Bioéconomie 4 min

Adapter les agricultures aux territoires de demain

La plateforme de modélisation MAELIA est un outil innovant pour penser l’agriculture et les filières biomasse dans les territoires. Biodiversité, manque d’eau, sécurité alimentaire… autant d’enjeux qui traversent le secteur agricole, et que la plateforme MAELIA permet d’éclairer, avec pour objectif d’accompagner les acteurs à prendre les décisions les mieux adaptées à leur territoire, tenant compte de leurs enjeux environnementaux, économiques et sociétaux. La plateforme MAELIA est cordonnée depuis 2010 par Olivier Therond.

Publié le 27 novembre 2023

© INRAE

Un exemple simple de ce que MAELIA peut permettre ? 

Olivier Therond : Prenons l’exemple des couverts intermédiaires, qui sont des plantes que l’on fait pousser entre 2 cultures pour éviter de laisser le sol à nu, pour stocker du carbone et produire de la biomasse à vocation énergétique. De nombreux travaux démontrent les vertus des couverts intermédiaires et il existe des politiques qui encouragent leur recours. Néanmoins, nous montrons que ces couverts intermédiaires, dans certaines conditions, peuvent poser des problèmes car ils transpirent, faisant passer de l’eau du sol vers l’atmosphère, à l’automne et au printemps, qui sont des périodes où les nappes phréatiques se rechargent avec les pluies.

MAELIA permet de décrire finement les territoires selon leurs particularités.

En recouvrant les sols à ce moment-là, on risque d’amplifier ces flux d’eau vers l’atmosphère et donc de réduire l’eau qui va vers les cours d’eau et les nappes, déjà en difficulté. Il faut donc réfléchir à ces dynamiques et aux modes de gestion des couverts avant de prendre des décisions. Notre travail permet également d’affiner certaines données. En effet, la plupart des études expliquent qu’un couvert intermédiaire permet de stocker, par ex. 120 kg de carbone par hectare et par an, ce qui est vrai en moyenne, mais ne se vérifie nulle part. Sur un territoire, le couvert intermédiaire peut très bien pousser à un endroit et pas à un autre, en fonction du sol et climat, ou des espèces concernées. Avec MAELIA, nous décrivons des réalités : les sols, les systèmes agricoles, les pratiques, le climat, l’eau… On simule chaque parcelle, chaque exploitation pour décrire ce qui se passe dans un territoire donné, de sorte à saisir les hétérogénéités qui déterminent le fonctionnement réel au sein de ce territoire.  

Qu’est-ce qu’il y a de novateur dans le projet MAELIA ? 

Olivier Therond : Son originalité réside dans son côté intégrateur. À notre connaissance, la plateforme MAELIA n’a pas d’équivalent en France, ni à l’international. En effet, il existe des outils de modélisation des territoires qui traitent de l’eau, d’autres de l’azote, du sol, des plantes, des produits phytosanitaires, ou encore des régulations biologiques… Au lieu de segmenter, MAELIA traite de tout cela à la fois, ce qui nous permet d’analyser et de croiser différents types d’enjeux relatifs à l’agriculture et à la production de biomasses - c’est à dire l’ensemble des matières organiques - dans les territoires. Notre credo est donc l’intégration, compétence peu développée en France, contrairement à l’international où existent des écoles de recherche de modélisation et d' évaluation intégrées (integrated assessment and modelling).

LE PORTRAIT D'OLIVIER THEROND
Agronome féru de modélisation, Olivier Therond coordonne le développement de la plateforme MAELIA. Sa contribution significative pour la recherche a été récompensée par le Laurier INRAE Innovation 2023.
Découvrir son portrait.

Le pari initial de MAELIA est que la plateforme serve d’outil d’aide à la décision. Comment peut-elle être directement utile à la société ? 

Olivier Therond : Lorsque je présente MAELIA à des acteurs du secteur, une des réactions que j’ai le plus souvent est : « Je ne croyais pas que c’était possible ». Et une fois que cet outil entre dans l’espace des possibles, il suscite beaucoup d’enthousiasme. Avec MAELIA, on parle de choses qui concernent les acteurs des territoires, des éléments sur lesquels ils rencontrent déjà des problèmes, ils se posent des questions. Pour faire face aux demandes croissantes d’utilisation de la plateforme et sur conseil de l’ADEME, avec Renaud Misslin et Manon Dardonville, nous avons créé la start-up MAELAB en 2021. Nous travaillons par exemple avec la chambre d’agriculture du Grand Est, pour voir dans quelle mesure MAELIA pourrait devenir leur outil de prospective territoriale et de conseil pour la transition agroécologique des exploitations. Nous sommes aussi en lien avec des collectivités, comme en ce moment avec l’Eurométropole de Strasbourg pour réfléchir au devenir de leur agriculture. Nous avons aussi développé une collaboration avec le Centre commun de recherche de la communauté européenne (JRC), qui souhaiterait recourir à MAELIA pour évaluer les politiques agricoles de la Commission européenne. 

Quels sont les projets défis de MAELIA ? 

Œuvrer pour la neutralité carbone des territoires

Olivier Therond : Le développement de MAELIA va notamment être soutenu dans le cadre du PEPR FairCarboN. Nous avons monté le projet SLAM-B, doté de 6,5 millions d’euros, dont l’objectif est de développer des fonctionnalités de MAELIA pour permettre aux acteurs de penser la neutralité carbone dans leur territoire. SLAM-B va nous permettre d’intégrer dans la plateforme des modèles de bioraffineries, d’élevages, de démographie, croissance et gestion des forêts, de métabolisme urbain et des indicateurs des performances socio-économique des filières… On va aussi développer des capacités d’analyse de cycle de vie (ACV), pour pouvoir représenter ce qui se passe en amont et en aval du territoire : si on importe des tourteaux de soja, comment mesurer l’impact de la déforestation en Amazonie ? Même chose pour les limites planétaires, car on peut avoir réduit l’impact sur les ressources à l’échelle locale, mais être toujours à un niveau de pression bien supérieur à ce que la planète peut encaisser.

Ce projet implique 38 unités de recherche et une centaine de scientifiques permanents. Il mobilisera 6 territoires d’études pour démontrer l’intérêt de la plateforme : 4 en France métropolitaine, l’Île de la Réunion, ainsi qu’un territoire au nord du Sénégal. Il s’agit là d’une importante montée en capacité de MAELIA, qui pourrait la positionner comme un outil incontournable pour concevoir une trajectoire vers la neutralité carbone dans les territoires, en France et l’international.

Contacts

Olivier TherondIngénieur de rechercheUMR LAE (Laboratoire Agronomie et Environnement)

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