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Barbara Cassin

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Barbara Cassin
Barbara Cassin en 2014.
Fonctions
Fauteuil 36 de l'Académie française
depuis le
Directrice
Centre Léon-Robin
-
Biographie
Naissance
Nom de naissance
Laure Sylvie Barbara CassinVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
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Œuvres principales
L'Effet sophistique (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Barbara Cassin, née le à Boulogne-Billancourt (Seine), est une philologue, helléniste et philosophe française, spécialiste des philosophes grecs et de la rhétorique de la modernité.

Directrice de recherche au CNRS, traductrice, et directrice de collections consacrées à la philosophie, elle prend en 2006 la direction du centre Léon-Robin puis, en 2010, la présidence du Collège international de philosophie, dont elle dirige la revue Rue Descartes en parallèle, pour l'UNESCO.

Elle est élue à l'Académie française le , devenant la neuvième femme académicienne, et la cinquième, à cette date, de l'effectif féminin actuel[1].

Laure Sylvie Barbara Cassin est née du mariage de Pierre Cassin[nb 1], conseiller juridique, et d'Hélène Caroli, artiste peintre[3].

Elle est veuve d'Étienne Legendre, notaire créateur d'un centre hippique[4]. Elle a deux fils[3],[5].

Étudiante à l'ombre de Heidegger (1964-1974)

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Après des études secondaires au lycée Jean-de-La-Fontaine de Paris, elle entre en hypokhâgne au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine, où elle est l'élève du poète et philosophe Michel Deguy, puis en khâgne au lycée Fénelon[3], mais n'est pas reçue au concours d'entrée à l'École normale supérieure (Paris)[6]. Elle assiste par ailleurs, au lycée Condorcet, aux cours de Jean Beaufret, un ami de Martin Heidegger.[réf. nécessaire]

En 1968, elle soutient à la Sorbonne, sous la direction de Ferdinand Alquié, un mémoire de maîtrise en philosophie dans lequel elle aborde les fondements logiques de l'ontologie à travers la correspondance sur ce sujet de Leibniz et d'Arnauld[7]. C'est en passionnée de la pensée d'Heidegger qu'elle rencontre celui-ci[8] au Séminaire du Thor[9], auquel elle participe[10] et qui se tient la deuxième semaine de septembre 1969 chez René Char[11], figure exemplaire de l'intellectuel résistant[12].

Tout en continuant ses études dans l'université en restructuration de l'après-Mai 68, elle travaille occasionnellement comme traductrice[13]. Elle est en particulier sollicitée par Gallimard pour participer à la traduction de La Crise de la culture : huit exercices de pensée politique d'Hannah Arendt, où l'auteur interroge ce que sont devenues la tradition, l'histoire, la liberté, la vérité, la politique, l'éducation dans une modernité dont le discours ne se fonde plus sur l'autorité. L'opération est renouvelée deux ans plus tard pour Vies politiques du même auteur, où est évoqué le passé nazi de Heidegger.[réf. nécessaire]

Elle s'inscrit en 1971 aux séminaires du centre Léon-Robin de la Sorbonne et du Centre de recherches philologiques de l'université de Lille III. Elle est chargée de cours à l'université de Saint Denis, tout en préparant son doctorat ès lettres en philosophie[3], qu'elle obtient en 1974 en soutenant une thèse sur le traité pseudo-aristotélicien Sur Melissus, Xénophane et Gorgias[14]. Elle publie sa thèse sous le titre Si Parménide[15].

Professeure de philosophie (1974-1984)

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Elle prépare le CAPES tout en assurant, de 1974 à 1976, une vacation de pédagogue pour adolescents psychotiques à l’hôpital de jour Étienne-Marcel, à Paris, où Françoise Dolto supervise depuis dix ans la prise en charge des tout petits[16]. Cette rencontre avec la langue absolument étrangère, intraduisible, des fous[référence souhaitable], aussi déterminante qu'avec Heidegger[11], amène le psychanalyste Jacques-Alain Miller à lui confier de 1975 à 1979 la charge d'un cours du Département de psychanalyse de l'Université de Vincennes à Saint-Denis. Entretemps, grâce à deux bourses de l'Office allemand d'échanges universitaires, elle étudie en 1976 à l'université de Fribourg, où avait enseigné Martin Heidegger, puis en 1978 à l'université de Heidelberg.

