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Essai sur l’amélioration des races chevalines de la France

La bibliothèque libre.
Typographie de Victor BERTUOT (p. 1-54).
École impériale vétérinaire de Toulouse


――✾oo✾――


ESSAI


SUR


L’AMÉLIORATION


DES


RACES CHEVALINES


DE LA FRANCE


PAR


J. DÉHÉS,


Vétérinaire à Amou (Landes).


───


(THÈSE POUR LE DIPLÔME DE MÉDECIN VÉTÉRINAIRE)


――✾oo✾――


MONTAUBAN

TYPOGRAPHIE DE VICTOR BERTUOT

9, place impériale, 9

1868.

JURY D’EXAMEN
――
MM. BOULEY (O. ❄) Inspecteur-général.
LAVOCAT. ❄, Directeur.
LAFOSSE. ❄ Professeurs.
LARROQUE.
GOURDON.
SERRES.
Bonnaud, Chefs de Service.
Mauri,
Bidaud,


――✾oo✾――


PROGRAMME D’EXAMEN
――
Instruction ministérielle
du 22 août 1866.
――


THÉORIE Épreuves
écrites
1o Dissertation sur une question de Pathologie spéciale dans ses rapports avec la Jurisprudence et la Police sanitaire, en la forme soit d’un procès-verbal, soit d’un rapport judiciaire, ou à l’autorité administrative ;
2o Dissertation sur une question complexe d’Anatomie, et de Physiologie.
Épreuves
orales
1o Pathologie médicale spéciale ;
2o Pathologie chirurgicale ;
3o Manuel opératoire et Maréchalerie ;
4o Thérapeutique générale ; Posologie et Toxicologie ;
5o Police sanitaire et Jurisprudence ;
6o Hygiène, Zootechnie, Extérieur.
PRATIQUE Épreuves
pratiques
1o Opérations chirurgicales et Ferrure ;
2o Examen clinique d’un animal malade ;
3o Examen extérieur de l’animal en vente ;
4o Analyses des sels ;
5o Pharmacie pratique ;
6o Examen pratique de Botanique médicale et fourragère.


À MES MAÎTRES DE L’ÉCOLE DE TOULOUSE

Hommage d’une reconnaissance sans bornes



À TOUS CEUX QUI ONT DIRIGÉ MON INSTRUCTION

Gratitude éternelle



À MES PARENTS




À MES AMIS




J. DÉHÈS



À M. LE COMTE DE DAMPIERRE

Hommage respectueux





J. DÉHÈS.


AVANT-PROPOS.



Il n’est pas de question zootechnique qui ait été plus débattue, plus controversée que celle de l’amélioration des races chevalines. Des auteurs, peut-être plus autorisés que nous, s’en sont occupés ; mais, professant des idées complètement opposées, ils ont eu des opinions contraires, et le résultat de toutes les discussions qui se sont élevées à ce sujet, n’a produit que des effets très-hypothétiques dans le perfectionnement de nos chevaux.

Les déductions de la science actuelle nous font connaître les véritables principes de l’amélioration, il ne faut que les poser et les écrire. Cependant, les errements consacrés par le temps sont difficiles à détruire ; et, en écrivant ces lignes, nous sommes forcés de nous demander s’il sera fait justice à la vérité et à la saine raison !

En général, lorsqu’on s’est occupé d’améliorer une race, on n’a que très-incomplètement envisagé la question ; la plupart des dissertations faites sur ce sujet roulent sur les croisements, et les auteurs qui les ont conçues, paraissent ignorer qu’il existe autre chose que l’action des procréateurs dans les transformations animales.

Bien plus, poussant les choses jusqu’à leurs dernières limites, on est arrivé à rendre systématique la production de nos chevaux. Raisonnant à côté de la logique, on a considéré le pur sang anglais comme une panacée universelle, et on a voulu s’en servir pour porter remède à tous les maux et faire avec lui des chevaux de tout acabit. Nous démontrerons dans le courant de cette thèse que ce prétendu type améliorateur n’a produit rien de bon sur nos races, et nous irons même jusqu’à dire qu’il a perdu et abâtardi nos chevaux.

C’est là, nous le comprenons, une rude tâche à remplir, il faudrait une plume autrement exercée que la nôtre, pour dire tout ce qu’il y a d’irréfléchi, d’irrationnel et d’absurde dans un système trop absolu ; aussi, pendant longtemps, nous sommes-nous cru bien au-dessous de notre sujet, et n’avons-nous marché qu’à pas comptés dans le chemin difficile que nous avions à parcourir.

Si un édifice se renverse, n’essayez pas de le maintenir debout en jetant sur les murs une couche de ciment, mais empêchez-le de s’écrouler en renforçant la base.

Si une plante végète en languissant, ne conseillez pas de la greffer pour la faire prospérer, mais déposez sur sa racine les éléments de nutrition qui lui sont indispensables et vous arriverez sans peine au résultat que vous désirez obtenir.

Est-ce ainsi que l’on a raisonné lorsqu’il s’est agi d’améliorer nos races ? Certainement non, on a pris le contre pied de tout, on a commencé par employer des moyens qui eussent tout au plus été nécessaires beaucoup plus tard, et à l’endroit du pur sang anglais, tout a été mal compris et mal entendu soit que l’on méconnût les lois physiologiques qui régissent l’organisme, soit que l’on ignorât les premiers éléments de la zootechnie, soit enfin que l’on fût entiché d’une anglomanie inconcevable qui voulait tout ramener à l’unité de mesure anglaise.

Ces personnes qui veulent tout améliorer par le pur sang anglais, peuvent être comparées à ces hommes insensés, qui, ayant vu croître une plante sur les tropiques, veulent l’importer pour faire la richesse d’un pays tempéré, sans tenir compte de la nature du sol et de l’action du climat.

Et encore ceux-ci peuvent-ils quelquefois réussir, nous pourrions en citer des exemples, mais vouloir s’acharner à faire prospérer une chose quand l’expérience en démontre l’impossibilité, dépenser des sommes énormes pour qu’elle produise un résultat satisfaisant, c’est, ce nous semble, courir à la recherche de l’idéal, et sortir de l’ordre naturel des faits.

La nature, dans tout ce qu’elle produit, suit des lois invariables que nous devons essayer de saisir et de pénétrer. Lorsque nous avons déchiré le voile qui les couvre, quand nous les avons comprises, nous devons toujours les prendre pour guide et ne jamais nous en écarter surtout dans les modifications que nous voulons faire éprouver à la matière vivante ; de là dépend le progrès.

Et, nous le demandons à toutes les personnes expérimentées, est-ce par le manque de sang, ou par le manque de soins et de nourriture qu’une race dégénère ? Il ne faut pas avoir des notions bien étendues sur la science de l’élève pour se rattacher à la seconde opinion.

Lorsque dans un terrain siliceux avec un sous-sol de micaschiste qui ne produit presque rien, on élève une race de petits chevaux, que faut-il faire pour leur donner plus de taille, des formes plus régulières et les rendre aptes à être utilisés dans des services qu’ils sont incapables de remplir dans l’état actuel où ils se trouvent ? Les partisans des croisements anglais répondront bénévolement : employez le pur sang dans la reproduction ; et nous, qu’on nous accuse ou non de détracteur, nous dirons : voulez-vous avoir de bons chevaux, produisez des grains et du fourrage, construisez des écuries convenables et donnez à vos animaux les soins qu’ils réclament. Nous en avons eu en France, de ces descendants des générations de Godolphin et d’Eclipse, nous n’avons pas épargné l’argent pour les posséder, ce n’est donc pas le sang qui a manqué, mais quelque chose d’autrement indispensable.

Lorsque nous avons entrepris d’écrire sur un sujet aussi ardu, nous ne nous sommes pas dissimulé que beaucoup de nos lecteurs ne seront pas de notre avis, mais, que nous importe leur assentiment, si notre manière de voir est juste !

Que ceux-là qui veulent tout améliorer par le cheval anglais, qui font des courses et des haras, des institutions rationnelles, que ceux-là, n’ouvrent point cet opuscule, nous ne sommes pas missionné pour les convertir. Mais c’est pour les éleveurs que nous écrivons parce qu’ils n’ont pas d’école ; c’est pour eux que nous voulons poser les véritables règles de l’amélioration de nos races chevalines.

Ne faisons donc pas de la science de caprice ou de fantaisie, mais établissons les principes de la zootechnie d’après les règles du bon sens et les enseignements de l’expérience.


INTRODUCTION.



Le mot amélioration appliqué aux animaux domestiques et particulièrement au cheval est synonyme de perfectionnement. En d’autres termes, améliorer une race c’est chercher à lui donner des caractères qui lui feront remplir avec plus d’aptitude les services auxquels on la destine.

Au point de vue de l’économie rurale, l’amélioration doit certainement être basée sur ce principe : rendre meilleurs les animaux sans pour cela augmenter les frais d’entretien, ou, si ces frais sont accrus, trouver dans la vente des produits et dans les services rendus une juste rémunération des fonds que l’on a placés sur eux.

Pour atteindre ce but tous les moyens ne sont pas indifférents ; il y a des lois à observer et une marche rationnelle à suivre. Tout le monde peut améliorer, surtout si l’on peut disposer de sommes considérables, mais autre chose est : améliorer et réaliser des bénéfices.

Dans toutes les questions zootechniques, il est très-important de toujours envisager le côté le plus économique. Cela est si vrai, que la science qui a pour objet le perfectionnement des animaux domestiques, n’a plus de raison d’être, dès l’instant où elle ne se trouve pas liée aux intérêts matériels ou pécuniaires de ceux qui la mettent en pratique.

C’est en considérant les choses sous ces points de vue que nous avons d’abord indiqué les circonstances qui ont formé les races, et celles qui les ont modifiées pour passer ensuite à des dissertations plus étendues sur les courses et le pur sang. Enfin dans le dernier paragraphe nous avons envisagé les perfectionnements.


AMÉLIORATION DES RACES CHEVALINES DE LA FRANCE

§ I

De la formation des races ou transformations
de l’espèce.


