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vendredi 27 novembre 2020

Le prix de l'odeur

 Vous connaissez les histoires de Nasrudin? Celle ci se passe dans cet Orient mythique du Moyen Age.

Un badaud, trop pauvre pour s'offrir de la viande, se contente, pour calmer sa faim, de renifler le fumet s'exhalant du brasero d'un marchand de brochettes, en mangeant son pain. Exaspéré par ce manège, celui-ci prétend lui faire payer l'odeur. Le badaud refuse, s'indigne et fait tinter aux oreilles du marchand quelques piécettes en lui déclarant : "Nous sommes quittes..."



dimanche 20 mai 2018

La sagesse de Nasreddin Khodja

“Un jour, un pauvre qui n’avait qu’un morceau de pain à manger le passa au-dessus d’une viande en train de griller pour en capter le fumet. Le marchand qui faisait cuire la viande lui réclama un dinar comme “prix de l’odeur”. Mais le mendiant refusa. Les deux hommes choisirent Nasreddin Khodja comme arbitre.
   Le sage écouta attentivement les arguments de chacun, puis il sortit un dinar de sa poche et le laissa tomber.
   -Marchand, dit-il, as-tu entendu le bruit de cette pièce tombant à terre?
   -Oui, bien sûr!
   -Eh bien, considère que le bruit de cette pièce est le paiement de l’odeur de ta viande !!”

samedi 19 mai 2018

Le chercheur

Le chercheur cherchait. 
Au bout de bien longtemps, 
il découvrit 
qu'il ne trouverait rien. 
Alors il s'arrêta de chercher, 
pour vivre 
tout simplement, 
sans inquiétude aucune. 
C'est alors 
que ce qu'il avait cherché
 si longtemps
 le trouva. 
Il avait juste laissé la porte ouverte...


mercredi 25 mars 2015

Condamné à dire oui à l'aide


Sylvie et Corinne étaient en voiture, tranquilles. Elles avaient parlé déjà ce matin de ce qui venait de se passer, de cette histoire à rebondissements, de cette soirée si particulière où elles avaient quasiment sauvé Michel qui aurait été bien mal en point si elles n’avaient pas fini par le trouver près du feu dans la forêt. Il y a trois jours elles ne le connaissaient pas, ou si peu pour Corinne, et aujourd’hui elles allaient le retrouver dans une chambre anodine d’un hôpital…


Il y a des jours où l’on sait quoi faire mais où l’envie n’est pas là, et puis il y a des jours, plus rares sans doute, où l’on ne sait rien de rien mais où l’envie de vivre cet inconnu est plus fort que tout, comme si on désirait plonger soi même dans cet océan de nouveautés dont le fond nous parait lumineux, comme si une étincelle secrète de notre pauvre vie venait d’être allumée par des instances mystérieuses mais rassurantes. Une confiance libérante s’installe alors en nous, et malgré nous. Un plus fort que nous, où notre petit moi se sent pris par la main. Une énergie nouvelle s’empare de notre vie, sans que nous fassions le moindre effort. Dans cette dynamique il y a une tranquillité, une curiosité du vivant, presque une joie profonde.


Les champs, les villages, cet espèce de grand ouvert synonyme de liberté, puis la ville et ses panneaux, ses feux, ses mirages, cet espace de conformisme indispensable et réconfortant pour tant de monde. Peu de circulation, heureusement, se dirent-elles. Il restait à trouver l’hôpital, cette maison de l’hospitalité, dont le sens s’est perdu progressivement, pour devenir une sorte de laboratoire de la conservation ou de la guérison. L’accueil, les explications, les escaliers, les couloirs, les infirmières, les lits, l’ambiance d’un autre monde entre la vie et la mort ou croiser des regards nous renvoie presque à une forme de malaise comme s’il était inscrit sur les murs.
Heureusement elle n’allait pas voir une personne en fin de vie…
Elles frappèrent à la porte, entendirent un « oui, entrez », et virent Michel sur le lit, souriant.
- Comment vous sentez-vous ?
- Hier soir, c’était l’inconscience de mon état, et la joie de m’en être sorti, là maintenant, je sais que cela va être long de récupérer, et si je me sens tiré d’affaire, j’ai du mal à me laisser aller.
- Vous avez mal ?
- Pas vraiment, je me sens un peu ankylosé, une partie de l’énergie de mon corps est momentanément absente. C’est curieux, cette absence prend une certaine place en fait, car elle est inhabituelle.
- Vous en savez plus que ce matin au téléphone ?
- Non. Il faut du repos, ne pas bouger. Peut être pourrais-je sortir dans deux ou trois jours, avec des béquilles bien sûr !
- Vous pensez vraiment que ce sera possible ?
- Pourquoi pas, l’autre jambe tient. Il ne faudra pas que je bouge de trop.
- On verra le moment venu, mais je suis à côté et pourrais venir vous aider.
- Oui, merci Corinne. Je sens bien que je suis condamné à dire oui à l’aide qui se propose dorénavant, enfin pas trop longtemps j’espère…
- C’est un apprentissage comme un autre, dit Sylvie.
- Un peu de gâteau en attendant ?
- Avec plaisir.

dimanche 22 mars 2015

J'ai du mal à dire oui


Etendu sur la civière, Michel ne pouvait voir le paysage défiler, seulement le plafond banal de l’ambulance. Il n’y avait qu’à attendre. Mais en réalité il pouvait voir les pensées qui défilaient à la place du paysage. Ces deux derniers jours semblaient bien mystérieux, comme si la vie avait décidé de l’emmener dans un voyage dont il ne savait pas la destination, ni le parcours. Une rencontre qui se répète, une ballade qui se termine en calvaire, et maintenant direction l’hôpital. Il revoyait le visage de Sylvie. Une attirance qui se renforçait chaque jour, chaque demi-journée,… Mais comment cela pouvait-il se faire ? Qu’est-ce qui était en jeu ? Quelles énergies méconnues se mettent tout d’un coup en branle pour en arriver là ? Pourquoi cette chute, ce genou qui lâche, … ce je-nous qui lâche ? Il resta perplexe.


La ville, la sirène pas indispensable, mais que les ambulances utilisent si facilement, l’hôpital, le déchargement, puis le roulement dans les couloirs jusqu’à une chambre d’attente. La visite d’un médecin, l’auscultation, la radiographie… Il raconte comment c’est arrivé, puis comment il s’est trainé. Le médecin n’en croit pas ses oreilles. Le diagnostic est sévère : lésion au ménisque, tendon abimé. Il faut du repos, du repos, du repos !
- On va vous garder deux jours, et on verra après.
Puis il est conduit dans une chambre, seul, heureusement se dit-il. Pas de repas de Noël, pas de réunion chaleureuse, juste une chambre d’hôpital, quelconque comme on sait les faire ici, mais efficace pour la gente médicale et ses normes hygiénistes. On lui donne des médicaments. Puis il s’endort.


