le Prix Jérusalem : Cher Haruki Murakami 村上春樹さんへの手紙


p-navi infoのビーさんの村上春樹への手紙

http://0000000000.net/p-navi/info/column/200901271425.htm

が、英語と

http://d.hatena.ne.jp/toled/20090131/p1

スペイン語に

http://www.laclase.info/arte-y-cultura/carta-abierta-hmurakami-para-que-rechace-el-premio-jerusalen-2009

翻訳されました。

フランス語訳もやってみれば?と、マイミクさんに言われたこともあり、それならば・・と、英文・西文を参考に、家族に手伝ってもらって、フランス語に訳しました。
友人にもチェックしてもらいましたし、ヘンな間違いはしていないと思いますので、アップします。

Cher Haruki Murakami,

Ayant appris que vous avez obtenu le Prix Jérusalem, - prix littéraire dans lequel la ville de Jérusalem/Israël, est comme son nom l’indique partie prenante-, je ne peux dès lors, malgré que vous l’ayez amplement mérité, vous féliciter comme il se doit pour cette reconnaissance internationale. D’après ce que j’en ai lu, ce prix est décerné tous les deux ans à un écrivain dont l’oeuvre témoigne de la liberté de l'homme dans la société, ainsi de façon apparemment contradictoire, je vous demande de refuser ce prix au nom de cet idéal que vous défendez mais que les instances officielles qui chapeautent cet évènement, bafouent allégrement. Vous connaissez certainement tout ce que je vais écrire et il ne devrait même pas être nécessaire que je vous en fasse part. Jusqu'il y a peu, Israël a mené de lourdes opérations militaires dans la bande de Gaza, accompagnées d’un embargo général provoquant la pénurie d'articles de première nécessité même pour les hôpitaux, ce qui causa la mort de nombreux patients, réduisant en ruines des quartiers entiers des villes et laissant derrière elles, quelques 1.300 morts dont pour un tiers, des enfants. Bien que les attaques aient été régulées à la baisse ces derniers temps suite à l’établissement d’un cessez-le-feu précaire, la bande de Gaza est encore sous sanctions économiques et le million et demi de Gazawis survit à peine avec très peu de nourriture et se retrouve prisonnier de ce territoire transformé en immense geôle.
Sir Gerald Bernard Kaufman, citoyen juif du Royaume-Uni qui a perdu toute sa famille victime de l’Holocauste nazi, s’est exprimé ainsi devant le Parlement Britannique le 15 janvier dernier :
« Ma grand-mère était au lit malade quand les Nazis sont arrivés dans son petit village de Staszow. Un soldat allemand l'a tuée dans son lit froidement d’une balle dans la tête. Je ne veux pas que la mort tragique de ma grand-mère puisse servir d’excuses à Israël pour ordonner à son armée d’assassiner à son tour des grands-mères palestiniennes à Gaza. L'actuel gouvernement a exploité de manière systématique et cynique la culpabilité ressentie par les Gentils (terme biblique désignant les non-Juifs) à cause de l’holocauste pour justifier l’assassinat des Palestiniens. Et par conséquent, considérer que les vies des Juifs sont précieuses tandis que celles des Palestiniens sont sans valeur »
ou encore voyez cet article écrit par un Juif new-yorkais qui développe lui aussi cette même contre–argumentation à l’égard de la politique d’Israël :
http://www.denistouret.net/textes/Finkelstein.html

Vous pourriez me répliquer que tout ceci n'est que le fait du gouvernement d'Israël et que ce prix littéraire n’a rien à y voir. Toutefois, si par essence, la littérature est toujours politique pour toucher à l'homme, ce prix littéraire est quant à lui, plus que politique et Israël vous utilise comme «leurre». J'ose croire, Monsieur Murakami, que vous en êtes conscient. Qu'est-ce qui se serait passé si ce prix avait été accordé par le gouvernement d’Afrique du Sud pendant l'apartheid : combien de romanciers, poètes, critiques l’auraient accepté ?

Traitons le sujet sous un autre angle et commençons par son intitulé : " Prix Jérusalem". Jérusalem est une ville historique qui constituait le centre religieux, culturel et social de la Palestine où Juifs, Chrétiens et Musulmans vivaient en harmonie (à l’exception de quelques tensions sporadiques). La résolution des Nations Unies de 1947 a désigné Jérusalem comme zone sous administration internationale. La guerre de 1948 a aboutit à la division de la ville sainte ( ‘Ville de la Paix’ est la traduction fidèle de son nom d’origine hébraïque) : la partie ouest administrée par Israël et la partie est par la Jordanie (Cisjordanie). Israël prit possession de Jérusalem Est pendant la ‘Guerre des 6 jours’ en 1967 et en fit sa capitale. Cette annexion n'a pas été reconnue par les instances internationales et aucun pays n'y a d’ambassade. Les Palestiniens qui vivent à Jérusalem Est, payent de lourds impôts et reçoivent en échange une carte de «Citoyen de Jérusalem", laquelle carte n’octroie pas la citoyenneté israélienne et il leur est juste permis d’y vivre mais ce droit est facilement révocable comme sanction s’ils enfreignent un règlement quelconque. La construction et même la rénovation de maisons y sont interdites et quelques résidences ont été détruites comme exemple punitif à la violation de cette loi. D'autre part, les implantations juives, créées en spoliant les Palestiniens de leurs terres, sont en perpétuelle augmentation au point que plus de deux cent mille Juifs y vivent actuellement. Veuillez, s’il vous plait, jeter un œil sur cette carte : http://0000000000.net/p-navi/info/column/200508310306.htm
Israël interdit aux autres Palestiniens d’aller vivre dans la partie Occidentale (West Bank) et même de simplement visiter Jérusalem. Le gouvernement renforce encore cette politique en édifiant des murs de séparation (qu'ils ont même construits en traversant Jérusalem Est). Vous et moi, Monsieur Murakami, pouvons entrer à Jérusalem comme bon nous semble mais la majorité des Palestiniens ne le peut pas. Le maire de la ville, chargé de vous remettre ce prix, est entièrement d'accord avec cette politique et la "Jérusalem" du " Prix Jérusalem" est la ‘Jérusalem d'Israël’ et pas la cité historique. Celle qui exclut tout ce qui est palestinien en violation de la résolution de l'ONU et en s’imposant unilatéralement. La lecture de cette longue lettre devrait vous avoir démontré combien ce prix est aux antipodes de cette « liberté de l'homme dans la société».