« Le temps fait disparaître les vaines erreurs des opinions humaines, et confirme les jugements de la nature[1] »

L’espèce, a écrit Lœmarck, « est une collection d’individus semblables que la génération perpétue dans le même état, tant que les circonstances de leur situation ne changent pas assez pour faire varier leurs habitudes, leurs caractères et leurs formes. »

L’espèce, a dit à son tour I. Geoffroy Saint-Hilaire, « est une collection ou une suite d’individus caractérisés par un ensemble de traits distinctifs dont la transmission est naturelle, régulière et indéfinie dans l’ordre actuel des choses. »

En admettant ces deux définitions comme également justes, nous nous rattachons au principe de la transformation des espèces que, longtemps avant Lœmarck un célèbre penseur avait conçue et écrite : « Il est probable, dit ce philosophe, remarquable par sa liberté d’esprit, que si le spectacle des êtres est aujourd’hui si varié, c’est que chaque anneau de la grande chaîne tend sans cesse à se rapprocher de celui qui est au-dessus de lui ; ce mélange d’êtres qui semblent hétérogènes donne naissance à de nouvelles machines organisées et la chaîne multiplie ses anneaux. » Il ajoute : « Cette tendance est une espèce de gravitation qui à ses lois comme celles des astronomes. »[2]

Après Geoffroy Saint-Hilaire les choses restèrent un moment en suspens, lorsque tout à coup le livre de M. Darwin vint donner l’éveil au monde savant. On opposa en vain le grand nom de Cuvier à la transformation des espèces, celle-ci fit des progrès et ses adeptes devinrent de plus en plus nombreux. C’est alors que notre honorable professeur M. Gourdon, se faisant le redoutable champion de cette idée, développa cette thèse devant les sociétés savantes de Toulouse et la fit connaître à ses élèves.

Oui, nous l’admettons, la transformation des espèces et l’unité originaire du type, parce que le grand livre géognostique est là pour nous dire la marche progressive de la création.

C’est assez hasardé, ce nous semble, d’avancer comme Cuvier qu’il y a eu trois créations successives ou d’en admettre vingt-sept à l’exemple de Dorbigny. Et puis, ne répugne-t-il pas à l’esprit de faire apparaître sur la terre un mammouth grand comme trois ou quatre éléphants, par la seule action des causes extérieures ?

Non, non, la main toute puissante qui dirige les phénomènes du monde ne travaille pas ainsi. La nature n’accomplit pas ses œuvres par soubresauts, tout est graduellement réglé, et les lois qui régissent les êtres sont immuables. « La nature (a dit un philosophe, que l’on devrait appeler le Newton de l’entendement), qu’on l’observe dans tout ce qu’elle édifie, ou dans tout ce qu’elle détruit ne procède jamais que par gradation. »

Ne regardons donc plus comme des principes absolus des faits n’ayant jamais existé que dans l’imagination de ceux qui les ont conçus ; laissons loin derrière nous les aperçus dogmatiques des siècles passés, et marchons à pas comptés dans une voie de progrès, ne devinons plus, mais rapprochons et combinons. Enfin ne craignons pas de substituer à la science cabalistique ancienne, l’explication du monde par l’observation des phénomènes de la nature.

Pour terminer cette digression, peut-être trop longue, disons que l’espèce, pour nous, n’a rien d’absolu, rien de fixe. Elle est purement et simplement subordonnée à l’action de deux forces l’une qui tend à la perpétuer, c’est la génération ; l’autre qui tend à la faire disparaître, ce sont les agents modificateurs que nous allons bientôt passer en revue en parlant des races.

Ayant donné une signification à l’espèce, le moment se présente de nous demander ce que c’est qu’une race. Pour en donner une définition aussi simple que possible nous pouvons dire : C’est un groupe d’individus de la même espèce, présentant un air de famille et se reproduisant avec leurs caractères distinctifs, tant que les influences qui ont formé la race restent les mêmes.

En d’autres termes, une race c’est une transformation temporaire de l’espèce qui se maintient et se perpétue dans les conditions qui l’ont produite, c’est-à-dire tant que les agents modificateurs de l’espèce ne sont pas changés.

Ces agents qui font éprouver à la matière animale des modifications ont été divisés en directs, (climat, localités sol etc) et indirects (alimentation, habitations, croisements) et nous désignons les premiers agents naturels et nous appelons les seconds agents artificiels ; cette dernière classification ayant l’avantage de mieux faire connaître l’action des uns et des autres.

L’intelligence de l’homme qui s’est étendue sur toutes les branches de l’industrie et de la science n’a pas laissé de côté l’amélioration du cheval ; et, ayant manifesté sa puissance partout où il a pu pénétrer, l’homme arrivé en présence de ce noble animal, a tout fait sur cette nature d’utile et maniable.

Lui a-t-il demandé, dans le moyen-âge, d’être lourdement harnaché et de porter un cavalier couvert de fer ? Il l’a obtenu. A-t-il voulu lui faire franchir l’espace avec une vitesse inconcevable ? Il l’a fait. Et, lorsqu’il s’est agi de lui faire traîner des charrettes, fortement chargées, le cheval s’est prêté aux besoins de l’homme et lui a fourni ce qu’il voulait.

Il y a donc là une loi générale de cause à effet que nous ne devons pas perdre de vue, parce qu’elle nous dit que l’organisme tend toujours à se mettre en rapport avec les conditions d’existence où il se trouve.

Partant de ce point, ne sommes-nous pas autorisé à nous demander ce que signifient ces jérémiades forcées qui consistent à déplorer continuellement le sort de nos anciennes races ? N’est-ce pas par le seul fait d’une loi de destination générale, qui veut que le temps change tout, qu’elles ont disparu ?

Mais si la machine animale se modifie par elle-même, l’homme peut aussi agir sur la matière organisée. Le cheval de pur-sang anglais, les bœufs durham, les moutons dishley, southdowon, mauchamp sont la preuve vivante de ce que nous avançons.

« Il semblerait, disait lord Somerville, en parlant des éleveurs de moutons, qu’ils eussent esquissé sur une muraille une forme parfaite en elle-même et lui eussent ensuite donné l’existence. » « Par un plan de vie sagement combiné, a écrit le philosophe Cabanis, il est possible d’agir sur les habitudes et la constitution… »

Ce n’est pas seulement aux animaux que l’homme a fait éprouver des transformations, sa puissance s’est bien plus étendue sur les végétaux. Tous les arbres fruitiers de nos jardins sont le résultat de son génie. Le blé, cette plante de première nécessité, est une véritable métamorphose. Buffon avait donc bien raison lorsqu’il disait : « Avoir transformé en blé une ivraie stérile, n’est-ce pas une espèce de création ? »

Cela posé, que faut-il pour améliorer les races ? Il faut connaître les véritables principes de transformation, et se hâter de les poser, ces principes généralement mal compris et surtout mal suivis.

Agents naturels de modification.




Le climat est susceptible de modification.


Le climat exerce une action marquée sur les êtres vivants, soit par la température, soit par le sol très-varié des différentes contrées.

Les plantes qui croissent dans un climat et les animaux qui s’y élèvent, sont différents de ceux qui en habitent un autre ; citons quelques exemples. Une première preuve de ce que nous avançons se produit dans les races humaines. Le globe est habité par des hommes de différentes couleurs ; il en est de blancs, d’olivâtres, et de noirs etc ; or, il est évident que cette couleur dépend de la plus ou moins grande intensité des rayons solaires. Il n’y a pas de nègres hors de la zône torride, et il est constant que plus on s’éloigne de cette région, où le soleil envoie ses rayons presque perpendiculairement, et plus le teint devient de moins en moins noir.

Chez l’homme l’action du climat ne se fait pas seulement sentir sur la peau ; les formes, la constitution et le caractère s’en ressentent. La tête du Hottentot n’est pas la même que celle du Chinois, la sauvagerie du Caraïbe ne peut pas être comparée à l’atticisme du Français, et l’Européen transporté dans une autre partie du monde perd peu à peu les goûts de sa nation. « Les Hollandais dont le travail semble l’élément et qui en Europe ont créé leur patrie, arrivés à Batavia adoptent les mœurs asiatiques, et substituent des sérails à leurs forteresses. »[3]

Cette influence du climat se fait encore sentir lorsqu’on envisage la faune et la flore de différentes contrées. Tel animal qui vit dans le pôle, ne complète pas son développement dans un pays tempéré et meurt dans la région de l’équateur ; telle plante qui prospère dans un pays chaud ne vit qu’imparfaitement dans une zone tempérée. Il faut au trigonocéphale la chaleur brûlante des tropiques pour la manifestation de ses attributs ; l’ours blanc a besoin de ses glaces éternelles ; la chèvre du Thibet de son air et de ses montagnes ; le singe, le tigre, le lion éloignés de leur patrie et enfermés dans nos ménageries ne tardent pas à tomber dans un état de décrépitude complet et sont presque toujours enlevés par la phthisie. Il est vrai qu’il faut encore tenir compte de la privation de la liberté que ces animaux éprouvent, mais on ne saurait nier l’influence du climat.

Le cheval qui est le compagnon fidèle de l’homme est aussi capable de le suivre dans toutes ses pérégrinations. Partout où l’homme a porté les bienfaits de la civilisation il a eu un messager rapide, et ce courrier c’est le cheval. Comme son maître, il est cosmopolite ; et sa vie est tellement liée aux destinées humaines, qu’il a pu être importé partout où le besoin s’en est fait sentir.

Cependant le climat qui possède une influence marquée sur l’homme a produit aussi ses effets sur le cheval, car rien, dans la nature, ne fait exception à une loi générale.

Considérant les races vierges, c’est-à-dire celles qui n’ont pas été modifiées par la main de l’homme, il est facile de s’apercevoir que les chevaux tartares ne ressemblent pas aux chevaux sauvages des steppes de la Russie et des pampas de l’Amérique, et que ces derniers ont très-peu de rapport avec les caractères que présentent les chevaux de la Camargue et les poneys d’Écosse.

