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Soufganiya

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Soufganiya
Image illustrative de l’article Soufganiya
Soufganiyot traditionnelles à la confiture.

Une soufganiyah (hébreu : סופגניה ; plur. : soufganiyoth, סופגניות) est un beignet à pâte levée de forme sphérique aplatie, qui est d'abord frit, puis percé et fourré de confiture, de marmelade ou de custard, avant d'être recouvert de sucre impalpable. Elle se consomme chaude ou froide, et traditionnellement lors de la fête juive de Hanoucca.

Terminologie et origine

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Le mot soufganiya dérive du terme grec soufgan, qui signifie « feuilleté et frit »[1]. Ceci rend très précisément compte de l'aspect d'une soufganiyah, qui était à l'origine préparée en deux pièces recouvrant la confiture, avant d'être frite.

Une explication parallèle donne le mot sufgania venant de l'hébreu sfog (סְפוֹג), (spongia en latin vulgaire[2] ; sphongos en grec ancien ; spóngos en grec romanisé ; sfoungári en grec moderne ; shvom en yiddish), qui signifie « éponge » faisant référence au processus d'imprégnation d'huile par la pâte[3], rappelant ainsi l'animal marin de l'ordre des spongiaires devenu objet domestique.

Le mot hébreu sufganiyah reste un néologisme pour signifier « pâtisserie », construit sur les mots talmudiques sofgan et sfogga, qui font référence à une « pâte spongieuse »[4].

Dans l'Encyclopédie de la cuisine juive, la première soufganiya est datée de 1485 à Nuremberg, alors que la première référence à la pâtisserie frite de Hanoucca se trouve dans les écrits du rabbin andalou Maimon ben Yosef qui a vécu au XIIe siècle - mais devait plutôt être un gâteau frit imbibé de sirop, semblable à la zalabiya arabe ou une sorte de crêpe frite[3] - et rapportée dans un manuscrit marocain de 1780 pour désigner sous le mot arabe alsfingh[5] un beignet frit qu'il faut consommer en l'honneur de Hanoucca[6]. D'ailleurs, jusque dans les années 1920, les crêpes (et les latkes) étaient le principal aliment consommé lors de cette fête[7].

Le sfenj (إسفنج), beignet maghrébin (également persan), est donc dérivé de la même racine grecque que sufganiya[8],[9]. Les pâtisseries soufganiyot seraient à l'origine polonaises, dérivées des pączkek (ponchkes en yiddish), au singulier pączki.

Quand le linguiste palestinien (en)David Yellin (1864-1941) traduit le roman de l'Irlandais protestant Oliver Goldsmith Le Vicaire de Wakefield en hébreu en 1879, il invente le mot hébreu sufganiyot pour le mot « sablé ». En 1913, le (en)Conseil pour la langue hébraïque décide d'utiliser le mot sufganiya pour le mot yiddish latke (galette de pommes de terre), et certains écrivains - dont le russe Uri Nissan Gnessin et le poète russe Haïm Nachman Bialik - l'utilisent dans ce sens. Finalement, le mot hébreu leviva (לביבה) (selon 2 Samuel 13:8) s'est imposé pour traduire latke (peut-être à cause d'un son similaire), et sufganiya est utilisé pour le beignet (peut-être grâce à sa ressemblance avec sfenj, appellation maghrébine du beignet). En 1938, le Conseil cède et définit officiellement la sufganiya comme un beignet[6].

Les soufganiyot ressemblent fortement aux beignets et donuts consommés en Amérique du Nord, dont l'origine pourrait être juive, importés par les immigrants d'Europe[3]. Elles ressemblent également aux « crêpes » berlinoises frites et fourrées appelées (de)Berliner Pfannkuchen (ou Krapfen), que l'on retrouve dans le (de)Frauenzimmer-Lexicon d'Amaranthes dès 1715[10], ainsi qu'aux (de)Förtchen du Danemark consommés en fin d'année.

Douceur de Hanoucca

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Variétés esthétiques de soufganiyot.

Les soufganiyot sont très consommées en Israël dans les semaines précédant la fête de Hanoucca et lors de la fête elle-même, également dans mon entier, ceci afin de commémorer le miracle de la fiole d'huile, associé à l'inauguration du Temple de Jérusalem[11].

Maïmon ben Yosef HaDayan écrivait déjà au Moyen Âge[12] :

« La coutume de manger du soufgani à Hanoukka ne doit pas être oubliée. C'est la coutume des (en)Kadmonites [ancienne tribu citée dans Genèse 15:19] ».

L'ancienne coutume de manger des aliments frits dans l’huile à Hanoucca, en souvenir du miracle de l’huile qui a duré huit jours au lieu d'un seul est restée fermement ancrée dans la pratique juive.

Il a été avancé une « raison pour laquelle il est de coutume de manger des soufganiyot à Hanouka. Lorsque les Maccabées reprirent Jérusalem, ils réussirent à purifier le Temple. Cependant, ils ne purent pas purifier l’autel et durent enterrer les pierres. Cela fit de la peine aux Juifs, et il devint donc habituel de manger des aliments pour lesquels la bénédiction postérieure est Al Hamichya (ou « Bircat Ma’ain Shalosh »), car c’est la seule bénédiction postérieure qui mentionne explicitement l’autel[13]. Cependant, ce raisonnement n’explique pas pourquoi la coutume est de manger spécifiquement des beignets (ou latkes) frits dans l’huile puisque la bénédiction postérieure d’Al Hamichya est récitée non seulement sur tous les gâteaux et biscuits, mais sur n’importe lequel des fruits des sept espèces »[11].