Il est réveillé par la sonnerie du téléphone. Le temps d’émerger, de découvrir qu’il n’est pas chez lui, puis de comprendre qu’il est dans un hôpital, de chercher le téléphone…
- Allo, Michel ?
- Oui…
- C’est Sylvie ! Alors comment ça va ?
- Je suis bloqué pour deux jours minimum, le genou est abimé.
- On peut passer vous voir, n’est-ce pas ?
- Vous êtes sûre que vous n’avez rien de plus intéressant à faire ?
- Si j’étais à votre place, une visite me ferait bougrement plaisir !
- J’ai du mal à vous dire oui, mais cela me ferait plaisir c’est vrai.
- Je viens après manger, avec un dessert.
- Ohhh…

- A tout à l’heure.
- Oui, merci.

dimanche 15 mars 2015

Il se sentait fragile, comme impuissant

Michel répondit. Elle entrouvrit la porte.
- Comment allez-vous ce matin ?
- Je crois que je ne peux pas bouger.

- Vraiment ?


- J’ai dormi, sans bouger, et puis ce matin en me réveillant j’ai senti que je ne pouvais plus bouger ma jambe.


- Voulez-vous que je vous aide à vous asseoir dans le lit, peut être que cela va réveiller l’énergie.


- Je ne sais pas, je me demande s’il ne faut pas appeler une ambulance, car cela n’a pas l’air de s’arranger. Il me faut sans doute un diagnostic précis.


- C’est comme vous voulez, mais cela me semble normal que le corps soit dans l’incapacité de bouger après votre chute et une nuit immobile. Il faut tout réveiller. Voulez-vous un thé en attendant ?


- Oui, merci.


- Il est prêt.


Sylvie revint avec un plateau de petit déjeuner. Corinne amena des coussins, et toutes deux tirèrent Michel pour l’asseoir sur le lit. Ce fut laborieux et non sans grimaces.


- Je peux mettre ma main sur votre genou, pour sentir ?


- Si vous voulez, mais allez-y doucement.


Elle posa sa main le plus délicatement possible. Il fallait créer le contact, laisser la main sentir, laisser les énergies passer. Au bout d’un moment elle sentit la chaleur, puis quelque chose de bloqué, de raide.


- Que sentez-vous ?


- Ca fait du bien, je sens que le genou et le haut de la cuisse se réveillent, mais je sens aussi la fragilité.


- Oui, il y a une fragilité.


Au bout d’un moment elle dit qu’elle pensait effectivement à faire faire un diagnostic.


Ils appelèrent les urgences pour demander une ambulance. On leur dit qu’elle serait là dans un peu moins d’une heure.


- Voici une drôle de journée de Noël ! dit Michel. Je suis désolé de perturber votre emploi du temps.


- Et nous, nous sommes désolées de vous voir ainsi ! Ne vous inquiétez pas pour nous. Voulez-vous que l’on prévienne quelqu’un ?


- Oui il faudrait joindre mes amis. Pour mes proches, j’attends encore un peu.


- Votre fils habite loin ?


- Oui, je l’appellerais plus tard, quand je saurais à quoi m’en tenir.


- L’hôpital est à quarante kilomètres environ, je veux bien vous accompagner afin de savoir ce qu'il en est, et on avisera ensuite.


Michel ne répondit pas, il était touché, il était à la merci de tout ce qui se présentait. Il se sentait fragile dans son corps, comme impuissant, et il sentait bien que quitter sa maison, ou celles de ses amies, pour une chambre d’hôpital, le jour de Noël qui plus est, était une aventure dont il se serait bien passé. Hormis la question de la gravité de son état, c’était la découverte tout d’un coup de la dépendance. Ce n’était pas son habitude.


Sylvie comprit que sa non réponse était un questionnement intérieur pour lui.


- Je ne vais pas laisser tomber quelqu’un qui me tient la porte d’un magasin, dit-elle en riant.


- Qui aurait pu imaginer ?


- Sinon on passe cet après-midi.


- Je ne sais vraiment pas quoi dire…


- Je prends ça pour un oui. Avez-vous besoin de prendre quelque chose avec vous ?


- Un livre ou deux pour passer le temps.


- Je vous en choisis, ou voulez-vous que j’aille en chercher chez vous ?


- Je vous fais confiance.



Bientôt l’ambulance arriva. Les deux hommes s’occupèrent de Michel, habitués qu’ils étaient à porter secours en toute circonstance. Il fallut juste passer la civière par la fenêtre, car c’était moins douloureux pour lui de rester en position étendue. Michel découvrit ce que c’était d’être porté, étendu, complètement passif. Il n’y avait rien d’autre à faire que de laisser faire justement. Quelque chose s’éteignait.

- Vous nous tenez au courant et on passe cet après-midi, d’accord ?


- Entendu.


Et l’ambulance démarra.


samedi 28 février 2015

D'où vient la force et que réclame le coeur?

Michel ressentait au plus profond la chaleur bienveillante qui régnait dans la maison, l’accueil simple et chaleureux, la douceur de la température, le fait d’avoir mangé chaud, les bougies, la lumière et les ombres, la musique qui touche le cœur. Comme la vie peut être miraculeusement fantastique après avoir été précipitamment fragile. Michel goûtait à cette saveur si particulière d’avoir vécu les deux aspects côte à côte. Que venait lui dire la vie ? Seul, tu peux t’en sortir, mais n’est-ce pas mieux de s’en sortir avec l’autre ? Seul, tu peux vivre des moments forts quand tu te mets en danger et que tu te sors les tripes pour te sauver, mais n’est-ce pas plus touchant dans le profond de l’être de s’en sortir grâce à l’autre?


L’orgueil est une force, mais peut-on se passer de l’humilité ?


D’où vient la force et que réclame le cœur ? Le besoin d’aide n’est-il pas un cri du cœur de l’âme égarée ? La paix qui peut s’ensuivre n’est-elle pas plus accessible quand l’ego diminue ? Se laisser aller à ce qui est donné n’est-ce pas un plus grand pas vers la simplicité que l’on croit chercher volontairement ? O, ne plus vouloir, pourquoi cela semble t-il si difficile ?



La musique s’arrêta. Un silence commença.

Le silence qui suit quand les cœurs sont touchés, quand les esprits se sont tus, quand la vibration de la vie à l’intérieur des êtres ne réclame rien d’autre que sa propre écoute. Le simple bonheur d’être à l’écoute de ce qui est. Le si simple… quand il est là, sans s'être présenté...



- Comment vous sentez-vous ?

- Je crois que je suis incapable de me relever. Quelque chose s’est ramolli. C’est une sensation assez nouvelle pour moi.


- Voulez-vous que l’on vous aide à vous coucher ?


- Oui, c’est sans doute le moment.


Michel essaya de se lever, mais n’y arriva pas. Toutes ses forces semblaient parties. Il leur fallut pas mal d’efforts pour l’aider à se lever, à s’appuyer sur elles et à l’aider à marcher jusqu’à la chambre.


Ce n’est pas tant qu’il avait mal, mais plutôt une fragilité insoupçonnable qui obligeait une dépendance. Quand le physique est touché, ce n’est pas si évident de rester neutre à l’intérieur. Il y a une affectation quelque part. Michel était avec ça maintenant. Mais son besoin de sommeil était plus fort, et c’était sans doute tant mieux. Laisser le corps prendre les choses en main est parfois la meilleure solution. Récupérer l’énergie qui nourrit tout l’être. Juste dormir…



La nuit fut froide car une gelée matinale avait envahi la campagne. La maison silencieuse attendait le lever de ses occupants.
Corinne et Sylvie s’étaient levées et préparaient le petit déjeuner.