Arrivant à établir un ordre de comparaisons plus limitées, les effets du climat vont encore nous frapper. Quelle différence, en effet, entre le cheval arabe léger, vif, sanguin, et les gros chevaux du Danemarck, du Hanovre, de la Hollande et de la Normandie aux formes lourdes et empâtées et au tempérament essentiellement lymphatique. Eh bien ! peu importe ces différences : transplantez le cheval oriental en Hollande, au bout de quelques générations il aura pris les caractères des animaux du pays tant est grande l’action climatérique. Faites venir des chevaux boulonnais dans le Midi de la France ou en Espagne à la seconde génération vous ne les reconnaîtrez plus.

On doit attacher une grande importance aux faits qui viennent d’être exposés lorsqu’il s’agit de faire passer une race d’un pays dans un autre, mais il est aussi très-important de connaître les véritables principes de l’acclimatation.

Une des premières conditions, c’est d’éviter les transitions trop brusques et de marcher toujours graduellement. C’est en procédant ainsi que l’homme a pu s’étendre sur toutes les parties du monde, et que nos races de chevaux, partant de l’Asie Occidentale, se sont irradiées dans tous les sens.[4]

Le froid exerce une action tonique sur les tissus et la chaleur une action débilitante, la conséquence à tirer de cette observation c’est qu’une race du Midi pourra mieux s’acclimater dans le Nord, qu’une race du Nord dans le Midi.

Bien que cette influence du climat chaud et du climat froid se trouve suffisamment démontrée par l’expérience, on peut lui donner une explication physiologique. L’être du Midi, respirant un air assez dilaté, est loin de brûler pour les besoins de sa nutrition tout le carbone qu’il absorbe, ce qui fait que les éléments hydro-carbonés en excès se fixent dans l’économie sous forme de graisse. Supposez que cet individu, ainsi disposé, soit tout à coup soumis aux exigences d’une respiration plus active par son arrivée dans un pays froid ; il aura tout ce qu’il faut pour satisfaire ce besoin nouveau.

Au contraire le ralentissement dans les fonctions respiratoires de l’individu du Nord lorsqu’il est éloigné de son milieu habituel, ne tarde pas à affaiblir toute la machine, et les rouages de l’économie, ne recevant plus un sang assez vivifiant, languissent et font pressentir la ruine de la constitution.

Dans l’acclimatation il faut encore tenir compte de la hauteur du sol par rapport au niveau de la mer et ne jamais faire l’inconséquence d’élever une race de plaine sur un terrain montagneux. Il faut encore considérer la configuration et la nature du terrain. Les herbes, nourriture première des herbivores, sont de qualité différente selon les lieux qui les produisent, et les fourrages ne sont pas également composés partout. Enfin le voisinage de la mer doit aussi être envisagé dans ces circonstances.

Agents artificiels de modification.




La nourriture est susceptible de modifier le cheval.


L’alimentation a pour but de faire pénétrer dans l’organisme animal les matériaux nécessaires à la nutrition.

Envisagée au point de vue zootechnique, la nourriture a pour effet de donner au cheval plus de taille, des formes plus belles et par conséquent de régulariser la conformation.

Lorsque l’alimentation est réglée d’après de bons principes, les organes prennent un développement convenable et les fonctions s’exercent normalement sans prédominance de l’une sur l’autre. Il s’ensuit un équilibre continuel dans les phénomènes nutritifs, condition première d’une bonne constitution et d’un bon tempérament.

La physiologie démontre que l’organisme se trouve débilité par une alimentation peu substantielle, les os, les muscles et relativement tous les autres organes se trouvent arrêtés dans leur mouvement de formation.

Il faut pour subvenir aux besoins incessants de la calorification et de la respiration une nourriture appropriée, sans quoi ces fonctions s’exécutent aux dépens des molécules constitutives du corps, et la ruine complète de l’économie animale se fait prochainement sentir si l’on tarde trop à porter remède au mal.

Que l’on prenne deux chevaux d’une même origine, qu’on élève l’un dans un pâturage ordinaire et l’autre à l’écurie, en lui donnant une nourriture réglée et substantielle, à un moment donné, les deux animaux ne seront plus reconnaissables.

Il ne faut pas croire que tous les chevaux qui s’élèvent dans le Perche y soient nés ; les éleveurs vont les chercher en Bretagne, en Franche-Comté, en Bourgogne, en Poitou. Tous ces poulains, quoique de provenance différente, arrivés à l’âge adulte, se ressemblent tous par le seul effet de la nourriture qu’on leur donne ; la transformation est si complète que souvent un cheval d’origine Franc-Comtoise, est vendu dans le pays qui l’a vu naître comme percheron.

En 1580, la culture des terres dans le Perche se faisait avec des bœufs, on n’employait que très-exceptionnellement le cheval pour les besoins agricoles. On introduisit dans le pays des prairies artificielles, et, dès ce moment, les chevaux qui n’avaient été jusqu’alors qu’un objet accessoire, se développèrent peu à peu, et finirent enfin par acquérir la réputation universelle qu’ils ont aujourd’hui.

Dans le commencement de ce siècle le cheval lorrain était de petite taille, il possédait un certain degré de robusticité, mais il était incapable de faire de grands travaux, on en voyait jusqu’à 6, 8 attelés à une charrue. Cela dépendait principalement de ce que les animaux manquaient de nourriture. Pour toute alimentation on leur donnait ce que le pacage des nuits pouvait leur procurer, et le matin on allait les chercher pour les mettre à la charrue. Souvent même il arrivait que la fausse économie du paysan lui faisait vendre une grande partie de son foin ; et, quand la mauvaise saison était venue, il n’avait à donner à ses bêtes que de la paille. Depuis, l’agriculture a fait des progrès, on a produit de l’avoine et on a surtout créé des prairies artificielles. Sous cette influence, la race s’est sensiblement modifiée, et aujourd’hui on trouve en Lorraine de très-bons chevaux de trait.

L’action de la bonne alimentation sur les chevaux est si bien démontrée, que Mathieu de Dombasles disait que la nourriture avait seule formé la race anglaise de pur sang.

Lorsque l’on considère les chevaux qui habitent les lieux incultes ou déserts, on est frappé de la décadence où ils sont tombés. Là où la charrue n’a pas encore sillonné le sol, cet animal est peu développé et en rapport avec les petits services qu’on lui réclame, tels sont les chevaux ariégois, camargues, landais et corses. Là au contraire, où une agriculture florissante réclame pour ses besoins de gros chevaux, ils s’y trouvent.

On voit par cet exposé, que le cheval suit la marche des modifications agricoles, et on peut avancer à priori que lorsque les vastes pâturages peu productifs que possède la France seront convertis en lieux cultivables, il s’opérera une modification profonde dans l’organisation des animaux qui les habitent.

Et si l’agriculture des Landes, dans un siècle d’ici, a besoin de chevaux de trait pour labourer les terres, elle en produira parce qu’elle pourra les nourrir !

III. — le travail modifie le cheval.


Le cheval est une machine dont le principe d’action est fourni par la vie qui n’est autre chose qu’une force produite par le mouvement de composition et de décomposition qui s’exerce dans tous les êtres organisés. Elle se trouve donc subordonnée aux diverses fonctions de nutrition et paraît avoir son point de concentration dans les centres nerveux, d’où elle s’irradie par les cordons périphériques dans les divers organes qui forment le corps vivant.

Pour bien connaître le cheval, il faut être anatomiste afin de bien se pénétrer des parties constituantes de la machine animale. Et comme tous les rouages de l’économie sont soumis à des lois, il faut avoir étudié la physiologie qui les enseigne. Ce sont là des conditions de première nécessité, il est bien évident qu’il faut connaître ce qui peut être modifié, lorsqu’on veut opérer une transformation.

Le travail modifie le cheval, avons-nous avancé, donnons-en des preuves.

C’est l’agriculture, le service du roulage, la nécessité de traîner des omnibus fortement chargés et de conduire de lourdes diligences, qui ont fait le cheval de trait dont la conformation est en rapport avec le but à obtenir.

Devant agir en même temps par son poids et sa force musculaire, le cheval de trait possède ces deux qualités au plus haut degré. Le système musculaire est bien développé, et la taille accompagne la masse. Le poitrail la croupe, la fesse, font saillie ; et, comme la vitesse n’est que très-secondaire, l’épaule, la jambe et l’avant-bras sont peu allongés. Ce n’est pas seulement dans les formes que le travail modifie le cheval, mais le tempérament au lieu d’avoir pour caractère, l’excitabilité et la puissance dans l’effort d’un moment, devient comme dans toutes les constitutions athlétiques sanguin-lymphatique substituant partout à une force factice, l’énergie soutenue et la vigueur active.

Demande-t-on, au contraire, un cheval de vitesse, on voit immédiatement l’encolure s’allonger, l’épaule et la jambe d’obliquer et devenir plus longues etc. En même temps, le tempérament nerveux domine, l’animal devient très-excitable ce qui lui permet de produire un effet énergique pendant une durée de temps limitée.

Prenez un cheval vulgaire aux membres lourds, aux formes empâtées, au tempérament essentiellement lymphatique, faites-lui faire un exercice réglé, les fonctions respiratoire et circulatoire vont prendre plus d’activité, le sang va devenir plus plastique, les muscles vont se renforcer et bientôt vous aurez un cheval complètement transformé.

D’après M. Gourdon les bœufs du Midi qui travaillent au joug ont les muscles du cou bien plus développés que les grands animaux du Nord qui font leur service au collier.[5]

Les anglais ont formé pour les combats, des chiens qui ont une mâchoire d’une force exceptionnelle.

Faut-il chercher ailleurs d’autres exemples ? nous en trouvons à chaque pas. Le forgeron qui doit battre le fer a la partie supérieure de son corps et les muscles des bras très-développés. Les mousses, en raison de leur gymnastique particulière, ont aussi les bras et les muscles pectoraux très-gros. Et, tandis que les cuisses et les mollets des danseurs sont fortement musclés, les jambes des tailleurs paraissent atrophiées. Ces modifications s’effectuent en raison d’une loi organique qui s’exprime ainsi : plus un organe fonctionne, plus il se développe et réciproquement.

