Théorème de Noether — À toute transformation infinitésimale qui laisse invariante l'intégrale d'action correspond une grandeur qui se conserve.
Un autre énoncé équivalent est :
Théorème — À toute transformation infinitésimale qui laisse le lagrangien d'un système invariant à
une dérivée temporelle totale près correspond une grandeur physique conservée.
Chaque « invariance » traduit le fait que les lois de la physique ne changent pas lorsqu'une expérience subit la transformation correspondante, et donc, qu'il n'y a pas de référence absolue pour mener une telle expérience[2].
Remarque : Dans le cas général, on n'a pas nécessairement un unique paramètre mais plutôt un jeu de paramètres auxquels vont correspondre les invariants
Aussi, sous une transformation infinitésimale des coordonnées , si le Lagrangien est invariant à une dérivée temporelle totale près (c.-à-d. : , pour une fonction quelconque qui ne dépend que des coordonnées généralisées et du temps), alors les équations du mouvement sont inchangées. Sous cette hypothèse, en calculant le Lagrangien au premier ordre du développement de Taylor, on obtient :
Notons que le deuxième terme de la seconde ligne n'est autre que l'un des termes obtensible via la règle de Leibniz :
Nous avons donc simplement remplacé par les autres termes de la règle en tenant compte du facteur .
Enfin, dans notre dernière ligne, le deuxième terme est nul car il s'agit de l'équation d'Euler-Lagrange pour . Ainsi, par comparaison avec l'hypothèse de départ, on a :
On définit la quantité conservée du système :
car
Dans le cas où la transformation laisse le lagrangien invariant, on a alors et on retrouve alors le résultat de la démonstration précédente, qui est moins générale mais plus explicite.
Prenons tout d'abord le cas d'une particule libre, on a donc le lagrangien
invariant par translation. On voit bien ici que si on change l'origine des coordonnées, cela ne va pas modifier la physique de notre particule libre. Le lagrangien est donc invariant par la transformation de translation
avec les les composantes du vecteur décrivant la translation. On voit ici que l'on a, pour une translation infinitésimale d'un vecteur , une variation de nos coordonnées généralisées qui vaut . Les quantités conservées associées à cette transformation sont donc
avec le delta de Kronecker, on retrouve bien les composantes du vecteur quantité de mouvement.
Considérons maintenant le cas d'un système invariant par rotation, prenons par exemple une particule placée dans un potentiel central , on a alors . Le système étant invariant par rotation (la norme de la vitesse est invariante par rotation), il semble pertinent de se placer en coordonnées sphériques, pour lesquelles et . On a alors
La transformation associée à la rotation en coordonnées sphériques peut s'écrire comme , avec et les deux angles caractérisant la transformation. Pour une transformation infinitésimale on a donc . On voit donc ici que les deux quantités conservées vont être
c'est-à-dire les deux composantes angulaires du moment cinétique, à un signe près pour . Attention cependant aux indices, on a et , et on a bien sûr par définition du produit vectoriel.
Si on a cette fois un système qui est invariant dans le temps, on a alors un lagrangien qui est indépendant du temps , . La transformation est ici une translation dans le temps, et se traduit pour les coordonnées temporelles par
ce qui conduit à la quantité conservée
Le lagrangien étant conservé aussi, on a la quantité totale
qui est conservée, or ce n'est rien d'autre que le hamiltonien du système. Le hamiltonien (l'énergie) est donc conservé pour les systèmes indépendants (explicitement) du temps.
Le théorème de Noether est aussi valide en théorie des champs classique où le lagrangien est remplacé par une densité lagrangienne qui dépend de champs plutôt que de variables dynamiques. La formulation du théorème reste sensiblement la même[3] :
Théorème de Noether — À toute transformation infinitésimale qui laisse la densité lagrangienne d'un système invariante à
une quadridivergence près correspond une quantité conservée.
Démonstration
Soit une densité lagrangienne où dénote une dépendance de la densité lagrangienne sur champs scalaires (la preuve peut se généraliser à des champs vectoriels ou tensoriels) () et de leur différentes dérivées partielles en espace et en temps ( est l'opérateur de dérivation par rapport à l'indice i.e.: ). Chaque champ dépend d'une unique variable d'espace-temps où représente le temps et représente une des trois variables d'espace avec . Selon le principe de moindre action, l'intégrale d'action doit être stationnaire :
Ce principe d'action stationnaire mène directement aux équations d'Euler-Lagrange en théorie des champs :
où la convention d'Einstein sur les indices répétés est utilisée ici.
