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Germanie

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Germania Magna, vers -116
Germania Magna, vers -116
"Germania magna" au milieu du Ier siècle av. J.-C.
"Germania magna" à l'époque d'Auguste

La Germanie, qui rassemble la Germanie inférieure, la Germanie supérieure et la Germania Magna, est la région historique d'Europe occupée par des peuples non romanisées et romanisées germaniques (au sens géographique ou bien éthnolinguistique) dans l'antiquité et plus précisément à l'époque de l'Empire romain. Ces tribus et leur zone géographique associée sont définies principalement par La Germanie de Tacite et par les Commentaires sur la guerre des Gaules de Jules César. La Germanie couvrait alors une large zone qui allait à l'est approximativement jusqu'à la Vistule, à l'ouest et au sud jusqu'au Rhin et au Danube qui la séparaient du monde romain. Selon certains historiens, elle s'étendait également, en tout cas à un certain moment, à la Pannonie et au sud de la Scandinavie, ce dernier étant lié aux migrations germaniques.

La Germanie antique

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Références historiographiques

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La Germanie de Tacite est un ouvrage majeur de l'historiographie germanique. Ce paradigme s'est imposé jusqu'au pangermanisme deux millénaires plus tard. L'auteur ne s'étant jamais rendu en Germanie, les informations dont il dispose sont au mieux de seconde main. L'historien Ronald Syme a émis l'hypothèse que Tacite aurait copié en grande partie l'ouvrage, aujourd’hui disparu, Bella Germaniae, écrit par Pline l'Ancien. Syme justifie son hypothèse par un passage quelque peu périmé dans lequel Tacite présente les peuples du Danube comme des alliés de l'Empire romain alors que leur défection en 89 lors de la guerre contre les Daces avait fortement modifié la politique frontalière de l'empire. Il existe aussi d'autres sources possibles pour Tacite : Jules César avec ses Commentaires sur la guerre des Gaules, Strabon, Diodore de Sicile, Posidonios et Aufidius Bassus (en).

Les Germanies

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La Germanie antique ne correspond pas à l’Allemagne actuelle même si certains territoires importants des unes et des autres peuvent se superposer.

Le nom de Germanie est utilisé par les Romains, avec différents qualificatifs, incluant des territoires qui ne sont pas aujourd’hui allemands d’une part et des contrées actuellement allemandes sans aucune équivoque possible qui n’étaient pas d’un point de vue administratif en Germanie romaine d’autre part. Les Anciens, depuis le IIe siècle av. J.-C. jusqu’à l’arrivée massive des peuples slaves au VIe siècle, nommaient Germanie l’espace limité au nord par la mer Baltique et la mer du Nord, au sud par les Beskides occidentales et le nord des Alpes, à l’est par la Vistule et à l’ouest par le Rhin.

L’appellation Germania inferior (Germanie inférieure ou Basse Germanie) englobe la rive gauche allemande du Rhin au nord de Bonn, ainsi que les Pays-Bas et la Belgique actuels à l’est d’une ligne allant de la source de l’Oise à l'estuaire de l'Escaut où se trouve Anvers.

La Germania superior (Germanie supérieure ou Haute Germanie) comprend les bords du Rhin, rive gauche, au sud de Bonn (ancien département de Rhin-et-Moselle), la plaine du Palatinat, l’Alsace, la Franche-Comté ainsi que, approximativement, la moitié occidentale de la Suisse et la moitié orientale de la Bourgogne.

Inversement, le reste de l’actuelle rive gauche allemande du Rhin (avec Trèves) se trouve dans la Belgica (Belgique romaine). Quoi qu’il en soit, Belgica et les deux Germaniae font partie administrativement de la Gaule romaine. Ainsi, la totalité de la rive gauche du Rhin se situe dans la Gaule définie par César, et est sous autorité romaine pendant environ cinq cents ans (de 50 av. J.-C. à 450 apr. J.-C. environ).