- Je vais aller voir comment s’est passé la nuit de notre ami, dit Sylvie.


Elle frappa à la porte de la chambre de Michel.


jeudi 5 février 2015

Il y a beaucoup d'inconnu dans la vie


- Mais qui sait ce qui se passe en fin de compte, lorsque les choses arrivent ?

- Vous êtes en train de me dire qu’il y a beaucoup d’inconnu dans la vie, autour de nous ?


- Regardez…


- En ce moment oui, c’est flagrant.


- Les choses sont reliées les unes aux autres, c’est comme un chapelet. Nous, nous voyons les petites boules, nous ne voyons pas la petite chaîne qui relie les boules, cet invisible qui travaille dans l’ombre. Dans ce mécanisme qui nous dépasse, le petit a autant d’importance que le grand car le tout ne peut marcher qu’avec la participation de chacun des éléments. Il n’y a pas de petit ni de grand en fait, il y a un ensemble. La boite d’allumettes fait partie de l’ensemble.


- Tout a de l’importance alors ?


- Oui, et en même temps, tout arrive, quoiqu’on fasse.


- Vous ne voulez pas goûter de ma compote ? Elle est arrivée aussi !


Ils rirent. Corinne servit et ils se mirent à manger dans le silence revenu. Soudain le téléphone sonna. Corinne alla répondre. Sylvie tourna son regard vers Michel. Leurs yeux se croisèrent un moment, quelques secondes pour un échange subtil, bien plus profond que des mots. Un regard qui n’est que le reflet de cette chaîne qui relie, telle une connivence. Les mots ont leurs limites.


- C’était ma fille qui me souhaite un bon Noël, dit Corinne. Elle est avec des amis.


Le téléphone avait rompu la conversation. Elle reprit différemment, de façon plus superficielle.


- Hier soir on était dans le noir à cette heure-ci.


- Et si on mettait des bougies ?


Bientôt la pièce ne fut plus éclairée que par quelques bougies ici et là, certaines sur des bougeoirs d’autres, plus grosses, posées sur des meubles.


- Le feu est une présence en soi !


- Oui, il est réchauffant pour le corps et l’âme.


- Cela dut être un réconfort quand vous avez réussi à allumer le feu dans les bois.


- Oui, ce n’était pas gagné d’avance, mais ce fut bon, très bon même, surtout après m’être traîné jusque-là.


- Mais comment avez-vous pu faire ?


- Je ne sais pas. On parle de l’énergie du désespoir, mais en fait c’est le contraire, c’était une sorte de dernier espoir, le choix ultime qui me restait. Si je restais, personne ne m’aurait trouvé, j’aurais eu froid et le risque était grand. Rester était baisser les bras, devenir passif, alors que j’avais encore de l’énergie. Me traîner jusqu’au bois était certes risqué car je n’avais aucune assurance d’y arriver, mais c’était pour moi la seule solution à court terme. Je me créais un futur possible que je renouvelais à chaque effort. C’était dur, mais c’était espérant parce que j’agissais.


- Mais vous auriez pu vous arrêter en plein milieu, à bout de forces, ou à cause de la douleur.


- Oui, et c’est justement cette fameuse énergie qui est notre moteur. Et puis l’action empêche de penser, sinon on est fichu. Je me fixais des paliers visuels, ou je comptais mes pas, enfin ce que l’on peut appeler des pas. Quand ce que l’on affronte parait long, il faut voir petit, cela devient essentiel pour ne pas se laisser déborder par l’ampleur.


- Mon Dieu, quelle aventure !


- Oui, à deux pas de chez soi…


- Vous avez eu peur ?


- Curieusement pas vraiment. Par contre lorsque j’ai vu les feux de la voiture dans la nuit, je me suis accroché à l’idée qu’elle devait me voir. Je n’ai pas eu le temps d’avoir peur, mais ce n’était pas loin, car je savais bien qu’il n’y a quasiment personne à passer par là de nuit.


- On ne vous avait pas vu au début.


- Je me suis mis à penser très fort au conducteur pour qu’il voit le feu et en soit curieux,  j’ai appelé de l’intérieur pour qu'il s'arrête.
- On était aussi tendu vers vous, car on s’inquiétait.


- Quelle histoire incroyable ! On est voisins, on ne se connaissait pas ou quasiment, et voici que ces évènements tout à fait improbables ont lieu. Je n’en reviens pas.


- Oui, je n’arrête pas d’y penser. Je n’ai pas retrouvé encore la tranquillité.


- C’est bien normal.


mardi 3 février 2015

S'abandonner devant l'inconnu est une chose...


- Et comment va votre esprit maintenant ?

- Oui, bonne question ? Quand il se fait oublier, c’est qu’il va bien sans doute. Je ne suis pas complètement à l’aise avec tout ce qu’il vient de m’arriver. En même temps je n’ai rien fait de saugrenu. Je marche souvent, grimpe à droite à gauche, sans jamais avoir eu de difficultés. Mais on n’est pas à l’abri d’un moment d’inattention, et d’une chute, la preuve.


Dans ma vie plutôt tranquille, c’est l’échelonnement de tout ce qui s’est passé ces deux derniers jours qui m’interroge. Je serais arrivé dans la librairie une minute plus tôt ou plus tard, et rien de tout cela ne serait arrivé. Parfois la vie prend comme un tournant pour une histoire de quelques secondes. Il n’y a aucune liberté là-dedans. C’est incroyablement fascinant.


- Ce n’est pas plutôt le coup de la voiture qui a déclenché notre rencontre.


- Non, je crois que c’était à la librairie, puis au salon de thé. Un décalage d’une minute peut provoquer un autre décalage bien plus conséquent par la suite. Un quart d’heure, une demi-heure ou plus même. Vous n’auriez plus été dans votre voiture, tout devenait différent. La rencontre, l’invitation, la promenade, tout aurait changé. Il est impossible de savoir.


- Oui c’est vrai.


- Parfois je me dis que se lever une minute plus tôt ou plus tard peut changer des choses dans la journée, pas si on reste chez soi bien sûr, mais dès que l’on quitte le seuil de la porte, c’est l’inconnu qui commence sur lequel notre emprise n’est pas si grande.


- Et alors ?


- Je me sens petit dans cette histoire. Comme si la vie nous emmenait à nos dépens, pour apprendre à s’adapter. Adopter l’attitude à s’adapter, si je peux oser…


- Un accident oblige cette attitude on dirait, et ce n’est pas facile. On reproche souvent le changement comme si on ne pouvait vivre que dans le confort des habitudes.


- Oui, pourtant je crois que le confort est le début de la mort, car il est vite ennuyeux. Regardez la vie dans les pays où le confort est comme un but, les gens y sont de plus en plus tristes et insatisfaits. La vie est changement, il faut vivre avec assurance cette instabilité.


- Alors que pensez-vous du changement de maison ce soir ?


- Et oui, je suis bien pris au piège de mes conclusions. Je suis accueilli dans l’inconnu un soir de Noël. Pour moi, c’est une leçon extraordinaire. Il faut que je m’accueille moi-même dans cette forme de simplicité à laisser la vie faire son propre cours. S’abandonner devant l’inconnu est une chose, devant des inconnues en est une autre. Un enfant le fait plus facilement.


