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Le Corniaud

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Le Corniaud
Description de cette image, également commentée ci-après
Logo du film.
Réalisation Gérard Oury
Scénario Gérard Oury
Marcel Jullian
Dialogues :
Georges Tabet
André Tabet
Musique Georges Delerue
Acteurs principaux

Bourvil
Louis de Funès

Sociétés de production Les Films Corona (France)
Explorer Film '58 (Italie)
Pays de production Drapeau de la France France
Drapeau de l'Italie Italie
Drapeau de l'Espagne Espagne
Genre Comédie
Durée 105 minutes
Sortie 1965

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution.

La Cadillac DeVille convertible de 1964 avec Louis de Funès et Bourvil, lors du tournage en Italie.

Le Corniaud est un film comique franco-italo-espagnol réalisé par Gérard Oury, sorti en 1965.

Première comédie du réalisateur, le scénario s'inspire d'un épisode du démantèlement de la « French Connection », l'affaire Jacques Angelvin, un présentateur de télévision arrêté aux États-Unis en 1962 au volant d'une Buick provenant de France qui dissimulait un stock d'héroïne pure ; Angelvin clame son innocence et prétend avoir été dupé. Le film raconte le voyage de Naples à Bordeaux du brave Antoine Maréchal à bord d'une Cadillac DeVille décapotable, une virée offerte en dédommagement d'un accident par l'homme d'affaires Léopold Saroyan. Sans le savoir, le touriste transporte une cargaison cachée de drogue, d'or et pierres précieuses volés, sous la surveillance attentive du véreux Saroyan et de malfrats rivaux.

Le « corniaud » du titre, qui se révèle finalement moins naïf qu'il n'y paraît, est interprété par Bourvil, alors à l'apogée de sa carrière, dans son rôle classique de benêt. Léopold Saroyan, le gangster, est joué par Louis de Funès, lequel à cette époque, connaît une fulgurante ascension de sa popularité grâce aux films Le Gendarme de Saint-Tropez et Fantomas. Ce duo comique, jusqu'alors inédit en tête d'affiche, est entouré de Venantino Venantini, Alida Chelli, Beba Loncar, Jacques Ferrière et Jean Droze.

Gérard Oury et le producteur Robert Dorfmann s'accordent à dépasser les standards des comédies françaises d'alors, en proposant un road movie aux moyens assumés, en couleurs et en décors naturels, conçu par des techniciens réputés. Le tournage a lieu en Italie, de Naples à Vintimille en passant par Rome, puis en France, notamment à Menton, à la cité de Carcassonne, à Paris et aux studios de Billancourt, d' à . Ambitieuse, la production dépasse largement son budget, d'un montant inhabituel pour une comédie en France.

À la sortie en salles en , la critique, dans l'ensemble favorable, salue un cinéma commercial soigné. Triomphe populaire, le film rassemble 11,7 millions d'entrées, terminant en tête du box-office français de l'année 1965. Forts de cette réussite, Oury, Bourvil et Funès se retrouvent dès l'année suivante pour La Grande Vadrouille. Le Corniaud demeure un « film culte » du cinéma comique français, régulièrement diffusé à la télévision.

Le dessin de la Cadillac DeVille signé Sa... Sa... Saroyan, avec les emplacements des diamants et des rubis dans la batterie, la schnouff dans les ailes arrière et l'or maquillé de chrome constituant les pare-chocs avant et arrière. Seul le Yukunkun, caché dans le bouton du Klaxon au milieu du volant, ne figure pas sur le schéma. Il est indiqué de l'index par Léopold Saroyan au début du film, sans que le spectateur ne voie l'emplacement.

Alors qu'elle n'a parcouru que quelques dizaines de mètres sur le chemin de ses vacances estivales vers l'Italie, la 2CV bleue d'Antoine Maréchal se disloque, percutée en plein Paris par la Rolls Royce de Léopold Saroyan, directeur d'une maison d'import-export. D'abord de mauvaise foi, celui-ci reconnaît ses torts et offre à Maréchal la possibilité de poursuivre, tous frais compris, son voyage au volant de la superbe Cadillac décapotable d'un de ses clients américains. Ce dernier devra ainsi conduire le véhicule (qui arrive de Beyrouth) de Naples à Bordeaux (où il est prévu qu'il soit embarqué pour les États-Unis).

Au port de Naples sur le tournage en Italie, Louis de Funès, Jean Droze et Jacques Ferrière.

Séduit par la proposition, Maréchal ne se doute pas que Saroyan est en réalité le parrain d'un syndicat de gangsters et qu'il a truffé la Cadillac de produits illégaux : héroïne dans les ailes arrière de la voiture, or dissimulé dans les pare-chocs, des pierres précieuses cachées dans la batterie et le Youkounkoun[note 1], « le plus gros diamant du monde », récemment volé. Saroyan espère bien que sa « mule » pourra assurer le transport, y compris devant les douanes. Voici donc le naïf Maréchal sur les routes d'Italie puis du sud de la France, ignorant tout de sa précieuse cargaison et ne remarquant que tardivement, que le malfaiteur le suit à distance pour veiller sur la marchandise, qui est également convoitée par une bande rivale menée par Mickey dit « le bègue ».

En Italie, Antoine Maréchal (Bourvil) teste pour la première fois, son téléphone de voiture.

Après une traversée de l'Italie marquée par des incidents en tous genres, Maréchal arrive à la frontière et va découvrir la vérité sur la voiture puis comprendre qu'il a été pris pour un « corniaud ». Il se vengera à sa façon lors d'une halte à Carcassonne tout en continuant d'emmener la voiture à Bordeaux où il découvrira la cachette du Youkounkoun : le klaxon de la voiture, qui connaissait plusieurs dysfonctionnements depuis le début du voyage.

Le poste de douane de Menton rendu célèbre par le film dans lequel Antoine Maréchal (Bourvil) croise Léopold Saroyan (Louis de Funès) et ses sbires lors du désossement de la Jaguar de Saroyan par les douaniers.

Fiche technique

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Distribution

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Genèse et développement

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Gérard Oury, réalisateur comique ?

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Photo en noir et blanc de deux hommes et une femme discutant à la terrasse d'un café.
Gérard Oury (à gauche) avec Jacques Charrier et Franca Bettoja lors du tournage de son premier film, La Main chaude, en 1959.

