Agroécologie 3 min
Une bourse ERC pour décrypter les signaux volatils d’une vigne menacée
Chargée de recherche au département AgroEcoSystem, Foteini Paschalidou vient de recevoir une bourse du Conseil européen de la recherche pour son projet PANOPLY. Situées dans le domaine invisible des molécules olfactives, ses recherches visent à déceler les interactions entre la vigne et son environnement lorsque celle-ci réceptionne des composés organiques volatils l’alertant d’un danger imminent. Les résultats permettront de nourrir les fondements d'une écologie chimique.
Publié le 22 octobre 2024
Un pot de basilic au milieu d’un figuier, des bouquets de menthe le long des pommiers, quelques oignons parmi les carottes… voici quelques-unes des alliances vertueuses entre les plantes afin de repousser les ravageurs. Les plantes aromatiques sont particulièrement connues pour jouer le rôle de sentinelles puisqu’elles sont capables d’émettre très tôt des composés volatils en cas d’infestation. Lorsque la plante voisine capte ces molécules, elle réagit en préparant sa défense. Cela peut consister à produire d’autres composés visant à repousser, attirer ou alerter les congénères, les alliés ou les ennemis. Ces batailles silencieuses à coups de composés volatils se jouent depuis toujours mais font l’objet de recherches depuis peu. Sur le terrain du verger et des plantes annuelles, l’exploration scientifique est en cours ; mais, côté plantes pérennes, la science est en terra incognita.
Le programme du Conseil européen de la recherche finance la recherche exploratoire avec pour unique critère l'excellence scientifique. Il permet aux chercheurs d'identifier de nouveaux domaines de recherche, tout en reconnaissant le statut et la visibilité des esprits les plus brillants d'Europe. L'objectif ultime est de construire une recherche européenne prête à répondre aux besoins d'une société basée sur la connaissance et à fournir la recherche de pointe nécessaire pour relever les défis mondiaux.
Foteini Paschalidou est la première à proposer une étude portant sur une plante pérenne et à forte valeur économique, la vigne. Son objectif : déceler les interactions que développe Vitis vinifera avec d’autres organismes lorsqu’elle est alertée par une plante aromatique de l’apparition de la flavescence dorée, une maladie grave justifiant la mise en quarantaine des parcelles.
Les stratégies de défenses contre la flavescence dorée
Transmise par un insecte appelé cicadelle (Scaphoideus titanus), la flavescence dorée provoque le jaunissement puis le dépérissement de la vigne. Foteini Paschalidou compte identifier les plantes aromatiques (thym, origan, lavande…) les plus efficaces pour informer précocement du danger. Son projet consiste à observer ensuite les moyens de défense mis en œuvre par la vigne. La littérature scientifique liées aux émissions de composés organiques volatils (COV) et aux interactions qu’elles déclenchent montre que certaines plantes produisent des molécules répulsives tandis que d’autres favorisent la mobilisation des ennemis du ravageur, ou encore attirent les pollinisateurs afin d’accélérer la reproduction de la plante avant qu’elle n’expire. La chercheuse mise sur de multiples interactions inter-espèces, ce qui n’a encore jamais été étudié.
Une première mondiale
PANOPLY se démarque des autres études par son ambition de scanner l’ensemble des interactions multitrophiques : interactions plantes-plantes, vigne-herbivores, vigne-ennemis des herbivores et vigne-pollinisateurs.
C’est également la première étude se déroulant sur une longue période (5 ans). Suffisamment longue pour que les chercheurs puissent observer des cycles saisonniers. « Nous allons caractériser la dynamique des changements en fonction des saisons car il est probable que la vigne attire ou repousse les auxiliaires et les prédateurs différemment selon les saisons », explique Foteini Paschalidou.
Autre approche inédite : les expériences se dérouleront en laboratoire mais également sous serre, en jardin et en plein champ, au sein de la plateforme d’expérimentation du domaine du Chapitre (Hérault). Au plus proche des conditions réelles, les résultats seront notamment contraints par la variabilité climatique et les aléas naturels.
Les résultats obtenus pourraient ouvrir un champ de solutions alternatives aux produits chimiques utilisés dans les cultures. Il s’agit par exemple de renforcer la lutte biologique par l’attraction d’ennemis naturels des ravageurs ou de diversifier les cultures grâce aux plantes aromatiques, autant de pistes pour consolider les systèmes agroécologiques.