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Khettara

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Une khettara est un dispositif traditionnel d'irrigation au Maroc, destiné à prélever de l'eau dans un aquifère assez proche de la surface pour l'acheminer vers le lieu d'irrigation. On rencontre aussi l'orthographe khattara ou rhettara.

Ces dispositifs hydrauliques sont identiques aux qanats d’Iran ou aux foggaras d’Algérie.

Elle est constituée d'une galerie drainante dont l'origine est situé dans la nappe phréatique et qui descend selon une pente très progressive, moins accentuée que celle du sol de façon à parvenir à la surface. Elle comporte également des puits verticaux d'accès, disposés à intervalles régulier, la reliant à la surface[1].

La construction peut également commencer à partir du site de peuplement vers l'intérieur, généralement en suivant un cône alluvial d'une rivière ou d'un oued fossile, et ceci pour faciliter la circulation de l’eau jusqu’au débouché de la khettara [2].

Cette figure illustre les différentes parties qui composent une khettara marocaine

Cette technique des khettaras est considérée comme l’un des plus vieux systèmes de gestion des eaux de culture, puisqu’on fait remonter ses origines en Perse antique, il y a plus de 3 000 ans[3].

Le problème de l'eau est resté présent dans la mentalité des groupes humains dans différentes parties du globe en général et du Maghreb en particulier, en lien avec le mode de vie qui prévalait à l'époque dans diverses zones géographiques, dont la stabilité reposait principalement sur la disponibilité de l'eau, la source de la vie (flore, faune, humanité)[4].

Au Maroc, l'ère almoravide, à son tour, a vu une grande dominance de l'obsession de fournir et de mobiliser les ressources en eau, car l'ingénierie de l'eau a été guidée en profitant des cadres venus au Maroc, à leur tête Obeid Allah Ibn Younes (Ibn Yunus (950-1009)) qui a introduit ce système (nouveau dans le Maghreb occidental) de drainage d'eau par khettara[5].

Les sources d'eau qui alimentent les khettara diffèrent d'un endroit à l'autre de la péninsule arabique. Certains d'entre eux tirent leur eau de sources situées sur un haut plateau et profitent de la hauteur du plateau dans l'écoulement de l'eau de ces sources. Nous avons beaucoup d’exemples dans l'irrigation de la région d'Al-Kharj en Arabie Saoudite et dans les karez des gouvernorats de Kirkouk et d'Erbil en Irak [6]. L'eau provient parfois des nappes phréatiques, et c'est le type le plus répandu que l'on connaisse au Maroc, où l'eau du canal coule avec une légère pente jusqu'à ce qu'elle atteigne le niveau du sol afin de l'exploiter soit en irrigation ou bien dans différentes activités exercées par la population de l’oasis[7].

Schéma illustrant la suggestion d'une chronologie de l'histoire des khettaras à travers le monde entier
Schéma illustratif simplifié d'une khettara marocaine

Construction et entretien

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Si l'essai est satisfaisant, le tracé est mis en place au-dessus du sol et l'excavation commence, soit de la surface (destination) vers l'intérieur, soit vice-versa. L'équipe d'excavation est généralement composée de 3 à 4 ouvriers professionnels : généralement, une personne creuse le tunnel horizontalement avec une houe ; un autre ramasse le déblai avec une pelle dans un sac en cuir, qui est ensuite collecté auprès d'un ou deux autres ouvriers au niveau du sol (en surface) à travers le puits vertical[8].

La vitesse de construction dépend de la largeur et de la hauteur du tunnel, de la nature géologique et pétrologique du sol et de la profondeur de la nappe phréatique. Le tunnel horizontal peut aller jusqu’à 20 m de profondeur par jour (en terre molle à faible profondeur), par contre, pouvant descendre à seulement 2 m par jour (en sol dur et à grande profondeur). Dans le cas où l'équipage heurte des rochers, les travaux de la construction de la khettara sont abandonnés. Les constructeurs doivent avoir des compétences particulières et une bonne connaissance de la nature de la topographie et de la géomorphologie de la zone. Généralement, une khettara se compose de trois parties principales : un puits mère, un tunnel souterrain et des puits secondaires[9].

En général, après des consultations, la jmâa (l'institution qui incarne la volonté collective de coopération et ses tâches englobent la gestion la répartition et la régulation des droits aux eaux d'irrigation, aux pâturages, aux richesses forestières, etc.) décide d’entamer l'entretien et les différentes réparations à effectuer dans une khettara, ce qui mène à résoudre les conflits, et approuve les ventes, les modifications, les locations et le partage de l'eau entre les propriétaires[10].