Au début des années 1960, l'acteur Gérard Oury s'oriente vers la réalisation, après l'écriture de plusieurs scénarios[a]. Il avoue avoir changé de voie pour impressionner Michèle Morgan, avec qui il entretient une liaison alors secrète[b],[c]. Après deux films passés inaperçus, La Main chaude (1960) et La Menace (1961), il met en scène un film à sketches de genre policier, Le crime ne paie pas (1962)[4],[5],[d],[e],[f]. Bien qu'il s'agisse de drames, le quatrième sketch de ce dernier film comporte un rôle comique, tenu par son ami Louis de Funès, alors comédien de second plan[5],[g]. À l'époque, déjà fort d'une centaine d'apparitions au cinéma, Louis de Funès est sollicité par des réalisateurs dramatiques pour « faire son numéro » le temps d'une scène, créer son « film dans le film »[d],[h]. Son passage ne prend qu'un jour de tournage, le [d],[g]. L'acteur expérimenté remarque le plaisir pris par Oury à tourner de la comédie, à voir un acteur provoquer le rire et à le diriger pour en améliorer l'effet[5],[h].

Au cours du repas à la pause, Louis de Funès lui dit le voir plutôt derrière des comédies[5],[h]. Il demande : « Mais quel film es-tu donc en train de faire ? Je te pose la question : crois-tu être un metteur en scène de films dramatiques ou réalistes ? Si c'est le cas, tu te fourres le doigt dans l'œil ! »[i],[d],[h]. Son argument est que le réalisateur s'est laissé rire de la scène : « Tu as ri, c'est très rare. — C'est rare un réalisateur qui rit ? — Exceptionnel même ! — S'il suffisait de se tordre pour être capable de faire rire les autres, où irions-nous ? — Vers un monde meilleur. Sais-tu que personne n'a jamais commis une mauvaise action en riant de bon cœur ? Quant à toi, tu es un auteur comique et tu ne parviendras à t'exprimer vraiment que lorsque tu auras admis cette vérité-là »[4],[i],[d],[h]. Oury cite cette déclaration comme un pas important dans sa décision de tourner des films comiques[i],[h],[note 2]. Il n'était, de toute manière, pas satisfait de sa situation : « Je suis assis le cul entre deux chaises : plus tout à fait acteur, pas encore metteur en scène consacré, ma carrière flottaille »[4],[j].

Le crime ne paie pas n'obtient qu'un succès d'estime, dû à sa pléiade de comédiens connus et au fait d'être l'adaptation d'une populaire bande dessinée de France-Soir[f]. Gérard Oury planche ensuite sur quelques synopsis de comédies à mettre en scène[c]. Son principal projet suivant est cependant un nouveau drame, tiré des aventures du HMS Fidelity pendant la Seconde Guerre mondiale et de son truculent lieutenant commander français (un rôle destiné à Yul Brynner)[4],[k],[l],[m][note 3]. Son ami Alain Poiré, de la Gaumont, accepte de le produire, après avoir financé sa deuxième réalisation[k]. Ce film intitulé Le Cargo de la colère n'est finalement jamais tourné[4],[k]. Ce projet avorté lui permet néanmoins de rencontrer Marcel Jullian, auteur d'un roman sur le sujet, qui demeure son partenaire d'écriture sur ses idées ultérieures[4],[k],[j],[m].

Un scénario tiré de l'affaire Angelvin

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Photo en noir et blanc d'un homme d'une quarantaine d'années.
En 1962, le présentateur français Jacques Angelvin est arrêté à New York pour avoir transporté de l'héroïne dans une Buick Invicta truquée.

Un fait divers lié à la French Connection donne l'inspiration à Gérard Oury pour une comédie : l'arrestation à New York en d'un présentateur-vedette de la télévision française, Jacques Angelvin, par des agents du Bureau des narcotiques[n],[c],[o],[p]. En voyage d'agrément aux États-Unis, Angelvin a fait acheminer par paquebot depuis la France une Buick Invicta récemment acquise[5],[6],[q],[p]. Après la filature et l'interpellation de trafiquants français et américano-italiens, la police détermine que la voiture a pu dissimuler, grâce à une cache sous le siège arrière et des caissons soudés dans les ailes, environ 52 kg d'héroïne, dont seulement une partie est retrouvée dans la ville[5],[6],[q]. Le réseau comptait sur la célébrité de l'animateur de Paris-Club — première émission populaire des débuts de la télévision — pour déjouer tout soupçon à la douane[5],[p]. Angelvin clame son innocence en prétendant avoir été dupé[5],[6],[p]. Condamné à entre trois et six ans de prison, il soutient avoir plaidé coupable uniquement pour bénéficier de la clémence des juges et abréger sa peine[5],[r],[p],[note 4]. Au vu de la notoriété de l'inculpé, le fait divers fait alors grand bruit[5]. Sans forcément croire à la version d'Angelvin, Oury imagine le sujet d'une « mule » innocente, utilisée à son insu pour faire passer une frontière à une voiture cachant divers trafics[5],[s],[note 5]. Le souvenir d'un voyage en Italie avec son épouse et François Reichenbach à bord d'une Chevrolet de location lui donne le cadre et des idées de péripéties[5],[t],[u],[v]. Il envisage dès le début de confronter Bourvil à Louis de Funès, bâtissant les deux personnages sur leurs caractères habituels[w],[x].

Une comédie ambitieuse

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Gérard Oury souhaite se départir des standards de la production comique française[5],[8],[v]. En France, la comédie ne bénéficie alors que de faibles moyens, l'essentiel étant de faire rire, sans chercher de qualité formelle particulière[5],[8],[y]. Ces films sont ainsi cantonnés à de modestes budgets, au noir et blanc, à l'écriture et au tournage rapides, reposant sur une économie maximale, n'offrant au spectateur que le rire comme unique attrait[5],[8],[y]. Les vedettes comiques bâtissent leur notoriété sur une accumulation de petits films plutôt que de grandes productions marquantes (Jean Richard et ses sept films annuels, par exemple)[5]. À l'inverse, à Hollywood, le comique est considéré comme un genre à part entière et bénéficie des mêmes conditions de production qu'un film d'un autre registre[z]. Oury exige une certaine ambition pour sa première comédie, au-delà de l'intrigue et des comédiens[y]. Il compte engager les meilleurs techniciens du moment[z]. En premier lieu, le film doit être en couleurs, encore un luxe à l'époque[5],[z]. Il doit aligner des décors naturels spectaculaires[aa],[z]. Il serait essentiellement tourné en extérieurs plutôt qu'en studios[z]. Cette volonté de s'éloigner des studios rejoint d'ailleurs celle initiée par la Nouvelle Vague au même moment[ab]. Il désire ainsi filmer « entièrement sur des voitures en marche », à l'aide de plateformes mobiles et de voitures travelling, au lieu de la traditionnelle technique de la transparence en studio[aa],[y]. Sur le même principe, il veut capter en son direct les scènes, procédé plus onéreux et moins confortable que la postsynchronisation[ac]. Il demande enfin qu'on lui laisse tout le temps nécessaire pour perfectionner le scénario[ad].