Soit une transformation infinitésimale d'un des champs
où représente la déformation du champ et est un paramètre infinitésimal (la preuve peut facilement être généralisée avec une déformation de plusieurs champs en même temps).
Si la densité lagrangienne est invariante à une quadri-divergence près sous cette transformation infinitésimale, c'est-à-dire que :
pour une certaine fonction . Alors, en comparant les termes au 1er ordre du développement de Taylor de la densité lagrangienne :
Le deuxième terme est nul car il s'agit de l'équation d'Euler-Lagrange pour le champ . On a donc finalement, par comparaison directe :
Ainsi, la quantité conservée du système est la suivante :
On considère de manière générale pour une densité de lagrangien quelconque
dont l'action associée doit être stationnaire pour toute transformation infinitésimale des champs selon le Principe de Hamilton. On a donc
où on a utilisé la convention d'Einstein pour la sommation sur les indices répétés, et où on a mis de côté les possibles transformations de l'espace-temps (on a pris ). On voit donc que l'on peut reformuler ce résultat de manière générale comme
On s'intéresse maintenant à une densité de lagrangien invariante sous une transformation de jauge, c'est-à-dire une transformation locale des champs. Dans ce cas on va voir que l'on applique cette fois le second théorème de Noether.
Plus précisément on considère ici une densité de lagrangien invariante sous un groupe de transformation de dimension infinie et dépendant continûment de fonctions , groupe que l'on notera . On voit que dans le cas d'une telle transformation la variation infinitésimale des champs dans l'équation ci-dessus se décompose comme
où la notation dénote le fait que l'on considère un infinitésimal. On voit donc que l'on peut reprendre l'équation précédente sous forme intégrale pour obtenir
or on voit ici que le second terme de la seconde équation est un terme de bord, et les fonctions étant arbitraires on peut toujours les choisir de sorte que ce terme s'annule. On obtient alors le second théorème de Noether[4]
Théorème — Si l'action S est invariante sous un groupe de transformation alors il existe relations .
où ne dépend que des dérivées première de (dans le cas abélien du moins). Elle est invariante sous la transformation de jauge locale
où voit qu'ici on a une seule fonction continue dans notre groupe de transformation, que l'on a noté . Cette transformation correspond sous forme infinitésimale à
on a alors
On en déduit que dans le cas de cette densité de Lagrangien on a la relation
On voit alors ici que si les équations du mouvement sont satisfaites pour les deux champs de masse et on a alors
or sachant que l'on a et on en déduit qu'ici le courant est conservé. Cela implique notamment que soit complètement antisymétrique, et donc construit à partir de .
De même si à l'inverse on impose que les équations de l'électromagnétisme soient satisfaites c'est-à-dire on obtient l'équation de conservation du quadri courant électrique usuel
(en) Nina Byers, « E. Noether's Discovery of the Deep Connection Between Symmetries and Conservation Laws », Proceedings of a Symposium on the Heritage of Emmy Noether, Université Bar-Ilan, Israël, , « physics/9807044 », texte en accès libre, sur arXiv.
[Noether 1918] (de) Emmy Noether, « Invariante Variationsprobleme » [« Problèmes variationnels invariants »], Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, Mathematisch-Physikalische Klasse, vol. , no 2, , p. 235-257 (lire sur Wikisource, lire en ligne).
[Alekseevskii 1995] (en) D. V. Alekseevskii, « Noether theorem : 1) Noether's first theorem », dans Michiel Hazewinkel (éd.), Encyclopaedia of mathematics : an updated and annotated translation of the Soviet Mathematical encyclopaedia [« Encyclopédie de mathématiques : traduction, mise à jour et annotée, de l’Encyclopédie de mathématiques soviétique »], t. IV : Monge-Ampère equation – Rings and algebras [« Équation de Monge-Ampère – Anneaux et algèbres »], Dordrecht et Boston, Kluwer Academic, (réimpr. en 6 vol.), 1re éd., 1 vol., 929, fig., 21 × 29,7 cm (ISBN1-556-08010-7 et 978-0-7923-2975-6, EAN9781556080104, OCLC36917086, DOI10.1007/978-1-4899-3791-9, SUDOC030253195, lire en ligne), s.v. Noether theorem : 1) Noether's first theorem [« Théorème de Noether : 1) Premier théorème de Noether »], p. 113-114.