Le travail est utile au cheval et loin de lui être nuisible, il lui est de première nécessité. Un animal qui reste sans exercice prend des formes empâtées, le tissu cellulaire s’infiltre de graisse, la fibre musculaire, première condition de force vitale, s’atrophie, la substance osseuse se désagrège, le lymphatisme augmente, les fonctions de nutrition ne sont plus équilibrées, et l’animal se trouve dans des conditions anormales de santé. Sous l’influence de cet état pathologique, la constitution est bientôt ruinée.

Combien de personnes, dans l’espèce humaine, ne voit-on pas moissonnées avant l’âge par le manque d’exercice fonctionnel !

L’exercice est une condition de vie, de force et de santé ; on ne doit donc pas hésiter de faire travailler les chevaux mais il faut leur faire exécuter un service réglé et soutenu ; commencer par demander un petit effort et arriver graduellement à la plus grande force qu’il soit possible d’obtenir. C’est ainsi que l’on fera des chevaux parfaitement conformés, ce qui est le but dominant du perfectionnement.

IV — action de l’hygiène et de la stabulation sur le cheval.


Qu’on ne vienne pas dire que les chevaux n’ont pas besoin d’être soignés, parce que ceux qui vivent à l’état sauvage s’entretiennent en santé sans qu’ils soient abrités, pansés et nourris convenablement. Cette phrase qui a pu être écrite autrefois, n’a plus sa raison d’être aujourd’hui où tout le monde reconnaît que la domesticité entraîne avec elle des nécessités, qu’on ne rencontre pas chez les animaux vivant à l’état de liberté complète. Il serait donc oiseux de vouloir démontrer que le cheval peut se passer d’une habitation convenable et d’une hygiène bien entendue. Au contraire, puisque nous avons dompté cet animal nous devons lui prodiguer tous les soins qui sont en notre pouvoir.

Les bons effets du pansage sont parfaitement démontrés par la physiologie. Cette science nous apprend que la répercussion produite par l’étrille sur la peau, a des effets marqués sur les animaux. L’exhalation cutanée se fait mieux et les organes engourdis se réveillent. Les chevaux donnent un meilleur travail, les vaches laitières fournissent plus de lait, et cette stimulation passagère donnée à la peau, fait que les diverses fonctions vitales s’exercent avec plus de régularité, condition essentielle pour l’entretien de la santé.

Il est très-important d’enlever les matières étrangères qui se déposent sur l’organe cutané ; si l’on néglige ce soin, les fonctions importantes de cette membrane se trouvent suspendues, et un certain degré d’altération du sang peut survenir consécutivement, les matériaux qui doivent être expulsés au dehors par la voie de la transpiration cutanée restant dans le torrent circulatoire. Cette altération du liquide nutritif peut nuire gravement au développement de l’animal[6].

Tous les soins ne consistent pas dans le pansage, mais encore dans le règlement des rations, qui doivent toujours être distribuées d’une manière régulière et composées d’après les principes de l’alimentation. Chaque jour le cheval devra recevoir une ration d’entretien ; et s’il travaille, on lui donnera en plus une ration dite de production.

Dans ces circonstances, le cheval acquiert tout ce qu’il faut pour une forte constitution. La conformation extérieure se régularise, le tempérament se modifie dans le véritable sens de la santé, le caractère devient plus doux, les muscles grossissent, la poitrine prend de l’ampleur et les prédispositions à certaines maladies chroniques redoutables, disparaissent.

Le cheval qui possède de belles qualités, loin d’être ruiné dans un âge prématuré, fournit pendant longtemps un bon travail, et meurt dans un âge avancé sans avoir connu la souffrance.

La stabulation et l’hygiène produisent des effets d’autant plus marqués sur les chevaux que ces animaux sont soumis pendant plus de temps à cette manière d’être. Il est évident que la transformation est lente peu marquée d’abord sur quelques individus, mais peu à peu, lorsque plusieurs familles ont été successivement soumises à l’action de ces causes, les caractères, se transmettant de père en fils ne tardent pas à montrer l’efficacité d’un élevage rationnel.

Pour fixer les caractères acquis et les maintenir, il faut toujours agir de la même manière, et soutenir contre la nature une lutte active et incessante.

Il faut, autant que possible élever les chevaux à l’écurie, l’élevage en liberté n’est pas, tant s’en faut, aussi économique que l’élevage à l’écurie. Le propriétaire n’a pas autant de frais, et les chevaux qu’il produit sont mieux conformés, plus dociles et d’un service plus agréable que ceux qui s’élèvent au grand air. Comme la dernière fin du cheval est de rester à l’écurie, ceux qui s’y sont nourris depuis leur naissance, ont moins à redouter ces gourmes malignes que la transition trop brusque de l’état de liberté avec le régime de la stabulation produit chez les chevaux qui ont passé toute leur jeunesse dans les pâturages, où ils ont contracté un tempérament lymphatique outré, et souvent même la fluxion périodique des yeux.

On a objecté à l’élevage à l’écurie de faire perdre aux animaux leur robusticité. Il est facile de faire justice de cette idée : car, en admettant que le cheval d’écurie soit moins robuste que le cheval de pâturage, ce qui n’est pas clairement prouvé, il aura plus de force et de puissance et fera un travail donné en 1/3 1/4 1/5 moins de temps.

Nous terminons en disant que l’élevage à l’écurie est un puissant agent de modification : le cheval de pur sang anglais, le boulonnais et le percheron en sont des exemples frappants ; mais, bien que le régime de la stabulation permanente soit tout à fait propre pour produire de bons chevaux, il serait puéril de le tenter si l’on ne possède pas les conditions qu’il exige.

V — action de la génération dans les transformations de l’espèce chevaline


Les générateurs donnent à la matière qui doit constituer l’être, une force d’organisation en vertu de laquelle l’embryon se forme.

Outre la source de la vie donnée par la génération au nouvel être procréé, elle est aussi le point de départ des formes que le produit doit avoir et des prédispositions que possèdent les procréateurs.

Au point de vue de la zootechnie, il est démontré que chaque aptitude a son élément dans la conformation, ce qui rend incapable le cheval anglais, par exemple, de produire un animal de trait, et le Boulonnais de faire un cheval de selle. Les générateurs ont donc une influence sur les formes, mais ils donnent aussi les prédispositions qu’ils possèdent ; ainsi, le cheval de course, fournira l’aptitude à courir, le mérinos à posséder une laine fine, le dishley à produire de la viande, la vache Hollandaise à donner du lait, le lévrier à courir etc. Cependant comme les éléments primordiaux de fécondation (sperme et ovule) se combinent et se fondent ensemble dans la formation de l’agrégat ; il peut arriver que certaines prédispositions soient éteintes par le seul fait de conditions diamétralement opposées qui se sont rencontrées dans le père et la mère.

Une circonstance remarquable de l’hérédité, c’est la concentration, la mise en réserve, si nous pouvons nous exprimer ainsi, de certaines prédispositions qui passent sans se manifester sur une, deux ou trois générations pour apparaître ensuite sur un sujet donné. Ainsi une qualité d’un aïeul se reproduira dans le petit-fils sans que le fils l’ait possédée. Ne peut-on pas admettre après ce résultat, que les êtres exceptionnels qui apparaissent de loin en loin dans une famille, ne sont que le fait de l’éclosion spontanée de qualités supérieures restées latentes chez leurs prédécesseurs ?

Ces principes posés, on peut sans s’éloigner de la vérité, considérer la formation du fœtus comme le résultat de deux forces émanées de chaque générateur. Ces forces d’organisation sont difficiles à définir ; il est permis d’en connaître l’effet, mais on ne peut pas en pénétrer l’essence comme si la nature avait voulu dans ses manifestations couvrir d’un voile ses mystères !

Partant de là, on peut affirmer, que plus les générateurs seront éloignés au point de vue du tempérament, de la constitution, de la conformation, et plus ils donneront naissance à des produits chétifs et difformes. Il s’ensuit également que si dans un croisement, un individu a plus de puissance, de force, de résistance, de fixité dans la race que l’autre, l’être engendré ressemblera plus au premier ascendant qu’au second.

L’étude comparée des divers phénomènes qui se passent dans un croisement démontre 1o que le père reproduit dans un descendant les caractères extérieurs, les systèmes osseux, musculaires ; par conséquent la tête et les extrémités.

2o Le tempérament, la constitution et le caractère.

Pour rendre cette proposition évidente, il suffit de considérer l’hybride résultant du croisement du baudet et de la jument. Le mulet, en effet, possède la grosseur de la tête et la brièveté de l’encolure qui sont les défauts du père. Comme le baudet il a aussi les jambes grêles, les pieds serrés, la poitrine étroite, le tempérament sanguin, une grande force de résistance et un caractère indocile qui le fait souvent devenir rétif et méchant.

La mère au contraire, donne à son produit la taille et tous les détails de l’appareil organique.

Dans les produits anglais nés d’un croisement la tête du père se reproduit ainsi que les extrémités des membres qui sont presque toujours défectueuses.

Ce sont là des considérations que l’on ne doit pas perdre de vue dans l’amélioration, si l’on s’en écarte, on s’expose comme nous le ferons voir à l’endroit du pur sang anglais, à éprouver de déplorables mécomptes. Il faut toujours suivre une marche progressive et ne pas vouloir faire disparaître à la fois trop de défauts ou communiquer un trop grand nombre de qualités. Celui-là qui veut tout transformer dans l’espace d’un jour, ne comprend rien à la production. Il est donc très-important d’apprécier dans toute leur valeur, les qualités, les défauts, les aptitudes, la conformation des individus que l’on accouple. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet.

Enfin, si toutes les aptitudes, tendent à se transmettre par la génération, elles ne se conservent pas, si les conditions hygiéniques indispensables viennent à manquer ; on peut avec deux beaux parents avoir un beau poulain, mais autre chose est, d’avoir un bon cheval. C’est que les races possèdent une force qui les pousse constamment à revenir au type naturel (force d’atavisme) et si nous suspendons un moment l’action des agents artificiels que nous possédons, la génération est incapable de reproduire la race si elle possède des caractères artificiels.