Artisan de grands succès, Robert Dorfmann donne à Oury les moyens de ses ambitions pour sa comédie.

Alain Poiré de Gaumont, producteur du second film d'Oury, La Menace, est réticent à l'idée de produire Le Corniaud selon les conditions réclamées par le réalisateur[5],[9],[ae]. Avec son approche plus classique de la comédie, il lui propose de déplacer l'intrigue en Espagne, destination moins coûteuse, et de tourner en noir et blanc[5],[10],[ae]. Quoique découragé, Oury refuse de dénaturer son projet[5]. Bourvil le soutient dans ses exigences[10]. Le producteur indépendant Robert Dorfmann découvre par hasard le film en passe d'être abandonné : connu pour ses prises de risques, il rachète le projet à la Gaumont et consent à produire la comédie en respectant les vues d'Oury, malgré le lourd investissement nécessaire[10],[y],[z],[note 6]. Il s'associe avec un coproducteur italien, Explorer Film '58[11]. Un budget de 3,5 millions de francs (soit 5,5 millions d'euros de 2023[2]) est établi[af],[ag]. Autre luxe, Dorfmann accorde à Oury un an d'écriture et neuf mois de préparation technique[ad]. Il prévoit douze semaines de tournage, alors que le cinéma comique le plus riche — les films de Fernandel — ne profite au mieux de que de huit semaines[ac]. Oury ne reçoit pas de cachet : le producteur lui octroie de quoi vivre durant la préparation et le tournage, puis il recevra la moitié des bénéfices une fois le film amorti[aa],[ag]. Il peut engager des techniciens et artistes réputés, passés par le cinéma le plus exigeant, comme Henri Decaë à l'image, Georges Delerue à la musique ou Albert Jurgenson au montage[5],[y].

L'écriture du scénario commence en [ah]. Gérard Oury et Marcel Jullian travaillent dans l'appartement du premier[m]. Danièle Thompson suit ces séances d'écriture en retrait, comme depuis son enfance où elle a vu passé de nombreux scénaristes chez son père ; pour la première fois, elle participe sporadiquement aux échanges d'idées, apportant notamment celle du téléphone dans la Cadillac, rareté pour l'époque, propice aux gags[m]. La création des dialogues est ensuite confiée aux frères Georges et André Tabet[y]. Les repérages en Italie et en France ont lieu en [ah]. Le scénario est terminé en juillet-août 1964[ah]. Le cadreur Alain Douarinou quitte en avance le tournage de Week-end à Zuydcoote afin de préparer le découpage technique avec Oury : « Le scénario dialogué était prêt. (…) Gérard n'était pas, au départ, particulièrement doué pour la mise en scène (…) La technique ne l'intéressait d'ailleurs de manière très secondaire »[ai]. La première équipe de prise de vues est la même que celle du film de guerre d'Henri Verneuil[ai]. Aventurier, Dorfmann s'engage dans cette surperproduction alors qu'il sort d'une faillite[5]. Ses nouveaux bureaux sont dans des cabanons de chantier à Suresnes[5]. Dès le début, il est à court d'argent : le transport des véhicules et du matériel jusqu'en Italie est financé par du liquide obtenu au dernier moment dans un cercle de jeu qu'il fréquente[5].

Attribution des rôles

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Dès le début, Gérard Oury sait à quels acteurs il fera appel pour les deux rôles principaux : Bourvil et Louis de Funès. Les deux acteurs s'étaient déjà côtoyés dans les films Poisson d'avril (1954), Les Hussards (1955) et La Traversée de Paris (1956) et ont envie de travailler à nouveau ensemble. Tandis que Bourvil est une vedette depuis près de dix ans, Louis de Funès, lui, commence à en devenir une : il est un second rôle remarqué et apprécié du public et, lorsque Oury prépare Le Corniaud, l'acteur tourne un film dont personne n'imagine alors le succès et qui le rendra définitivement célèbre, Le Gendarme de Saint-Tropez.

Louis de Funès, qui, sur le tournage du précédent film d'Oury, Le crime ne paie pas, lui avait dit « tu es un auteur comique, et tu ne parviendras à t'exprimer vraiment que lorsque tu auras admis cette vérité-là », accepte sa proposition sans hésiter. Bourvil apprécie beaucoup Gérard Oury et lui donne son accord sans même connaître l'histoire. Ils avaient joué ensemble dans le film Garou-Garou, le passe-muraille en 1950 et Bourvil, au cours d'une scène, giflait Oury ; ils s'étaient également vus sur le tournage du film Le Miroir à deux faces, où Oury était acteur et scénariste. Le cachet de Bourvil pour ce film est trois fois plus important que celui octroyé à de Funès[b 1].

Les auditions à Carcassonne sont annoncées par les journaux locaux et se déroulent sur la place Saint-Nazaire : 200 postulants s'y rendent pour décrocher un petit rôle dans Le Corniaud[12]. Annie Claparède, jeune Carcassonnaise de 16 ans, décroche le rôle succinct de la serveuse du Café de France[13]. Lors de son essai, Gérard Oury lui demande d'accentuer son accent[13]. Elle est payée 80 FRF et reste quinze jours sur le tournage ; chaque soir elle est ramenée chez elle à bord de la Cadillac du film[13]. Après le tournage, Gérard Oury lui propose de suivre l'équipe à Paris pour tenter une carrière d'actrice, disant d'elle qu'elle était une « petite Jeanne Moreau », mais ses parents ne veulent pas la laisser partir[13].

Deux jours avant le début du tournage, le , un samedi soir, le fils de 16 ans du premier assistant « emprunte » la Jaguar verte que Louis de Funès devait utiliser et la détruit dans un accident. En conséquence, beaucoup des scènes de l'acteur ne pourront être filmées qu'après l'arrivée d'une voiture de rechange, « repeinte à toute vitesse de couleur verte », des jours plus tard [b 2],[14].

Après la projection des épreuves (rushes) des deux premières semaines de tournage, de Funès trouvant qu'il n'était pas assez présent à l'écran fera une « grève du masque »[b 3],[C 1] pendant près de 24 heures. Autrement dit, de Funès ne joue plus que ce qui est écrit et rien de plus[15]. Gérard Oury indique dans ses mémoires qu'il reconnaît dans le film l'endroit où de Funès effectue cette « grève », mais le réalisateur reste muet sur l'instant précis dans le film. Oury imagine alors pour de Funès la scène du garage et celle de la douche, où l'acteur compare sa musculature avec celle d'un « grand balèze », l'ex-catcheur Robert Duranton. L'idée lui est inspirée par une rencontre étonnante faite lors d'un voyage en Italie : « ... J'avais rencontré à Capri un couple étrange, lui : un homo maigrichon américain, ridaillé mais milliardaire, elle : un colossal biquet français culturiste ! L'opposition physique entre ces deux êtres dépassait les limites de la bouffonnerie[b 4] ».

