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Nina Bouraoui

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Nina Bouraoui
Description de cette image, également commentée ci-après
Nina Bouraoui en 2021 © Patrice Normand
Nom de naissance Yasmina Bouraoui
Naissance (57 ans)
Rennes, Ille-et-Vilaine, France
Activité principale
Distinctions
Auteur
Langue d’écriture Français
Genres

Œuvres principales

  • La Voyeuse interdite (1991)
  • Garçon manqué (2000)
  • La Vie heureuse (2002)
  • Mes mauvaises pensées (2005)
  • Nos baisers sont des adieux (2010)
  • Standard (2014)
  • Beaux rivages (2016)
  • Tous les hommes désirent naturellement savoir (2018)
  • Grand Seigneur (2023)

Nina Bouraoui, née le à Rennes, est une écrivaine française.

Le déracinement, la nostalgie de l'enfance, le désir, l'écriture et l'identité amoureuse sont les thèmes majeurs de son travail. Elle est commandeure de l'ordre des Arts et des Lettres et ses romans sont traduits dans une quinzaine de langues[1].

Enfance et adolescence

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Nina Bouraoui, née Yasmina Bouraoui, est la fille de Rachid Bouraoui, haut fonctionnaire international algérien, originaire de Jijel en Petite Kabylie, et de Maryvonne Henry, iconographe française, originaire de Bretagne[2].

Ses parents se rencontrent à Rennes, en 1960, en pleine guerre d'Algérie alors qu'ils sont étudiants[3]. Son père souhaitait partir pour le maquis, où son frère avait été tué, pour lutter pour l'indépendance, mais, brillant élève, il avait été envoyé en France à Vannes, pour poursuivre ses études[3]. Il y passe son bac qu'il obtient avec mention et, recommandé par le proviseur de son lycée, entre comme boursier à la faculté d'économie de Rennes où il obtient un doctorat d'économie[3]. Parallèlement, il milite pour l'indépendance de l'Algérie[3]. La mère de Nina Bouraoui, fille de parents chirurgiens-dentistes, est étudiante en droit[3]. Ils se marient à Rennes en 1962, malgré l'opposition des parents maternels[3].

Nina Bouraoui passe, avec sa sœur ainée, les quatorze premières années de sa vie à Alger. Issue d'une double culture fortement marquée par la guerre d'Algérie, elle est une enfant réservée, un peu sauvage, sportive (tennis). C'est lors d'un été en Bretagne, dans sa famille maternelle, qu'elle apprendra la décision de ses parents de ne pas retourner en Algérie, ses parents craignant le début de violence dans le pays ; ici naît le déracinement, véritable fêlure accentuée par l'absence d'aurevoirs. Elle vivra son adolescence successivement à Paris, Zurich et Abou Dabi, puis revient à Paris après son baccalauréat pour étudier la philosophie et le droit. Attirée dès l'enfance par le dessin et l'écriture, c'est l'écriture qui lui permettra de « trouver sa place dans le monde ». Elle dit « écrire avec son corps », pour elle, l'écriture est un temps où « la sensualité n'est pas séparée de l'esprit[4] »

Certains de ses romans relatent des désirs ou amours homosexuels ; Nina Bouraoui elle-même est ouvertement lesbienne[5]. Elle précise cependant qu'elle ne se sent « ni porte-drapeau ni vraiment pro-mariage[6] ». Dénonçant le catalogage souvent associé à l'homosexualité féminine, « entaché des fantasmes pornographiques des hommes », à ses yeux « l'homosexualité, ce n'est pas une identité. Je pense que le désir et la sexualité ne sont pas dissociables de l'amour »[7]. Elle se déclare gênée lorsqu'on lui demande d'aborder son intimité, chose dont elle ne parle jamais sinon à travers le « voile déformant de l'écriture[8] ».

Engagement

Nina Bouraoui est engagée dans la lutte des droits LGBT, tenant pendant trois ans une chronique dans le magazine Têtu Je vous écris et participe à un ouvrage collectif Les Lucioles au profit de l'association Le Refuge. Ses livres forment selon elle un « édifice amoureux » destiné à éclairer les solitudes des plus fragiles, les adolescents gays en particulier. Elle obtient le prix Renaudot pour Mes Mauvaises Pensées en 2005, hommage et déclaration d'amour à l'écrivain Hervé Guibert qu'elle nomme l'amant de papier, livre écrit d'un seul bloc qu'elle compare à une spirale, restituant la parole psychanalytique et dont le fil conducteur est tenu par "l'Amie" personnage récurrent de ses romans. Elle publie Avant Les hommes en 2007, récit de Jeremy, jeune garçon qui découvre son homosexualité et en prise avec ses contradictions et une société qui ne le reconnaît pas.