Bien qu'elle ait échoué six fois à l'agrégation de philosophie[17],[6], elle obtient le certificat de professeur et est affectée chaque année, de 1979 à 1984, dans un établissement différent (lycée François-Villon à Paris, lycée Youri-Gagarine de Chaumont, lycée Salengro d'Avion, près de Lens, lycée Lamarck d'Albert, lycée Fénelon de Cambrai, lycée Poncelet de Saint-Avold).

Durant ce cursus, elle exerce pendant trois années, de 1980 à 1982, comme maître de conférences à l’ENA, où elle est chargée de la méthodologie des séminaires, et, de 1981 à 1984, elle enseigne comme chargée de cours au Centre de recherches philologiques de l’université Lille-III.[réf. nécessaire]

En 1983, Pierre Aubenque lui délègue l'organisation du séminaire sur la pensée antique, au sein du Centre Léon-Robin de la Sorbonne.[réf. nécessaire]

Chercheuse au centre Léon-Robin et au Ciph (1984-1992)

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En , elle organise avec Monique Canto le colloque Qu'est-ce que la sophistique ? au Centre culturel international de Cerisy-la-Salle[18]. Simultanément son appartenance au centre Léon-Robin est entérinée par un recrutement au CNRS. Désormais attachée de recherche détachée à l'unité mixte de recherche (UMR) 8061, elle travaille avec Pierre Aubenque. Elle devient directrice de recherche en 1996 et prend la direction du centre en 2006.

Parallèlement, cette même année 1984, elle prend en charge un des séminaires du Collège international de philosophie, où elle devient directrice de recherche de 1988 à 1992 et siège au conseil de 1990 à 1993. À plusieurs reprises, elle collabore avec Michel Narcy. Ensemble, ils traduisent et éditent en 1989 le livre Γ de la Métaphysique d'Aristote[19].

En 1990, elle est sollicitée par Eric Alliez et la revue 34 Letras, liée à Gilles Deleuze et Félix Guattari, pour préparer la fondation à Sao Paulo de la maison d'édition Editora 34. Du 10 au 13 octobre, elle réunit à la Sorbonne, pour un colloque intitulé Les Stratégies contemporaines d'appropriation de l'Antiquité, Elizabeth Anscombe, Pierre Aubenque, Jacques Brunschwig, Gilles Deleuze, Jacques Derrida, Umberto Eco, Paul Ricœur, entre autres[20], autour d'un questionnement, qui est le sien, sur les liens entre pensée antique et monde contemporain[21], la rémanence de celle-là dans celui-ci[22].

Cette même année 1990, elle s'engage dans le projet de construction d'une philosophie européenne en participant sous la direction de Pierre Nora à la Librairie européenne des idées du Centre national du livre. En 1991, elle lance avec Alain Badiou aux éditions du Seuil une série de publications bilingues d’œuvres philosophiques au sein de la collection Points-Essais. L'année suivante, c'est à cette codirection que François Wahl, démissionnaire, confie la collection L’Ordre philosophique[23], qu'il avait fondée vingt-cinq ans plus tôt avec Paul Ricœur.

Pluralité culturelle et modernité de la sophistique (1993-2001)

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De 1993 à 2000, elle coordonne, au sein du groupe de recherche GDR 1061 du CNRS, une centaine de chercheurs qui se proposent d'élaborer un dictionnaire définissant les variations sémantiques des concepts philosophiques à travers leurs emplois dans différentes langues et différents contextes. Ce travail aboutit en 2004 par la publication du Vocabulaire européen des philosophies .

En 1994, elle soutient à l'université Paris-IV une thèse d'État sous la direction de Pierre Aubenque[24]. Cette thèse, à laquelle Si Parménide aura servi de prolégomènes[25], est publiée sous le titre L'Effet sophistique dans la prestigieuse collection de la NRF[26]. Outre une confrontation entre des auteurs de l'Antiquité (Homère, Parménide, Gorgias, Antiphon, Aristote) et des penseurs contemporains (Frege, Heidegger, Arendt, Lacan, Perelman, Habermas), l'ouvrage offre de nombreux documents, dont la traduction de textes dans certains cas partiellement inédits en français (le Traité du non-être de Gorgias et son Éloge d'Hélène dans leur intégralité, les Tétralogies d'Antiphon ou encore le traité Sur la manière d'écrire l'histoire de Lucien de Samosate).