La 2CV conduite par Bourvil qui se disloque lors de l'accident avec Louis de Funès était équipée de boulons explosifs afin qu'elle s'éparpille au moment voulu. Le spécialiste des effets spéciaux, Pierre Durin, avait scié le véhicule en 250 morceaux puis ré-assemblé le tout avec des crochets. De petits appareils électriques faisaient sauter les crochets solidarisant les morceaux au moment opportun[16],[17]. Cette scène, la dernière tournée, le sur la place Sainte-Geneviève à Paris[18], fut peut-être inspirée à Oury par sa rencontre cinématographique avec Bourvil sur le tournage du Miroir à deux faces. Dans ce film dramatique d'André Cayatte réalisé en 1958, Bourvil au volant de sa 2CV est percuté par Gérard Oury, acteur mais aussi coscénariste du film, au volant d'une grosse américaine. Dans Le Corniaud, le plan est particulièrement complexe, puisque la 2CV doit se désintégrer sous le choc avec la Rolls Royce, ce qui ne peut être filmé qu'une fois. Bourvil improvise la remarque « Elle va marcher beaucoup moins bien forcément » sur le moment, provoquant un fou rire chez de Funès, qui dut tourner la tête pour le cacher et ainsi ne pas gâcher cette prise si complexe.

Lieux de tournage

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Affiche pantalon japonaise du film.
Par pays[19]

Bande originale

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Photo en noir et blanc d'un homme d'une cinquante d'années.
Georges Delerue, ici dans les années 1970, met en musique Le Corniaud.

Georges Delerue compose la bande originale du Corniaud[8],[20]. Il avait déjà mis en musique Le crime ne paie pas (1962) pour Gérard Oury[20]. Artiste prolifique et demandé, il est alors à la fois le compositeur attitré de la Nouvelle Vague et des films d'aventure de Philippe de Broca[21]. Il retrouve à nouveau Oury sur Le Cerveau (1968) et Louis de Funès dans Hibernatus (1969)[20].

Pour illustrer le voyage de ce touriste français en Italie, le réalisateur lui demande de pleinement s'inscrire dans l'époque[8]. Contrairement à son écriture habituelle, symphonique et intemporelle, Delerue doit donc s'adapter aux modes musicales du milieu des années 1960[8]. Le compositeur explore ainsi plusieurs pans du yéyé, touchant au twist, au slow et au madison, dans des thèmes ou des musiques d'ambiance[8]. Il emploie abondamment la guitare électrique[8]. La présence des gangsters rivaux est soulignée par un thème autant grotesque qu'inquiétant au saxophone baryton[21]. Le critique musical Stéphane Lerouge note que, malgré les modes, « son sens mélodique est bien présent tout comme, derrière une rythmique de variété, une inimitable écriture pour cordes », par exemple dans le morceau Le Départ de Naples[8]. Exception, le générique d'ouverture est une valse parisienne pour orchestre et accordéon[8].

Louis de Funès exécute un numéro burlesque muet sur La danza de Gioachino Rossini, ici jouée par l'United States Air Force Band.

Le film convoque également des musiques antérieures. Gérard Oury élabore un numéro musical pour Louis de Funès[8] : Saroyan répare lui-même en urgence la Cadillac dans un garage italien, au rythme effréné de la tarentelle La danza de Gioachino Rossini, arrangée par Ottorino Respighi pour le ballet La Boutique fantasque[22],[8]. À Carcassonne, la chanson Plaisir d'amour est utilisée comme signal, sifflé ou fredonné, entre Saroyan et Maréchal[23].

Un premier album 45 tours Le Corniaud, bande originale du film sort en 1965, édité par Barclay[24],[25]. Un single paraît également au Japon l'année suivante[24],[26]. Plusieurs thèmes font partie de la compilation Les plus belles musiques des films de Louis de Funès, publiée en 33 tours en 1988 et rééditée en CD en 1994, diffusée également en Allemagne[24],[27]. En 2002, la musique du Corniaud est publiée, avec celles écrites par Georges Auric pour La Grande Vadrouille et par Delerue pour Le Cerveau, sous le titre Bandes originales des films de Gérard Oury, dans la collection Écoutez le cinéma ! de Stéphane Lerouge[24],[8]. En 2014, quelques morceaux sont intégrés à la vaste compilation Louis de Funès, musiques de films, 1963-1982 de la collection Écoutez le cinéma ![24],[28].

Bourvil demandera que le nom de Louis de Funès soit placé en haut de l'affiche, à côté du sien. Des années plus tard, en 1976, Louis de Funès, reconnaissant de ce qu'a fait Bourvil pour lui, fait de même avec Coluche pour L'Aile ou la Cuisse.

Accueil critique

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Le Corniaud parmi les cotations du « Conseil des dix » des Cahiers du cinéma, la plupart des critiques indiquant : « inutile de se déranger ».

Le Corniaud reçoit des critiques globalement favorables[4],[aj]. Jean de Baroncelli dans Le Monde parle d'« une très heureuse surprise »[4],[aj]. Le Canard enchaîné proclame : « Voilà un excellent film commercial qui est un divertissement touristique, plein de mouvement et de jolis paysages, sans oublier deux jolies filles. Et puis il y a un fameux tandem ! »[aj]. Robert Monange de L'Aurore loue « un film charmant, bien fait par Gérard Oury, au dialogue excellent de Georges André Tabet, avec un acteur tout à fait exceptionnel, Bourvil, et un autre très bon, Louis de Funès »[4]. Certaines remontrances portent sur le titre, le terme « corniaud » étant puisé dans l'argot[aj].

S'il aime le film « dans les grandes lignes » et qu'il acclame le duo inédit Bourvil / de Funès, Louis Chauvet du Figaro émet des réserves, tout en reconnaissant l'ambition artistique et technique du film : « le film dure vingt minutes de trop (…) Certaines scènes relevant du mimo-vaudeville m'ont paru artificielles, parfois outrées. Certaines se trompent visiblement de genre. Mais la plupart sont bonnes, et le rythme du récit fait tout passer. (…) Techniquement, Gérard Oury, qu'assiste une excellente équipe technique, réussit là son meilleur ouvrage. Nous ne lui reprocherons que [ces] fautes d'inspiration, [ces] fautes de mesure (…) La vitalité du ton les rachète. Les dialogues de Georges-André Tabet — efficaces et spirituels, véridiques et gais — contribuent grandement à crier l'euphorie »[29].