Les travaux collectifs d'entretien sont organisés sous l'autorité du chef des eaux (sraifi ou amghar-n-waman), élu chaque année par la jmâa. Au Maroc, traditionnellement, toutes les personnes possédant des droits sur l'eau sont obligées de participer à l'entretien collectif de la khettara, quelle que soit la quantité de terre et d'eau en question[10].

Le chef des eaux distribue les tâches entre les ouvriers répartissant les tâches lourdes aux ouvriers les plus jeunes et les tâches légères aux plus âgés. Par exemple, les hommes plus âgés assument des tâches telles que couper et enlever les branches et les brindilles le long du seguia qui entravent la libre circulation de l'eau. Les hommes plus jeunes assument des tâches telles que l'élimination des sédiments accumulés dans les canaux (souagui). Pour ce faire, chaque seguia est divisée en tronçons de trois mètres (asfil), et chacun d'eux est nettoyé par deux personnes participant aux travaux d’entretien. Des tâches spécifiques sont parfois exécutées par des ouvriers spécialisés (mâalmin) contre rémunération. Toute personne qui n'est pas en mesure de participer au travail collectif doit payer l’ouvrier qui le remplace, ou préparer un repas pour tous les ouvriers. Dans le cas où quelqu'un refuse complètement de cotiser pour les travaux de l’entretien des khettaras, ce dernier peut être condamné par le chef des eaux à une amende ou puni par la jmâa avec une exclusion sociale[10].

La gestion des eaux

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Comme c'est le cas pour l'irrigation fluviale et les travaux de construction et de l’entretien des khettaras, la gestion de l’eau de la khettara est du ressort du jmâa (le conseil de l'oasis), c’est l'autorité de gestion collective de chaque communauté et il est constitué de représentants de chaque lignage au sein d'un ksar, qui sont choisis parmi les hommes adultes de la communité selon divers critères (noblesse, sagesse, courage et richesse). Le partage de l'eau est organisé selon une réglementation qui diffère d'un ksar à l'autre selon les modes de distribution, le débit d'eau et le nombre de tribus et de personnes habilitées à irriguer leurs cultures et jardins[10].

Une étude récente souligne que la distribution de l'eau aux oasis selon le système khettara est « démocratique » sur la base d'un partage égal des ressources en eaux[11].

Khettara, une part du patrimoine historique Marocain

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Khettara asséchée, Tighmert, près de Guelmim
Sortie de khettara, en seguia d'entrée d'oasis, au Maghreb

Les khettaras sont considérés comme faisant partie du patrimoine historique, économique, social et écologique digne d'attention, de soin et de considération, surtout à une époque où l'humanité a pris conscience des dangers des fluctuations climatiques et a commencé à prendre des mesures urgentes afin de faire face aux risques environnementaux qui menacent l'avenir de la planète bleue[12].

La technique de khettara est l'une des méthodes adoptées dans les régions de Drâa-Tafilalet et de Marrakech au Maroc pour fournir de l'eau pour l'agriculture dans la région. C'est une méthode respectueuse de l'environnement, car elle n'a pas besoin de pompes à eau ou de sources d'énergie pour élever le niveau de l'eau afin d'atteindre le courant principal qui relie l'eau au bassin qui recueille l'eau dans certains compte-gouttes. De plus, la technique contribue à la conservation de l'eau grâce au travail avec la technique de distribution basée sur le principe de "Nuba", notant que la présence des gouttelettes dans la région contribue à fournir une couverture végétale importante qui contribue à créer un espace écologique pertinent au niveau de ces régions[13].

Au cours des trente dernières années, les systèmes de khettara rencontrent un nombre croissant de problèmes et vont probablement finir par disparaître [14],[15].Par ailleurs, les khettaras abandonnées sont devenues un problème à Marrakech, où des milliers de trous de puits sont encore existantes dans des zones autrefois rurales mais qui ont depuis été consumées par l'étalement urbain, ce qui provoque un problème réel dans ce sens[16].

La khettara est considérée comme une réponse aux problèmes soulevés par le développement durable[17].

