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Albert Fert

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Albert Fert
Albert Fert.
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CNRS Délégation Île-de-France Sud (d) (depuis le )
Université Paris-SudVoir et modifier les données sur Wikidata
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Médaille d'or du CNRS ()
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Albert Fert, né le à Carcassonne, est un physicien français, spécialiste de physique de la matière condensée, professeur émérite à l’université Paris-Sud. Il est lauréat avec Peter Grünberg du prix Nobel de physique de 2007 « pour la découverte de la magnétorésistance géante » en 1988.

Albert Fert est né le à Carcassonne dans l’Aude. Ses parents étaient respectivement professeur de physique à l’université et enseignante en économie en lycée. Il est marié et a deux enfants[1].

Durant les deux premières années de sa vie, Albert et sa famille vivent à Toulouse. Lorsque la guerre éclate en 1939, son père est mobilisé et fait prisonnier en 1940. Albert et son frère André sont alors envoyés chez leurs grands-parents à Montclar, dans l’Aude, où ils resteront jusqu’à la fin de la guerre tandis que leur mère reste sur Toulouse mais vient les voir tous les week-ends[2].

En juin 1945, après la Libération et le retour de Charles Fert (père d’Albert), la famille retourne vivre à Toulouse. Tout en continuant d’enseigner, Charles Fert finit sa thèse et, après sa soutenance, est nommé professeur à l’université de Toulouse où il s’illustre dans le domaine de la microscopie électronique. Son penchant pour la rigueur intellectuelle a eu une grande influence sur son fils Albert et sur son approche des mathématiques et de la physique. Durant sa scolarité au lycée Pierre-de-Fermat, Albert s’intéresse également à la littérature, aux arts et au rugby. Il obtient son baccalauréat à l’âge de dix-sept ans[2] en 1955.

Après le baccalauréat, Albert Fert prépare au lycée Pierre-de-Fermat de Toulouse le concours d’entrée à l’École normale supérieure (ENS) où il est admis en 1957. Ses années à l’ENS sont une période très intense de sa jeunesse[2]. Il y suit les cours de grands physiciens comme Alfred Kastler ou Jacques Friedel, et se passionne pour la photographie et le cinéma (il est un grand admirateur de l'œuvre d'Ingmar Bergman[3]), réalise un film, et devient aussi fan de jazz qu’il écoute dans le quartier Saint-Germain-des-Prés.

À sa sortie de l’ENS, il est assistant à l’université de Grenoble, et obtient en 1963 un doctorat de 3e cycle de l’université de Paris grâce à une thèse préparée à l’institut d’électronique fondamentale de la faculté des sciences d'Orsay et au laboratoire de spectrométrie physique de la faculté des sciences de Grenoble.

À son retour du service militaire en 1965, il est maître-assistant à la faculté des sciences d’Orsay de l’université Paris XI, et prépare sous la direction de Ian Campbell au sein du Laboratoire de physique des solides de la faculté un doctorat ès sciences physiques consacré aux propriétés de transport électrique dans le nickel et le fer, qu’il soutient en 1970.

Carrière professionnelle

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Après sa thèse en 1970, Albert Fert est maître-assistant à l’université Paris XI et dirige une équipe au Laboratoire de physique des solides. Il est nommé Professeur à l’université Paris XI en 1976. En 2017, il est toujours professeur émérite de cette université. Sa collaboration avec le Laboratoire central de recherche du groupe Thomson-CSF (aujourd’hui groupe Thales) le conduit à être l’un des fondateurs en 1995 de l’Unité mixte de physique CNRS/Thomson-CSF (devenue Unité mixte de physique CNRS/Thales en 2000[4]) dont il est le directeur scientifique en 2017[1].