Avec Tous les hommes désirent naturellement savoir, publié en 2018, elle poursuit sa quête de vérité en narrant l'histoire de son identité amoureuse et renoue comme dans Poupée Bella, publié en 2004, avec les territoires des nuits gays et parisiennes des années 1980, Le Katmandou et le Boy notamment.

Littérature

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C'est grâce à l'envoi de son manuscrit par la poste, sans recommandation, qu'est publié son premier roman La Voyeuse interdite (Gallimard) en 1991[9], qui connaîtra un succès international et recevra le prix du Livre Inter.

L'écriture de Nina Bouraoui ne cesse d'évoluer au fil de ses romans. Les premiers, publiés dans les années 1990 (La Voyeuse interdite, Poing mort, Le Bal des murènes et L'âge blessé) sont faits d'une écriture poétique, très travaillée, qui contraste avec la violence des thèmes abordés (la condition de la femme, la mort, la guerre, la mémoire transgénérationnelle et collective…).

Cycle d'autofiction

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Puis Le jour du séisme, Garçon manqué, La Vie heureuse et Poupée Bella s'inscrivent dans un cycle que certains rapprocheront de l'autofiction (Nina Bouraoui elle-même dit ne pas se reconnaître dans ce qualificatif), la structure des phrases se modifie (virgule, juxtaposition d'images et de mots, phrases courtes) et les thèmes abordés s'ouvrent plus concrètement sur le désir et la quête amoureuse, les problématiques du métissage[10] ou de l'identité, y compris sexuelle[11], les premiers sentiments et sensations de l'enfance et de l'adolescence, l'impuissance face à la violence du monde extérieur.

Le spécialiste de la littérature Belgacem Belarbi voit en l'écriture autofictionnelle de Bouraoui une forme de déconstruction du passé afin de rentrer dans un processus de coming in et de rechercher la source de son lesbianisme dans le récit de son enfance[12].

A partir de 2008

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Avec Appelez-moi par mon prénom, publié en 2008, elle raconte la passion naissante entre une écrivaine parisienne et l'un de ses admirateurs suisse, un jeune homme de près de 16 ans son cadet qui, lors d'une dédicace dans sa ville de résidence à Lausanne, lui apporte un DVD inspiré de son dernier roman et l'adresse de son site internet ; malgré les obstacles à leur relation (écart d'âge, rompre ou pas la barrière entre l'artiste et son admirateur, distances géographique et culturelle entre ces deux villes de pays différents : Paris et Lausanne), il naît un désir progressif et envahissant de cette femme pour ce jeune homme ; désir attisé par le renvoi à sa propre jeunesse lors de ses études passées justement en Suisse, par l'imaginaire, le fantasme de l'autre via son identité numérique (site internet), l'attente, les non-dits, et qui a pour support l'instantanéité des nouveaux modes de communication (sms, mails)[13]. La séduction par l'écriture, l'ajustement mystérieux des mots donnés ou non à l'autre, deviennent le support premier à la construction d'une possible relation amoureuse. Un écho en forme d'hommage à la relation qu'ont entretenu Marguerite Duras et Yann Andréa, que Nina Bouraoui avait d'ailleurs rencontrés à l'âge de 25 ans : « J'ai eu la chance de rencontrer Marguerite Duras et Yann Andréa il y a très longtemps dans le cadre d'une émission suisse, j'étais le fil conducteur, c'était le parcours d'un jeune auteur illustré par des auteurs plus que confirmés [...] »[14].

Avec Sauvage, elle effectue un retour au socle central de son travail : la terre poétique et algérienne, décor de l'histoire entre Alya et Sami son premier amour, qui disparaît, absorbé par la campagne à la veille des années 1980. Elle y développe une approche métaphysique de l'amour, « fusion entre la matière et le spirituel, entre Dieu et la nature »[15].

Avec Beaux rivages, roman d'une séparation amoureuse, elle écrit pour "tous les quittés du monde" en 2016 et publie en 2020 Otages, roman féministe tiré de sa pièce Otages qui sera jouée au théâtre de Valence puis adaptée en 2024 en opéra sous la direction de Richard Brunel et de Sebastian Rivas.