- Je trouve cette journée peu ordinaire mais riche, et si c’est la vie qui a tout organisé, comme vous dites, alors je dis merci à la vie. On est là, réunis, au chaud, et on parle de choses tout à fait inhabituelles, mais ô combien importantes finalement. C’est rare de rencontrer des gens qui abordent ces sujets. Ca me touche parce que je sens bien que le dire touche le vécu.


- J’ai de la compote, ça vous tente ?

Corinne se leva et alla chercher le dessert avec des gâteaux.


- Comment va votre genou ?


- Je sens que c’est mieux. La pommade et le massage ont fait chauffer la zone, mais ça se détend progressivement. Il y a longtemps que je n’ai pas passé une nuit dehors en hiver, mais je préfère être là.


- Vous me faites peur en parlant de nuit dehors, je n’ose pas imaginer.


- A vrai dire j’ai tout fait pour l’éviter.


- Heureusement que vous aviez des allumettes.


- Comme quoi laisser parfois des choses traîner peut aider.


- Vous avez une façon de parler, comme si tout pouvait servir à quelque chose, sans qu’on le sache vraiment.


- Mais qui sait ce qui se passe en fin de compte, lorsque les choses arrivent ?


 

samedi 31 janvier 2015

S'il n'y avait pas eu hier, sans doute qu'aujourd'hui eut été différent!

Il remonta son pantalon mais ne put atteindre le genou. Décidément il lui fallait encore de l’aide. Elles l’emmenèrent sur un lit, lui donnèrent une couverture.

- Voulez-vous que je vous passe la pommade ? proposa Sylvie.


- Je suis entre vos mains jusqu’au bout.


- C’est le soir de Noël, on va dire que c’est le dépouillement, après la lumière du feu dans la nuit. Vous fêtez ça à votre manière.


- Je ne visais pas si haut, enfin, je veux dire si bas !


- Oui, mieux vaut ne pas viser.


- Vous me dites si ça fait mal.


Ella avait les mains douces, elle savait manifestement y faire. Michel sentit son genou, puis sa jambe se détendre de plus en plus. Cela faisait à peine mal, mais surtout du bien en profondeur. L’os avait cogné dur, mais peut-être y avait-il quelque chose au niveau du ligament. On verrait demain…


- Comment ça va ?


- Mieux, vraiment mieux, je vous remercie.


- Voulez-vous que je regarde le dos ?


- J’ai l’impression que vous vous y connaissez un peu.


- Un peu, j’ai quelques notions de massage. Votre genou a été endolori, tout n’est pas détendu, mais je pense qu’il n’y a rien de grave. Il faut du repos absolu.


Il se tourna lentement. Elle mit un coussin sous la hanche pour ne pas faire peser le genou sur le lit, puis lui massa le bas du dos aussi délicatement que si c’était de la porcelaine, pour sentir où étaient les contractures. Michel se laissait faire une fois de plus. Ne pas penser…



 

Ils se retrouvèrent un peu plus tard auprès d’un repas chaud.

- Vous avez de la famille à prévenir ?


- Non pas pour le moment, autant leur laisser une soirée tranquille. Demain j’appellerais mes amis pour décommander ma venue.


- Vous voyez, je me sentirais quand même plus en sécurité dans une ville que tout seul à la campagne.


- Oui, vous avez raison, et pourtant vous m’avez retrouvé.


- Parce que vous aviez fait du feu et qu’il faisait nuit. Heureusement que vous aviez des allumettes, sinon vous passiez la nuit dehors !


- Oui c’est une chance, c’est complètement vrai.


- Vous vous  rendez compte que si on ne s’était pas rencontré, personne n’aurait su quoique ce soit et vous auriez pu rester là longtemps ?


- On peut refaire toute l’histoire différemment, mais à quoi bon. Dorénavant je garderais mon portable avec moi, c’est la leçon que j’en tire. Mais je crois que la vie est une suite de circonstances sur lesquelles nous ne pouvons rien. Si l’on regarde comment les choses sont arrivées, il faut louer notre rencontre puisque c’est ce qui a déclenché la suite. S’il n’y avait pas eu hier, sans doute qu’aujourd’hui eut été différent.


- C’est vrai, et je me sens troublée par tous ces faits qui se sont enchaînés.


Sylvie regarda Michel, ils se sourirent, presque timides.
- Je vous remercie de vous être inquiétées et de m’avoir cherché. Je mène une vie retirée, que j’ai choisie à priori, et là, au soir de Noël qui plus est, deux inconnues me tirent d’un mauvais pas dans la nuit, me sauvent en quelque sorte. J’ai été un idiot.


- Bienheureux les idiots ! dit Corinne en souriant.


- Peut-être faut-il faire quelques bêtises pour se faire aider à y voir plus clair ? ajouta Sylvie.


- Vous n’aviez pas assez marché ce matin ?


- Le corps oui, mais mon esprit non !


dimanche 25 janvier 2015

Que c'est dur d'être simple!

- J’ai glissé d’un rocher, je suis mal tombé, mon genou a pris un coup et j’ai mal au dos. Je ne peux pas m’appuyer sur ma jambe gauche. J’ai du ramper sur les fesses pour arriver ici et allumer du feu.


- Et vous n’aviez pas pris votre portable ?

- Non, je suis un sauvage qui compte sur sa bonne étoile !


- C’est quand même une sécurité aujourd’hui.


- Je n’ai pas l’impression que l’on était en insécurité avant.


- On va vous aider à marcher jusqu’à la voiture. Vous allez tenir ou il faut aller chercher de l’aide ?


- En m’appuyant sur vous et ma jambe valide, cela devrait aller. Il faut éteindre le feu.


Après avoir sécurisé le feu autant que possible, elles aidèrent Michel à se mettre debout. Il grimaça, mais se laissa faire. Chacune d’un côté, lui au milieu, les bras sur leurs épaules, ils marchèrent doucement jusqu’à la voiture. Il monta tant bien que mal devant. Tout s’était ralenti. Jusqu’à présent il s’était pris en charge, et cela avait fonctionné. Maintenant c’était elles qui se chargeaient de lui. Cela ne lui était pas arrivé depuis si longtemps d’être aidé à ce point, d’être dépendant en fait. Mais il était trop fatigué pour penser. Il se laissait aller.


Après avoir fait demi-tour, ce qui ne fut pas chose facile, entre les arbres et le manque de visibilité, ils prirent la direction de la maison.



- Que fait-on ? Comment vous sentez-vous ? On va vers la ville chercher un hôpital, on téléphone, on attend demain ?

- Je pense que cela devrait aller. Une nuit de repos et je verrais demain.


- Vous n’avez rien de cassé ?


- Non, je ne crois pas.


- Vous allez dormir à la maison, on ne peut pas vous laisser tout seul, vous êtes incapable de quoique ce soit.


- Je me sens comme un enfant qui a fait une bêtise, et n’ose plus rien faire. Je suis gêné.


- Qu’est-ce qui est le plus confortable : d’être gêné, ou de passer la nuit dehors ?
- ...


- On va s’occuper de vous.


- Vous m’avez tirée d’affaire avec la voiture, c’est à notre tour, sauf que c’est un peu plus grave.


- Il est plus facile d’aider que d’être aidé ! dit Michel.


- Tout est à vivre, non ?