La nature a sur la matière vivante de tels droits, qu’il faut à l’homme des efforts incessants pour les contrebalancer. Ce n’est qu’avec le temps que la face du monde change, et des milliers de siècles ont dû passer sur ces générations éteintes et ensevelies dans les entrailles de la terre pour que de nos jours il ne soit plus possible d’en retrouver la trace parmi les espèces vivantes !

§ II.

Du pur sang anglais envisagé comme améliorateur des races françaises.


L’ordre renaît souvent de l’excès du désordre, le bien de l’excès du mal, la raison de l’engouement irréfléchi, la sagesse de la désillusion le succès est à qui sait voir et mettre à profit le moment de résipiscence.


VI — du cheval de pur sang anglais.


Le mot pur sang est vide de sens, il sert simplement à désigner une chose que l’on aurait pu appeler autrement. Néanmoins, on tend chaque jour à lui donner une signification spéciale qui consiste à nommer cheval de pur sang un individu extrait d’une famille qui se serait reproduite avec ses types primitifs, sans jamais avoir été mélangée par des croisements étrangers. Il y aurait donc des chevaux de pur sang dans toutes les races vierges.

Le cheval de pur sang anglais fut formé en Angleterre par les chevaux arabes croisés avec les juments du pays. Les premières importations eurent lieu en 1121, sous le règne de Henri Ier, mais c’est surtout Henri VII et Henri VIII qui firent venir beaucoup de chevaux orientaux, qui continuèrent à être importés pendant tout le temps que les princes chrétiens régnèrent en Orient.[7]

Des auteurs plus exclusifs, ont prétendu que cette race avait pris naissance par suite des croisements faits avec des étalons et des juments venus de l’Orient. C’est l’opinion de l’auteur de l’histoire du Turf et de Grognier. Bien qu’il ne ressorte aucun intérêt de savoir de quel côté se trouve la vérité, nous ferons remarquer, en passant, que, ce qui tend à donner une certaine valeur à cette dernière opinion, c’est la mesure prise par Charles II qui fit acheter en Arabie des étalons et des juments pour les croiser en Angleterre. Ces juments devenues plus tard célèbres par leurs produits prirent le nom de juments royales. Quoiqu’il en soit de ces idées contradictoires, c’est par une bonne alimentation, les croisements, des logements convenables, des soins donnés à propos, que les Anglais ont combattu les influences climatériques, et qu’il s’est formé sur le sol de l’Angleterre un type artificiel qui a été appelé : pur-sang, cheval de course ou Racer lequel en se croisant avec les chevaux communs a produit le cheval de chasse ou Hunter.

VII — de l’institution des courses envisagée au point de vue de l’amélioration des races chevalines.


Les courses[8] sont des luttes de vitesse, un jeu de hasard où les chevaux sont engagés pour parcourir au galop dans un temps très-court un espace donné.

Les courses prirent naissance en Angleterre au XIIe siècle sous le règne de Henri II. Plus tard Édouard II et Henri VIII favorisèrent aussi cette institution, mais c’est surtout Jacques Ier qui donna aux courses toute l’extension qu’on pouvait espérer à cette époque. Cromwell et Charles II continuèrent l’œuvre de Jacques Ier. Nous voulons parler des courses telles qu’elles existent aujourd’hui, car leur origine propre remonte à la plus haute antiquité. Ces luttes, en effet, firent partie des fêtes pompeuses de l’ancienne Grèce. On voyait lancés dans un cirque des chevaux attelés à des chars. Les Romains, fidèles imitateurs des Grecs, eurent aussi leurs courses de chevaux. Les tournois et les carrousels du moyen-âge ressemblent jusqu’à un certain point à nos courses.

D’abord sans beaucoup d’intérêt, elles furent sous le règne de Charles II une distraction pour le peuple encore abattu par les secousses politiques qui venaient de se passer. L’esprit d’encourager l’élève des chevaux s’empara de cette institution ; on vit alors l’aristocratie anglaise ne rien négliger pour parvenir à ce but. Tout pour la gloire avaient écrit les Anglais sur leur bannière, et il est incontestable que sous cette noble impulsion, l’amour du cheval prit de telles racines chez ce peuple, que chacun tint à honneur de produire de bons chevaux.

Mais le principe d’action du début, qui était l’amélioration des races, ne tarda pas à disparaître, et un mobile d’une autre nature s’empara de l’institution et la dirigea dans un autre sens. Nous voulons parler du jeu. Lorsque des sommes fabuleuses furent engagées sur les coureurs du turf, on ne demanda plus au cheval que de la vitesse et on fit le sacrifice de tout pour l’obtenir : la santé des jockeys, la force, le fond, la vigueur, le tempérament du cheval furent immolés sans pitié.

C’est alors seulement que le bruit des courses franchit pour la première fois la frontière britannique et se répandit au dehors. Nous devons cependant le dire, les courses eurent de la peine à s’implanter parmi nous ; et la résistance que cette institution a trouvée dans son début dépend de la différence de nos mœurs avec les mœurs des Anglais. Ce genre de spectacle convient très-bien au caractère national britannique. Est-il étonnant que les courses aient prospéré dans un pays où tous les jeux de sport sont en honneur ? et ce peuple qu’on dit être si bien civilisé, ne possède-t-il pas encore les chasses à courre dont toute la gloire consiste à forcer un renard ? n’a-t-il pas aussi ses combats d’hommes, de chiens et de coqs. Les courses font partie constituante de la civilisation Anglaise, et si ce spectacle venait à manquer, disons-le avec M. Richard du Cantal, il faudrait en inventer un autre immédiatement.

Nos pères étaient donc plus sages que nous lorsqu’ils repoussaient l’idée des courses. En 1820 il se présentait seulement sur nos hippodromes 120 concurrents se disputant 60 prix. Aujourd’hui chaque arrondissement veut avoir sa place de course et si les choses marchent aussi rapidement que dans ces dernières années, dans un demi-siècle la France sera couverte d’hippodromes et le véritable et judicieux observateur des faits, se demandera encore en quoi consiste l’amélioration de nos races !

En n’exigeant des chevaux de course qu’une seule qualité (la vitesse,) le corps de ces animaux s’est allongé ainsi que les rayons des membres, la solidité et la force des allures a été perdue[9]. Le train postérieur s’est élevé, condition très-utile pour un cheval qui doit constamment marcher au galop, mais très-défectueuse pour un bon cheval de service, la croupe est devenue oblique, autre mauvaise conformation.

Ce n’est pas tout, il fallait pour faire mouvoir cette machine avec toute la vitesse voulue, une grande excitabilité ; de là, la nécessité de donner au cheval de course un tempérament nerveux. En s’efforçant de le développer par la pratique absurde de l’entraînement, on a fait des chevaux indociles, irritables, et peu faciles à conduire[10].

Il était encore très-important de diminuer la capacité des organes digestifs ; on y parvint par des purgatifs et en donnant pour alimentation des matières contenant beaucoup de principes nutritifs sous un très-faible volume. De là, des animaux à ventre levreté, étroits des boyaux, défectuosité très-grave qui, en se transmettant aux produits leur donne constamment des maladies chroniques du ventre s’ils sont nourris avec des aliments ordinaires.

L’entraînement, qui fait éprouver aux chevaux de course un travail forcé dans une période de la vie où les organes ne sont pas encore formés, fait développer des maladies graves du système osseux et des articulations. Il n’est pas rare, en effet, de voir un cheval de course engagé pour la première fois à l’âge de trois ans, présenter dans les diverses régions de l’appareil locomoteur des affections morbides telles que des molettes, des vessigons de tout genre, des nerf-ferrure, des éparvins, des jardes et autres suros, le plus souvent incurables et presque toujours héréditaires !

On a dit une grande vérité lorsqu’on a posé en principe que toute la science du jockey consistait à faire supporter tout son poids par la bouche de son cheval ; mais on n’a pas parlé de l’insensibilité des barres que l’on produisait par cette manœuvre, et de la bouche dure que l’on donnait à tous les chevaux de course. Certainement ce défaut est peu grave considéré individuellement, mais il devient déplorable lorsqu’il se transmet, par la génération à une foule de produits. C’est, sans doute, ce qui avait fait dire au général Foy, en parlant de la cavalerie anglaise : « Elle aura toujours le dessous partout où elle sera engagée contre une cavalerie bien commandée. Un cavalier emporté par son cheval, ne peut se défendre contre celui qui monte un cheval souple, maniable et obéissant. » Et pourtant en France c’est le cheval de course que l’on protège pour faire le cheval de troupe !

Envisageant les courses au point de vue économique, nous dirons : s’il est des éleveurs qui ne se sont pas ruinés en soutenant les luttes d’hippodrome, leur fortune est trop grande pour cela, car rien n’est moins lucratif que la production du cheval de course. M. Richard l’a parfaitement établi, et d’après le calcul qu’il a fait il résulte que de 1840 à 1847 l’industrie chevaline a dépensé la somme énorme de 18, 126 000 francs et les courses lui ont rapporté 2, 941 000, elle se trouve donc en perte de 15, 185 000 francs.

Mais si les courses ne donnent point au cheval les caractères de bonté que l’on en attend, pourquoi le gouvernement français les subventionne-t-il ?[11] pourquoi ne laisserait-on pas les amateurs du turf se soutenir par eux-mêmes et ne suivrions-nous pas en ce point la marche anglaise ? La chose est difficile à faire, c’est vrai, parce que, en Angleterre, c’est une aristocratie puissante qui élève le cheval de course, et elle est bien libre de dépenser son argent comme bon lui semble, personne, que nous sachions, ne s’est encore avisé de lui contester ce droit. Aussi, dans ce pays, l’État n’intervient pas pour la production du pur sang. Là, tout ce qui est relatif aux courses appartient à des associations qui les règlent et les dirigent.

En France, les fortunes sont plus partagées, cela tient aux dispositions légales ; l’aristocratie foncière s’occupe fort peu de chevaux et les gens riches se livrent à d’autres industries. Laissons donc les grands propriétaires anglais avec leurs immenses fortunes et leurs immenses propriétés inaliénables, faire des choses qu’il est impossible de mettre en pratique chez nous. Les courses ne sont bonnes que pour les personnes, qui ont beaucoup d’argent à dépenser pour le luxe, mais elles ne peuvent que faire tort aux cultivateurs.