La Raetia (Rhétie) englobe le sud de la Bavière à l’ouest de l’Inn et du Bade-Wurtemberg au sud du Danube avec le Tyrol autrichien et l’est de la Suisse. Le Noricum (Norique) correspond au reste de la Bavière située au sud du Danube, et à l’Autriche. Les Agri decumates (Champs Décumates) comprennent la partie entre Rhin et Danube allant grosso modo de Ratisbonne à Bonn en englobant le cours du bas Main; entre le Jura souabe et le Danube ils sont rattachés à la Rhétie ; à l’ouest du Jura souabe ils relèvent de la Germanie supérieure, donc de la Gaule romaine. Ces trois territoires sont sous autorité romaine pendant deux à trois siècles (des années 80 apr. J.-C. à 235 pour les Champs Décumates, et des années 50 apr. J.-C. à 406 pour la Rhétie).La Rhétie ne fait pas partie de la Germanie antique.

La Germania magna (grande Germanie) des Romains de l’Antiquité, correspond donc approximativement aux deux tiers Nord-Est de l’Allemagne actuelle, grosso modo l’ancienne Allemagne de l’Est, et l’ancienne Allemagne de l'Ouest à l’est du Rhin et au nord du Danube et de la ligne Bonn-Ratisbonne. S’y ajoutent la Tchéquie et l’Ouest de la Pologne. Elle fut zone d’influence et sous surveillance de Rome pendant deux siècles environ (du début de l’ère chrétienne au début du IIIe siècle), et pour la partie à l’ouest de l’Elbe, sous contrôle romain direct pendant environ deux générations (des années 20 av. J.-C. aux années 30 à 50 apr. J.-C.). Du point de vue de la population actuelle, sur les 15 villes les plus peuplées de l'Allemagne actuelle, classées ici par ordre décroissant de population, soit: Berlin, Hambourg, Munich, Cologne, Francfort-sur-le-Main, Stuttgart, Düsseldorf, Dortmund, Essen, Leipzig, Brême, Dresde, Hanovre, Nuremberg et Duisbourg; 7 villes se trouvent dans une zone géographique qui a été sous contrôle Romain antique soit: Munich, Cologne, Francfort-sur-le-Main, Stuttgart, Düsseldorf, Nuremberg et Duisbourg; 4 villes se sont développées à partir d'un  peuplement Romain antique soit: Cologne, Francfort-sur-le-Main, Stuttgart et Duisbourg.

Les peuples germaniques

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Les peuples germaniques occupant ces espaces sont d’autant plus difficiles à cerner qu’ils sont en partie nomades, en particulier ceux installés dans la plaine nord européenne, et que les auteurs anciens confondent facilement les noms qui leur sont donnés. Le massif schisteux rhénan, le Harz et les monts du quadrilatère de Bohème sont quasiment vides d’hommes. Le peuple frison, dans les Pays-Bas actuels, a été soumis en 28. Les Francs saliens ou rhénans (on disait naguère ripuaires) ne sont cités qu’à partir de 289, dans l’un des panégyriques de l’Empereur Maximien, Il y est question de "franci" (francs) [1] Pour les autres peuples, les historiens s’accordent pour les situer, comme nous allons le voir, au début de notre ère ; cela dit avec toutes les réserves qui s’imposent car il y a bien des incertitudes tenant à leur mobilité.

Certains de ces peuples sont assez bien connus soit du fait de leur nombre, soit pour leur proximité des frontières de l’Empire, soit pour les ravages qu’ils y ont commis au IIIe ou au Ve siècle. Les peuples de la Gaule Belgique, de la Germanie inférieure et de la Germanie supérieure sont le plus souvent considérés comme des Celtes romanisés et ceux de la Germanie Magna sont considérés comme des Germains faiblement romanisés ou non romanisés.