- La vie nous laisse-t-elle le choix ?


Ils arrivèrent devant la maison de Michel. Il demanda que l’on ferme les volets, indiqua pour prendre des vêtements secs et chauds. Quelques minutes après, ils arrivèrent chez Corinne.


Il se laissa aider pour sortir et conduire à l’intérieur. Elles lui proposèrent un fauteuil, et s’occupèrent d’un repas chaud.



Il commença vraiment à lâcher intérieurement. Il était à l’abri, au chaud, entre des mains aidantes, et en bonne compagnie. Comme la vie est surprenante, se dit-il, combien la vie peut changer en quelques heures ! Qui eut pu imaginer cela encore hier matin ?

- Je crois que j’ai une pommade naturelle pour les chocs, je vais vous en donner.


- Oh merci, oui cela me fera du bien.


- Vous voulez un thé ou une tisane, en attendant le repas, ou une rasade de rhum peut être ? ajouta-t-elle en rigolant.


- Si vous avez du citron et du miel ce sera parfait.


- Je vous fais ça.



Quelques instants plus tard, Sylvie lui apporta une tasse bien chaude, la posa à côté de lui avec le citron et le miel. Il sentit tout d’un coup une autre femme, ou plutôt tout le côté maternel d’une femme. A moins que ce soit moi qui revit une impression d’enfance, pensa-t-il. A la fois c’était bon, doux, et en même temps, l’adulte en lui réagissait encore à se laisser faire. Que c’est dur d’être simple quand il n’y a rien d’autre à faire que de se laisser faire justement ! La solitude l’avait-il durci ? Manquait-il de pratique avec les humains finalement ? Il se laissait aller à tout ce qu’il ressentait. Juste laisser faire, au diable la tête. C'était la leçon du moment. Peut-être la grande leçon en vérité...

samedi 24 janvier 2015

Viens vers le feu

Michel vit au loin la lumière des phares dans la nuit. Qui ça pouvait être ? Et si c’étaient ses voisines qui le cherchaient ? En tout cas il fallait attirer l’attention pour que la ou les personnes en voiture viennent par ici. Mais que faire à part le feu ? Il ne servait à rien de crier car c’était trop loin, et la voiture couvrirait le son de sa voix. Une idée lui vint : se concentrer sur la voiture afin que le conducteur sente une demande de s’arrêter pour venir voir vers le feu. Il s’assit contre un arbre face à la route et fixa son attention sur le conducteur. Il répétait à chaque inspiration : « Viens vers le feu, je suis là, viens vers le feu, je suis là… »

La voiture semblait continuer son chemin, mais il répétait sans s’arrêter.


Sylvie et Corinne étaient bien dans la voiture. Elles étaient d’abord parties sur la route ne sachant où aller, puis avaient fait demi-tour.


- Il a du prendre un chemin quelque part !


- Oui, mais où et lequel ?


- On va rouler doucement, je regarde à gauche, toi à droite et on tourne au premier chemin.


Elles tournèrent à un moment, prirent le chemin qui s’arrêta bientôt pour un sentier. Elles descendirent, appelèrent, mais aucune réponse ne parvint à leurs oreilles.


- On va en essayer un autre.


Elles reprirent la route, et continuèrent doucement.


- Regarde, il y a une lueur là-bas, qu’est-ce que c’est ?


- C’est peut être un paysan qui fait du feu !


- A cette heure-ci ? On n’a rien vu à l’aller. Il faut aller voir.


- A condition de trouver un chemin pour y aller !


- On tourne au premier chemin sur la gauche.


Elles dépassèrent le niveau qui semblait le plus proche du feu. La route tourna légèrement et bientôt la lueur se fit évanescente.



Michel connaissait la route par cœur, et savait que la voiture pouvait disparaître avant que de trouver le chemin qui la rapprocherait d’ici. Il ferma les yeux tout en continuant son appel.

- Regarde, là, il y a un chemin. On y va !


Elles tournèrent et s’engagèrent sur un sentier à peine assez large pour une voiture. Bientôt elles revirent la lueur, puis le feu et la fumée s’élevant dans le ciel avec des étincelles.


- C’est dans les bois, c’est peut être un mégot de promeneur.


- Non pas en hiver, c’est certainement lui !


- Espérons-le.


Michel entendit le moteur de la voiture. Il rouvrit les yeux. Il vit les phares qui s’approchaient.


- Ca a marché ! dit-il. Des gens viennent vers ici...


La voiture s’arrêta à l’orée du bois. Elles descendirent et marchèrent en direction du feu.


- Ohé… cria Michel, ohé…


- Ohé, répondirent-elles. Elle ne pouvait reconnaître la voix qui criait, mais qui cela pouvait-il être d’autre ? C'est lui se dirent-elles.


Au bout d’une minute Michel vit deux ombres sur le sentier. Il devina que c’étaient elles.


- C’est vous Michel ? demanda Sylvie.


- Oui, c’est moi ! J’ai fait une chute.


Elles le découvrirent assis contre l’arbre. Michel sentit une autre chaleur lui étreindre le cœur.


- Mais que s’est-il passé ? Vous êtes blessé ?


lundi 19 janvier 2015

Une vraie lueur

- On s’est croisé trois fois hier de façon fortuite, je l’ai recroisé ce matin, et voilà qu’au moment d’un rendez-vous la rencontre ne se fait pas. C’est à n’y rien comprendre !

- Si la vie a un peu forcé les choses, alors nous devons à notre tour y mettre du notre.


- Mais que faire ?


- Il habite ici plutôt en solitaire, il doit avoir l’habitude de partir marcher dans les environs. Je propose d’aller à sa recherche. Il ne peut être loin.


- Mais où aller ?


- Ecoute on va prendre la voiture, on va suivre la petite route qui continue vers sa maison, et ensuite on ouvrira grand nos yeux et nos oreilles.


Elles reprirent la route en sens inverse. Arrivées devant la maison de Michel, elles continuèrent doucement tout en scrutant de part et d’autre ce que la nuit arrivant laissait entrevoir.



Michel peinait. Le sol était humide et froid. Par moment il était las, à bout de forces, à d’autres ses forces étaient décuplées de par sa volonté d’y arriver. Il avançait vers le bois qui n’était plus qu’à une cinquantaine de mètres. Au loin, il pouvait voir quelques lumières, venant de hameaux par delà les collines. Sa préoccupation était à propos de feu. Trouverait-il des branches suffisamment sèches au sol pour l’allumer? Avec la nuit qui s’était installée, ses yeux étaient devenus progressivement plus perçants. Il voyait les masses, les ombres, sentait les odeurs, tout son être était aux aguets avec une acuité rare. Soudain il entendit un bruit de voiture au loin. Il s’arrêta pour tenter de deviner la direction. Cela venait de la petite route qu’il avait quitté pour prendre le chemin qui venait vers le bois. Un bon kilomètre. Mais impossible de se faire repérer. Et crier ne servirait sans doute pas à grand-chose. Il fallait atteindre ce bois coûte que coûte. Cela lui prit encore dix minutes.