Si donc, dans le principe, ces célèbres enthousiastes qui ont tant prôné les courses, avaient plus connu le fond de l’institution que la superficie, ils n’auraient pas concouru au développement d’un prétendu moyen d’amélioration si peu en rapport avec nos usages et nos besoins.

Au milieu de tant de graves inconvénients, est-il possible de trouver quelque avantage aux courses ? Nous en chercherions en vain. Au contraire, des abus inhérents à l’institution doivent encore être signalés.

Les courses sont pour les sportman un objet de spéculation comme les actions de la Bourse ; un cheval qui a gagné un prix sur une place est engagé une seconde, une troisième fois, le turf est sa destination ; il n’en sort que lorsqu’il a les tendons forcés et la constitution ruinée. Alors de deux choses l’une, ou le vainqueur du Derby va finir tristement sa carrière sous les coups de Jean-Martin qui conduit le numéro 3520, ou il va être livré à la reproduction pour donner aux éleveurs, dupés de fond en comble, de misérables poulains.

Aujourd’hui les prix que l’on distribue dans les courses sont une chose très-secondaire, le principal moteur, ce sont les paris, et ce jeu, chez les Anglais, devient une véritable passion poussée quelquefois jusqu’à la fureur et la démence. À New-Market, il y a tous les ans, dit-on, plus d’argent perdu et gagné que dans toutes les maisons de jeu de l’Europe.

Ridicules imitateurs des manies anglaises, en faisant des courses, nous avons aussi introduit chez nous l’usage des paris et nous en avons fait une véritable science de combinaison[12]. Et le gouvernement ne s’est pas encore aperçu qu’en protégeant les courses, il patronnait l’immoralité et laissait nos races dans la décadence !

Ajoutez à cela les jeûnes, les marches forcées, les suées extraordinaires auquels sont obligés de se soumettre les malheureux grooms pour perdre leur graisse afin d’arriver à ne peser que 50 ou 60 kilogrammes. Considérez encore une foule d’actes criminels auxquels se livrent les gens du sport pour empêcher leurs concurrents d’être les vainqueurs dans la lutte. Représentez-vous ces coureurs d’hippodrome arrivant au but marqué couverts de sueur, suffocants, presque asphyxiés, le corps stigmatisé par les coups de cravache, les flancs et le ventre ruisselant de sang, et vous aurez une faible idée des inconvénients des courses.

À la vue de traitements aussi atroces que l’on fait éprouver aux chevaux de course, le cœur de tout homme sensé se révolte. On se demande si pour le plaisir de gagner un pari quelque grand qu’il soit, on a le droit de violenter des animaux qui ont, aussi bien que nous-mêmes, la conscience de la douleur qu’ils éprouvent et des mauvais traitements qu’ils reçoivent. En face de ces choses qui paraissent avoir reçu l’assentiment de l’autorité supérieure, les officiers chargés de mettre en vigueur la loi protectrice des animaux restent spectateurs impassibles de ces scènes barbares !

Arrière donc l’idée d’une institution aussi absurde, arrière les principes faux qui la font considérer comme ayant un but dans l’amélioration de nos races. Oui, les courses ne sont pour les spéculateurs du turf qu’un tapis vert,[13] pour les gens désintéressés, qu’un véritable spectacle aussi bien qu’un panorama ou une apothéose. Enfin pour les nouveaux enrichis et les grandes dames du demi-monde, un objet de parade et une occasion d’étaler devant un public curieux et avide de nouveautés, le luxe, la beauté et les grâces.

Voilà les courses ! il n’existe pas de mot assez fort, assez expressif, pour qualifier une institution aussi contraire au perfectionnement de nos chevaux.

VIII — effets du cheval de pur sang anglais sur nos races.


Voyons d’abord les effets du pur sang anglais sur nos races de trait. La simple raison dit que le cheval anglais a plutôt détérioré qu’amélioré ces races. Il y a, en effet, dans nos gros chevaux une force d’atavisme trop grande pour pouvoir être vaincue dans un croisement, aussi, est-ce faire de la zootechnie idéale que de vouloir régénérer ces chevaux par le pur sang.

Les races bretonne, percheronne, boulonnaise, ardennaise, franc-comtoise satisfont parfaitement aux besoins qui se font le plus sentir ; et, ce but étant réalisé, nous ne devons plus rien exiger ; nous devons seulement maintenir ce qui est acquis. Que feraient le service des omnibus des grandes villes, le roulage, le camionnage si l’on transformait les chevaux de trait sous le vain prétexte de faire des chevaux de cavalerie légère ? où devrions-nous ensuite aller chercher ces animaux qui nous sont de première nécessité ?

Les propriétaires de la Picardie et de la Lorraine ont longtemps fait résistance pour croiser leurs races avec le pur sang anglais, ils méritent des éloges. Après une lutte soutenue entre le gros bon sens du paysan et la folle impulsion donnée par l’administration des haras, celle-ci a été forcée de céder le pas, et s’est vue obligée en 1860 de supprimer les dépôts d’étalons d’Abbeville et de Charleville, en même temps que la production du mulet l’obligeait de rayer de sa liste le dépôt de S. Maixent.

Nos grosses races auraient dû être éloignées du cheval anglais. L’élève du cheval de trait et du mulet est aujourd’hui une industrie très-prospère et surtout très-rémunératrice ; vouloir y mettre des entraves, c’est courir vers la ruine de l’agriculture Française !

Suivez donc la marche que vous avez adoptée, éleveurs de l’Artois, de la Picardie, du Perche, des Ardennes et de la Franche-Comté, votre intelligence est au-dessus de celle de l’administration des haras. Continuez à vous laisser guider par votre raison, n’accordez aucune signification aux chevaux de pur sang et de demi-sang, faites de bons et gros poulains que vous vendrez à l’âge de quinze mois aussi cher que les chevaux enlevés par les remontes à l’âge de cinq ans. Continuez à élever vos chevaux de trait parce que le débouché en est assuré et le placement facile. Il faut que vos sorties correspondent à vos entrées, et ce système de véritable économie, n’est pas praticable avec la production du cheval de demi-sang. Ce cheval, en effet, n’est guère réclamé que par l’armée, le commerce n’en veut pas. Si donc les remontes le délaissent, vous serez toujours en perte soit que vous vouliez vous en défaire, soit que vous vouliez le garder pour les besoins de l’agriculture. Ce n’est pas un cheval irritable, méchant, souvent emporté, faisant un travail irrégulier qu’il faut pour conduire la charrue ou traîner le tombereau dans les champs !

Après avoir jeté un coup d’œil rapide sur les effets du pur-sang anglais sur nos races de trait passons en revue ces mêmes effets sur nos races légères. Où sont ces brillants chevaux navarrins et limousins qui firent la gloire des armées de la Révolution et de l’Empire ? ils sont fatalement perdus. Bien que nous n’ignorions pas que l’action du temps n’ait été pour quelque chose dans leur disposition, nous devons reconnaître que l’administration des haras a hâté leur chute par la fausse science qui a présidé à toutes ses opérations.

Et le voyageur est étonné, lorsque traversant les riches provinces du Midi et du centre de la France, de ne voir partout que des chevaux décousés et sans type. Presque tous les individus qu’ils rencontrent portent bien quelques traces de sang anglais, ici c’est dans la tête, là dans l’encolure, plus loin dans les membres, mais les proportions ne sont pas gardées. Et le voyageur ne tarde pas à s’apercevoir que les chevaux qu’il observe ne sont qu’un assemblage informe de qualités et de défauts tout à fait incompatibles avec les dispositions d’une bonne machine devant être employée comme force motrice.

Ces misérables produits que l’on décore du nom d’anglo-navarrins ou d’anglo-limousins, sont sans résistance et sans fond, couverts de tares et méchants. Disons-le donc ici avec M. de Quatrefages, « Tant de millions, tant d’années, tant d’efforts, à quoi ont-ils conduit ? à la perte de nos races. »

Connaissant les principes de la génération et les caractères du cheval anglais, il est facile de prévoir ce qui se passe dans un croisement. La force sanguine et le tempérament nerveux du pur-sang anglais sont bien au-dessus de ces mêmes conditions chez les femelles qu’on lui présente, il s’ensuit une tendance de donner à ses produits la plus grande somme de ses caractères. Or, comme ce cheval n’a aucune qualité réellement utile, il ne transmet à ses descendants que le grand nombre des défauts qu’il possède.

C’est ainsi que par un croisement avec le pur sang anglais on fait un cheval aux réactions dures,[14] à bouche peu sensible, rétif, méchant, ayant peu de robusticité ; exigeant beaucoup de soins, beaucoup de nourriture et avec cela, impropre à l’agriculture et à la vie de caserne. Les faits parlent et démontrent irréfragablement nos assertions.

N’avons-nous pas encore vivant devant nous le tableau de la campagne de Crimée, où l’on a vu les chevaux anglais moissonnés impitoyablement par la rigueur du climat et des privations, tandis que les chevaux orientaux n’éprouvaient qu’une mortalité bien inférieure ? « Les chevaux anglais, écrivait-on de Crimée, fondent en campagne comme la neige au soleil. » Et pourtant, malgré ces exemples, c’est avec le pur sang anglais que l’on veut faire le cheval des camps ! Ouvrez donc les yeux, ignorants systématiques, qui croyez que tout consiste pour améliorer nos races dans le mot pur sang, et rendez-vous une fois pour toutes à l’évidence.

Si tant est qu’il fût utile de croiser nos races légères du Midi avec un cheval étranger, ne serait-il pas plus logique, d’employer les mêmes éléments qui ont concouru dans le principe à former ces chevaux ? Pourquoi alors a-t-on méconnu ce sang arabe qui avait fait les races navarrine et limousine puissantes et fortes ?

En admettant l’impossible, c’est-à-dire que le pur sang anglais fut capable de donner de bons produits, les éleveurs français n’étant pas à même de remplir les conditions d’élève du cheval de demi-sang, cette industrie ne peut qu’échouer pour des raisons que nous allons examiner.