  • Les Burgondes sont peut-être encore sur l'île de Bornholm (à l’époque Burgunderholm), ou déjà en Poméranie orientale. Leurs pérégrinations les mèneront en quatre siècles dans l’actuelle Bourgogne qui leur doit son nom.
  • Les Goths, très nombreux, ne se sont pas encore scindés en deux groupes, et sont installés sur la basse vallée de la Vistule (voir culture de Wielbark) ; Wisigoths et Ostrogoths seront les premiers peuples barbares à s’installer de façon pérenne dans l’Empire à la suite de la défaite de l’empereur Valens à Andrinople en 378. Leurs déplacements les mèneront au VIe siècle en Hispanie et en Italie.
  • Les Vandales se situent entre la Vistule et la Warta ; eux aussi migrent jusqu’en Afrique du Nord au Ve siècle, où Justinien les vainc en 535.
  • Les Lombards, campant entre les basses vallées de l’Elbe et de la Weser, ne s’introduisent dans l’Empire, en Italie, qu’au VIe siècle, ruinant en partie la reconquête de Justinien.
  • Les Suèves installés entre le limes et le Main suivent la route ouverte par les Alamans et vont jusqu’en Galice.
  • Les Alamans quant à eux, franchissent le Rhin gelé le 31 décembre 406, mais ils n’apparaissent qu’au début du IIIe siècle. Vraisemblablement sont-ils dans l’Est de l’Europe à l’époque d’Auguste.
  • Les Angles dans le Schleswig, les Saxons dans le Holstein et les Jutes au Danemark semblent être assez sédentaires, effectuant des actes de piraterie en Mer du Nord et en Manche, avant d’aller s’établir au sud-est de la Bretagne au milieu du Ve siècle.

Les autres peuples ou peuplades germaniques ont laissé dans l’histoire une trace moins marquante :

  • Les Marcomans et les Quades sont installés dans l’actuelle Tchéquie ; Marc Aurèle les combattra au cours de deux guerres (167-175 et 178-180) et leur causera, semble-t-il, suffisamment de pertes pour qu’ils ne soient plus un danger.
  • Les Chattes et les Mattiaques qui leur sont peut-être soumis ou alliés, sont très remuants à la limite nord-ouest du limes, ce qui nécessitera l’intervention de Domitien.
  • Les Chérusques sont assez nombreux, dans la plaine du nord, entre la Weser et l’Elbe.
  • Nombreux aussi sont les Hermundures dans la Saxe et le Palatinat bavarois actuels.
  • Il en est de même des Bastarnes, à l’est dans la boucle de la Vistule d’où ils partiront pour longer les Carpates et gagner le bassin du Tyras, et de là, les bouches du Danube.

D’autres peuples encore semblent moins nombreux ou moins remuants. Tel est le cas des Bructères le long de la Lippe, des Chauques de part et d’autre de l’estuaire de la Weser, des Helvécones en basse Silésie, des Lugiens occupant la haute vallée de la Warta, des Marses entre Ruhr et Lippe, des Ruges à l’est de la Poméranie orientale, des Semnons dans l’actuel Brandebourg, et des Turones entre les sources de la Werra et de la Fulda.

Certains groupes sont encore moins nombreux : les Ampsivariens (Angrivariens, ou Ansibariens) entre la basse Weser et l’Ems, les Chamaves entre l’Ems et la Frise, les Naristes au nord de Ratisbonne, et les Osiens dans les Carpates blanches.

Enfin, l’existence ou la localisation de certains est si floue que leur présence même est controversée : les Buriens qui seraient près des sources de la Vistule ou de l’Oder, les Lémoviens en Poméranie orientale, et les Varnes dans l’actuel Holstein.

