Après avoir longtemps été jugée saugrenue ou forcée, la confrontation entre la méthode clarificatrice de Wittgenstein et la pensée de Heidegger fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt renouvelé qui a permis aux spécialistes d’engager une...
moreAprès avoir longtemps été jugée saugrenue ou forcée, la confrontation entre la méthode clarificatrice de Wittgenstein et la pensée de Heidegger fait aujourd’hui l’objet d’un intérêt renouvelé qui a permis aux spécialistes d’engager une discussion qui ne se cantonne plus aux rares mentions que les deux auteurs ont pu faire l’un de l’autre, ni à des ressemblances de surface. Ces deux journées de colloque se proposent de mesurer les avancées accomplies par ces travaux pour en interroger les motivations profondes. Stephen Mulhall (professeur à l’Université d’Oxford) a joué ici un rôle de premier plan. Ce fin lecteur de Heidegger, de Wittgenstein et de Cavell, dont le spectre d’intérêts parcourt en outre les champs de la philosophie de la religion, de la théologie philosophique (Faith and Reason, 1994; Philosophical Myths of the Fall, 2005), et de la philosophie morale et politique (Liberals and Communitarians, 1996) a montré dans le sillage de Cavell toute la pertinence qu’il y a à interroger la vérité du scepticisme à partir de l’ordinaire (Inheritance and Originality (2001). Il a également directement contribué à l’essor de la film-philosophy (On Film, 2008), ou encore au débat sur la souffrance animale ouvert par Elizabeth Costello, le personnage éponyme du roman de l’écrivain sud-africain, J.- M. Coetzee. De ce dialogue avec la philosophie et ses dehors qui la contraignent à penser le réel avec encore plus d’acuité, Mulhall tire une meilleure compréhension du temps, du langage, des multiples dimensions perceptuelles des choses, de la sonorité des vers et des voix, de la souffrance et de l’absurde. En croisant habilement les voix de Wittgenstein, Heidegger, Cavell, ainsi que de Kierkegaard et Nietzsche, Mulhall fait émerger non seulement une nouvelle manière de les lire, mais il redéfinit la tâche de la philosophie elle-même. C’est à son œuvre qui a sérieusement ébranlé la frontière qui sépare depuis près d’un siècle la philosophie post-wittgensteinienne anglophone des traditions existentialiste et phénoménologique que ce colloque entend rendre hommage tout en s'inscrivant dans les voies qu'il a ouvertes pour poursuivre la réflexion en sa présence et avec lui.