Recherche scientifique : Albert Fert et le développement de la spintronique

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La spintronique ou électronique de spin[5], peut se décrire comme un nouveau type d’électronique qui utilise non seulement la charge des électrons, comme l’électronique conventionnelle, mais aussi leur spin, ou moment magnétique (intrinsèque). Plus précisément, la spintronique exploite l’influence de l’orientation du spin des électrons sur la conduction électrique. Cette influence avait été démontrée dans la thèse d’Albert Fert et d’autres travaux précurseurs de la spintronique avaient été développés par la communauté scientifique dans les années 1970, avec les travaux de Tedrow et Merservey (1971), puis ceux de Michel Jullière avec un article publié en 1975 montrant un effet précurseur de la magnétorésistance à effet tunnel (TMR). Cependant la découverte du phénomène de la magnétorésistance géante et l’essor de la spintronique ne fut possible qu’avec l’arrivée des nanotechnologies dans les années 1980. Albert Fert initie alors une collaboration avec Thomson-CSF pour la fabrication de multicouches magnétiques par la technique d’épitaxie par jets moléculaires et cette collaboration aboutit à la découverte de la magnétorésistance géante (GMR)[6]. Peter Grünberg à Juliers (Jülich en Allemagne) la découvre de manière indépendante quelques mois plus tard[7]. L’article Giant Magnetoresistance of (001)Fe/(001)Cr Magnetic Superlattices[6] publié par Albert Fert et son équipe en 1988 est considéré comme l’acte de naissance de la spintronique[5]. En 2018, ISI Web of Knowledge référence plus de 6 000 citations pour ce même article[8]. La GMR a révolutionné la technologie de lecture des disques durs et ouvert la voie vers leur miniaturisation et implémentation dans l’électronique nomade. D'autre applications sont ensuite venues du développement de la spintronique et, par exemple, les mémoires STT-RAM utilisent la magnétorésistance de jonctions tunnel magnétiques (TMR) et le phénomène de transfert de spin (STT).

La spintronique[5] est devenue depuis 1988 un domaine important de la recherche en physique de la matière condensée. L’équipe d’Albert Fert, notamment après la création de l’Unité Mixte de Physique associant le CNRS et l'industriel Thales, a eu des contributions significatives à son développement. On peut citer les premières mesures de magnétorésistance sur des jonctions magnétiques à barrière de MgO (le type de jonction aujourd’hui utilisé dans de nombreux dispositifs[9]), des travaux pionniers sur la commutation d’aimantation ou le déplacement de parois magnétiques par transfert de spin[10], ou encore des travaux sur le transport de spin dans des nanotubes de carbone ou du graphène[11]. Sur le plan de la théorie, Thierry Valet et Albert Fert sont les auteurs d’un modèle[12] qui a introduit en spintronique les concepts fondamentaux d’accumulation de spin et de courant de spin (plus de 1000 citations en 2017 pour leur article de 1993). Le développement actuel de recherches sur les solitons magnétiques topologiques appelés « skyrmions » est aussi basé en partie sur le concept d'interaction chirale entre spins aux interfaces de films magnétiques introduit par Albert Fert en 1990[13]. L'étude de skyrmions dans des multicouches magnétiques[14] est depuis 2013 une activité importante d'Albert Fert et de ses collègues de l'Unité Mixte de Physique. Leur programme de recherche comprend également l'étude d'autres phénomènes liés à des effets de topologie, comme la conversion entre courants de spin et de charge par les états de surface d'un « isolant topologique »[15].

Engagement politique

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Albert Fert participa à la pétition demandant « le retrait » de la « circulaire Guéant »[16] qui empêche nombre de diplômés étrangers de rester travailler en France. Il parraina une étudiante étrangère menacée par la circulaire.

Distinctions

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Albert Fert et Peter Grünberg ont obtenu le Prix Nobel de physique 2007 pour la découverte de la magnétorésistance géante et leurs contributions au développement de la spintronique[17],[18].