La nuit n’était pas trop sombre, bien que la lune ne soit pas encore levée. Par contre dès qu’il fut dans les sous-bois, l’obscurité monta d’un cran. En s’appuyant sur un arbre il essaya de se lever. Ce fut laborieux mais il y arriva. Marcher était cependant impossible sans soutien. Il regarda autour de lui s’il y avait des branches à récupérer. Il en vit une. Il s’en approcha, de nouveau à terre. La branche était sèche. Il commença à casser progressivement tous les rameaux. Il trouva quelques feuilles au sol qui lui serviraient à démarrer le feu. Il avait toujours deux ou trois petits bouts de papier dans son portefeuille qu’il avait par bonheur conservé dans sa veste. Il fit un petit tas de feuilles, mit quelques brindilles dessus et craqua une allumette près du papier qui s’enflamma.

Les feuilles se mirent à fumer. Il ajouta un autre papier. Tout d’un coup une feuille se mit à brûler, puis une seconde. Il resserra les brindilles sous les flammes. Tout son cœur était avec le feu, il fallait qu’il prenne, c’était l’unique chose importante au monde. Les feuilles prirent vraiment. Il rajouta d’autres brindilles qui prirent également, puis des plus grosses. Il ne fallait surtout pas l’étouffer. Au bout d’une minute cela brûlait vraiment. Il sentit une douce chaleur revigorante envahir ses mains. Petit à petit le feu prit de l’ampleur, il put ajouter les premières branches un peu plus grosses. Il fallait trouver d’autre bois. Il s’éloigna de quelques mètres. Il trouva une autre branche qu’il tira jusqu’au feu. Il pouvait dorénavant se réchauffer le corps. Il prit deux minutes pour en profiter, avant que d’aller chercher de nouveau des branches. Le feu faisait maintenant une vraie lueur dans la forêt, apportant comme par magie une nouvelle dimension réconfortante à ce qu’il venait de vivre.


De nouveau un bruit de voiture se fit entendre.


dimanche 18 janvier 2015

Pas de lumière


Il y avait des arbres à environ trois cent mètres. Il fallait les atteindre. Là il serait déjà un peu plus à l’abri, et il trouverait sans doute de quoi faire un bâton pour s’appuyer. Il essaya de se bouger en se tirant en arrière avec ses bras tout en restant assis. Il se rendit vite compte que sa jambe gauche, où il avait mal, prenait les bosses du chemin s’il la laissait traîner, ce qui avivait la douleur. Il fallait faire doucement, trouver les positions antalgiques, soulager tout ce qui était possible. Peut-être que dans une demi-heure cela irait un peu mieux. Il regarda l’heure en partant pour vérifier au fur et à mesure son avancée. Au bout de cinq minutes il avait fait une douzaine de mètres. S’il continuait à ce rythme, il lui fallait au moins deux heures pour atteindre les bois. Il se dit qu'il devait y arriver.
A cinq heures et demie, il fit une pause. Ses mains étaient froides à force de se tirer sur le sol. Le haut du corps était chaud de par les efforts qu’il faisait, les jambes étaient plus fraiches. Il s’étendit sur le sol en mettant les mains dans les poches de sa veste, afin de les réchauffer. Il ne s’en aperçut pas tout de suite, mais il finit par sentir une légère protubérance. Au fond de sa poche, il y avait une pochette minuscule, avec quelque chose dedans. Il glissa son doigt et réalisa que c’était une toute petite boite d’allumette. Elle devait être là depuis la dernière fois qu’il avait fait brûler des chutes de tiges de végétaux dans le jardin. Il saisit la boite et l’ouvrit, il y avait quelques allumettes. Cela le réconforta vivement. S’il arrivait aux arbres, trouvait des brindilles, des branches, il pourrait allumer du feu, se réchauffer, et peut être montrer sa présence. Il remit la boite dans une poche, mais sur la poitrine cette fois, et reprit sa trace d’escargot, plein d’espoir.


Pendant ce temps les deux amies attendaient Michel et commençaient à se demander ce qu’il faisait. Elles trouvèrent son numéro de téléphone et appelèrent. Aucune réponse.

- Il n’y a personne et pas de répondeur. Il doit être en route.
- Je vais allumer l’eau chaude, ce sera prêt quand il arrivera.


Cinq minutes passèrent, la nuit commençait à tomber, toujours rien.


- Je ne le connais pas, mais je ne l’imagine pas en retard. J’ai l’impression qu’il se passe quelque chose. Je mets mon manteau et je vais à sa rencontre.


Sylvie prit une lampe et sortit. Elle arriva bientôt au fameux virage où elle avait planté la voiture. Elle ne voyait personne sur la route. Peut-être y avait-il un sentier plus direct qu’elle ne connaissait pas. Que faire ? Elle ne connaissait pas sa maison. Etait-ce encore loin ? Elle décida de rentrer.


- Corinne, je n’ai vu personne ! Pas de nouvelles de ton côté ?


- Non, rien !


- Soit il est en retard et ne peut appeler, ça ne passe pas d’où il est, soit il est arrivé quelque chose.


- Il est six heures moins le quart ! Que fait-on ?


- On va aller voir chez lui, on ne sait jamais !


- Et s’il est parti en ville et rentre directement ici ?


- On va laisser un mot sur la porte.


- On va prendre la voiture pour faire vite.


Elles firent ainsi et arrivèrent peu de temps après à la maison de Michel. Pas de lumière, les volets étaient encore ouverts. Elles frappèrent.


- Il n’y a personne.


- Regarde la voiture est là. Il est dans le coin.


- Et s’il avait fait une balade avant de venir à la maison, et qu’il arrive par un autre endroit.


- Rentrons voir !


Mais il n’y avait personne chez elles. Une légère inquiétude les gagna. Manifestement Michel n’était pas le genre de personne à poser un lapin. Que faire ?


- Peut-être est-il en retard, et n’a tout simplement pas sur lui notre téléphone !


- Possible. Je ne sais pas.


samedi 17 janvier 2015

Un choix lui donnerait l'énergie nécessaire d'entreprendre

L’un de ses lieux favoris était un petit promontoire, avec quelques rochers. De là, la vue était un peu plus large, mais surtout il se sentait comme suspendu entre ciel et terre, pour surveiller l’un ou l’autre. Regardant le ciel il n’était plus vraiment sur la terre, regardant la terre il était déjà proche du ciel. Le temps pouvait s’éterniser, il se sentait disparaître dans les éléments, être de nulle part, être de partout, goûter enfin la tranquillité de la vie sans aucun intermédiaire. Le silence à l'état pur.

Il regarda l’heure au bout d'un moment…


- Ciel ! Cinq heures moins dix ! Il faut que je rentre, je vais être en retard.


Il se leva, et mis le pied sur le rocher en contrebas pour descendre. Au deuxième pas, il glissa. Son genou heurta le rocher, et son corps s’affala lourdement sur un autre rocher avant de glisser sans qu’il ne put se rattraper.


- Nom d’une pipe ! Quel con !


Très vite il sentit une douleur au genou, les reins endoloris et l’impossibilité de reprendre son souffle. Cela dura quelques secondes, comme un doux sommeil qui nous appelle de ses bras.


- Ne pas se laisser aller, se dit-il, respirer doucement, l’énergie va revenir.