« En plus de commémorer le miracle, les mystiques soulignent que l’huile représente le niveau ésotérique de la Torah, car l’huile pénètre la matière de part en part et s’élève au-dessus des autres substances. Hanouka, en particulier, est un moment où l’on devrait accroître son apprentissage du niveau intérieur – l’« âme » – de la Torah... (L)a bataille physique entre les Grecs et les Juifs représentait une controverse philosophique plus profonde – entre le rationnel et le supra-rationnel... C’est « l’huile de la Torah » qui pénètre, imprègne et illumine tout l’être, donnant à l’individu le pouvoir de transformer et d’illuminer le monde»[11].

Fabrication

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Soufganiyot variées dans une pâtisserie de Tel Aviv, en Israël.

La plupart des variétés de soufganiyot sont habituellement préparées de nos jours à partir de farine, d’eau tiède, de levure, de sucre, d’œufs, d'huile et de sel. Ces ingrédients sont mélangés et pétris, après quoi la pâte est laissée lever. On en fait ensuite des boules qui sont frites une dizaine de minutes dans de l'huile chaude. La garniture est parfois ajoutée avant la cuisson, mais généralement seulement après. Du sucre en poudre ou sucre glace est déposé sur le beignet pour sa décoration.

Bien que les beignets de pomme de terre (latkes), l'autre plat à l'huile pratiquement synonyme de Hanoucca, soient également consommées en Israël, les soufganiyot sont considérés comme une douceur plus « israélienne ».

Des boulangeries et épiceries vendent à l'approche de la fête des soufganiyot individuellement ou par boîte ; elles sont devenues très populaires lors des fêtes d'école et de bureaux. Angel Bakeries, la plus grande pâtisserie d'Israël, frirait plus de 250 000 soufganiyot par jour durant les huit jours de Hanoucca. Chaque lot utilise 100 kilogrammes de pâte pour réaliser 1 600 soufganiyot[14]. De nos jours, les boules de beignet sont frites séparément et remplies à l'aide de machines injectrices spéciales. Les gazettes locales ajoutent à la fièvre en envoyant des critiques gastronomiques chaque année pour désigner les « meilleures soufganiyot de la ville ».

Du fait de l'engouement national, certains fournisseurs ont élevé le remplissage de base au niveau d'art culinaire. La version la moins chère est fourrée de confiture rouge, tandis qu'une soufganiya plus chère contient de la confiture de lait (ribat 'halav en hébreu). Il existe aussi de nombreuses variations dans la pâte, en Israël comme en dehors, et dans la couverture du beignet : chocolat, sans levure, au chocolat, à la pomme de terre, etc.[15].

À la version habituelle de 100 g pour une soufganiya, représentant entre 400 et 600 calories, il est proposé récemment une version plus diététique de 50 g, dite « mini »[16].

Références

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  1. (en) « Chanukah jelly doughnuts from Brizel's bakery », sur starchefsarchive.com (consulté le ).
  2. « ÉPONGE : Etymologie de ÉPONGE », sur www.cnrtl.fr (consulté le )
  3. a b et c (en-US) Diana Cole, « The Not-So Secret Jewish History of the Jelly Doughnut », sur Atlanta Jewish Times, (consulté le )
  4. (en) The Oxford Companion to Sugar and Sweets, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-931361-7, lire en ligne), p. 326
  5. Rabbi Maïmon ben Yosef écrit : « Il est devenu de coutume de faire des "soufganin", connus en arabe sous le nom de "alsfingh" ». Cité par rabbi Yehuda bar Meir Toledano, Kovetz Sarid Ve-Palit, p. 8 (Jérusalem, 1945).
  6. a et b Elon Gilad, « Le mot du jour Sufganiya : Le beignet qui était autrefois un latke ». Haaretz , 29 novembre 2013.
  7. Gil Marks, Encyclopédie de la cuisine juive, Houghton Mifflin Harcourt, 2010 - Voire Gil Marks: History of the Jelly Doughnut – Sufganiyah. In: Encyclopedia of Jewish Food. Wiley, Hoboken, N.J. 2010, ISBN 978-0-470-39130-3
  8. (en) « إسفنج », dans Wiktionary, the free dictionary,‎ (lire en ligne)
  9. (en) Emelyn Rude, « Why Are Jelly Doughnuts Eaten During Hanukkah? », sur TIME, (consulté le )
  10. (de)Pfannen=Kuchen zu machen (trad. «Poêles=pour faire des gâteaux»). In: Amaranthes: Nutzbares, galantes und curiöses Frauenzimmer-Lexicon. 1715, Spalte 1467. diglib.hab.de
  11. a b et c (en) « Why Eat Latkes and Sufganiyot (Doughnuts) on Chanukah? », sur www.chabad.org (consulté le )
  12. Rabbi Maimom ben Joseph (Hadayan) dans son ouvrage arabe sur la prière, Hanoucca, cité par rabbi Yehuda bar Meir Toledano, Kovetz Sarid Ve-Palit, p. 8 (Jérusalem 1945).
  13. Rabbi Shlomo Zalman Aurbach dans Halichot Shlomo 2, p. 319
  14. « Clipping-Cooking] Canadian Jewish 121803 Sufganiyot INFO and LINKS  »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  15. « Jewish-food Sufganiyot archives »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?).
  16. (en) Orna Yefet, « Hanukkah: Doughnuts go healthy », Ynetnews,‎ (lire en ligne, consulté le )