« Nous déclarons Louis de Funès vainqueur aux points et nous en sommes le premier étonné. Son comique, efficace au théâtre, perdait beaucoup à l'écran. Louis de Funès a longtemps fait devant la caméra les grimaces qui lui réussissaient sur scène. C’était compter sans le grossissement du cinéma. Un seuil était franchi. Nous étions plus gênés qu’amusés. Mais voici que pour la première fois sans doute (…), Louis de Funès a discipliné son visage, trop parlant pour le cinéma du même nom. (…) C'est une marionnette gesticulante, mais qui a des méchancetés bien humaines. Un agité glapissant, mais moins proche des singes hurleurs que de quelques personnes de notre connaissance. »

— Claude Mauriac, Le Figaro littéraire, [ak].

Encore bienveillant voire laudateur envers Louis de Funès, les Cahiers du cinéma par la plume de Jean-Louis Comolli apprécient, au début du film, « l'efficacité et la précision des grandes comédies américaines » et « l'une des meilleures séquences du pauvre cinéma comique français », mais sont déçus par la présence réduite de l'acteur le reste du film ; cependant, la revue reproche un mélange des genres raté : « On veut amuser, divertir, émouvoir, apitoyer, donner envie et (même) faire compatir ou méditer : c'est assez pour Don Quichotte, trop pour Le Corniaud. La comédie ne souffre ni le trop juste ni le trop-plein, elle requiert le juste du trop, seul moteur d’effraction du sens »[ak],[al]. La Saison cinématographique recommande ce « bon divertissement, le dialogue efficace est toujours naturel, jamais vulgaire », en loue l'esthétique et les gags visuels, la direction d'acteurs (« Louis de Funès grimace modérément, ne charge pas à l'excès son rôle ») mais regrette qu'« en dépit de ses qualités réelles, l'œuvre manque de brio, d'unité, le film dure deux heures, c'est certainement vingt minutes de trop. Et si le rythme des séquences d'action est, en soi, rapide, sûr, la caméra cependant s'attarde souvent un peu trop sur les mimiques, excellents d'ailleurs, des acteurs. Cette complaisance accentue le côté artificiel de cette aventure abracadabrante [et détourne le spectateur de l'action] »[am].

Jusqu'alors très sévère envers les films dans lesquels apparaissait Louis de Funès, Henry Chapier dans Combat salue l'ambition de la comédie, sans la juger totalement réussie[ak] :

« On aurait tort de classer d'emblée Le Corniaud dans la catégorie habituelle des films commerciaux qui partent gagnant parce que les noms de Bourvil ou de Louis de Funès sont en tête d'affiche. Connaissant les facilités de la recette, nous sommes bien loin du numéro clownesque de ces acteurs populaires, dans la recherche beaucoup plus ambitieuse du monde des premiers films de Laurel et Hardy. Si la tentative n'a pas entièrement abouti, il faut tout de même reconnaître la sincérité, le soin et la conviction dont Gérard Oury a fait preuve cette fois-ci (…) Le Corniaud prenant le chemin inverse des films comiques à la mode, donne au gag la priorité sur le mot d'auteur. Félicitons donc Oury d'avoir su échapper à Michel Audiard… Débarrassé de « l'esprit français », le cinéma retrouve aussitôt sa fraîcheur et sa naïveté. (…) Qu'un tel film connaisse un large succès populaire ne peut que servir la cause d’un cinéma commercial estimable. Les visées du Corniaud sont honnêtes, et Gérard Oury a le mérite de ne pas piper les dés »

— Henry Chapier, Combat, [4],[ak].

Les critiques du Masque et la Plume de France Inter méprisent le film[30]. Michel Cournot pour qui « il n'y a pas de film. Il n'y a rien. Le type s'est amusé à aller planter sa caméra successivement dans un certain nombre d'endroits connus comme la tour de Pise ou les jardins de Tivoli. Il a fait dans ce plan des singeries qui ne sont pas drôles (…) Un très petit acteur, Monsieur de Funès, fait beaucoup de singeries (…) Vraiment, c'est la nullité pour moi »[30]. Fustigeant le « numéro d'écureuil cousu de tics » de Louis de Funès, Jean-Louis Bory condamne « le scénario imbécile et débile (…) ce film représente le vomi du cinéma français, se complaisant dans sa bassesse avec une satisfaction jubilarde »[30],[an]. Georges Charensol évalue le film « nettement en dessous de zéro »[30]. Georges Sadoul le considère « tout-à-fait dépourvu d'esprit et de rythme » mais relève néanmoins la beauté de la photographie d'Henri Decaë[30]. Tous s'étonnent voire s'insurgent de l'accueil positif de certains de leurs confrères de la presse[30].

Aux États-Unis, le magazine Time apprécie notamment les deux acteurs principaux, la photographie de Decaë et la scène de bagarre dans les jardins de la villa d'Este[ao]. En mars 1965, L'Humanité rapporte que Wanda Hale, du New York Daily News a trouvé Le Corniaud « d'un bout à l'autre intelligent et spirituel » et que Howard Thompson, du New York Times, « bien que moins enthousiaste, le juge « désarmant » et loue sa « magnifique mise en scène »[ap].

N° 1 au box-office en 1965 en France et énorme succès : 11 739 783 entrées[31].

Sorties à l'étranger

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Une affiche de film en japonais.
Une autre affiche du film au Japon.

Le Corniaud est exploité à l'international[32]. Le film est projeté en Union soviétique en juillet lors du festival du film de Moscou (sous le titre Разиня) et en Grèce en septembre de la même année au cours du festival de Thessalonique[32]. Il sort ensuite en Belgique le Gand) sous le titre flamand De snul, en Espagne le Barcelone) titré El hombre del Cadillac, en Suède le nommé Den vilda jakten på Cadillacen, en Italie, pays coproducteur, le sous le titre Colpo grosso ma non troppo, au Danemark le titré Fjolset, en Allemagne de l'Ouest le nommé Scharfe Sachen für Monsieur puis Louis, das Schlitzohr (dans la lignée des déroutantes habitudes des distributeurs allemands), en Finlande le sous le titre Gangsteriralli, au Japon le intitulé 大追跡[33], au Portugal le Porto) nommé O Oportunista, au Royaume-Uni en , en Pologne le titré Gamoń, au Mexique le nommé El papanatas, aux États-Unis le New York) et en Turquie le sous le titre Belalı Tatil[32].

La façade d'un cinéma.
Le Corniaud à l'affiche d'un cinéma néerlandais en novembre 1965.