Et d’abord, qui produit le cheval de demi-sang chez nous ? Quelquefois des riches éleveurs, mais c’est l’exception ; presque toujours ce soin est confié au paysan ou au fermier. Et qui leur trace la marche à suivre dans cette industrie, qui les protège ? personne. Le paysan est obligé de se conduire par lui-même, sans science, sans principes comme aussi sans argent, il cherche en tâtonnant à produire le cheval de demi-sang. Mais ne connaissant pas les exigences que le sang anglais introduit dans l’organisme il s’égare et se perd dans la voie qu’il suit. Voulant traiter et élever les poulains de demi-sang comme les chevaux de la localité, il les conduit dans des champs mal cultivés, dans des pacages peu abondants, ou bien il les laisse à l’écurie à côté de moutons ou de brebis, de bœufs ou de vaches, ne recevant pour toute nourriture qu’un fourrage qui est loin d’être de première qualité. Il obtient ainsi tout ce qu’il peut y avoir de plus mauvais en chevaux. Admettez le cas où l’éleveur puisse donner aux produits de demi-sang tous les soins qui leur sont indispensables, il ne couvrira jamais les frais de l’élève par le prix de vente.

Laissez donc derrière vous, éleveurs, la production du pur sang et du demi-sang, cultivez les plantes rustiques que produit votre sol et n’introduisez pas chez vous des plantes fragiles auxquelles il faut une serre pour se développer. Laissez les officiers des haras soutenir leurs folles théories, ils en ont besoin parce qu’il faut qu’ils se maintiennent ; peu leur importe à eux que le paysan réussisse ou non, pourvu que leurs appointements fixes ne manquent pas. Ne faites pas de la zootechnie chimérique ; suivez les conseils de la vraie science, et vous ne serez pas induits en erreur.

§ III.

Véritables principes d’amélioration des races chevalines de la France.


De ce qui précède découlent des principes que nous allons exposer dans le chapitre qui suit ; heureux si nos efforts peuvent produire quelques fruits chez les propriétaires éleveurs pour qui seuls nous avons écrit.

IX. amélioration des races


Dans la question que nous venons de poser, il y a deux choses à considérer : 1o La manière de faire de bons chevaux ; 2o Le côté le plus économique de cette production. Ce sont là deux conditions qui ne peuvent être séparées sans commettra un véritable non sens préjudiciable à toute production bien entendue.

En thèse générale, nous croyons qu’il soit irrationnel de vouloir faire de gros chevaux là où il n’en existe que de petits. Il faut avant de se livrer à l’industrie du gros cheval, savoir si l’on pourra le nourrir, le loger convenablement et enfin lui donner tous les soins qu’il réclame. La production du cheval de trait exige une agriculture avancée. Pour toute réponse à une société de l’Ariège qui demandait dernièrement à hauts cris, qu’on importât le cheval percheron dans ce département, sous prétexte qu’on avait besoin de chevaux de trait ; nous aurions dit : produisez de l’avoine comme dans la Perche, ayez les écuries et des gens pour donner des soins, et importez ensuite. Vous ferez ainsi une opération selon les règles de la bonne économie rurale. Mais dans les circonstances actuelles, le département ayant de la peine à suffire aux besoins de l’excellente race locale, vouloir en importer une dix fois plus exigeante, serait exposer les propriétaires à de tristes mécomptes.

Nous aurions dit également à ces enthousiastes qui ont tant parlé d’améliorer nos bons petits chevaux landais par des étalons étrangers : desséchez nos marais, créez des prairies artificielles, produisez de l’avoine et faites ensuite des croisements judicieux. Ce sont là des choses simples comme bonjour, et que des gens qu’on croirait sensés s’obstinent à vouloir méconnaître aux dépens de la véritable richesse du pays.

Nous l’avançons sans crainte d’être contredit : la vraie fortune chevaline de la France se trouve tout entière dans la marche progressive de l’agriculture et de l’hygiène appliquée ou la zootechnie. Que l’État favorise donc par tous les moyens qui sont en son pouvoir ces deux branches de l’économie rurale ; qu’on indique du doigt au propriétaire la marche à suivre par un enseignement agricole bien entendu, et l’on arrivera, tout en accomplissant un véritable bien pour le peuple, à ce but que l’on n’a pas encore atteint, l’amélioration de nos races chevalines.

Quoique nous ayons dit ici, que l’on devait tenir un grand compte de l’action du climat, de la nourriture, des habitations etc. nous avons été loin de nier l’action modificatrice que certains croisements, exécutés à propos, faisaient éprouver à la matière animale, il s’agit seulement d’en faire connaître les règles pour arriver à un bon résultat. C’est par la sélection ou appareillement entre eux des meilleurs animaux d’une race que l’on doit l’améliorer. Les animaux ainsi formés s’accommoderont parfaitement des conditions qui les entourent, ce qui n’est pas un médiocre avantage. En choisissant les types, l’homme peut donner à son gré aux produits des qualités qu’ils n’ont pas, en opposant à une défectuosité marquée d’un reproducteur une beauté correspondante de l’autre. La sélection doit être employée d’une manière générale pour toutes les races et particulièrement pour les races de trait. Quant aux races légères on peut quelquefois importer des animaux étrangers pour faire des croisements, mais alors il faut tenir compte de plusieurs conditions savoir :

1o De l’action du climat. En France les races sont réparties topographiquement ; les influences locales ont pris le dessus sur les soins, et ne se trouvent pas en général combattues par les agents artificiels de modification, ce qui fait qu’il est très-important de tenir compte de la nature du sol et des localités, où une race est élevée pour ne pas l’importer dans un pays essentiellement différent. Il ne faut pas vouloir faire des chevaux de trait sur des montagnes ou des lieux élevés, ni vouloir créer des animaux aux formes volumineuses dans le Midi de la France et des animaux sveltes et à tempérament sanguin dans le Nord. Cette influence du climat devra être prise d’autant plus en considération, que l’on ne se proposera pas de la combattre par l’alimentation et l’hygiène ; en conséquence, elle aura une grande valeur (l’action du climat) pour les chevaux que l’on veut élever en liberté, mais elle aura peu d’effet sur les chevaux élevés à l’écurie ou au régime de la stabulation permanente.

2o On ne devra jamais importer dans un pays où l’élevage se fait en liberté, une race exclusivement élevée à l’écurie. C’est pour cette raison que le pur sang anglais n’a rien produit de bon sur nos chevaux auvergnats, limousins, navarrins, landais, camargues etc. C’est pour cette raison encore que le boulonnais, le percheron etc. ne produiraient que de médiocres chevaux si on les élevait dans des pâturages.

3o Il vaut toujours mieux croiser avec une race dont la fixité est reconnue, qu’avec des types artificiels dont les caractères finissent souvent par se perdre. Tous les ans, nous voyons les éleveurs du Midi se plaindre de ce qu’ils n’obtiennent pas de bons produits par l’emploi de l’étalon anglo-normand ; bien que l’on ait beaucoup parlé pour expliquer ce résultat, nous nous rattachons volontiers à l’opinion que M. Gourdon professe dans ses cours. Ces métis, dit-il, (chevaux anglo-normands) peuvent être bons lorsqu’ils sont croisés avec des animaux élevés dans les mêmes conditions qu’eux, c’est-à-dire qu’un cheval anglo-normand peut donner un bon produit avec une jument normande. Mais dans le Midi l’influence du cheval anglo-normand sur le produit de la conception est nulle, parce que les conditions d’existence de nos races méridionales sont différentes de celles de la race anglo-normande.[15]

4o Lorsqu’on veut faire le choix d’une race, il faut toujours faire attention aux exigences qu’elle possède et ne jamais introduire dans un pays des chevaux ayant reçu des soins spéciaux, si ces soins ne peuvent pas être donnés à leurs produits. Il faut choisir de préférence les races du Midi à celles du Nord, elles ont une énergie et une force vitale plus fortes, ainsi que plus de tendance à se développer et à donner de bons produits lorsqu’elles sont placées dans des conditions favorables à leur développement. Les chevaux du Nord ne valent rien pour nos races méridionales.

5o Quel que soit le choix que l’on ait fait, il ne faut jamais perdre de vue les caractères individuels des générateurs, et toujours rechercher dans ceux-ci la beauté absolue et la beauté relative.

6o Enfin, la race amélioratrice ne devra jamais être trop éloignée par ses caractères généraux de la race à améliorer ; il s’agit, en effet, de modifier par les croisements, certains détails de conformation et de tempérament sans changer la constitution et la manière d’être des individus.

Un seul groupe de chevaux remplit seul, d’après nous, toutes ces conditions, c’est le type oriental. L’Orient possède de très-bons chevaux caractérisés par beaucoup de sobriété, de douceur, de robusticité, de force et d’énergie. Ce qui fait la bonté du cheval oriental, c’est d’abord le climat, et puis le genre de vie exceptionnel auquel il est soumis. Abrité parfois sous la tente de l’arabe, il partage son pain, boit du lait de chamelle, et reçoit les caresses des personnes de la famille. Mais tout n’est pas fleurs dans l’existence de ce cheval. Ces animaux en effet, doivent supporter toute espèce de privations, la faim, la soif, rester bridés une grande partie de la journée et souvent de la nuit, pour ne recevoir ensuite que 3 ou 4 kilogrammes d’orge et quelques poignées de paille hachée. Lorsque le Bédouin se met en route pour parcourir le désert, les provisions qu’il apporte sur la croupe de son cheval viennent souvent à lui manquer, et cependant ce dernier marche encore pendant des journées entières.

Le coursier de l’Orient est le vrai cheval de selle, il est à la fois docile, maniable et possède des réactions très-douces. Toutes ces qualités, jointes à une conformation régulière des meilleurs types, font que le cheval arabe convient très-bien pour nos races méridionales. Ce sont des chevaux de fond qu’il nous faut !

D’ailleurs son acclimatation se fait d’après des lois régulières, il vient d’un climat chaud dans un climat tempéré, condition tout à fait favorable à son élève.

