La France qui ne vit que de son travail est ravagée par les logiques financières du capital et du profit, les politiques d’austérité, la casse des droits sociaux conquis de haute lutte au long des décennies passées. Nous comptons aujourd’hui plus de six millions de personnes au chômage ou en sous-emploi.
Insuffler une dynamique puissante de créations d’emplois, de formation et de recherche, à l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui, est donc une priorité absolue. C’est par le plein développement des capacités et de la créativité humaines que l’on répondra simultanément à l’urgence sociale et à l’urgence écologique.
Le travail est aussi un moment essentiel de la vie sociale, où se forgent des solidarités, des intérêts communs, la satisfaction de contribuer à l’utilité collective. Il concourt au développement personnel et à la construction de soi. Pour autant, dès lors qu’il accapare un temps de vie contraint, le progrès social doit s’efforcer de le réduire pour augmenter le temps de la liberté individuelle.
Avec le capitalisme globalisé, c’est le contraire qui se produit. Le travail provoque des gâchis et de la souffrance. C’est le cas pour celles et ceux que le chômage de masse exclut. Pour celles et ceux que l’ubérisation place hors de l’emploi salarié et de la protection sociale. Pour nos concitoyennes et concitoyens dont l’emploi s’accompagne d’une exploitation effrénée, d’une perte de sens et d’une déshumanisation si fortes qu’elles peuvent conduire au bord du gouffre.
Dans ce système où tout devient marchandise, le travail n’est qu’un « coût » à réduire, une variable d’ajustement qui permet de sécuriser les profits et les dividendes des actionnaires. Sont ainsi détruits les liens intimes qui existent, pour chacune et chacun, entre le développement de soi au travail, le pouvoir de donner du sens à son activité et l’épanouissement personnel hors du travail. Ce qu’on appelle le « marché du travail » est organisé autour du chômage et de la précarité ; il est censé fournir au patronat, en temps réel et au moindre prix, les salarié·e·s et les qualifications dont il a besoin.
Cette logique folle et inhumaine connaît toutefois une crise qui ne cesse de s’aggraver sur l’ensemble de la planète. Comme l’illustre, depuis deux ans, la pandémie de Covid-19, elle menace toutes les dimensions de l’existence humaine, jusqu’à la vie. S’agissant du travail, elle atteint une ampleur telle que des pénuries de main-d’œuvre coexistent avec le chômage massif, ce qui pose à la société les questions centrales des salaires, de la formation, des conditions et du sens du travail.
Les nouvelles technologies de l’information permettraient un essor sans précédent de créativité et de partage, mais il est entravé par la course obsessionnelle aux profits à la- quelle se livre le capital. C’est pourquoi c’est un nouveau projet de civilisation, un projet révolutionnaire, qui est ici proposé aux Françaises et aux Français : une société sans chômage qui apportera à chacune et chacun une vie sans peur du lendemain. Une vie où l’on pourra être en emploi ou en formation, avec une garantie de revenu, dans une mobilité choisie et non subie.
Avec le projet de sécurité de l’emploi et de la formation, qui rendra effectif le droit universel à l’emploi, s’ouvriront des espaces de libertés dans le travail et hors du travail. Des forces nouvelles seront mobilisées pour reconquérir les services publics, conduire une nouvelle industrialisation, réaliser la conversion écologique de l’économie, engager une véritable révolution féministe.
Bref, il s’agit de renouer avec le progrès social et, pour y parvenir, de transformer en profondeur les règles qui régissent les entreprises, les banques, l’État et les institutions publiques. Salarié·e·s et citoyen·ne·s doivent pouvoir intervenir sur les décisions économiques et l’utilisation de l’argent. Il y a urgence à en finir avec la chasse gardée du patronat et des banquiers sur l’économie et faire prévaloir d’autres critères de décisions.
Dans les entreprises et les services, les salarié·e·s doivent disposer de droits effectifs pour faire aboutir leurs projets mais aussi conquérir des pouvoirs d’intervention sur le contenu de leur travail, sa finalité, son organisation, permettant que soient prises en compte les exigences d’éthique sociale, humaine et écologique. Il importe d’en finir avec les méthodes managériales destructrices qui, avec les principes d’économie permanente de temps, les restructurations incessantes de services, le démembrement des collectifs de travail, dépossèdent les salarié·e·s de leurs savoirs et de leur expérience, les privant de sérénité.
En particulier chez les jeunes, les aspirations à vivre une expérience humaine et de qualité dans le travail, à disposer d’autonomie et de responsabilités, à s’émanciper des pesanteurs hiérarchiques seront un point d’appui pour transformer en profondeur la qualité, l’intérêt et le sens du travail, afin d’en faire un facteur d’émancipation, à l’opposé des aliénations d’aujourd’hui.
Dans les territoires, de nouvelles institutions sont appelées à voir le jour, ouvertes sur la société, porteuses de nouveaux droits pour les citoyen·ne·s, grâce à leur capacité à planifier démocratiquement les besoins d’emplois, le processus de leur création et le développement de la formation.
Des créations massives d’emplois, dans les trois secteurs — public, économie sociale et solidaire, privé sont en effet nécessaires pour répondre aux immenses besoins humains auxquels ce projet a l’ambition de répondre. Il est temps de donner la priorité aux biens communs et aux services publics (objectif n°2)... De lancer un grand plan pour la jeunesse (objectif n°3)... De s’engager en faveur d’un mode de développement qui mette fin aux dégâts sociaux, climatiques et écologiques du capitalisme, sous l’aiguillon des pôles publics mis en place dans l’industrie, les services, les grandes infrastructures (autoroutes, ports et aéroports), le secteur bancaire et l’assurance (objectif n°4)... De faire naître une société enfin féministe (objectif n°5)... De conquérir l’égalité réelle, l’émancipation culturelle et l’épanouissement personnel (objectif n°6)...
Ambitieux, à l’opposé du fatalisme et de la résignation, ce projet n’en est pas moins réaliste, parce qu’il entend se donner les moyens de prendre le pouvoir sur l’utilisation de l’argent (moyen n°1), de réaliser des conquêtes démocratiques sans précédent (moyen n°2), et d’agir pour un monde de coopération et de partage (moyen n°3).
La construction progressive d’une sécurité d’emploi et de formation, associée à une véritable révolution du travail et à l’augmentation du pouvoir d’achat nécessiteront une puissante intervention populaire, de grandes mobilisations en appui des avancées législatives qu’une nouvelle majorité aura à cœur de proposer, afin que le rapport des forces change durablement face aux puissances d’argent. Cette démarche sera portée à l’échelon européen, afin d’avancer vers un progrès commun, avec ceux des États qui y seront prêts.