À la suite de l'abolition de l'apartheid, elle participe à la fondation, à l'université du Cap, d'une école de rhétorique qui devenue depuis l'Association de rhétorique et de communication de l'Afrique du Sud[27] (ARCSA), avec Philippe-Joseph Salazar, membre du Collège international de philosophie, dont la thèse avait été censurée dix ans plus tôt par le gouvernement d'Afrique du Sud. Elle en est la vice-présidente[28] et l'une des correspondantes pour la France[29].

À partir de 1995, elle siège en tant que représentante élue au Comité national du CNRS.

Quelles formes de discours pour quel monde ?[pas clair] (2002-2006)

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De 2002 à 2006, le CNRS lui confie le pilotage d'un Projet international de coopération scientifique (PICS 1455) avec l'Afrique du Sud intitulé Rhétoriques et démocraties. Corollairement, l'Institut Max Planck la charge de définir le programme de philosophie que la Commission européenne[30] a décidé de mettre en ligne sur le site European Cultural Heritage on line[31] (ECHO). Son équipe réalise de décembre 2003 à juin 2004, en collaboration avec les éditions du Robert et du Seuil, la maquette de la future version en ligne du Vocabulaire européen des philosophies[32].

Entretemps, elle retrouve, en 2005, le Centre national du livre, qu'elle avait quitté en 1997 au bout de sept années, au sein de la commission « Philosophie et théologie », et rejoint à la Sorbonne Jonathan Barnes, qui l'avait fait connaître en 1983 par un commentaire de son Si Parménide, dans l'animation d'un séminaire de master de deuxième année. L'année suivante, elle prend en charge elle-même pour deux ans ce même séminaire et publie Google-moi : la deuxième mission de l'Amérique, un ouvrage sur le moteur de recherche de Google. Elle y dénonce les effets paradoxaux d'une diffusion de masse dont l'algorithme, basée à l'inverse de son propre projet ECHO sur une quantification de la popularité, tend à occulter les qualités les plus heuristiques d'une base de données.[réf. nécessaire]

En 2006 et 2007, elle participe à un programme d'études, intitulé Corpus et financé par l'Agence nationale de la recherche, sur les données et les outils de la recherche en sciences humaines et sociales et intègre le groupe d'experts conseillers en matière de plurilinguisme du ministre européen de l'éducation de la commission Barroso, Ján Figel'. Le successeur de ce dernier, Leonard Orban, prolongera cette mission jusqu'en 2008.[réf. nécessaire]

Enjeux politiques autour de la langue (2007-2010)

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De 2007 à 2009, le CNRS lui confie une seconde mission de coopération internationale, intitulée Traductions croisées / traditions croisées, dont l'objet est de conduire avec l'Ukraine une étude critique de l'influence de la langue sur les conceptions philosophiques.

En , à la suite du refus de publier Le Perçu de François Wahl, Barbara Cassin et Alain Badiou démissionnent des éditions du Seuil[33]. En septembre, ils fondent chez Fayard la collection Ouvertures dont l'objectif revendiqué est de « délimiter la philosophie en explorant ses bords »[34]. Ils y éditent la somme phénoménologique refusée par le Seuil.

En 2008, elle quitte la commission « Philosophie et théologie » du Centre national du livre pour présider durant deux années cette même commission avec un nouvel intitulé Philosophie, psychanalyse, sciences religieuses. Elle entre au conseil d’administration du Collège international de philosophie, dont elle présidait le conseil scientifique depuis 2003, et participe au partenariat unité mixte internationale nouvellement organisé entre l'Institut des sciences humaines et sociales du CNRS, et l'université de New York autour d'un sujet d'études intitulé Transitions, translations, durabilité. Pour quatre années, elle entre au bureau de la Conférence des présidents du Comité national du CNRS (CoCNRS), où elle siège jusqu'en 2004, et préside une des instances de celui-ci, la commission XXXV chargée d'évaluer les chercheurs en philosophie, littérature, histoire des sciences et musicologie.