Ces peuples dont la liste n’est pas exhaustive, vivent de cueillette, de pêche, de chasse, de quelques cultures potagères et en entretenant des troupeaux avec lesquels ils se déplacent le cas échéant. Ils échangent du bois, des fourrures, des cuirs, du sel, de l'ambre avec leurs voisins du limes romain. Les fouilles archéologiques à proximité du limes de Germanie ont aussi mis au jour de grandes fermes. Leurs parlers ne sont pas connus de façon précise, mais dérivent, selon le consensus, du proto-germanique. Les nations de la Gaule Belgique, de la Germanie inférieure et de la Germanie supérieure sont relativement romanisées, contrairement à celles de la Germania Magna. Leurs croyances, plus supposées que connues, semblent proches de celles des Celtes. Les Grecs et les Romains les méprisent même s’ils les craignent : ils ne les appellent pas « Germains », mais le plus souvent « barbares » (onomatopée des borborygmes et qualificatif méprisant pour les langues autres que le grec et le latin).

Revenons sur les Francs déjà évoqués. Ce peuple (au sens d’un ensemble d’origine indo-européenne) apparaissent tardivement, ce sont même les derniers cités parmi les peuples germaniques. Ce sont des groupes de quelques centaines de guerriers, qui suivent les Alamans après 235 et jusqu’en 257, où ils se font massacrer en Hispanie. Ensuite on les retrouve au milieu du IVe siècle, installés parmi d'autres Germains (germani cisrhenanie) par les autorités romaines comme fédérés en Toxandrie (Germanie inférieure), soit entre autres l’ouest de la Belgique et le Nord-Pas-de-Calais actuels. Cette installation avait pour but de repeupler un territoire vidé d’habitants et de protéger la frontière du Rhin. Les Francs saliens s’acquitteront de cette mission de protection de l’Empire en tant que foederati. L’historien romain de langue grecque Procope, qui écrit dans les années 530-560, les nomme « Francs ou Germains », alors qu’en parlant des autres peuples germaniques (Alamans, Suèves, Vandales, Burgondes, Ostrogoths, Wisigoths), il ne dit pas « Germains » mais « barbares ». En effet, les Francs sont alors en voie de romanisation et leur chef Chlodwig est consul et Patrice des Romains.

Au sujet du mot « Germains », l’historien Mischa Meier de l’université de Tübingen écrit : « les Germains sont un mythe et une invention de Jules César »[2]. Jan de Vries de l’Université de Leyde, écrit : « C’est aussi par l’absence d’une autre civilisation connue que se définit le berceau des Germains, plutôt que par des témoignages positifs » et « l’existence des Germains est […] passée sous silence par les auteurs anciens »[3]. L’osmose celto-germaine était telle sur les marges des deux aires linguistiques et culturelles, que l’archéologue et historien Gabriel de Mortillet a pu écrire[4] : « les Germains de Tacite n'ont aucun rapport avec les Germains actuels » et « les Francs sont de véritables Gaulois appartenant à la même famille que ceux qui occupaient le territoire de la Gaule avant la conquête romaine ». Bruno Dumézil, lui aussi, questionne l’identité des Francs[5], que l’historien Dieter Geuenich (de) définit comme « une dénomination collective désignant au IIIe siècle seulement des peuples qui n’avaient été connus jusque-là que sous des noms spécifiques ». Il ajoute : « les auteurs romains qui sont les seuls à rendre compte de l’histoire primitive des deux peuples semblent avoir désigné sous le nom de Franci tous les habitants du Rhin inférieur et d’Alamani ceux du Rhin supérieur »[1]. En fait les Francs, comme beaucoup d’autres « peuples » en mouvement de l’antiquité, de l’antiquité tardive et du Moyen Âge, semblent avoir été une confédération de peuples d’origines diverses, s’imprégnant de différentes influences culturelles[6]. Il existe à leur sujet tant de mythes, que l’un en fait même des descendants des Troyens[7].

La tentative de conquête par Rome

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Il ne sera ici question que de la grande Germanie libre, les autres étant déjà traitées dans les articles sur les provinces romaines.

En faisant la conquête de la Gaule, dans les limites qu’il a lui-même définies, César porte en occident les frontières de l’Empire sur le Rhin. Auguste envisage lui de les reporter sur l’Elbe.