Nina Bouraoui publie en 2024 Grand Seigneur, livre-hommage à la suite de la mort de son père ainsi qu'un recueil de l'ensemble de ses textes écrits entre 1999 et 2024 sous le titre Le désir d'un roman sans fin.

Liste Romans

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  1. La Voyeuse interdite, Gallimard,
    Prix Emmanuel Roblès 1991
  2. Poing mort, Gallimard,
  3. Le Bal des murènes, Fayard,
  4. L'Âge blessé, Fayard,
  5. Le Jour du séisme, Stock,
  6. Garçon manqué, Stock, [16].
  7. La Vie heureuse, Stock,
  8. Poupée Bella, Stock,
  9. Mes mauvaises pensées, Stock,
  10. Avant les hommes, Stock,
  11. Appelez-moi par mon prénom, Stock,
  12. Nos baisers sont des adieux, Stock,
  13. Sauvage, Stock,
  14. Standard, Flammarion,
  15. Beaux rivages, JC Lattès,
  16. Tous les hommes désirent naturellement savoir, JC Lattès,
  17. Otages, JC Lattès, Prix Anaïs Nin 2020
  18. Satisfaction, JC Lattès, 2021
  19. Grand Seigneur, JC Lattès,2024
  20. Le désir d'un roman sans fin, JC Lattès, 2024
  • Dix ans sous la Bleue, collectif, 2004 Stock (ouvrage paru à l'occasion de l'anniversaire de la collection « Bleue » et réunissant des témoignages d'écrivains publiés par les éditions Stock).
  • Plus loin le désert, nouvelle incluse dans le recueil Vers de nouveaux horizons, 2005, Folio et le magazine Senso
  • Palaces, ouvrage collectif, Éditions Prisma, 2012
  • Une histoire d'amour aussi, texte pour l'ouvrage collectif Toi, mon frère, Toi, ma sœur, Albin Michel 2013
  • Le corps géographique, texte pour l'ouvrage Alger sous le ciel, éditions Barzhac et le Bec en l'air,
  • La part manquante, dans Les Lucioles, 2014, pour l'association Le Refuge
  • Soleils, pour l'exposition photographique Venus, I'm not like everybody else de Richard Schroeder (2014)
  • Séismes, dans l'ouvrage Lire, vivre et rêver dirigé par Alexandre Fillon, Les Arènes,
  • Otages, théâtre, pour le « Paris des Femmes », au théâtre des Mathurins,
  • « L'écriture féminine n'existe pas », préface de Crimes et châtiments, dix pièces courtes pour le « Paris des Femmes » (éditions des quatre-vents, L'avant-scène théâtre) 2015
  • Naissance de la poésie, préface de Articles, Essays, Presentations d'Ingmar Bergman, Norstedts (Suède), 2017
  • Journal (fragments) et dessins, Ny Prosa / 10Tal (Suède), 2017
  • Vita Nova, préface à Icônes, photographies de François Fontaine, Éditions La Pionnière, 2018
  • Je suis la faussaire de mon passé, Revue des Deux Mondes, février-
  • Texte sur Aloïse Sauvage pour son EP Jimy (Initial Artiste Services), 2019
  • Une nuit à Timimoun pour le recueil de nouvelles Une nuit à l'hôtel, Le 1, hors série,
  • Le poisson d'argent pour OLI / France Inter , diffusion
  • Simone et moi, Zadig le mag,
  • Kaléidoscope, L'Obs (huit textes), mars-mai 2020
  • Le Tableau, ELLE , juillet 2020
  • Fantasy, Marie Claire, juillet 2021

Elle est également parolière, pour le groupe Les Valentins en 1993, pour Céline Dion en 2007 et en 2012, pour Garou ainsi que pour Sheila avec la chanson Une arrière-saison.