Le film connaît également des sorties en Allemagne de l'Est, en Argentine, au Brésil (O Trouxa), en Bulgarie (Глупакът), au Canada, en Croatie (Naivčina), en Estonie (Molutaja), en Grèce (Ένα έξυπνο κορόιδο ou Το κορόιδο), en Hongrie (Az ügyefogyott ou A fajankó), en Israël, en Norvège (Mannen som alltid ble lurt), aux Pays-Bas (De eend en de Cadillac), en Roumanie (Prostanacul), en Slovaquie (Smoliar), en Slovénie (Tepcek), en Ukraine (Роззява et en Yougoslavie (Naivcina en serbe)[32]. Le titre anglophone international est The Sucker[31],[32].

Selon le producteur Robert Dorfmann, à la sortie de La Grande Vadrouille en 1966, Le Corniaud réalise alors de très bons résultats dans les pays scandinaves, connaît une carrière très moyenne en Allemagne mais c'est un échec en Italie[34]. Il quitte rapidement l'affiche à Londres[31]. Après plusieurs années, le box-office est estimé à environ 1,4 million d'entrées en Italie[31], et s'élève à 1 545 858 entrées en Espagne[35] ainsi que 30,9 millions d'entrées en URSS[36].

Diffusions à la télévision

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Logo avec le Youkounkoun, lors de la ressortie en 2015, à l'occasion du cinquantième anniversaire du film.

Le , pendant la période de confinement dû à la pandémie de Covid-19, le film est vu par 3,54 M de téléspectateurs[37].

Postérité

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Certaines répliques faisant partie du dialogue du film sont devenues cultes. En premier lieu, figure la célèbre formule improvisée de Bourvil : « Maintenant, elle va marcher beaucoup moins bien, forcément ! ». Certains critiques et médias associent cette exclamation à la réaction de Bourvil dans un autre film populaire de la même période La Grande Vadrouille, lorsqu'il s'écrie « Mon vélo... »[38].

Ainsi, la même phrase est reprise dans de nombreux films, parmi lesquels Taxi 2 en 2000) et À toute épreuve en 2014 ou encore, à la télévision, notamment dans la version française de l'épisode 11 de la saison 2 de la série américaine NCIS : Enquêtes spéciales; prononcée par Tony DiNozzo)[39]. Dans la bande dessinée, le 33e album d'Astérix Le ciel lui tombe sur la tête la reprend, lorsque le vaisseau des Tadsylwiniens ordonne au Nagma de partir, après avoir détruit son vaisseau : le chef Nagma s'exclame « Oui, mais elle va moins bien marcher maintenant ! ». Une petite case dans le coin de l'image, précise aux lecteurs la référence hommage au film.

En , une société de production française annonce la conversion en 3D du film et de La Grande Vadrouille, dans la foulée du succès d'Avatar[40],[41].

En 2022, l'association normande Les Amis de Bourvil organise une parade à travers sept villages du pays de Caux, terre natale du comédien, où sont rejouées des scènes du film[42].

Louis de Funès rend hommage à Charlie Chaplin qu'il admire[43], à la 54e minute du film, dans la scène où il « emprunte » en pleine nuit l'atelier d'un garage pour réparer la Cadillac, sous les yeux médusés du garagiste joué par Jean-Marie Bon et de son fils. Il s'agit d'un clin d'œil évident aux Temps modernes et plus encore au Dictateur[44] :

  • La musique est très proche de celle d'une scène du film de Chaplin : la pause déjeuner (vers 1 h 1 min du début du film). Il s'agit d'une version instrumentale de La danza, extraite de La Boutique fantasque de Gioachino Rossini, une tarentelle arrangée par Ottorino Respighi.
  • De Funès reste en mouvement sans arrêt dans la séquence; son bras ne peut s'empêcher de faire des gestes circulaires, ce qui parodie bien sûr le travail à la chaîne, caricaturé dans le film critique de Chaplin.
  • À la fin de la scène, lorsque de Funès est debout sur la voiture, on note des engrenages et rouages sur le côté; ce plan semble faire écho l'affiche des Temps modernes.

Cette scène du garage est encore plus proche de celle de la séance de rasage dans Le Dictateur où Chaplin rase un client au son de la cinquième des Danses hongroises de l'Allemand Brahms. Les deux « chorégraphies » sont très similaires par la coordination des gestes et de la musique.

Par une étrange coïncidence, Louis de Funès dans le film (Taxi, roulotte et corrida, 1958) incarne un rôle où il est déjà question de faire passer une frontière avec un gros diamant caché notamment dans la poche de veste d’un « corniaud » joué justement par Louis de Funès, à l’initiative de la complice d’une bande de voleurs de bijoux, laquelle à l'instar de Bourvil, se déplace dans une grosse voiture américaine. On retrouve ces différents ingrédients bien que scénarisés différemment, dans Le Corniaud.

Autre lien avec de Funès, l'automobile et Charlie Chaplin, le film qu'il tourne six ans plus tard, fin 1970 Sur un arbre perché avec Géraldine Chaplin.

Autour du film

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Adaptations avortées américaine et française

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Lors du festival de Cannes 1965, Gérard Oury et son producteur Robert Dorfmann se voient proposer par des producteurs américains de réaliser et produire un remake avec Dean Martin et Jack Lemmon[45]. Malgré une offre importante (un budget important, les salaires versés dans des comptes en Suisse et la promesse de produire deux autres films dans les cinq ans[46]), les deux Français ne donnent pas suite. Ces Américains n'avaient d'ailleurs pas vu le film au moment où ils proposaient d'en faire un remake.

Lors du festival de Cannes 2005 court une rumeur sur un nouveau projet de remake du film : Benoît Poelvoorde et Jamel Debbouze auraient donné leur accord pour tourner dans le film et reprendre respectivement les rôles de Bourvil et de Louis de Funès[45]. Produit par La Petite Reine[note 8] et StudioCanal, le film aurait été écrit par Franck Magnier et Alexandre Charlot et devait s'intituler On a encore volé le Youcouncoun[47]. Mais Gérard Oury annonce qu'il n'a jamais donné son accord à un tel projet et que celui-ci n'était « en aucun cas à l'ordre du jour »[48]. De plus, Jamel Debbouze dément en 2015 avoir été contacté pour un tel projet, dont il ne sait rien[49].

Suite de la collaboration Oury / Bourvil / de Funès

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Lors du tournage à Carcassonne, Gérard Oury raconte aux deux acteurs une idée de film qu'il avait vendue au producteur Henry Deutschmeister quelques années auparavant : l'histoire de deux jumelles qui sauvent des aviateurs anglais pendant la Seconde Guerre mondiale et les conduisent en zone libre[12].