La position n’était pas inconfortable, mais là tout de suite il était incapable de se lever. Tout se bousculait dans sa tête, il n’arriverait pas à l’heure chez celles qui l’avaient invité, il aurait du mal à marcher, il lui faut trouver un bâton, il est loin de tout et personne ne passe dans le coin, la nuit va tomber bientôt. Il réalisa qu’il n’avait pas son portable. Il ne le prend jamais quand il se promène dans la nature, comme si ça l’empêchait d’être en lien avec elle.



Petit à petit le souffle revint à la normale. Les parties saines du corps retrouvaient l’énergie, mais d’autres étaient bien en état de choc. Il essaya de faire le point. Le genou était franchement douloureux, et il sentait une grosse faiblesse dans le bas du dos. Il essaya de bouger avec les bras pour au moins s’asseoir. Ce fut laborieux. Normalement il lui fallait un peu plus de vingt minutes pour rentrer chez lui, mais là ce serait peut-être une heure, peut-être deux, peut-être plus…

Tout d’un coup c’était l'inconnu total, en même temps un présent devenu aussi vif qu’un froid glacial. Un état de survie tellement inhabituel, comme si c’était devenu l’absolu essentiel.

Cinq minutes passèrent. Il essaya de se lever, il lui était impossible de s’appuyer sur son genou. Il ne pouvait rentrer en marchant dans cet état. Il était cinq heures, il restait une grosse demi-heure avant la nuit. Le froid commençait à se faire sentir. Ce n’était pas son habitude de s’inquiéter, mais là, c’était grave. Peu importe le temps que lui prendrait le retour, mais il lui fallait rentrer. Il n’était pas assez couvert pour passer une nuit dehors quand le thermomètre descendrait autour de cinq degrés. Il n’avait rien sur lui pour se signaler. Si Sylvie et Corinne s’inquiétaient de son absence, elles téléphoneraient chez lui sans doute, ou viendraient peut être voir à la maison si ça ne répondait pas. Il estima le temps de la réaction. Si elles se déplacent ce ne serait pas avant cinq heures et demie, ensuite il fera nuit. De toute façon elles ne savent pas où je suis, comment pourraient-elles se douter que je suis ici? Elles verront que je suis absent, que la voiture est là, peut être vont elles imaginer que je suis parti marcher, mais comment savoir dans quelle direction ? Il n’y a pas de route ici, juste un chemin, et en plus je m’en suis écarté. Personne ne passera. Et dire que c’est la veille de Noël ! Mais dans quel pétrin je me suis fichu !

Il en était là de ses réflexions quand il se dit qu’il fallait prendre une décision, celle qui lui semblait la plus juste, la plus sensée. Les rochers étaient à découvert, il ferait donc froid la nuit. Soit il s’approchait des bois et trouvait de quoi s’abriter, soit il s’avançait sur le chemin du retour sans savoir jusqu’où il pourrait aller. De toute façon il fallait bouger, quitte à ramper. Un choix lui donnerait l’énergie nécessaire d’entreprendre, même si c’était dans la souffrance.


 

mardi 13 janvier 2015

Tout se passe dans la tête


Sa vie avait été réglée par le hasard en quelque sorte, ou plutôt les moments importants qu’il retenait aujourd’hui. La première grande fois fut une rencontre sur le trottoir avec un couple étudiant qu’il connaissait de loin. Ils se mirent à parler et découvrit en mots ce qu’il pressentait de lui-même à propos d’un sens à donner à la vie. Une autre fois fut une rencontre importante lors d’un voyage dans un pays étranger. C’est devenu une amitié qui dure encore. Puis ce fut l’orientation de son travail, ses rencontres amoureuses… Si l’on se respecte dans la profondeur, si l’on est assez proche de soi-même, la vie en fait de même. Parfois il avait suivi une intuition complètement folle, une sorte de dépouillement volontaire, de saut dans l’inconnu, et la vie avait répondu à cet envol. Il avait bien vu que le fait de se contenter de la sécurité ambiante généralisée ne pouvait nourrir ses aspirations profondes.


Nourrir ses aspirations, n’est-ce pas être ouvert, être ouvert à tous les possibles, sans refuser ce qui monte, y compris et surtout ses peurs, cette façon insolente du mental de toujours commenter tout sur tout. Michel pratiquait le silence volontaire. Il s’asseyait dans son fauteuil et restait ainsi, juste en observation de lui-même. Parfois des nouveautés extérieures venaient bousculer ses pensées, comme un caillou jeté dans l’eau. Mais il avait appris à laisser faire, à ne pas rajouter des nouvelles pensées-cailloux, juste prendre le recul nécessaire. On ne peut pas prendre du recul quand on est pris dans les événements, il le savait, mais avec le temps c’était devenu peu à peu une habitude. Il se sentait de moins en moins pris. Il y avait des pensées qui avaient complètement disparues parce qu’il les avait laissé vivre leurs cours. D’autres qui venaient de temps en temps. Il avait appris à ne pas s’y attacher, juste voir le mouvement. Mais depuis hier les pensées de ces événements récents étaient là, et ne le lâchaient pas.


- OK, dit-il, j’ai envie de revoir cette femme, c’est vrai ! Il y a quelque chose qui m’attire, je ne peux pas le définir encore, une écoute réciproque, même si on n’est pas tout à fait dans le même esprit.


Il savait le risque de se laisser emporter par la simple attirance, mais il y avait autre chose de beaucoup plus subtil qu’il sentait. Trop tôt pour dire vraiment ce qui se passe, mais il se passait quelque chose. La vie se mouvait dans un jeu qu’il ne pouvait que constater. Suivre le mouvement, il n’y avait que ça à faire. Il était évident que la vie proposait un arrêt possible sur les chemins de deux êtres qui n’auraient jamais du se croiser.

Il prit sa veste et s’en alla marcher pour s’aérer l’esprit. Il avait une heure devant lui, pas le temps d’aller bien loin, juste marcher, faire bouger le corps, c’était ce qu’il fallait.
Les nuages revenaient par l’ouest, progressivement. Le beau temps avait été de courte durée. C’est l’hiver, il y a comme une instabilité extérieure qui nous pousse au repli, à la tranquillité. C’est ce qu’il sentait. Au loin un avion laissait une trace dans le ciel. Il imagina les gens suspendus dans le vide, dans un tube métallique qui reconstituait l’ambiance de notre monde moderne, une sorte d’abstraction momentanée du monde terrestre. Il était sur la terre mais tellement en dehors de ce monde. Tout se passe dans la tête, se dit-il.


samedi 10 janvier 2015

Le hasard et l'ordre travaillent de concert

Faire la route en sens inverse, c’est marcher dans les mêmes pas mais avec un regard à l’opposé de la précédente. Parfois les pas sont plus intéressants comme sur des sentiers avec la terre, les racines, les pierres, mais souvent c’est ce sur quoi se pose le regard qui importe le plus. Y a t-il un sens dont on se passerait plus facilement ? C’était une question que Michel s’était fréquemment posé. Au retour la route s’élevait très légèrement, et la vue s’élargissait.


Pris par l’horizon à découvrir, ils se turent une bonne partie du chemin. Sylvie se laissait aller à la découverte du paysage que seule la marche à pied peut offrir. Le soleil avait réchauffé la terre, il faisait juste bon. Le silence troublé par quelques cris d’oiseaux, et le bruit des pas. En affinant sa perception, elle régla sa respiration sur ses pas. Le temps disparut. C’est ainsi que le croisement vers la maison de Corinne apparut, presque trop vite.