À ce titre, elle dénonce publiquement le « démantèlement » de la recherche française et le dénigrement pratiqué par le président Nicolas Sarkozy à l'encontre du CNRS[35]. À l'initiative du psychanalyste Roland Gori, elle rassemble les protestations de professionnels de la médecine, de l'éducation et de la culture subissant le même sort, L'Appel des appels, pour une insurrection des consciences[36].

En 2009, elle rejoint pour deux années André Laks au pilotage d'un projet financé par l'ANR sur les « présocratiques grecs, présocratiques latins ». Simultanément, le CNRS lui confie la responsabilité d'un groupement de recherche international (GDRI) intitulé Philosopher en langues. Comparatisme et traduction et l’Unesco celle d'un nouveau « réseau des femmes-philosophes » et de sa Revue des femmes-philosophes[37].

Elle abandonne la direction du Centre Léon-Robin pour prendre en la présidence du conseil d’administration du Collège international de philosophie, devenant ainsi le responsable éditorial de la revue de l'établissement, Rue Descartes, et crée avec Fernando José de Santoro Moreira un programme d'échanges pour les « second et troisième cycles (pt) » (CAPES) de l'Université du Brésil de Rio. Elle délivre dans ce cadre un enseignement synthétisant quarante années d'une recherche consacrée à déterminer comment la langue et le récit d'Homère ont façonné la pensée occidentale, Les Origines du langage philosophique - stratégies rhétoriques et poétiques de la sagesse antique : souvent sans le savoir, « nous sommes tous des lecteurs d'Homère. »[nb 2]

L'articulation entre les enjeux politiques et les langues est l'un des grands axes de ses travaux[38],[39]. Elle se montre critique à l'égard de langues comme le globish qu'elle qualifie de repoussoir de la traduction[40] ou la langue espéranto. Par exemple, sur l'espéranto, dans Plus d'une langue, (Bayard, coll. « Les petites conférences », 2012), elle écrit : « Non, la langue ne se réduit pas à un calcul, et l'Espéranto ne fonctionne pas, car c'est artificiel, insuffisant, sans épaisseur d'histoire ni de signifiant, sans auteurs et sans œuvres… L'Espéranto, aussi mort qu'une langue morte, n'est la langue maternelle de personne. ».

Engagements personnels (2011-2014)

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En 2011, elle fait partie du comité des fondateurs de l'Institut de psychanalyse[41] de l'hôpital Sainte-Anne, dont le chef de service lacanien Françoise Gorog prend la direction, et entre au conseil scientifique du Labex TransferS, émanation du CNRS, de Normale et du Collège de France, affectée à la promotion et l'étude des échanges culturels, notamment par l'informatique, où elle prend en charge trois des programmes de recherche.

[réf. nécessaire]

Membre de l'école doctorale Concepts et langage de la Sorbonne, elle consacre désormais une grande partie de son temps au nouage du discours et de la politique que réalisent en Afrique les commissions vérité et réconciliation.[réf. nécessaire]

Les Maisons de la Sagesse (depuis 2017)

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À la suite de l'exposition au MUCEM de Marseille[42] (décembre 2016 - mars 2017) dont elle était la commissaire, déclinée en 2017-2018 à la Fondation Martin Bodmer à Genève, elle crée et préside en 2017 l'association Maisons de la Sagesse - Traduire, qui vise à constituer un réseau de lieux et d'actions, centré autour de la traduction comme savoir-faire avec les différences. Les deux premières implantations sont à Marseille[43] et Aubervilliers.

Académie française (depuis 2018)

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Le , face notamment à Marie de Hennezel et Pierre Perpillou, elle est élue à l'Académie française au fauteuil précédemment occupé par Philippe Beaussant. Son épée, en forme de sabre de jedi[44], lui a été remise par Xavier Darcos, au Louvre, le mardi 15 octobre 2019, et elle a été reçue officiellement sous la coupole de l'Institut de France, par Jean-Luc Marion, le jeudi suivant. Elle appartient également à la commission du Dictionnaire[45].

