Conference Series 2020-2021
The Contribution of Social Sciences in the Regulation of Technological Artifacts
In French
Le recours de plus en plus important à des outils algorithmiques afin de répondre à diverses tâches de diffusion, de recherche, dâéchange, dâagrégation et dâutilisation de lâinformation soulève de multiples questions, ainsi que lâactualité récente lâa montrée avec les exemples de fausses nouvelles (fake news), de manipulation de lâinformation, dâerreurs dans la prise de décision administrative ou encore dâallégations dâabus de position dominante de la part des plateformes en mesure de capter cette manne informationnelle.
On dit souvent du droit quâil est à la traîne en ce qui concerne la régulation des technologies, en particulier les technologies de lâinformation et de la communication. Le mot «droit» doit ici être entendu dans son acception positiviste, câest-à -dire la norme qui procède de lâactivité législative, bref la loi. La théorie du pluralisme juridique nous indique pourtant que dâautres sources de droit existent et que celles-ci ne manquent pas dâeffets normatifs au sens où les acteurs sâobligent en vertu de ces sources. Mais, il ne sâagit pas de revenir ici sur cette question tant de fois débattue. Dans un autre ordre dâidée, on peut se demander si ces normes alternatives, ne procédant donc pas de lâaction du souverain, peuvent encadrer adéquatement des situations où les intérêts des parties sont souvent en conflit. Ce thème de lâadéquation du droit à son époque semble supposer une incapacité congénitale de celui-ci à appréhender les phénomènes technologiques émergents. Ne serait-ce pas plutôt que le législateur, donc lâautorité politique, pour des motifs qui nâont rien à voir avec la légistique, tarde à agir en raison de la présence de formidables intérêts commerciaux et dâune conception de lâinnovation et de la compétitivité ignorante des dimensions socio-politiques des technologies à régir. Le laisser-faire régulatoire au sujet de lâInternet émergent (1995-2010) a plus à faire avec lâidéologie néolibérale qui se déploie avec force dès la chute du Mur de Berlin quâavec une pathologie du droit qui serait incapable de régir les affaires humaines.
Câest dans ce contexte que lâapport des Science and Technology Studies (STS) peut sâavérer essentiel dans une juste appréhension des enjeux juridiques réels entourant un artefact technologique. Ce champ du savoir émerge dans les années 1970 pour se structurer par la suite autour dâune méthodologie empirique. Les STS appréhendent la technologie comme une entreprise sâinscrivant dans un tissu social et constituant elle-même un fait social. Ils mêlent plusieurs disciplines (sociologie, anthropologie, psychologie etc.) afin de mieux saisir la nature construite des artefacts technologiques et leur inscription indéniable dans lâespace social aussi bien comme signifiant que signifié. Le juriste gagne à connaître ces travaux car ceux-ci lui permettent de sâéloigner de la perspective purement instrumentale quâil entretient souvent avec les artefacts technologiques. Une connaissance des conditions de construction et de déploiement des savoirs et des artefacts technologiques doit lui permettre de mieux en saisir les défis normatifs. La juriste peut alors développer des stratégies de régulation mieux ajustées aux conditions réelles de ces artefacts, sans céder aux discours de promotion (hype) et dâeuphorie technologique qui ne manquent pas dâobscurcir leurs réelles conséquences.
Câest pourquoi, il apparaît important de convier des experts des STS afin de bénéficier de lâéclairage de leurs méthodes, de mieux saisir les dimensions avérées des technologies et, ainsi, de déployer des stratégies normatives qui répondent aux enjeux socio-économiques réels et non pas tels quâils sont présentés ou présumés par leurs apologistes. Cette approche multidisciplinaire permet au droit de rester pertinent et en phase avec la période historique dans laquelle il est appelé à jouer et aborder ces difficultés du passage vers une société algorithmique dans une perspective critique. Est-il possible dâassurer un contrôle de la circulation de lâinformation sans attenter à la liberté dâinformation? Comment nettoyer les données avant leur traitement algorithmique? Comment déterminer les conditions de travail de la main-dâÅuvre atomisée et précaire sur laquelle repose lâessor de cette économie des données, si annoncée? Quelle part donner au secteur privé dans la détermination des droits sur lâinformation qui circule dans les réseaux? Quelle place la démocratie libérale peut-elle encore prendre dans un contexte de totale liberté de circulation de lâinformation? Enfin, quelle conception de la démocratie peut être mobilisée pour que ces outils algorithmiques soient aussi considérés comme lâexpression dâun bien commun?
Voilà autant de thématiques et dâinterrogations que discuteront les cinq invité(e)s du nouveau cycle 2019-2020 de la Chaire LexUM. Provenant dâhorizons variés et de disciplines complémentaires (démographe, sociologue, activiste, juriste, politologue ou ingénieur), les invité(e)s du cycle sâefforceront dâinterroger le rôle que jouent désormais les données dans les mécaniques sociales, économiques ou politiques de nos sociétés et les défis quâelles soulèvent pour nos démocraties.
Date | Speaker | Titre |
February 4, 2021 | Gloria González Fuster Virje Universiteit Brussel |
Artificial Intelligence and Law Enforcement |
March 23, 2021 | Florian Butollo Research Fellow Berlin Social Science Center (WZB) Philipp S. Staab Professor Department of Sociology of the Future of Work, Humboldt University of Berlin |
Robo-Scapegoats. Dreams and Realities of the 4th Industrial Revolution |
April 6, 2021 | Cédric Leterme CETRI - Centre tricontinenal |
Quelle régulation mondiale pour l'économie des données? |
October 5, 2021 | Félix Tréguer Sociologist Associated Researcher, Centre Internet & Société â CNRS Membre fondateur La Quadrature du net |
La surveillance numérique hors de contrôle ? Réflexions sur la démocratie et les usages du droit face aux risques socio-techniques |
October 2021 | Andrew Feenberg Canada Research Chair in Philosophy of Technology - School of Communication, Simon Fraser University |
Technosystem: The Social Life of Reason |
This content has been updated on 7 March 2022 at 22 h 50 min.