Références

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  1. Mohammed El Faïz, « Les khettaras de Marrakech: un patrimoine à préserver », Horizons Maghrébins - le droit à la mémoire, no 45,‎ , p. 177 - 179 (lire en ligne)
  2. Mohammed El Faiz et Thierry Ruf, « An Introduction to the Khettara in Morocco: Two Contrasting Cases », dans Water and Sustainability in Arid Regions, Springer Netherlands, (lire en ligne), p. 151–163
  3. « Chronique agriculture et pêche - Khettara, une technique ancestrale d'irrigation au Maroc », sur RFI, (consulté le )
  4. Intizar Hussain, Omar Siraj Abu-Rizaiza, Mohammad A.A. Habib et Muhammad Ashfaq, « Revitalizing a traditional dryland water supply system: the karezes in Afghanistan, Iran, Pakistan and the Kingdom of Saudi Arabia », Water International, vol. 33, no 3,‎ , p. 333–349 (ISSN 0250-8060 et 1941-1707, DOI 10.1080/02508060802255890, lire en ligne, consulté le )
  5. Nestorine P. Compaore, « Le défi du développement humain durable par les femmes et les hommes », dans Les grands enjeux des femmes pour un développement durable, Presses de l'Université du Québec, (lire en ligne), p. 81–102
  6. P. BEAUMONT, « QANAT SYSTEMS IN IRAN », International Association of Scientific Hydrology. Bulletin, vol. 16, no 1,‎ , p. 39–50 (ISSN 0020-6024, DOI 10.1080/02626667109493031, lire en ligne, consulté le )
  7. Hassan Ahmadi, Aliakbar Nazari Samani et Arash Malekian, « The Qanat: A Living History in Iran », dans Water and Sustainability in Arid Regions, Springer Netherlands, (lire en ligne), p. 125–138
  8. Thierry Ruf et Mhamed Mahdane, « Chapitre 3. Les territoires singuliers de l’irrigation paysanne au Maroc », dans Les terroirs au Sud, vers un nouveau modèle ?, IRD Éditions, (lire en ligne), p. 85–96
  9. Hassan Belhadj, Mohamed Fihri, Samir Khallouq et Nabila Nagid, « Optimal number of Schur subdomains: Application to semi-implicit finite volume discretization of semilinear reaction diffusion problem », Discrete & Continuous Dynamical Systems - S, vol. 11, no 1,‎ , p. 21–34 (ISSN 1937-1179, DOI 10.3934/dcdss.2018002, lire en ligne, consulté le )
  10. a b c et d Olivier Sivan et Cécile Miramont, « 13. L’évolution des paysages face aux changements climatiques depuis la dernière glaciation dans les Alpes du Sud. Quels impacts sur les sociétés ? », dans Des climats et des hommes, La Découverte, (lire en ligne), p. 221–236.
  11. Z. El Mezdi, « Les Khettaras de la région de Marrakech (Maroc): un biotope hydrobiologique remarquable », SIL Proceedings, 1922-2010, vol. 22, no 4,‎ , p. 2106–2109 (ISSN 0368-0770, DOI 10.1080/03680770.1983.11897630, lire en ligne, consulté le )
  12. « Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau 2020 », Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau,‎ (ISSN 2707-0832, DOI 10.18356/ed8b1d0f-fr, lire en ligne, consulté le )
  13. Gwenaelle Janty, « Capacité d'adaptation des pratiques traditionnelles de gestion et de partage de l'eau dans l'oasis de Figuig (Maroc) », Autrepart, vol. 65, no 2,‎ , p. 129 (ISSN 1278-3986 et 2109-9561, DOI 10.3917/autr.065.0129, lire en ligne, consulté le )
  14. « Contexte », dans Études de l'OCDE sur l'eau, OECD, (lire en ligne), p. 31–45
  15. « Introduction générale. Développement durable et gestion intégrée des zones inondables tropicales », dans Gestion intégrée des ressources naturelles en zones inondables tropicales, IRD Éditions (lire en ligne), p. 23–30
  16. Boualem Remini, Bachir Achour et Rabah Kechad, « La foggara en Algérie : un patrimoine hydraulique mondial », Revue des sciences de l'eau / Journal of Water Science, vol. 23, no 2,‎ , p. 105–117 (ISSN 1718-8598 et 0992-7158, DOI 10.7202/039903ar, lire en ligne, consulté le )
  17. « Water and Sustainability in Arid Regions », Bridging the Gap Between Physical and Social Sciences,‎ (DOI 10.1007/978-90-481-2776-4, lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

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Liens externes

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