Du soleil, une belle journée en perspective, un jour de semaine, nous voici partis pour le bassin d'Arcachon avec le canoê dans le coffre de la voiture. Le but est de rejoindre l'île aux oiseaux et d'y passer la nuit. Cela veut dire prendre les affaires pour dormir, duvet, tente ultra légère que je viens de recevoir la veille, nourriture, eau... On se prépare pour une future marche en autonomie dans les prochains jours.
Je gonfle le canoê, mets les sacs, direction les cabanes tchanquées que l'on voit même pas quand on est au raz de l'eau. Il faut compter entre une heure et quart et une heure et demie de pagaie, selon le sens du courant et le vent. Aujourd'hui les conditions sont favorables.
Au bout de dix minutes un bateau à moteur un peu bizarre semble se diriger droit sur nous. J'espère qu'il va nous voir et ne pas passer trop prêt pour nous laisser ensuite ses vagues d'étrave qui secouent toujours le modeste canoê. Ils s'écartent bien mais ralentissent en même temps. En fait c'est la gendarmerie maritime. D'ici à ce qu'ils viennent nous enquiquiner... C'est ce qu'ils font bien sûr. Ils viennent se mettre à côté et nous saluent. Je ne répond pas tout de suite surveillant les vagues qui les accompagnent afin de ne pas se faire mouiller. Ils commencent par nous demander où nous allons puis à nous dire que nous sommes sur un engin de plage et que nous ne devons pas nous éloigner à plus de 300 m de la côte. Je rétorque que c'est un canoê qui peut transporter 4 personnes, qui est long et qui n'est pas tout à fait comparable aux engins dits de plage pour les enfants. Que je circule sur le bassin depuis des années et que je n'ai jamais eu le moindre problème ni été arrêté. Ils me parlent risque et législation, je leur parle expérience et autonomie, que je fais du bateau, que j'ai vérifié l'heure de la marée, le coefficient, que j'ai le vent avec moi, et qu'il n'y a aucun risque. Je leur dis que je comprend bien leur position et le rôle qu'ils jouent, mais que je ne suis pas un vacancier qui découvre l'eau et qui n'y connaît rien comme on peut en voir à chaque vacance. Je leur dis également que l'on croise régulièrement des canoês sur le bassin (en partant il y avait justement un petit groupe). Ils se calment un peu car ils sentent sans doute que je dis vrai, et qu'à mon âge je ne me laisse pas impressionner. Ils sont trois. Assez vite l'un deux commence à lâcher du lest disant que s'il nous arrive quelque chose, ce n'est pas la peine de les appeler. De mon côté je dis qu'ils ont la loi pour eux et que s'ils m'obligent à faire demi tour, je m'exécuterai. Parlant ainsi je reconnais leur pouvoir, mais en même temps j'ai parlé aux hommes qui comprennent que je sais pertinemment ce que je fais. Pour ne pas perdre la face, ils demandent nos noms, dates et lieux de naissance. Ils prennent note, puis nous disent au revoir. OK, merci de nous laisser la liberté de pagayer où on veut. Heureusement qu'ils n'ont pas exigé les gilets de sauvetage, que je ne porte personnellement jamais, et n'ont pas vu nos sacs à dos qui sentaient plus l'expédition que la simple ballade.
Très curieusement, cette nuit là, j'avais fait un rêve de gendarmes. Ils m'arrêtaient en me disant que j'avais eu un accident le matin, et que j'étais parti sans dire un mot. Je répondais en leur disant qu'ils se trompaient et que je n'avais eu aucun accident. Ils me demandèrent de me garer afin de vérifier les papiers. Je ne rentre pas dans les détails, mais le rapport est quand même frappant, sauf que là c'est sur l'eau.
Il m'a fallu quelques dizaines de minutes avant que cette histoire me sorte de la tête. Petit à petit le contact avec la nature est revenu jusqu'à ce qu'apparaissent les maisons sur pilotis. Enfin seuls, et libres!