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Les dirigeant.e.s des communistes et des écologistes portent une lourde responsabilité pour l’avenir du pays : vont-ils ou non s’associer au PS pour permettre la constitution d’un gouvernement non soumis à la censure du RN ?
Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.
La censure du gouvernement de Michel Barnier a ouvert un débat stratégique majeur au sein de la gauche. Que doit-elle faire maintenant ? Réclamer la démission d’Emmanuel Macron en se lavant les mains des étapes immédiates, y compris si celles-ci doivent prendre la forme d’une consolidation de l’alliance des droites et de l’extrême droite ? Ou proposer des négociations aux groupes politiques du bloc central, voire aux Républicains, pour permettre la constitution d’un gouvernement qui ne soit pas soumis en permanence à la menace d’une censure par le Rassemblement national ?
La première voie a été choisie par La France insoumise qui a par la même occasion acté la mort du Nouveau Front populaire en indiquant qu’en tout état de cause elle aurait son propre candidat sur son propre programme à l’élection présidentielle anticipée qu’elle réclame. Vouloir s’en remettre une fois de plus uniquement à l’élection présidentielle, et à sa logique intrinsèque de « sauveur suprême », pour régler la crise politique semble tout d’abord assez incohérent pour une force qui est censée critiquer le présidentialisme excessif de la Ve République et réclamer la mise en place d’une VIe République pour y mettre fin. Et surtout, la démission d’Emmanuel Macron semble très improbable à court terme, compte tenu de l’arrogance et de l’ego surdimensionné d’un personnage qui paraît bien incapable de reconnaître qu’il a commis de graves erreurs depuis sept ans et que son départ pourrait permettre de calmer le jeu dans le pays.
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A supposer même que ce but puisse être atteint avant le terme du mandat, il risque de se passer entre-temps des choses très graves dans le pays en matière de remise en cause des libertés publiques et d’institutionnalisation de la xénophobie si le nouveau gouvernement post-Barnier cherche à se rapprocher davantage encore du RN pour éviter une nouvelle censure, voie que semble privilégier pour l’instant le Néron qui nous sert de président de la République. Dans le contexte de la Ve République, les garde-fous institutionnels sont très limités pour éviter une telle dérive. Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre un risque aussi grave.
Endiguer la montée en puissance du RN
Pour réussir la seconde option, la voie est très étroite, compte tenu de la radicalisation ultralibérale du groupe Ensemble pour la République et de son refus acharné de toute hausse d’impôt bien que la politique budgétaire irresponsable d’Emmanuel Macron ait gravement creusé les déficits et accru massivement la dette publique depuis sept ans. Or, un accord de non-censure avec le bloc central ne pourrait permettre d’espérer endiguer la montée en puissance du RN que s’il acte une rupture nette avec la politique menée depuis 2017.
Au-delà des arbitrages qui seront très difficiles à trouver sur le budget, on pourrait cependant imaginer des compromis sur quelques mesures minimales à mettre en œuvre avant de pouvoir éventuellement retourner devant les électeurs fin 2025, et notamment la mise en place du scrutin proportionnel pour les élections législatives afin d’écarter le risque d’une majorité absolue RN. Concernant la réforme des retraites, l’autre pierre d’achoppement majeure, l’option la plus raisonnable semble être celle d’un gel de la réforme, et donc d’un gel de l’avancement de l’âge minimal de départ en retraite, en renvoyant la suite à une négociation entre partenaires sociaux à conclure dans un délai de six mois.
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L’équilibre politique de l’accord de non-censure qui pourrait être trouvé et les contours de l’arc des groupes politiques qui pourraient le soutenir seront déterminants. Si les socialistes continuaient de s’avancer seuls sur cette voie, ils ne pourront sans doute obtenir du bloc central que des concessions minimales. Ils risqueraient du coup d’apparaître comme de simples supplétifs d’un gouvernement Barnier bis. Avec de grandes chances qu’un tel accord de non-censure capote au final et qu’on soit ramené au cas de figure redouté d’un gouvernement d’alliance droite-extrême droite.
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Si, en revanche, cette voie est suivie par toutes les forces du NFP, travaillant en étroite coordination, qui ne privilégient pas la voie de l’irresponsabilité choisie par LFI, un tel accord de non-censure pourrait être plus substantiel dans son contenu. Et le gouvernement qui en émergerait, pourrait éventuellement être mené par une personnalité de gauche.
Autrement dit, à travers les choix qu’ils et elles feront (ou non) au cours des prochaines heures, les dirigeant.e.s des communistes et des écologistes portent une lourde responsabilité pour l’avenir du pays.
BIO EXPRESS
Guillaume Duval est l’auteur en 2021 de « l’Impasse. Comment Macron nous mène dans le mur », aux éditions Les Liens qui libèrent, et ancien rédacteur en chef d’« Alternatives économiques ».