Dans une interview donnée au San Francisco Chronicle, vous vous êtes exprimé ainsi :
Q : On dit que l'Histoire joue un rôle très important dans la trame de vos derniers écrits : êtes-vous d’accord avec cette affirmation ?
R : Oui car je crois que l'Histoire constitue la mémoire collective de l’humanité. Quand j'écris, j'utilise non seulement ma propre mémoire mais aussi cette mémoire collective. J'aime lire des livres d'histoire et particulièrement sur la Seconde Guerre Mondiale. Je suis né en 1949 donc après cette guerre mais je resens d'une certaine manière, ma responsabilité engagée pour cette guerre : je ne sais pas pourquoi. Beaucoup de gens me disent « je suis né après la guerre et par conséquent, je n'ai aucune responsabilité dans ce qui s’est passé» - je ne sais rien sur les femmes chinoises qui ont été soumises à la prostitution et le massacre de Nanking mais comme auteur de fiction, je veux faire quelque chose à l’encontre de toutes ces atrocités commises. Nous devons être responsables par la mémoire. Mes histoires ne sont pas écrites de manière réaliste mais on doit y voir la réalité. C’est notre obligation et notre responsabilité.
http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?f=/c/a/2008/10/24/RVL713GP8T.DTL

En parlant de mémoire collective à laquelle vous vous référez, celle du peuple palestinien sur la fondation d’Israël, a été constamment occultée par la force et historiquement parlant, ce "Prix Jérusalem" a joué un rôle important dans cette mascarade. Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez, à tout le moins, réserver dans votre mémoire collective un petit espace pour la mémoire collective du peuple palestinien déplacé sans ménagement et pour le petit nombre de Juifs qui s'opposent à la politique d’Israël. Il serait fantastique si vous pouviez inclure dans « nos mémoires pour lesquelles nous devons être responsables» les mémoires sur ce qu'Israël a initié une année avant votre naissance.

Bien sûr, il reste l'option de répéter ce que Susan Sontag a fait lors de la remise de son prix. Voici ce qu'elle a déclaré dans son discours d'acceptation en 2001 :
« Je crois que la doctrine de responsabilité collective comme raison justificative d’opérations punitives collectives, ne peut jamais trouver justice à mes yeux que ce soit militairement ou moralement. J’en réfère aux tirs d’une puissance de feu disproportionnée contre les populations civiles, à la destruction de leurs maisons, de leurs récoltes et de leurs champs, à la dépravation de leurs moyens de vie, à la limitation de l'accès à l’emploi, à l’éducation, aux services médicaux et au libre accès vers les communautés voisines … tout cela en guise de représailles pour des activités militaires hostiles qui pourraient ou ont déjà eu lieu dans l’entourage de ces populations civiles. Je crois aussi qu'il n'y aura pas de paix tant que les implantations de colonies juives ne s’arrêteront pas et je dirai même plus, tant qu’une loi obligeant le démantèlement forcé de ces implantations n’entrera pas en vigueur» http://web.archive.org/web/20011114221859/http://www.ajds.org.au/intifada/sontag2.htm

Refuser ce prix est une façon simple de ne pas en être complice.

Si toutefois, Monsieur Murakami, vous persistez à vouloir aller à Jérusalem pour recevoir ce prix, commencez par aller visiter Jérusalem Est et découvrez les murs immenses qui séparent les gens, les abondants points de contrôle et les villes du West Bank complètement ceinturées et inhabitées et surtout prêtez une oreille attentive aux gens de la Palestine car il vous sera facile d’échapper à vos gardes israéliens et de vous déplacer seul aux alentours et si vous ne savez ni où, ni comment, demandez à l’AIC (The Alternative Information Center) de vous guider.

J'espère sincèrement, que vous ne trahirez ni votre propre œuvre, ni vos nombreux lecteurs mondialement répartis.

Enfin, permettez -moi de vous présenter un essai autobiographique d’une chercheuse juive qui vit aux USA, Sara Roy. Elle explique comment Israël dépouille l'homme de sa liberté et de sa dignité et parle de la mémoire collective des dissidents israéliens :
“Living with the Holocaust : the Journey of a Child of Holocaust Survivors” http://www.zmag.org/znet/viewArticle/11400

Bien respectueusement

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Lettre adressée par Bii Kamimura à H. Murakami et traduite librement en français par shohoji à la bonne attention de la communauté francophone <=