des « ondes de dépolarisation », nécessaire au fonctionnement du système nerveux et du cœur. Il y a donc dans l’organisme de faibles champs magnétiques naturels. En outre dans chaque être vivant, qu’il soit homme, bactérie ou abeille, on a des récepteurs aux champs électromagnétiques naturels, les magnéto-récepteurs. Ils permettent aux oiseaux migrateurs de se diriger sur de longues distances.
Ce sont les champs électromagnétiques artificiels qui posent problème, comme ceux émis par des GSM, réseaux wifi…
Les ondes artificielles perturbent les champs électromagnétiques naturels et leurs récepteurs. Étant donné que leur intensité est plus forte et qu’elles sont polarisées et pulsées, celles-ci sont capables d’induire des lésions tissulaires importantes. Notre organisme n’est aucunement adapté à ce type d’ondes unidirectionnelles et pulsées. A cela s’ajoute le fait que le spectre électromagnétique contient schématiquement deux types de rayonnements : ceux de très haute fréquence, tels que les ultraviolets B, ou les rayons X qui créent de la chaleur par ionisation des molécules; autrement dit qui sont ionisants et thermogènes; et ceux de fréquence moindre, qui ne le sont pas, mais qui sont en réalité tout autant toxiques. Or ce sont eux qu’on utilise actuellement dans les technologies sans fil (GSM, Wifi, etc…) et qui donc posent problème.
La toxicité des ondes thermogènes est connue depuis des décennies…
Certainement, mais les normes actuelles ne tiennent compte que de leurs effets toxiques. Les champs électromagnétiques (non thermogènes) utilisés par les technologies sans fil peuvent altérer la matière vivante en produisant des radicaux libres, autrement dit des molécules ou fragments de molécules extrêmement réactives et donc toxiques, dans le cadre de ce qu’on appelle un stress oxydant. Or on sait qu’un tel stress génère une inflammation chronique dans les tissus et que celle-ci peut être à l’origine de cancers, en particulier de tumeurs du cerveau et de leucémies, ou même de maladie d’Alzheimer. A cela s’ajoute le risque d’une diminution de la fertilité masculine, voire féminine, et ce qu’on appelle désormais l’électrohypersensibilité, en cas d’exposition prolongée aux champs électromagnétiques. Les données de la toxicologie et de la biologie démontrent que les ondes non thermogéniques sont tout autant nuisibles pour l’organisme.
Pourquoi de plus en plus de personnes deviennent-elles hypersensibles aux champs électromagnétiques ?
La première hypothèse est innée, génétique. Chez les 1.500 patients electrohypersensibles (EHS) que j’ai investigués cliniquement et biologiquement, – il s’agit de la plus grande série mondiale -, il y a manifestement des formes familiales. Ce qui suggère la possibilité que certains gènes de susceptibilité interviennent. La deuxième hypothèse est acquise, épigénétique. Elle concernerait la plupart des malades atteints d’une telle pathologie. Ici, c’est l’exposition continue aux ondes et les modifications induites dans les cellules, au niveau de certaines protéines constituant ce qu’on appelle l’épigénome, qui seraient en cause. De telles altérations protéiniques seraient en effet capables de modifier l’expression des gènes de certaines cellules de notre cerveau et ainsi conduire à la production de protéines proinflammatoires. Il en résulterait la genèse au sein du cerveau d’une neuro-inflammation à l’origine de l’électrohypersensibilité.
En clair, l’exposition continue à un champ électromagnétique peut rendre hypersensibles ?
Même si l’intensité de l’exposition est faible, sa continuité la rend toxique. L’abaissement du seuil de tolérance qui en résulte explique que les personnes EHS ne puissent tolérer que des champs électromagnétiques de très faible intensité. Ils auront donc des symptômes (maux de tête, acouphènes, vertiges, picotements et /ou fourmillements dans le corps, perte de mémoire, troubles de l’attention et de la concentration, insomnie, fatigue, etc.) pour les niveaux d’intensité d’ondes promus par notre société. En l’absence de traitement et de protection, ces personnes pourraient au fil du temps, devenir intolérantes à l’ensemble du spectre électromagnétique, soit aussi aux très basses fréquences (lignes à haute tension, appareils ménagers, etc.).
Une fois le cerveau atteint, est-ce réversible ?
Biologiquement, certaines structures du cerveau sont atteintes par la neuro-inflammation, notamment le système limbique et le thalamus, la première étant située à la partie interne des lobes temporaux, et la seconde à la base du cerveau. Or, l’inflammation au niveau de ces structures, rend compte de la plupart des symptômes observés. Ceux–ci sont cliniquement en partie réversibles, à condition de suivre un traitement et surtout qu’on lui associe un sevrage électromagnétique le plus complet possible. Par contre, en l’état de nos connaissances, l’électro-hypersensibilité elle-même, c’est-à-dire la sensibilité aux ondes persiste. Au total, grâce aux progrès réalisés, c’est près de 70% des malades qui sont aujourd’hui nettement améliorés par les traitements, mais il est essentiel d’y associer une protection électromagnétique tous azimuts.
Certains scientifiques sont moins catégoriques que vous et mettent en doute votre raisonnement…
Il est vrai qu’un certain nombre de contradicteurs, travaillant à la solde des opérateurs, tiennent un tout autre discours. Mais la bulle mensongère qu’ils ont créée de toutes pièces est en train de crever auprès du corps médical et du grand public. Il y a aujourd’hui des malades qui n’existaient pas avant l’essor des technologies sans fil. Il faut bien qu’il y ait une cause à leurs maladies ! En réalité, il y a de la part des pouvoirs administratifs et politiques un véritable déni face aux données scientifiques actuellement disponibles en raison des importants intérêts économiques en jeu. C’est de la corruption idéologique ! La communauté médico-scientifique internationale, à l’abri de toute pression politico-économique, n’émet aucun doute sur mon message.