Des mois plus tard, Le Corniaud triomphant au box-office, le producteur Robert Dorfmann presse Gérard Oury de vite réfléchir à un prochain film - si possible un nouveau road movie comique - pour Bourvil et Louis de Funès. Oury écarte tout d'abord l'idée de donner une suite au film ; il ne veut pas « remettre les pieds dans les mêmes chaussures, si vernies soient-elles » (il ne réalisera d'ailleurs aucune suite de toute sa carrière)[50]. Il repense ensuite à l'idée des deux jumelles, qu'il propose à Dorfmann. Le producteur accepte le projet et récupère alors, moyennant finances, les droits du scénario auprès d'Henry Deutschmeister. Les personnages des deux jumelles sont transformés en hommes et Gérard Oury annonce son futur projet à Bourvil et Louis de Funès le . Le projet de La Grande Vadrouille est lancé. Gérard Oury écrit le scénario à nouveau avec Marcel Jullian mais également avec sa fille, Danièle Thompson. D'importants moyens sont mis en place pour La Grande Vadrouille, grâce à un gros budget ; pour l'amortir, le producteur vend le film aux gérants de salles avant même qu'il soit tourné. Le tournage se déroule beaucoup mieux que celui du Corniaud, même s'il est très long : il commence le et s'achève à la mi-octobre.

La Grande Vadrouille sort le et, à la stupeur de tous, attire 17 267 607 spectateurs au bout de sa première exploitation, battant non seulement le record du Corniaud mais aussi tous les autres films sortis en France avant lui. Il devient alors le plus grand succès cinématographique sur le territoire français, toutes nationalités confondues et le reste pendant plus de trente ans jusqu'à être dépassé par le blockbuster américain Titanic en 1998 au cinéma. Il demeure quand même le film français au plus grand nombre d'entrées, jusqu'à être également dépassé par la comédie française Bienvenue chez les Ch'tis en 2008.

Après ce deuxième succès pour son duo d'acteurs, Gérard Oury prévoit ses prochains films pour les quatre années à venir[51]. Il projette d'abord un film avec Bourvil et Jean-Paul Belmondo, Le Cerveau, une comédie inspirée de l'attaque du train postal Glasgow-Londres : le film sort en et réunit cinq millions de spectateurs. Puis vient une adaptation parodique de la pièce de théâtre Ruy Blas de Victor Hugo, qu'Oury avait jouée à la Comédie Française en 1960 : le film, alors intitulé Les Sombres Héros, est destiné à devenir le troisième film du duo Bourvil / de Funès, mais Bourvil meurt des suites d'un cancer le . C'est finalement l'acteur Yves Montand qui remplace Bourvil dans le rôle qui lui était dévolu. La Folie des grandeurs sort en et c'est, malgré l'absence de Bourvil, une réussite.

Gérard Oury décide ensuite de tourner un film avec Louis de Funès comme seule tête d'affiche, Les Aventures de Rabbi Jacob, qui sort en 1973 et c'est à son tour un succès. Il envisage ensuite Le Crocodile, un cinquième film avec Louis de Funès, dans lequel celui-ci jouerait un dictateur, mais le projet ne se concrétise jamais car l'acteur subit deux infarctus successifs en .

  • Dans sa chambre d'hôtel, Bourvil tient à la main un livre de science-fiction, il s'agit de Une Mouche nommée Drésa, de B.R. Bruss, Fleuve noir, coll. « Anticipation » no 239, 1964
  • Le rôle du garagiste Tagliella est souvent attribué à Saro Urzì alors qu'il est joué par l'acteur napolitain Nino Vingelli.
  • Durant la scène à la douane de Menton, on peut apercevoir Guy Grosso et Michel Modo en douaniers, un certain clin d’œil à la suite de leur collaboration durant le premier volet de la série des Gendarmes un an auparavant.
  • L'appareil photo du corniaud est un OPL Foca Focaflex.

Récompenses

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Notes et références

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  1. Le nom est celui d'une localité guinéenne, Youkounkoun : voir Sophie Dulucq, « Vrai diamant… », sur Anthropophagie et Histoire, .
  2. Gérard Oury avait déjà coécrit une comédie : Babette s'en va-t-en guerre (1959) de Christian-Jaque[a].
  3. Gérard Oury, 1988 : « Un an auparavant, j'ai rencontré Marcel Jullian. Des copains officiers de marine m'avaient raconté une histoire incroyable mais vraie : celle du lieutenant de vaisseau Costa [en réalité Péri], né moitié corse, moitié viet. Entre 40 et 42, ce mec avait coulé plusieurs sous-marins allemands avant de disparaître corps et biens avec son navire-bordel camouflé en cargo. Je parle du sujet à Alain Poiré. Il accepte de le produire. J'apprends entre-temps qu'un bouquin existe, relatant l'aventure. L'auteur rapplique. Il s'appelle Marcel Jullian. Nous travaillons ensemble mais Le Cargo de la colère reste en rade »[k].
  4. Il est établi que l'homme de télévision a touché dix mille dollars pour le convoi de la drogue[o]. Jacques Angelvin est finalement libéré dès pour bonne conduite[6]. Après son retour en France, il raconte son expérience carcérale dans Mes prisons américaines, paru en 1968[r],[p].
  5. Gérard Oury, 1988 : « Influencé par l'affaire Angelvin, j'en ai rêvé de cette histoire. Ce présentateur croupit en prison à New York pour avoir emmené par bateau sa voiture américaine en Amérique. Cela a paru louche […] Ou alors le type ne savait rien. C'est ce qu'il prétend, ce corniaud ! »[7].
  6. Les versions divergent sur la manière dont Robert Dorfmann a découvert le projet : soit lors d'une visite improvisée au bureau de l'agent de Bourvil, soit de la part de Gérard Oury à la sortie du Fouquet's (toutes les maisons de production étant alors massées sur les Champs-Élysées)[10].
  7. a et b L'orthographe correcte du café est « Casina Valadier ».
  8. Il fut aussi annoncé dans les années 2000 que La Petite Reine allait produire un remake du film Fantômas d'André Hunebelle. Il devait être réalisé par Christophe Gans avec Jean Reno et José Garcia dans les rôles principaux mais le film ne vit jamais le jour.

