Les hommes politiques poussent sur le fumier humain.
Jésus-Christ Rastaquouère, Francis Picabia, éd. Au Sans Pareil, coll. « Dada », 1920, p. 53
Le père et la mère n’ont pas droit de mort sur les enfants, mais la Patrie, notre seconde mère, peut en immoler à son gré pour la plus grande gloire des hommes politiques.
Jésus-Christ Rastaquouère, Francis Picabia, éd. Au Sans Pareil, coll. « Dada », 1920, p. 53
Les années passent, les boutiques ont des rideaux de mousseline. L'hystérie est accroupie sur ses talons, serrant dans ses mains une vipère en bois ; une bague est accrochée à la queue et dans le nez de ce petit serpent est incrusté un diamant ; dans ce diamant on peut voir, en le mettant tout près de son œil, une femme agenouillée, elle parle et nous dit : « Demain sera moins beau qu'un secret, moins beau qu'un mauvais conseil, demain est un promontoire de pierres, de feuilles mortes, de flaques d'eau où la mélancolie à pas lents et sans lumière, sans chaleur et sans couleur, veut bleuir les fenêtres des sentiments chrétiens. »
« Histoire de voir », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 17
Mon cœur aboie et bat, mon sang est un chemin de fer sans gare qui mène à Barcelone. Mon corps est un bocal d’excellent opium qui sert à charmer mes loisirs.
« Histoire de voir », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 17
Paris est plus grand que Picabia mais Picabia est la capitale de Paris ; Breton est un grand fleuve de tabac turc et la mer se jette dans ce fleuve pour monter vers l’Infini.
« Histoire de voir », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 17
Duchamp fait des grimaces dans les glaces du Pôle Sud comme si nous étions là ! Marcel, il faut teindre les icebergs en bleu, rose, vert, rouge, puis les couvrir de salive ; Gabrielle Buffet fera du ski sur leurs pentes multicolores en rêvant à sa correspondance du boulevard et dans le monde entier les grooms seront déguisés en magistrats.
« Histoire de voir », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 17
Il est plus facile de nager dans l'eau sale que dans l'eau propre ; l'eau sale est plus lourde, dans l'eau de cuisine inutile de savoir nager ; les vieillards y clapotent avec bonheur et tous les crétins y font la planche. Canudo est chef baigneur des Eaux-Grasses ! Gonzague-Frick y enfonce sa tête pour savoir si vraiment c’est écrit en bon français ; nous, nous nageons dans le merveilleux cristal des sources de l'horizon.
« Histoire de voir », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 17
Les muscles comme la vertu donnent des exemples spirituels que j'aime beaucoup, il y a encore heureusement des crapules dans le bon monde. J’aime les êtres qui ressemblent aux inondations ; les bateaux glissent sans bruit sur l'eau plate et mon jardin disparait sous le soleil qui brille comme la lune ; un évêque passe, c'est la grimace officielle, il me baise les mains, je ne m'en plains nullement ; je lui baise les mains, voilà la vraie gloire.
« Samedi soir, 16 septembre 1922 », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 24
Photographies des réceptions royales, obscénités originales, l'hygiène du dernier gâteux ne me donne aucune expérience. Je creuse un fortifiant, voilà l’événement où rebondissent mes articulations, mais il faut se résigner.
« Samedi soir, 16 septembre 1922 », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 6, Novembre 1922, p. 24
Une idée m'est venue, comme ça, la bouche en cœur, le chloroforme sur table :
Le petit Jésus, sur une vache, est descendu un soir de réveillon dans ma cheminée afin de me prendre ce que j'avais dans mes bottines ! Il fut très déçu de n'y trouver que son portrait. Il ne pouvait décemment le rapporter, à cause de la Sainte Vierge.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 10
J'habite à côté du Casino ; pour ne pas s'embêter dans « ce bas monde », il faut une mise en scène appétissante, je ne suis pas comme les autres, le Tango ne me plaît pas ; les croupes nerveuses sont pourtant autant de caresses mais mon cerveau se crispe sur mon sexe ; l'idée de jouissance fait briller le cuivre du talent minuscule que j'accorde à mes amis.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 10
Je n'aime pas les faux passagers de la vie, les femmes qui croisent leurs jambes comme les hommes croisent leurs bras, je n'aime pas le renversement du programme, les mois pénibles, une étoffe de soie que l'ongle écorche, le maquillage, prendre un taxi, une porte d'entrée ; mais les fous, l'avenue Henri Martin, minuit, l'eau froide, sont mes amis.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 10
La femme qui se trouve en ce moment près de moi, caresse ses seins, les pointes sont rouges ; sur chaque sein il y a un portrait, à gauche Foch, à droite le Soldat inconnu. Son ventre est peint en blanc, ses jambes en jaune, hélas, elle danse le Tango ! Ses fesses sont prises dans une boîte à bougies, le dessus de la boîte est fendu ainsi qu'une tirelire, de cette fente s'échappent des perles bleues, je les enfile. Les bras de cette femme sont en plâtre, sans articulations, elle les tient écartés, en croix. Tout à coup elle s'arrête de danser et je me sens pris de vertige dans le silence impressionnant.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 10
Il n'y a pas de risques à jouir, l'infériorité vient de la résignation ; il faut aimer les assassins et mépriser les victimes ; le ridicule n'existe pas.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
J'aime la franchise, les hypocrites me dégoûtent, il faut préférer la jouissance physique à tout et ne s'abandonner qu'avec soi-même ; l'effusion partagée ressemble à deux autos face à face, qui cherchent mutuellement à se faire reculer.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
Je viens d'éternuer, petites vacances dans l'infini, maintenant j'écoute une chanson lointaine, la chanson des spermatozoaires que l'appât de mon âme attire.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
La fille du ventre blanc frôle ma jambe et me donne une émotion sincère, écoutez-moi :
Broyer du noir ou du blanc c'est pareil ; n'avez-vous pas l'obscur sentiment de la lumière ? personne ne vous trompe, vous n'êtes plus jaloux ; ne pensez pas aux cimetières, à la misère, vivez comme le petit Jésus, tout nus mais ayez un parasol pour mettre votre sexe à l'ombre.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
Maintenant, belle danseuse de Tango, mettez-moi du rouge sur les lèvres ; comme vous êtes belle ! Elle rougit sur le rouge de son maquillage et me dit : « vous n'avez pas honte ? »
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
Par discrétion, enterrez votre famille et vos amis autour des cimetières.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
Nietzsche vivait sur le pont du surhumain ; Jean Cocteau vit sur le pont de la concorde.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11
Il n'y a d'indispensable que les choses inutiles.
« Dactylocoque », Francis Picabia, Littérature Nouvelle Série, nº 7, Décembre 1922, p. 11