Dans le monde ‘sans fil’ actuel, comment les personnes hypersensibles peuvent-elles se protéger ?
Les traitements permettent d’amoindrir les symptômes cliniques et de normaliser les anomalies biologiques, ce qui doit permettre d’éviter la survenue d’un cancer et surtout d’une maladie d’Alzheimer. En pratique, les malades EHS doivent se protéger en supprimant l’utilisation à l’oreille des téléphones portables (les oreillettes ne sont pas protectrices car elles font « antennes », il vaut mieux utiliser le haut-parleur) ; en supprimant l’usage des téléphones sur socle et supprimer la WiFi. Ces mesures s’appliquent de facto à l’ensemble du public, en particulier aux jeunes. Les malades EHS doivent se vêtir de tissus anti-ondes au niveau de la tête et du thorax et envisager la dépose de leurs amalgames dentaires métalliques, car ceux-ci peuvent faire antenne et donc amplifier l’effet toxique des champs électromagnétiques.
Vous leur recommandez de se blinder chez eux ?
Ces patients doivent protéger leur domicile des antennes relais, éoliennes ou câbles électrique, c’est-à-dire le transformer en cage de Faraday à l’aide de peintures et tissus anti-ondes. Mais parfois, ces mesures ne suffisent pas et il est impératif de déménager. Les malades le comprennent bien, malgré l’impact financier et social que cela représente. C’est pourquoi il faut insister sur les lourdeurs sociétales qui sont la conséquence de l’électrohypersensibilité : perte d’emploi, rupture dans le couple, déménagements itératifs, appauvrissement, parfois misère extrême, tous ces facteurs pouvant être à l’origine de dépression parfois sévère.
Bref, autant prévenir ou agir dès les premiers signes d’intolérance ?
C’est indispensable. Il ne faut par exemple jamais se faire implanter des amalgames dentaires métalliques. Vous imaginez l’impact de ces ‘petites antennes’ chez les enfants ? Ils risquent de voir se développer à l’âge adulte des signes d’électrohypersensibilité. Les enfants ne doivent en aucun cas utiliser un téléphone portable avant l’âge de 12 ans, car leur croissance n’étant pas terminée, leurs neurones et autres cellules cérébrales sont extrêmement vulnérables à toute forme d’agressions environnementales. Il faut donc prendre des mesures drastiques dans les écoles : interdire la WiFi et l’usage des tablettes, bannir l’utilisation des GSM, faire de la prévention… Les ados ne doivent pas utiliser leur GSM plus de 20 minutes par jour, et par séquences de 6 minutes, et favoriser les sms (maximum 20 par jour).
Le fœtus est-il encore plus vulnérable face aux ondes ?
Les femmes enceintes ne devraient qu’exceptionnellement utiliser leurs portables. Soyons clairs, il est très grave de mettre la WiFi dans l’environnement d’un fœtus ou enfant. Les autorités politiques ont ici une énorme responsabilité. À force de nier le rôle délétère sur la santé des champs électromagnétiques, on finit par condamner nos enfants à devenir malades. Aux États-Unis, une étude démontre que 10% des jeunes ont une baisse de 5 à 7% de leur QI. C’est catastrophique au plan sanitaire et économique.
Mais rien ne démontre que les ondes soient LA cause de ces statistiques !
Dans cette étude, il n’y a pas de preuve que les troubles observés soient causalement liés aux champs électromagnétiques. Outre les champs électromagnétiques, plusieurs autres facteurs environnementaux, telle une intoxication par le mercure, ou une contamination par des pesticides, interviennent. Plusieurs centaines d’articles publiés dans les meilleures revues scientifiques internationales démontrent que les troubles cognitifs et comportementaux actuellement observés chez les adolescents sont d’origine environnementale. En Europe, aujourd’hui un enfant sur 68 naît autiste, là aussi, les champs électromagnétiques seraient en cause. Une vingtaine d’études épidémiologiques démontrent l’existence d’un lien associatif entre l’exposition à des champs électromagnétiques et l’apparition d’une maladie Alzheimer.
Les champs électromagnétiques seraient donc une des causes de la maladie d’Alzheimer?
On peut l’affirmer sans risque de se tromper qu’elle est bien liée aux champs électromagnétiques ! C’est une folie de construire une maison ou un lieu public à proximité d’une ligne à haute tension ou d’une antenne relais, ou de généraliser la wifi partout. Etant donné que les personnes EHS ne peuvent pas y accéder, c’est même devenu un acte antidémocratique. La généralisation du wifi dans les lieux publics risque d’accroître le nombre de sujets EHS. Le déni politique actuel témoigne d’une véritable hérésie au plan scientifique. C’est un séisme planétaire qu’il faut désormais redouter. C’est bien plus grave que les effets néfastes de l’amiante. Sans doute ne doit-on pas être catastrophiste, mais en Europe, c’est 3 à 10% des sujets qui seraient atteints d’électrohypersensibilité. Que fait-on de ces malades ? Et des 35 millions d’individus atteints de maladie d’Alzheimer dans le monde : ils ne tombent pas du ciel… Les preuves existent, et on les trouve dans les publications scientifiques ! A condition de les lire. Or malheureusement, c’est « Circulez, il n’y a rien à voir… » !
Entretien: Dorian de Meeûs
*Comment naissent les maladies. Et que faire pour rester en bonne santé, par Dominique Belpomme
Les liens qui libèrent, 2016, 418 p., 23,80 euros.