Campus Condorcet (depuis 2019)

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Le 6 février 2019, elle est élue présidente du conseil scientifique du Campus Condorcet[46].

Distinctions

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Décorations

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Axes de recherche

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Synthèse, selon Alain Badiou, qui a écrit avec elle deux ouvrages, de l'héritage heideggerien et du tournant linguistique[53], elle relit l'histoire de la philosophie antique à la lumière de la sophistique[1].

Elle montre comment la sophistique, repoussée hors de la philosophie et même hors de la pensée par Platon et par Aristote, permet d'élargir la rationalité en explorant ses principes inaperçus et ses bords. Gorgias en particulier délimite l'ontologie comme un discours simplement plus efficace que les autres : l'être de Parménide est d'abord un effet de dire. Quant au principe de non-contradiction, ancré par Aristote dans l'univocité du sens, il ne cesse d'être démenti par la sémantique de l'intentionnalité, la grammaire de l'inconscient ou les difficultés de la traduction. L'exemple des commissions vérité et réconciliation la conduit à déconstruire les arrière mondes qui tentent de masquer ce qu'elle appelle l'effet sophistique, c'est-à-dire le rôle d'acte fondateur, voire thérapeutique (« logos-pharmakon »), de la parole pour l'être humain, en tant que sujet individuel dans le cas de la psychanalyse, en tant qu'être social dans le domaine politique.

Livres publiés

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Direction d'ouvrages collectifs

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Traductions

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Traductions individuelles

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  • Aristote, Sur Melissus, Xénophane et Gorgias, in Si Parménide, op. cit. supra, 1980
  • Parménide, Sur la nature ou sur l'étant, Seuil, Paris, 1998

Autres traductions collectives

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« Je cherche ce que parler veut dire[56]. »

— Barbara Cassin paraphrasant Lacan[57] en référence à l'herméneutique freudienne.

Histoire sophistique de la philosophie

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« Je propose d'appeler Histoire sophistique de la philosophie celle qui rapporte les positions, non pas à l'unicité de la vérité, qu'elle soit éternelle ou progressivement constituée en mode hégelien (la vérité comme telos, dans un temps orienté, ou “comme si” orienté), mais celle qui les rapporte aux instantanés du kairos, occasion, opportunité, grâce à des mêkhanai, procédés, ruses, machines, permettant de happer le kairos par son toupet[58],[nb 5]. »

Terme repris de Novalis, la logologie nomme[pas clair] la théorie sophistique où le dire effectue le monde (avec, notamment, Gorgias dans le Traité du non-être), par opposition (et comme conséquence poussée du Poème de Parménide) à l'ontologie. L'être est un effet de dire (L'Effet sophistique).

En particulier, dans le cadre de l'histoire sophistique, la logologie étudie l'histoire de la performativité[59].

Le barbare est au cœur de la langue

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« Nous barbarisons quand nous refusons ce qui constitue l’autre comme autre (…)[60] »

La banalisation du mal passe, outre la désignation de l'étranger comme barbare, par la prétention à l'universalité d'une langue, une novlangue, qui, réduite à un système de communication[59], dénie à chaque langue maternelle ce qu'elle a d'intraduisible, en particulier son aspect performatif en ce que celui-ci a de fondateur pour une civilisation[59]. Selon Barbara Cassin, la défense de la diversité des langues, en particulier face au globish et la googlisation de la pensée[définition souhaitable], est un rempart contre la barbarie[59].

