Alimentation, santé globale 4 min

Manger sain et durable

PARUTION - En dressant un état des lieux des façons de se nourrir, de leurs bénéfices et nocivités, ce livre pose donc un double regard sur ces enjeux de société fortement dépendants : notre santé et l’environnement.

Publié le 27 février 2020

© INRAE

Comment bien se nourrir ? Comment produire durablement des aliments sains ? Ces deux questions, devenues préoccupantes, nous invitent à repenser notre alimentation, depuis le contenu de notre assiette jusqu’à la planète qui nous héberge.

Expert reconnu en nutrition, l’auteur synthétise des études récentes qui mettent en lumière les liens entre régime alimentaire et santé, montrant clairement l’intérêt de régimes plus végétaux et la réduction, avec une alimentation majoritairement bio, des risques d’obésité, de surpoids et de maladies chroniques telles que les cancers. De plus, il décrit l’efficacité de systèmes alimentaires durables et universels à réduire les impacts écologiques néfastes sur la planète. L’agriculture biologique et d’autres démarches agroécologiques apparaissent comme des modèles à développer pour produire des aliments goûteux, nutritifs et sains, mais aussi pour encourager la consommation locale et recréer des liens directs avec les agriculteurs.

Directeur de recherche émérite à l’Inserm, Denis Lairon, l’auteur de cet ouvrage, collabore à un programme de l’ONU sur les systèmes alimentaires durables. Il est aussi très impliqué actuellement dans la plus grande étude au monde sur les consommateurs d’aliments bio. À travers ce livre, son ambition est non seulement de divulguer le plus largement possible des informations qui concernent notre santé, mais aussi de revaloriser notre relation à l’alimentation et aux ressources de la Terre.

 

Préface de Serge Hercberg, professeur de Nutrition à l’université Paris 13, équipe de recherche Épidémiologie nutritionnelle Inserm/INRAE/Cnam/université Paris 13.

Des chercheurs INRAE ont participé à cet ouvrage : Emmanuelle Kesse-Guyot, épidémiologiste, directrice de recherche à INRAE et coordinatrice du projet Bionutrinet. Patrick Borel, directeur de recherche à INRAE, a dirigé l’équipe de nutrition humaine du centre de recherche cardiovasculaire et nutrition Inserm - INRAE - Université Aix-Marseille.

Manger sain et durable

De notre assiette à la planète

Editions Quae – 152 pages, février 2020 – 18 euros

EXTRAITS Tous les pays méditerranéens, d’abord au nord puis à l’est et au sud du bassin, ont connu depuis les années 1970-1980 une transition alimentaire qui se caractérise par l’abandon progressif des habitudes alimentaires méditerranéennes traditionnelles et de ce mode de vie pour adopter le modèle occidental né en Amérique du Nord. Entre 1965 et 2000, soit une génération, on a assisté, dans tous les pays méditerranéens, à une division par 2 à 3 du nombre d’habitants qui suivaient une alimentation méditerranéenne traditionnelle, ceux-ci devenant minoritaires. Ainsi en Grèce en 2005, uniquement 8 % des adultes perpétuaient vraiment encore cette alimentation traditionnelle, et 29 % seulement l’avaient conservée en partie. Au sein de nombreuses familles méditerranéennes, on constate à présent une alimentation très souvent déséquilibrée, entraînant à la fois des carences en certains nutriments et l’obésité, le « double fardeau », une situation problématique identifiée par l’OMS.

des carences en certains nutriments et l’obésité, le  double fardeau

Il est en effet frappant de constater que l’abandon progressif de l’alimentation méditerranéenne traditionnelle durant les dernières décennies dans tout le pourtour méditerranéen s’accompagne d’une explosion du surpoids et de l’obésité chez les adultes comme chez les enfants et adolescents, qui est très souvent la première étape conduisant aux maladies futures (voir chapitre 4). Des taux de surpoids et d’obésité cumulés peuvent atteindre aujourd’hui 70 % de la population adulte dans de nombreux pays méditerranéens. Et, symbole alarmant, la Grèce, Crète comprise, est devenue en 2010 le pays européen avec les taux record de surpoids (53,7 %) et d’obésité (20,1 %) dans la population adulte. Ce constat concorde avec les observations de la grande étude épidémiologique européenne Epic en cours, montrant dans divers pays que les adultes qui ont une alimentation de type méditerranéen sont moins sujets au surpoids et à l’obésité.