Indépendamment de toutes ces qualités il possède une fixité de race reconnue par tous les auteurs ; il est élevé au grand air, soumis à toutes les alternatives de froid et de chaud, à toute espèce de privations c’est donc le seul cheval capable de faire de bons produits pour l’armée. C’est le seul, qui puisse avoir des avantages dans le croisement de nos races du Midi, si tant est qu’il faille les croiser pour les améliorer.

Au point de vue spéculatif, il est toujours très-avantageux d’arriver par tous les moyens à produire de bons chevaux quelque soit le type. Les soins intelligents et la bonne nourriture que le propriétaire donne aux poulains qu’il élève, sont deux capitaux placés à gros intérêts. L’éleveur qui, sous prétexte d’épargner 30 hectolitres d’avoine, soit 300 francs, sacrifie son cheval, ne comprend nullement ses intérêts, et s’expose à éprouver sur le prix de vente de sa marchandise un déficit de la moitié, et même du triple. Combien de rosses, vendues à l’âge de 5 ans pour la modique somme de 300 francs, auraient valu, si on les avaient élevées d’après les véritables principes zootechniques, 800, 1000, et 1200 francs.

Envisageant toujours le côté économique, nous dirons que l’industrie des races de trait est très-prospère parce que le débouché en est assuré ; partout le luxe, le commerce, l’industrie demandent des chevaux de trait ; les propriétaires feront donc bien de se livrer à cette production, mais nous ferons remarquer, encore une fois, qu’avant de s’engager dans cette voie, il faut posséder les éléments indispensables à la réussite.

Le goût de l’équitation, autrefois si prononcé en France, est aujourd’hui en partie perdu où tout le monde préfère monter en voiture ; aussi le cheval de selle est-il presque délaissé. Cependant, si le département de la guerre, d’accord avec les intérêts du pays, payait mieux et achetait un nombre plus considérable de chevaux présentés aux remontes, les éleveurs encouragés, produiraient de mieux en mieux. Et en définitive, nous n’apprendrons à personne d’où vient l’argent du trésor, il serait donc mille fois préférable que cet argent rentre dans la bourse du paysan, d’où il est déjà sorti ; il n’y aurait qu’un prêté pour un rendu, et ce serait justice.

Mais ne déplorons plus ces erreurs matérielles qui consistent à demander à l’étranger nos chevaux de troupe, à dépenser des sommes exorbitantes pour l’entretien d’institutions contraires à la véritable économie politique et à la science chevaline, et continuons à marcher dans cette voie, encourageons nos voisins d’Outre-Manche et d’Outre-Rhin, à produire de bons chevaux en leur en assurant le débouché. En un mot, gaspillons pour notre fortune et laissons faire ; l’avenir nous dira son dernier mot !



Dans un dernier paragraphe je faisais l’analyse des encouragements que l’on donne ou que l’on devrait donner pour améliorer nos chevaux, le temps me manque, je suis donc forcé de m’arrêter.


TABLE DES MATIÈRES
Pag.
Avant-propos. 5
Introduction. 9

§ I

De la formation des races ou transformation de l’espèce. 11

Agents naturels de modification.

I — Le climat est susceptible de modifier le cheval. 15

Agents artificiels de modification.

II — La nourriture est susceptible de modifier le cheval. 19
III — Le travail modifie le cheval. 22
IV — Action de l’hygiène et de la stabulation sur le cheval. 25
V — Action de la génération dans les transformations de l’espèce chevaline. 28

§ II

Du pur sang anglais envisagé comme améliorateur des races françaises. 31
VI — Du cheval de pur sang anglais. 31
VII — De l’institution des courses envisagée au point de vue des races chevalines. 32
VIII — Effets du cheval de pur sang anglais sur nos races. 41

§ III

Véritables principes d’amélioration des races chevalines de la France. 46
IX — Amélioration des races. 46

  1. Opinionum commenta delet dies naturæ judicia confirmat. — Cicéron
  2. Philosophie de la nature t. 1 page 181 — Londres 1777
  3. Philosophie de la nature Loc… cit… page 181.
  4. Opinion de M. Gourdon. Leçons orales.
  5. Leçons orales.
  6. Opinion de Fourcaud. — L’expérience directe montre qu’un cheval meurt très-vite lorsqu’il est enveloppé d’une couche emplastique.
  7. En admettant une origine ainsi comprise, le mot de pur sang dans l’acception qu’on lui reconnaît serait impropre pour désigner le cheval Anglais, puisqu’il y aurait mélange du sang indigène avec le sang oriental.
  8. Nous n’envisageons que les courses plates.
  9. Il est évident que si les rayons des membres deviennent plus longs cette conformation est favorable à la vitesse mais contraire à la force, ce qui s’exprime en mécanique : Ce que l’on gagne en force on le perd en vitesse et réciproquement. Il s’ensuit qu’un cheval qui a une épaule et une jambe bien allongées l’emportera toujours sur un autre qui aura ces régions plus courtes, dans une course d’un moment. Mais ce dernier aura toujours l’avantage dans un exercice de fond.

    Les animaux les plus forts et les plus résistants sont ceux qui ont le corps ramassé, trapu, comme l’on dit ; le grand échassier de cheval de course ne pourra jamais lutter pour le fond contre un de nos bons chevaux de trait qui a les rayons locomoteurs plus courts et les muscles plus forts sans être aussi longs.

    Les lièvres de plaines ont les membres postérieurs très-longs, bien plus longs que les lièvres de montagne, or il est notoire que ces derniers sont moins vite forcés par les chiens que les lièvres des plaines.

  10. À ce sujet nous pouvons citer un fait dont nous avons été témoin aux dernières courses de Toulouse. Au sortir de l’enceinte du pesage pour rentrer dans la piste un jockey veut faire exécuter un temps de canter à son cheval, tout à coup celui-ci s’emporte et fait le tour de l’hippodrome au galop de course malgré les vains efforts du cavalier qui s’efforçait de le retenir. — Il vint rejoindre ses compétiteurs pour être battu.
  11. Voici le budget des courses en 1868. L’État donnait 511,800 francs. L’Empereur et l’Impératrice 103,000 francs. Les sociétés hippiques, villes compagnies de chemins de fer 12,45 290. Total 1, 592, 490 francs.
  12. Les paris se font dans le salon des courses que l’on appelle Betting-Room. Ce salon possède ses clients particuliers dont l’admission est soumise à un règlement. Dans le Betting-Room on fait le cours des paris sur les chevaux qui doivent courir. Ce cours s’exprime ainsi : Témison 6/4 ; Nélusko 8/2, Gondolier 6/1 ; (Témison, Nélusko, Gondolier sont des noms de chevaux) cela veut dire que, si je prends Nélusko, pour 100 louis, si Nélusko gagne on devra me donner 8 fois 100 louis, s’il perd je ne devrais donner que 2 fois 100 louis ; pourquoi ! parce que j’ai parié pour Nélusko contre le champ c’est-à-dire contre tous les chevaux qui doivent courir. On dit qu’un cheval monte lorsque la proportion dans laquelle on pariait contre lui augmente, s’il était côté à 6 contre 1 et qu’il ne vaille plus que 9 contre 1 le cheval monte et sa valeur baisse. Il descend dans le cas contraire. Les individus qui spéculent sur les courses sont appelés Bookmakers, et les paris sont inscrits sur un livre officiel que l’on appelle Betting-Book. On dit que l’on a un excellent Book lorsqu’on a combiné ses paris de manière à avoir plus de chances de gain que de perte. Ces paris officiels sont soumis au règlement du Jockey-Club.

    — On fait encore la Poule, et on en distingua plusieurs sortes : il y a la Poule au Programme, on met le nom de tous les chevaux inscrits sur le programme ou simplement le numéro correspondant à chacun d’eux dans un chapeau, on fait la mise et on effectue le tirage ; supposons que le sort me donne le no 8 du programme correspondant au cheval Palestrina je cours trois chances : 1o celle de ne pas voir courir mon cheval, 2o celle de perdre le pari, 3o celle de le gagner ; dans ce dernier cas, je retire autant de fois ma mise qu’il y a de chevaux inscrits. — On distingue encore la Poule au Tableau. Elle se pratique comme la précédente mais seulement sur les chevaux qui courent dès que les numéros correspondant à ces chevaux sont affichés au tableau. Enfin il reste la Poule aux engagements ; elle se fait ordinairement dans le Ring (enceinte du pesage) c’est la plus compliquée. On fait un nombre de bulletins égal au nombre de chevaux engagés. Chaque bulletin porte un numéro d’ordre et est donné au parieur qui en fait la demande. Quand tous les bulletins sont placés, on fait autant de billets qu’il y a de chevaux ; ces billets sont roulés enfermés dans de petits cylindres, et mis dans une roue d’où on les sort un à un ; le premier sortant correspond au no 1 du bulletin pris avant le tirage, le second au numéro 2 et ainsi de suite. On fait ainsi quatre ou cinq tirages. En conséquence, si un cheval portant le numéro 4, par exemple, vient à gagner, tous les bulletins correspondant à ce cheval, ou à ce numéro dans les tirages, gagneront.

    — On pourrait encore citer des paris sans règles, que les joueurs combinent à leur guise, tels que ceux que font les gens désœuvrés qui tiennent pour la casaque jaune ou verte, mais c’est assez sur ce sujet.

  13. Voici ce qu’on lit dans l’organe du Jokey-Club du 2 juin 1868 sur le salon des courses : « Le règlement des paris a occupé toute la séance, la liquidation s’est effectuée presque sans encombre, il n’y a aucune catastrophe à signaler, quelques parieurs se sont plus ou moins accrochés mais en somme tout s’est bien passé. » Le no du 23 juin ajoute : « Dès que les parieurs rentrent en scène ils apportent avec eux le mouvement et la vie, ils ont, en effet, une exubérance et un entrain merveilleux, car sous un soleil torride… ils ont commencé bravement leurs opérations. »
  14. Le cavalier qui monte un cheval de demi-sang anglais, est obligé toutes les fois que sa monture tombe sur le sol en exécutant le trot, de se soutenir sur les étriers pour éviter les secousses. — Cela s’appelle monter à l’anglaise.
  15. Leçons orales.