- Déjà !


- Vous voyez, tout s’est bien passé, ce n’était pas si loin.


- Oui, je me sens presque mieux maintenant, je sens de l’énergie dans le corps tout entier, sans aucune fatigue.


- Je vous souhaite un bon appétit, alors.


- Merci, on se revoit cet après-midi, n’est-ce pas ?


- Oui, je passe vers 17 heures.


Ils se quittèrent.



Michel rentra chez lui et se prépara à manger. Cette rencontre le questionnait. Ce n’était pas habituel. Il sentait une fraîcheur agréable, nouvelle, tentante, qui s’emparait de lui. A la fois disponible et curieux de ce qui se passait. Demain il devait aller passer Noël chez des amis à une centaine de kilomètres d’ici, mais c’était comme si cette rencontre devenait plus intéressante, plus aventureuse, plus réjouissante.

- C’est l’attrait de la nouveauté, se dit-il, l’inconnu qui frappe à la porte, « l’inconnue » à vrai dire dit une petite voix intérieure. Oui c’est vrai, l’inconnue, ce féminin dont je manque certainement…


Et si la vie était si bien faite qu’elle vient frapper notre part d’ombre, ou notre fragilité, au moment où on s’y attend le moins ! Comme si elle savait mieux que nous ce que l’on n’est parfois même pas capable de voir. Qui joue derrière tout ça, et qu’est-ce qui se joue en vérité ? N’est-ce pas une recherche d’équilibre dans notre vaste inconscient ? Peut-être que certains qui se posent la question plus fortement, l’attirent aussi plus visiblement ? Je n’en sais rien, je me sens dépassé. En tout cas c’est là en ce moment, à n’en pas douter. La vie joue à sa manière, et je dois dire que cela ne me déplait pas trop !



Il prit le livre qu’il avait acheté à la librairie, « Le temps que l’on ne voit pas », et l’ouvrit. Il lut : « Le hasard et l’ordre travaillent de concert. Ne serait-ce que la répartition hommes - femmes à la naissance. »

Ces deux mots réunis, hasard et ordre, semblent une provocation. Et pourtant… Combien de phénomènes arrivent que nul ne peut prédire, concevoir, décider, qui semblent pourtant bien rééquilibrer une situation, ou lui donner une direction qui a du sens.


Le seul ordre serait de tenir compte du hasard, se dit-il en riant. Le hasard ne serait-il pas une façon féminine de proposer une forme d’ordre, une inclination ? Et tant pis pour ceux qui passent outre, les déséquilibrés de l’ordre à tout prix !


Il jubilait…

vendredi 2 janvier 2015

L'ennui fait partie de la vie

- Vous m’avez ouvert la porte du magasin, mais vous m’en ouvrez d’autres on dirait.

Michel sourit.


- Bon, je vais au village. J’espère que je tiendrai jusqu’à ce soir.


Ils y arrivèrent un quart d’heure plus tard. Il y avait quelques commerces, suffisamment pour éviter aux habitants de se déplacer trop souvent à la ville. Une ambiance calme, l’église au centre rappelait l’importance qu’avait eu la religion dans l’histoire du pays. Y a t-il un village sans église ? Une petite place avec la poste et un café.


- Je vous attends au café, dit Sylvie.


Un moment plus tard les voilà autour d’une table autour d’un chocolat chaud.


- Cela me rappelle hier, dit Michel. Je vous avais vu au salon de thé, et cela m’amusait déjà de vous retrouver là alors que nous nous étions croisé à la papeterie.


- Je ne crois pas que je vous avais reconnu. J’étais pensive.


- Oui, ça se voyait.


- J’ai vécu il y a quelques mois une épreuve. Corinne m’a invité quelques jours chez elle pour les fêtes afin de me changer les idées. Hier j’étais encore dans l’idée de mener ma vie en faisant quelques achats, mais dans le salon de thé je sentais que je rentrais dans un monde inconnu, inhabituel, et que je pouvais lâcher un peu pour me laisser porter. J’étais dans un entre deux. Et puis en arrivant chez elle, ne la voyant pas, plutôt que d’attendre, j’ai voulu aller faire un tour. C’est là que j’ai planté la voiture et que vous m’avez trouvée. J’étais en colère contre moi. Je suis habituée à faire ce que je veux. Tout d’un coup, je me retrouvais dans un lieu absolument étranger, en panne, comme une idiote. Puis vous êtes arrivé…


- Je peux dire que je fus plus qu’étonné en vous découvrant.


- Et maintenant je me questionne sur tout ça. Je suis chez une amie, on se rencontre, ce que vous dites me bouscule un peu, mais m’intéresse en même temps.


- Vous savez, c’est tout aussi inhabituel pour moi. Je vis seul avec mes propres habitudes, et en quelques heures il me semble bien que la vie s’amuse un peu avec mon train-train quotidien.


- Il y a longtemps que vous vivez seul, si je ne suis pas trop indiscrète ?


- Sept ans.


- Ha oui vous l’aviez dit hier soir.


- J’ai dit que j’habitais ici depuis sept ans.


- Mais vous voyez des amis quand même ?


- Cela m’arrive, mais pas tant que ça. Je rencontre des gens dans des associations auxquelles je participe, et puis je voyage.


- Vous ne vous ennuyez pas ?


- Si bien sûr, cela arrive de temps en temps. Mais cela serait la même chose en ville ou ailleurs. L’ennui fait partie de la vie. C’est difficile d’être toujours comblé, surtout quand rien ne se passe. C’est un travail en quelque sorte, un apprentissage.


- La solitude me ferait peur.


- C’est normal. Qui peut se passer des autres ? Chacun a des demandes différentes. Il faut connaître les siennes, les évaluer. Trouver l’équilibre entre ses demandes et ce que la vie offre n’est pas chose facile. Cela prend du temps. Le temps du recul est une richesse méconnue.


- Vous avez trouvé l’équilibre, on dirait.


- Par moments oui, à d’autres c’est fragile. Mais je sens que je respecte ce que je connais de moi-même. Je fais de plus en plus confiance à vrai dire.


- J’aime cette phrase sur le respect de soi même.


- Oui, cela peut sembler égoïste à première vue, mais c’est pourtant une base. On ne peut pas être vrai avec les autres si on ne l’est pas d’abord avec soi-même.


- Ce n’est pas sans risque non plus, cela peut fermer la porte à certaines personnes, non ?


- Oui, mais doit-on vivre par conformisme, qui cache souvent une peur, ou être authentique ? Si nous sommes trop dans la dépendance des autres, ou même de l’autre, nous finissons par nous étouffer.


- Le sujet est sensible, très sensible même.


- Oui, mais essentiel.


- Mon Dieu, il est midi et demi !


- Téléphonez à Corinne peut être.


- Oui, je vais la rassurer.


- Vous voulez que l’on prenne un taxi ?


- Un taxi ? Il y en a ici ?


- Non je ne pense pas, on va demander.


- Mais Corinne peut venir nous chercher au fait !


- Comme vous le sentez.


Sylvie appela son amie qui ne répondit pas. Elle laissa un message.


- Ecoutez, on y va à pied, cette halte m’a ragaillardie. Je me sens d’attaque.


- Comme vous voulez.