Jules César avait tout à gagner à conquérir la Gaule. Région très riche et très fertile, densément peuplée et déjà bien structurée dans l’assise de ses peuples et avec surtout une trame économique extrêmement bien organisée en Pagus (les actuels départements pour l’essentiel) avec chacun leur capitale (lieu de culte, de commerce, de foire, d’échange, de symbiose druidique et donc de cohésion culturelle, cultuelle et sociale), le gain économique était évident.

Sur le plan politique, la réussite permet à César de renforcer son autorité face à Pompée, et ensuite de s’imposer comme seul maître à Rome. Enfin, du fait même de sa conquête et de ses incursions outre-Rhin et outre-Manche, César acquiert un prestige militaire qui l’auréole de gloire et l’autorise à demander au Sénat le triomphe qu’on ne peut lui refuser.

En revanche, les raisons qui poussent Auguste à vouloir reculer les frontières de l’Empire romain sur l’Elbe sont difficiles à saisir.

Sur le plan politique, cette conquête n’a rien à apporter à Auguste. Après sa victoire navale d’Actium en 31 av. J.-C., qui lui permit d’évacuer les prétentions de Marc Antoine et de Cléopâtre, Octave (futur Auguste) est le maître incontesté du monde connu des Romains, c'est-à-dire qu’il est le maître du monde. Il n’a pas besoin de s’imposer, d’ajouter un titre de plus ; politiquement parlant, il n’a aucun intérêt à conquérir quoi que ce soit, où que ce soit. Inversement, la campagne militaire à mener est difficile. Si la Gaule de la première moitié du Ier siècle av. J.-C. est sillonnée de chemins plus ou moins empierrés ou renforcés de madriers qui relient les villes les uns aux autres (trame des futures voies romaines), il n’en va pas de même à l’est du Rhin. Les peuples germaniques n’ont pas de centres urbains, et aucun axe organisé ne traverse la grande Germanie. Les opérations militaires doivent se dérouler dans un environnement géographique naturellement hostile. L’embuscade qui permet à Arminius de massacrer les légions de Varus en l’an 9, en est le triste exemple.

Enfin d’un point de vue économique, la Germanie ne présente absolument aucun intérêt à l’époque. Il n’y a aucun centre structuré d’échange commercial, comme il y en avait de nombreux en Gaule. Les zones de plaine au nord (actuels länder de Basse-Saxe au nord de Hanovre, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, moitié nord de Saxe-Anhalt et Brandebourg en Allemagne ; Poméranie orientale en Pologne) sont souvent marécageuses avec des terres pauvres (sols siliceux lessivés par les glaciations et podzosols qui ne deviendront productifs qu’avec l’utilisation d’engrais chimiques). Ce sont à l’époque des terres couvertes de landes à l’ouest dans la zone d’influence océanique, de bosquets de bouleaux ou de steppe herbacée à l’est dans les zones continentales. Les régions du centre et du sud (actuels länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie à l’est du Rhin, Hesse, Basse-Saxe au sud de Hanovre, Thuringe, moitié sud de Saxe-Anhalt, Saxe, Bade-Wurtemberg et Bavière au nord du Danube, l’actuelle Tchéquie et la Silésie) sont constituées de massifs anciens (extrémité nord-est du « V » hercynien : massif schisteux rhénan partie est, le Harz, les monts Métallifères et des Sudètes), de bassins sédimentaires disloqués (bassins souabe, franconien et de Bohême) ou de monts et plateaux préalpins (Jura souabe, plateau bavarois). Toutes ces régions sont difficiles de pénétration du fait du relief et d’un tissu forestier extrêmement dense, sans aucun chemin pérenne, infestées de bêtes fauves, tout juste bonnes à fournir le cirque en lynx, ours et aurochs. La mise en valeur de cet espace est, pour l’époque, impossible à envisager.