Références bibliographiques

[modifier | modifier le code]
  1. a et b Chapeau 2004, p. 10.
  2. Chapeau 2004, p. 11.
  3. a b et c Dicale 2009, p. 253.
  4. a b c d et e Chapeau 2004, p. 12.
  5. Dicale 2009, p. 188.
  6. a et b Gressard 2002, p. 6.
  7. a et b Dicale 2009, p. 189.
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  10. a et b Gressard 2002, p. 8.
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  15. a et b Pierre Péan, Compromissions, Fayard, , 462 p. (ISBN 2213679312, lire en ligne), chap. 13 (« La French Connection »).
  16. a b c d e et f Alexandre Marchant, L'Impossible prohibition : Drogues et toxicomanie en France 1945-2017, Perrin, , 563 p. (ISBN 9782262077419, lire en ligne).
  17. a et b Charles Gillard, Échec aux rois de la drogue, Buchet-Chastel, , 392 p. (lire en ligne), chap. XI (« La « Belle Américaine » de Jacques Angelvin »).
  18. a et b Jacques Angelvin, Mes prisons américaines, Plon, , 287 p.
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  21. Michel Aubriant, « Ça ne vous étonne pas un peu le triomphe de votre Corniaud », Paris-Presse,‎ , in Articles assemblés par Marcelle Oury.
  22. a et b Thompson et Lavoignat 2019, p. 65.
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  26. a b c d e et f Chapeau 2004, p. 14.
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  28. Dicale 2009, p. 236.
  29. a et b Dicale 2009, p. 260.
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  38. Jean-Louis Comolli, « Le Corniaud », Cahiers du cinéma, nos 166-167,‎ , p. 139 (lire en ligne).
  39. Critique de la Saison cinématographique de 1965, reprise dans La Revue du cinéma – Image et son, Répertoire des films Ufoleis-Citevox. Programmation 72-73, hors-série ADV9, Bordeaux, p. 221-222.
  40. Nicolas Schaller, « Louis de Funès, un trésor national qui traverse les générations », L'Obs, no 2890,‎ , p. 67-71 (ISSN 0029-4713, lire en ligne).
  41. (en) « Road Runners », Time, vol. 87, no 24,‎ (lire en ligne) (traduction en français in Articles collectés par Marcelle Oury).
  42. Articles collectés par Marcelle Oury.
  1. p. 230.
  2. Oury 1988, p. 223.
  3. Oury 1988, p. 225.
  4. a et b Mémoires d'éléphant, p. 225.
  5. Oury 2001, p. 202–203.
  1. de Funès et de Funès 2005, p. 144 :

    « J'ai lu plus tard que mon père, un temps, se serait livré à une sorte de grève sur le tournage [...]. C'est inexact : il avait bien trop de conscience professionnelle pour cela. [...] En réalité, durant cette très courte période de froid, il ne joua plus que ce qui était écrit [...] sans plus chercher à inventer ni improviser »

    .

Références issues du site Autour de Louis de Funès.fr :

  1. « Rome (Italie), lieu de tournage de Le Corniaud (1964), Fantomas se déchaîne (1965) et L'Homme-Orchestre (1970). », (consulté le ).
  2. « Carcassonne, lieu de tournage du Corniaud », (consulté le ).
  3. « Restaurant Drouant (Paris, 2ème), lieu de tournage du Corniaud », (consulté le ).
  4. « Le Passage à niveau de la Motte Sainte-Roseline », (consulté le ).
  5. « Cap Dramont, lieu de tournage du Corniaud (novembre 1964) », (consulté le ).

Autres références

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  1. Dicale 2009, p. 263.
  2. a et b Chiffres de l'inflation en France d'après l'INSEE. Coefficient de transformation de l'euro ou du franc d'une année, en euro ou en franc d'une autre année – Base 1998 et Base 2015. Dernière mise à jour à l'indice de 2023.
  3. « Le Corniaud » sur le site du CNC.
  4. a b c d e f g h i et j Gilles Botineau, « Le Corniaud : Pas si Koun-Koun qu'ils en ont l'air ! », sur CineComedies, (consulté le ).
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  6. a b c et d « L'héroïne marseillaise tombe à New York », sur lemonde.fr, Le Monde, (consulté le ).
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  11. (fr) Le Corniaud sur le site d’Unifrance.
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  44. François Gorin, « Louis de Funès, retour en deux scènes sur un génie du burlesque », sur telerama.fr, Télérama, (consulté le ).
  45. a et b Guezennec et Gargouil 2013, p. 71.
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  47. Fiche de On a encore volé le Youcouncoun, sur www.cinenews.be.
  48. « Pas de remake pour "Le Corniaud" ! », sur Allociné, (consulté le ) :

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    .
  49. « 50 ans du Corniaud : l'hommage de Jamel Debbouze », sur Allociné, (consulté le ).
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  52. (en) « 1965 year », sur moscowfilmfestival.ru, festival international du film de Moscou, (version du sur Internet Archive).

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Articles connexes

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Bibliographie

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Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Sur Le Corniaud :

  • Georges Tabet et André Tabet, Le Corniaud, d'après le film de Gérard Oury, Fleuve noir, , 348 p. (novélisation)
  • Gilles Gressard, Le Corniaud, Dark Star / Studiocanal, , 75 p. (ASIN B003WTWM9S) (livret accompagnant le DVD du film)
  • Le Corniaud : sélection d'articles de presse assemblés par la mère de Gérard Oury, Studiocanal, (supplément du coffret vidéo du 50e anniversaire du film)

Ouvrages de membres de l'équipe :

Sur Louis de Funès et Bourvil :

Documentaires

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  • 2007 : Louis de Funès intime, film documentaire réalisé par Serge Korber, diffusé sur M6, 105 minutes
Narration : Daniel Russo. Intervenants : Patrick de Funès, Jeanne de Funès, Daniel Gélin (images d'archives), Pierre Mondy, Benoît Duteurtre, Olivier de Funès, Colette Brosset (images d'archives et interview récent), Edouard de Funès (neveu de Louis), Daniel Russo, Laurent Gerra, Dominique de Funès (épouse d'Olivier), Julia de Funès-Coudry (fille d'Olivier), Mohamed Ben Moussa (cuisinier au Château de Clermont)
  • 2013 : Louis de Funès, l'Irrésistible, film documentaire réalisé par Stéphane Bonnotte, diffusé sur le bouquet de chaînes cinéma Ciné+.
  • 2014 : De Funès : 100 ans de rire, film documentaire réalisé par Matthieu Allard, diffusé sur D8
  • 2015 : Le tournage du Corniaud… Tout sauf un long fleuve tranquille !, film documentaire réalisé par Dominique Maillet, Studiocanal, 82 minutes, supplément du coffret vidéo du 50e anniversaire
Intervenants : Danièle Thompson, Venantino Venantini, Jean Pieuchot, Gérard Crosnier (régisseur adjoint), Philippe Monnier, Dominique Raimbourg, Bertrand Dicale (biographe), Henry-Jean Servat, Frédéric Mitterrand, Pierre Richard.

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