Notes et références

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Références

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  1. a et b Nicolas Truong, « Barbara Cassin : “Je travaille sur ce que peuvent les mots” », Le Monde, no 22809,‎ , p. 18 (lire en ligne).
  2. Marion Cocquet, « Sur les traces des Cassin », sur le site du magazine Le Point, (consulté le ).
  3. a b c et d Who's Who in France, édition 2015, p. 483.
  4. Catinchi 2019.
  5. Anne Diatkine, « Barbara Cassin, non académique », sur le site du quotidien Libération, (consulté le ).
  6. a et b Philippe-Jean Catinchi, « Barbara Cassin : la puissance des mots », L'Histoire n°463, septembre 2019, p. 32-33.
  7. B. Cassin, Conviction et démonstration dans la polémique philosophique entre Leibniz et Arnauld, Paris, Sorbonne, 1968.
  8. F. Fédier, Soixante-deux photographies de Martin Heidegger, Paris, Gallimard, 1999.
  9. D. Janicaud, Heidegger en France, vol. I, Paris, Albin Michel, 2001.
  10. B. Cassin, Séminaire du Thor, in Questions IV, p. 291-297, Paris, Gallimard, 1976.
  11. a et b C. Briffard, Le vocabulaire européen des philosophes, dictionnaire des intraduisibles : entretien avec Barbara Cassin, philosophe et philologue, directeur de recherche au CNRS, in Texto!, vol. XI, no 2, juin 2006 (ISSN 1773-0120), Paris, Institut Ferdinand de Saussure.
  12. H. Arendt, Préface, in H. Arendt, La Crise de la culture : huit exercices de pensée politique, Paris, Gallimard, 1954.
  13. Pindare, Olympiques, in Revue de poésie, no 40, Paris, février 1971.
    G. W. Leibniz, Les deux labyrinthes, textes choisis par A. Chauve, Paris, PUF, 1973.
    P. Szondi, Poésie et politique de l'idéalisme allemand, in J. Bollack, Sens commun, vol. XXIX, Paris, Éditions de Minuit, 1975 (ISBN 9782707300522).
  14. B. Cassin, "De Melisso Xenophane Gorgia", édition, traduction et commentaire., université de Lille III, Lille, 1974.
  15. B. Cassin, Si Parménide : le traité anonyme De Melisso Xenophane Gorgia, édition critique et commentaire., in J. Bollack, Cahiers de philologie, IV, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1980 (ISBN 2-85939-151-7).
  16. J. Dupont, Présentation en ligne de la revue du Centre Étienne-Marcel, Le Coq-Héron, Paris, Éditions Érès, janvier 2009.
  17. « Barbara Cassin, le pouvoir des mots », sur CNRS Le journal (consulté le ).
  18. B. Cassin et al., Positions de la sophistique, coll. "Bibliothèque d’histoire de la philosophie", Paris, Vrin, 1986 (ISBN 978-2-7116-0918-5).
  19. B. Cassin & M. Narcy, La Décision du sens. Le livre Gamma de la Métaphysique d’Aristote, introduction, texte, traduction et commentaire, Vrin, Paris, 1989, 296 p.
  20. Col. Nos Grecs et leurs modernes. Les stratégies contemporaines d’appropriation de l’Antiquité, Paris, Le Seuil, 1992.
  21. B. Cassin, De l’organisme au pique-nique : quel consensus pour quelle cité ?, in Nos Grecs et leurs modernes, op. cit..
  22. B. Cassin, Aristote et le linguistic turn, in Nos Grecs et leurs modernes, op. cit..
  23. Alain Badiou, François Wahl ou La vie dans la pensée, in Le Monde, 16 septembre 2014.
  24. B. Cassin, Sophistique et critique de l’ontologie, Paris, Université de Paris IV, 1994.
  25. É. Alliez, Barbara Cassin, « Aristote et le logos Conte de la phénoménologie ordinaire », in Futur antérieur, no 39-40, Paris, Éd. Inculte, septembre 1997.
  26. L'Effet sophistique, Paris, Gallimard, 1995 (ISBN 9782070730230)
  27. ARCSA
  28. Membres honoraires de Rhetoric Africa.
  29. Correspondants étrangers de Rhetoric Africa.
  30. Septième Programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCRD) Accroître le potentiel humain – Base de connaissances socio-économiques.
  31. ECHO.
  32. L. Catach, G. Gauvin & F. Lhostis, Présentation du VEP, Dictionnaires Le Robert, Paris, 2004.
  33. Seuil franchi, in Libération, Paris, 17 mai 2007 [lire en ligne].
  34. A. Beuve-Méry & J. Birnbaum, Divorce philosophique, in Le Monde des livres, Le Monde, Paris, 4 octobre 2007.
  35. Motion du 4 février 2009.
  36. R. Gori, Ch. Laval & B. Cassin, L'Appel des appels, pour une insurrection des consciences, coll. "Les mille et une nuits", Fayard, Paris, 2009.
  37. Revue des femmes-philosophes no 0, Unesco, Paris, 2010.
    Revue des femmes-philosophes no 1 "La quadrature du cercle", Unesco, Paris, novembre 2011.
    Revue des femmes-philosophes no 2 "Printemps arabes, printemps durables. Ce que les femmes philosophes pensent du (nouveau) monde arabe, ce que les femmes philosophes du (nouveau) monde arabe pensent.", Unesco, Paris, novembre 2012.
  38. Voir sur mucem.org.
  39. Voir sur lesnouvellesnews.fr.
  40. Voir sur franceculture.fr.
  41. Présentation de l'Institut de psychanalyse.
  42. « Après Babel, traduire », sur Mucem — Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (consulté le )
  43. « NAISSANCE D’UNE MAISON DE LA SAGESSE À MARSEILLE », sur radiogrenouille.com, (consulté le ).
  44. Mathilde Serrell (Production) et David Jacubowiez (Réalisation), « Barbara Cassin, la Jedi de l'Académie française » [podcast], France Culture, sur radiofrance.fr, (consulté le ).
  45. https://www.academie-francaise.fr/le-dictionnaire/commission-du-dictionnaire.
  46. Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, « Barbara Cassin élue présidente du Conseil Scientifique du Campus Condorcet », sur EHESS, (consulté le )
  47. B. Cassin, Ensaios sofisticos, Sao Paulo, Siciliano, 1990.
  48. « Grand prix de philosophie » (consulté le ).
  49. « Barbara Cassin, médaille d’or 2018 du CNRS » (consulté le ).
  50. Décret du portant promotion et nomination.
  51. Décret du 29 mai 2019 portant promotion et nomination
  52. « Nomination dans l'ordre des Arts et des Lettres – été 2020 », sur le site du ministère de la Culture, (consulté le ).
  53. Alain Badiou, Logique des Mondes, p. 567, coll. « L'ordre philosophique », Seuil, Paris, 2006.
  54. Voir sur centreleonrobin.fr.
  55. Voir sur minhateca.com.br.
  56. Nicolas Truong, « Entretien avec Barbara Cassin », in Philosophie Magazine, n° 14, Philo Éditions, Paris, 25 octobre 2007.
  57. Jacques Lacan, Variantes de la cure-type, in Écrits, p. 330, Seuil, Paris, 1966.
  58. B. Cassin, L'Effet sophistique, p. 19, Gallimard, Paris, 1995.
  59. a b c et d A. Pierçon-Gnezda, Barbara Cassin, « L’archipel des idées de Barbara Cassin », in Lectures, 8 octobre 2014.
  60. B. Cassin, L'archipel des idées de Barbara Cassin, p. 39, coll. L'archipel des idées, MSH, Paris, 2014 (ISBN 978-2-7351-1699-7).