  • La Nuit de plein soleil, poème mis en musique par Les Valentins : il en résulte une chanson de près de 19 minutes parue en 1993 sur un album homonyme. Plusieurs voix récitent le poème, l'ambiance sonore est au spleen et se forme ainsi une spirale de mots. L'une des voix qui récite le poème est celle de Nina Bouraoui.
  • Immensité et Les Paradis, écrites pour Céline Dion, mises en musique respectivement par Jacques Veneruso et Gildas Arzel, parues sur l’album D'Elles, en 2007.
  • Un nouveau monde, Garou, musique Jacques Veneruso, album Version intégrale, 2010
  • Celle qui m'a tout appris, écrite pour Céline Dion, musique Jacques Veneruso, album Sans attendre, 2012
  • Les cinq doigts de la main, coécrite avec Jacques Veneruso, chantée par Chimène Badi pour le Grand show de Céline Dion diffusée sur France 2 le
  • Une arrière-saison, écrite pour Sheila, musique J. Veneruso, album Solide sorti le 7 déc 2012 et reprise par Renée Martel en 2018
  • Dix chansons pour monalbumcomptines.com (Sonacom/M6)

Reconnaissance

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Prix littéraires

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Son neuvième roman, Mes mauvaises pensées, (Stock) obtient le prix Renaudot en 2005. En 2018, elle est dans la première sélection du prix Femina pour Tous les hommes désirent naturellement savoir[17].

Décorations

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Notes et références

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  1. « Nomination ou promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres janvier 2006 », sur www.culture.gouv.fr, (consulté le )
  2. The International Who's Who of Women 2002, Taylor & Francis Group, 2001, p.71
  3. a b c d e et f "Nina Bouraoui : « Quelle richesse, cette homosexualité qui fut un long chemin ! »" par Annick Cojean, Le Monde, 22 septembre 2018.
  4. « Nina Bouraoui », Le Vif / L'Express, 3 octobre 2008.
  5. « Nina Bouraoui : « Quelle richesse, cette homosexualité qui fut un long chemin ! » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne).
  6. « Baisers brûlants », Libération, 24 mars 2010.
  7. « Écrire, c'est retrouver ses fantômes », L'Express, 31 mai 2004.
  8. « Un auteur a beaucoup de pouvoir », La Dernière heure, 19 septembre 2008.
  9. « Nina Bouraoui publie un nouveau roman », La Dépêche de Kabylie, 28 mai 2007.
  10. Le Renaudot à Nina Bouraoui, Libération, 4 novembre 2005.
  11. Nina Bouraoui. La Vie heureuse, Libération Next, 2 avril 2004.
  12. Gibson Ncube, « Entre autofiction et auto-ethnographie », dans La sexualité queer au Maghreb à travers la littérature, (ISBN 9782343149981)
  13. Appelez-moi par mon prénom, Mediapart, 017 mars 2010.
  14. Nina Bouraoui dans l'interview à propos de cet ouvrage, journal télévisé suisse de la RTS, octobre 2008. Consulté le 9 juin 2013.
  15. Sauvage, de Nina Bouraoui, Le Magazine littéraire, 5 juillet 2011.
  16. Marta Segarra, Nouvelles romancières francophones du Maghreb, Karthala, (ISBN 978-2-8111-0322-4 et 2-8111-0322-8, OCLC 549150095, lire en ligne), p. 47
  17. « Le Femina dévoile ses premières sélections 2018 », Livres Hebdo,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  18. Arrêté du 31 août 2018 portant nomination et promotion dans l'ordre des Arts et des Lettres.

Bibliographie

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  • Sophia Schnack. Nina Bouraoui en dialogue avec Marguerite Duras, Annie Ernaux et La Nausée : L'Harmattan, 2023
  • Rabiaa Marhouch. Nina Bouraoui : la tentation de l'universel. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2023
  • Myriam-Naomi Walburg. Zeit der Mehrsprachigkeit : literarische Strukturen des Transtemporalen bei Marica Bodrožić, Nina Bouraoui, Sudabeh Mohafez und Yoko Tawada. Würzburg : Ergon Verlag, 2017
  • Rosie MacLachlan. Nina Bouraoui, Autofiction and the search for selfhood, Oxford ; New York : Peter Lang, 2016.
  • Kirsten Husung. Hybridité et genre : chez Assia Djebar et Nina Bouraoui. Paris : L'Harmattan, 2014
  • Mokhtar Atallah. Études littéraires algériennes : Albert Camus, Nina Bouraoui, Boualem Sansal, Ahmed Kalouaz, Paris : L'Harmattan, 2012
  • Olivier Clarinval, Temple of the unfamiliar: childhood memories in Nina Bouraoui, Ying Chen, and Gisele Pineau, University of Oregon, 2007 (thèse en anglais).

Liens externes

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