Prix scientifiques

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Sociétés savantes

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Décorations

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Le , Albert Fert est directement[a] nommé au grade de commandeur dans l'ordre national de la Légion d'honneur au titre de « prix Nobel de physique, professeur émérite des universités, membre de l'Académie des sciences ; 47 ans de services »[21]. Il est fait commandeur de l'ordre le dans son laboratoire de recherche, par Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche[22]. Le , il est élevé à la dignité de grand officier dans l'ordre au titre de « physicien, prix Nobel de physique, membre de l'Académie des sciences »[22].

Après obtenu le prix Nobel de physique le , Albert Fert est directement[b] élevé à la dignité de grand officier dans l'ordre national du Mérite le au titre de « prix Nobel de physique ; 45 ans de services civils et militaires »[23]. Il est élevé à la dignité de grand-croix dans l'ordre le [24].

Albert Fert a obtenu de nombreux doctorats honoris causa :

Le 5 octobre 2023, sa ville natale Carcassonne, a inauguré de son nom, en sa présence et celle de la ministre et physicienne Sylvie Retailleau, la nouvelle antenne de l'IUT située dans les locaux de l'ancien lycée impérial[35].

Pour approfondir

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Bibliographie

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Articles connexes

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Liens externes

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Notes et références

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  1. Albert Fert a en en effet été directement nommé au grade de commandeur dans l'ordre national de la Légion d'honneur, sans avoir été nommé au préalable au grade de chevalier dans l'ordre, puis fait chevalier de l'ordre, puis promu au grade d'officier dans l'ordre puis fait officier de l'ordre.
  2. Albert Fert a en en effet été directement nommé au grade de commandeur dans l'ordre national du Mérite, sans avoir été nommé au préalable au grade de chevalier dans l'ordre, puis fait chevalier de l'ordre, puis promu au grade d'officier dans l'ordre puis fait officier de l'ordre, puis promu au grade de commandeur dans l'ordre puis fait commandeur de l'ordre.