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Bibliographie

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  1. Pierre Cassin est le fils d'un cousin germain de René Cassin[2].
  2. Exemple cocasse et parlant, quand un homme insulte une femme en la traitant de chienne, il cite sans le savoir l'Odyssée. Au-delà des mots, il s'agit de schémas culturels.
  3. Actes de la Rencontre internationale organisée du 18 au 22 octobre 1994 à Paris par la Sorbonne et le Muséum national d'histoire naturelle.
  4. Patrick Lévy est un traducteur de la maison Gallimard.
  5. Cet extrait reprend mot pour mot un passage d'une intervention antérieure : Aristote et le « linguistic turn », in Nos Grecs et leurs modernes, p. 434, op. cit. infra.
  6. Un compte-rendu critique du Si parménide.
  7. Dans ce numéro de revue consacré aux représentantes féminines de la philosophie française contemporaine (Claude Imbert, Françoise Dastur, Marie-José Mondzain, Monique David-Ménard, Antonia Soulez, Isabelle Stengers, etc.) Stanley Cavell présente le travail de Barbara Cassin à la lumière d'Austin et de Wittgenstein. À noter au sein de ce même numéro, la traduction anglaise d'un article de Barbara Cassin, « Who's Afraid of the Sophists? Against Ethical Correctness ».

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