 

•  L’éthique et le respect devraient être les moteurs de la production et de la consommation alimentaire durables. Respect des écosystèmes, du climat et des limites de la planète, bien sûr : la biodiversité est essentielle à l’équilibre de la nature, et procure paysages et services pour toutes les espèces, dont leur alimentation et leur santé (IPBES, 2019). Et respect des nouvelles générations humaines.

Respect aussi des producteurs, plutôt que de continuer à les faire disparaître, pour des gains de productivité et de PIB. Ce qui sous-entend de réformer les politiques agricoles (dont la PAC en Europe) pour mieux former les agriculteurs de façon indépendante des firmes, et de les soutenir fortement dans les démarches de transition écologique pour protéger leur santé, leur bien-être et l’environnement, et produire des aliments sains. Arrêter de transformer les fermes à taille humaine en fermes-usines détenues par des fonds financiers, comme si la production d’aliments était une activité industrielle profitable comme une autre. Et ne pas signer d’accords commerciaux internationaux qui risquent de détruire ce qui reste de la paysannerie. Soutenir la recherche publique pour plus de connaissances et d’innovations dans des systèmes de production durables et efficaces. Choisir les races et variétés dans des objectifs de bien-être, qualité et durabilité.

Mais aussi limiter la transformation des aliments au minimum nécessaire, en particulier en évitant tout ce qui altère la qualité (par ex. raffinage ; ultra-transformation avec additifs, sel, sucre et gras, emballages), imposer des règles réellement protectrices de la qualité pour la transformation des aliments et contre la publicité, éduquer éthiquement les consommateurs pour leur rendre leur liberté et promouvoir leur santé. N’oublions pas les scandales sanitaires, plus ou moins importants, mais à répétition, éteints le plus souvent sans transparence, ni éthique.

nous devons consacrer une part plus juste de nos revenus à une alimentation bonne et saine

Les consommateurs, devenus depuis les années 1970 les clients dominés de la grande distribution, ont beaucoup perdu le lien avec la production, ses impératifs et ses impacts, conditionnés à rechercher les prix bas d’aliments souvent de faible qualité et en partie importés. De plus en plus de citoyens sont devenus plus lucides et veulent devenir des consomm’acteurs conscients, optant pour la vente directe de produits de saison, pour des circuits courts et de proximité, pour des paniers, des amap*, des produits certifiés de meilleure qualité, moins pollués et moins polluants, retrouvant le lien avec les producteurs. Retrouvant aussi le juste prix des aliments. Les citoyens de notre temps ont été conditionnés à réduire la part de l’alimentation dans leur budget, comme si la qualité n’avait pas un prix, comme si les producteurs ne devaient pas recevoir un salaire décent pour leur difficile travail. Si nous souhaitons réussir la transition écologique, nous devons consacrer une part plus juste de nos revenus à une alimentation bonne et saine, et permettre aux producteurs de vivre de leur travail et à la planète de rester en équilibre. Les circuits courts aident aussi à réduire ou à supprimer les surcoûts tout en rémunérant mieux les producteurs, des règlements plus contraignants pour les opérateurs le favoriseraient aussi dans des circuits plus longs. Et l’autoproduction permet à diverses échelles (jardins, balcons, cours ensoleillées, jardins partagés ou ouvriers) d’avoir un complément variable agrémenté de plaisir.

*Association pour le maintien de l’agriculture paysanne.

En savoir plus

Agroécologie

Peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ?

L’Inra (Délégation à l'Expertise scientifique collective, à la Prospective et aux Etudes) a livré le 16 janvier 2018 une expertise scientifique collective sur les leviers disponibles pour réduire l’usage du cuivre en protection des cultures biologiques. Cette expertise a été réalisée à la demande conjointe de l’Institut technique de l’agriculture biologique (Itab) et d’un programme fédérateur de recherche Inra (Métaprogramme SMaCH*). La démarche d’examen de la littérature adoptée et les résultats sont potentiellement applicables à d’autres problématiques agricoles cherchant à limiter ou éviter la consommation de certains intrants.

11 décembre 2019