Références

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  1. a et b Who's Who in France, édition 2008, p. 882.
  2. a b et c (en) « Albert Fert - Biographical », sur le site de la Fondation Nobel (consulté le ).
  3. « Albert Fert, un Nobel amoureux de Bergman », Le Figaro,‎ (ISSN 0182-5852, lire en ligne, consulté le )
  4. « Unité Mixte de Physique CNRS/Thales (UMR 137) », sur le site du groupe Thales (consulté le ).
  5. a b et c Tsymbal, E. Y. (Evgeny Y.) et Zutic, Igor., Handbook of spin transport and magnetism, CRC Press, (ISBN 9781439803776, OCLC 756724063, lire en ligne)
  6. a et b Mario N. Baibich, Jean-Marc Broto, Albert Fert, Frédéric Nguyen Van Dau, Frédéric Petroff, Patrick Etienne, Gérard Creuzet, Alain Friederich and Jean Chazelas, Giant Magnetoresistance of (001)Fe/(001)Cr Magnetic Superlattices, Phys. Rev. Lett. 61, 2472 - 2475 (1988).
  7. G. Binasch, P. Grünberg, F. Saurenbach et W. Zinn, « Enhanced magnetoresistance in layered magnetic structures with antiferromagnetic interlayer exchange », Physical Review B, vol. 39, no 7,‎ , p. 4828–4830 (DOI 10.1103/PhysRevB.39.4828, lire en ligne, consulté le )
  8. Giant Magnetoresistance of (001)Fe/(001)Cr Magnetic Superlattices, ISI Web of Knowledge.
  9. M. Bowen, V. Cros, F. Petroff et A. Fert, « Large magnetoresistance in Fe/MgO/FeCo(001) epitaxial tunnel junctions on GaAs(001) », Applied Physics Letters, vol. 79, no 11,‎ , p. 1655–1657 (ISSN 0003-6951, DOI 10.1063/1.1404125, lire en ligne, consulté le )
  10. Julie Grollier, V. Cros, A. Hamzic et J. M. George, « Spin-polarized current induced switching in Co/Cu/Co pillars », Applied Physics Letters, vol. 78, no 23,‎ , p. 3663–3665 (ISSN 0003-6951, DOI 10.1063/1.1374230, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Bruno Dlubak, Marie-Blandine Martin, Cyrile Deranlot et Bernard Servet, « Highly efficient spin transport in epitaxial graphene on SiC », Nature Physics, vol. 8, no 7,‎ , p. 557–561 (ISSN 1745-2481, DOI 10.1038/nphys2331, lire en ligne, consulté le )
  12. T. Valet et A. Fert, « Theory of the perpendicular magnetoresistance in magnetic multilayers », Physical Review B, vol. 48, no 10,‎ , p. 7099–7113 (DOI 10.1103/PhysRevB.48.7099, lire en ligne, consulté le )
  13. (en) A.R. Fert, « Magnetic and Transport Properties of Metallic Multilayers », Materials Science Forum, vol. 59-60,‎ , p. 439–480 (ISSN 1662-9752, DOI 10.4028/www.scientific.net/msf.59-60.439, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) Albert Fert, Nicolas Reyren et Vincent Cros, « Magnetic skyrmions: advances in physics and potential applications », Nature Reviews Materials, vol. 2, no 7,‎ (ISSN 2058-8437, DOI 10.1038/natrevmats.2017.31, lire en ligne, consulté le )
  15. J.-C. Rojas-Sánchez, S. Oyarzún, Y. Fu et A. Marty, « Spin to Charge Conversion at Room Temperature by Spin Pumping into a New Type of Topological Insulator: $\ensuremath{\alpha}$-Sn Films », Physical Review Letters, vol. 116, no 9,‎ , p. 096602 (DOI 10.1103/PhysRevLett.116.096602, lire en ligne, consulté le )
  16. dépêche AFP, « Étudiants étrangers: une pétition réclame le retrait de la circulaire Guéant », sur le site du magazine Le Point, (consulté le ).
  17. (en) « for the discovery of Giant Magnetoresistance » in Personnel de rédaction, « The Nobel Prize in Physics 2007 », Fondation Nobel, 2010. Consulté le 1er juillet 2010.
  18. Curriculum vitæ de Albert Fert sur le site du CNRS.
  19. « Albert Fert | CNRS », sur www.cnrs.fr (consulté le )
  20. « Albert Fert », sur le site de l’Académie des sciences (consulté le ).
  21. Décret du 20 novembre 2015 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier
  22. a et b Décret du 29 décembre 2022 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier de l'ordre national de la Légion d'honneur.
  23. Décret du 30 janvier 2008 portant élévation aux dignités de grand'croix et de grand officier
  24. Décret du 6 avril 2012 portant nomination
  25. (pt) « Albert Fert is Doctor Honoris Causa at UFRGS », sur ufrgs.br (consulté le ).
  26. « Honorary graduates », sur Ac.uk (consulté le ).
  27. « Docteur honoris causa », sur UCLouvain (consulté le ).
  28. NBC New York, « Hillary to Receive Honorary NYU Degree », sur nbcnewyork.com, (consulté le ).
  29. « Albert Fert, Docteur Honoris Causa de l’UAB », sur La France en Espagne (consulté le ).
  30. https://www1.biu.ac.il/indexE.php?id=4174&pt=20&pid=4&level=1&cPath=4&type=1&news=1665
  31. « Albert FERT », sur Collations des grades - Université de Montréal (consulté le ).
  32. https://www.tcd.ie/Secretary/Communications/Press_Releases/PR0203/prwinterhondegrees.htm
  33. https://www.rwth-aachen.de/go/id/frag?lidx=1
  34. https://www.unizar.es/honoris-causa-albert-fert-109
  35. Lionel Ormières, « Carcassonne : quand un Prix Nobel renoue avec ses racines... » Accès payant, sur lindependant.fr, (consulté le )