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Kenya : Harcèlement de défenseurs de l’environnement

Des activistes ont été arrêtés et interrogés, et parfois détenus


(Nairobi) – La police et l’armée kényanes harcèlent et intimident les défenseurs des droits environnementaux dans le comté de Lamu, région côtière du Kenya, ont déclaré Human Rights Watch et la National Coalition of Human Rights Defenders-Kenya dans un rapport publié aujourd’hui.

Le rapport de 69 pages, intitulé « ‘They Just Want to Silence Us’: Abuses Against Environmental Activists at Kenya’s Coast Region » (« “Ils veulent seulement nous faire taire” : Abus à l’encontre de défenseurs de l’environnement dans la région côtière du Kenya »), décrit le contexte de l’activisme autour du projet de corridor de transport Port de Lamu – Sud-Soudan – Éthiopie (LAPSSET) et des projets de développement associés, et documente les obstacles rencontrés par les activistes pour exprimer publiquement leurs préoccupations. Au moins, 35 activistes faisant campagne contre les mégaprojets d’infrastructures et de transport de la région ont fait l’objet de menaces, de passages à tabac, d’arrestations arbitraires et de détentions.

« Les autorités kényanes devraient s’efforcer de répondre aux préoccupations environnementales et sanitaires liées au projet de développement LAPSSET plutôt que de harceler les activistes qui soulèvent les problèmes », a déclaré Otsieno Namwaya, chercheur auprès de la division Afrique de Human Rights Watch. « Empêcher les activistes de s’exprimer ne résoudra pas les inquiétudes sur la question de savoir si les plans du gouvernement seront néfastes ou non pour l’environnement et les personnes qui vivent là. »

Manifestation de résidents de le région côtière de Lamu, au Kenya, et d’activistes écologistes préoccupés par les risques à l’environnement  posés par le projet « Lamu Port-South Sudan-Ethiopia » (LAPSSET), le 1er mars 2012. © 2012 Joseph Okanga/ Reuters

Le projet, le plus vaste projet d’infrastructure de l’Afrique de l’Est et centrale, prévoit un port maritime avec 32 points d’amarrage à Lamu, trois aéroports internationaux, un réseau routier et ferroviaire, trois stations balnéaires et d’autres projets connexes comme la centrale électrique à charbon, qui est cofinancée par deux sociétés privées, Amu Power et Centum Investment Company. L’Autorité de développement du corridor LAPSSET, une agence gouvernementale menant à bien le projet, a donné plus de 975 acres (394 hectares) de terres pour la construction de la centrale électrique à charbon de Lamu.

En mai et en août 2018, Human Rights Watch a documenté des incidents de harcèlement, d’intimidation et d’autres abus à l’encontre d’au moins 35 activistes qui ont eu lieu au cours des cinq dernières années. Dans de nombreux cas, les activistes ont été arrêtés ou détenus en lien avec leur activité militante, puis relâchés sans être mis en examen. Les forces de sécurité ont dispersé des manifestations, restreint les réunions publiques et menacé, arrêté et poursuivi des activistes pour divers chefs d’inculpation.

Dans au moins 15 cas, la police a accusé les activistes d’avoir des liens avec Al-Chabab, un groupe islamiste armé basé en Somalie, ou d’en être des sympathisants. Ceci a été particulièrement courant entre 2013 et 2016, dans un contexte de surveillance gouvernementale renforcée et de répression des activistes et des organisations de défense des droits dans des régions principalement habitées par des populations musulmanes.

« Le gouvernement qualifie les activistes qui s’élèvent contre le projet de terroristes », a expliqué un enseignant de 32 ans au premier rang de l’organisation de réunions communautaires sur les effets environnementaux de LAPSSET. « La police arrête, détient et même interroge les activistes en vue de les intimider. »

Alors que le gouvernement kényan avance dans la mise en œuvre du projet de Port Lamu, les communautés sur la côte et les organisations qui les soutiennent font de plus en plus entendre leur voix sur les impacts environnementaux et sanitaires de ces projets. Elles ont mené une campagne particulièrement forte contre la centrale électrique à charbon prévue, en affirmant qu’elle polluera l’air et l’eau, affectant ainsi les moyens de subsistance des communautés locales.

Les activistes indiquent que la centrale dégagera de la fumée contenant des particules dangereuses, rejettera des effluents néfastes dans la mer qui pourraient tuer les poissons et les autres animaux marins, et émettra de la poussière de charbon qui présente des risques graves pour la santé, y compris un risque de cancer, pour les personnes qui vivent à proximité. Ils s’inquiètent également du fait que la construction du port détruit les forêts de mangroves et les zones de reproduction des poissons et autres animaux marins. Les activistes ont aussi soulevé des préoccupations quant à l’appropriation par le gouvernement de terres agricoles, dont la plupart n’ont pas encore fait l’objet d’indemnisation, aux risques de pollution de l’eau par les rejets de déchets et au changement climatique induit par les émissions de gaz à effet de serre.

Un activiste de 34 ans plaidant en faveur de la participation du public dans la prise de décisions pour le projet a expliqué qu’il a été arrêté en octobre 2015 dans le village de Ndau, par environ 10 agents du service des enquêtes criminelles. Ils l’ont conduit au bureau du commissaire du sous-comté, où il a été détenu pendant quelques heures. « La police m’a dit de cesser de m’opposer aux projets du gouvernement, car ils étaient réalisés dans notre intérêt », a-t-il raconté.

Les autorités kényanes devraient prendre des mesures concrètes pour protéger la liberté d'expression, de réunion et d’association et pour respecter les normes internationales afin de garantir les droits humains dans le contexte du développement, ont déclaré Human Rights Watch et la National Coalition of Human Rights Defenders-Kenya.

« La réponse du gouvernement aux activistes de Lamu a valeur de test pour voir si le Kenya soutient et protège les droits dans le contexte des projets de développement à grande échelle », a indiqué Kamau Ngugi, directeur exécutif de la National Coalition of Human Rights Defenders-Kenya. « Les autorités kényanes ont l’obligation de respecter le rôle des activistes et de défendre les droits stipulés dans les traités internationaux. »

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