Cependant, malgré toutes les incertitudes dues à la mauvaise connaissance du relief, de la végétation, du climat, de la mouvance des tribus, Auguste voulut conquérir la grande Germanie. Par conséquent, des camps fortifiés furent construits, lors de l’organisation de la conquête dans la décennie suivant l’installation au pouvoir d’Auguste, allant de Castra Vetera à Birten (Xanten) sur la rive gauche du Rhin jusqu’au coude de l’Elbe près de l’actuelle Magdebourg. Ce n’était pas de simples fortins, mais des camps romains abritant une légion romaine. Ils ont été en activité de leur création entre 16 et 12 av. J.-C. jusqu’au début des années 20, voire au milieu des années 40 lorsque Claude, revenant de la [Grande] Bretagne (conquise en 43), gagne le Rhin, et avant de donner à Cologne (Colonia Claudia Ara Agrippinensium) son nouveau nom en 50, interdit aux légions toute action sur la rive droite du Rhin.

D’ouest en est sur la rive droite (nord) de la Lippe de Holsterhausen, de Haltern, puis sur la rive gauche (sud) de Oberaden (entre Dortmund et Hamm), il s’agit du camp mythique d'Aliso et de Kneblinghausen (à vingt kilomètres au sud sud-est de Lippstadt) à mi-chemin de la Lippe et de la Ruhr.

En 16 av. J.-C., Drusus commence les opérations et atteint l’Elbe en 9 av. J.-C. Après ces débuts prometteurs, du fait sans doute d’un excès de confiance de Varus, et surtout de la trahison d’Arminius (ou Hermann), ancien officier romain d’origine germanique, trois légions sont massacrées dans la forêt de Teutobourg près de Minden en 9. Germanicus, fils de Drusus, neveu de Tibère et frère de Claude, venge Varus à Idistaviso, victoire romaine en 16. Idistaviso est une localité située à la Porta Westfalica, au sud de Minden dans le coude de la Weser. Arminius fuit lâchement, trahissant cette fois les siens. Il sera poursuivi jusque dans la haute vallée de l’Elbe, où il finira massacré en 20 ou 21 par ses alliés, peut-être les Marcomans, qu’il s’apprêtait de nouveau à renier. Après Idistaviso, Tibère décide d’évacuer la grande Germanie, région forestière ou marécageuse naturellement inhospitalière et sans mise en valeur possible à terme avec les moyens et les besoins du moment.

Après la décision de Tibère de limiter les actions en Germanie, l’interdiction est renouvelée par Claude. Néanmoins, Domitien intervient dans le Taunus au nord de la Hesse actuelle contre les Chattes et les Mattiaques en 83. En 89, il prend la décision d’occuper militairement les Champs Décumates qui seront progressivement organisés et renforcés jusqu’au règne de Marc Aurèle. Celui-ci sera le dernier empereur à intervenir en Germanie, lors des deux guerres contre les Marcomans.

La Germanie et Rome

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Indépendamment de cette présence romaine épisodique, les grandes voies commerciales mises en place à la fin du Ier siècle av. J.-C. sont restées en activité, sans problème majeur au cours des deux premiers siècles apr. J.-C. Il s’agit bien de voies commerciales et non de voies romaines dallées, drainées ou entretenues. Pour l’essentiel, ces voies suivent les axes hydrographiques, soit longeant les fleuves, soit en suivant un tracé sur une ligne de crête évitant les terrains marécageux des rives elles-mêmes. On va ainsi de l’embouchure de l’Ems, de la Weser, de l’Elbe, de l’Oder et de la Vistule, jusqu’au Danube, en contournant le Harz, en traversant le massif de Bohème et les Beskides. Les négociants romains vont y chercher de l’ambre, des fourrures, des plumes et du duvet, des peaux, du cuir, des cheveux de femme pour les perruques des riches romaines à la mode, des chevaux, des esclaves, des oies, des porcs, du poisson séché ou salé, un peu de fer dans les Beskides et du cuivre en Thuringe. Les marchands vendaient, ou plus exactement troquaient ces produits contre du vin, de l’huile, du verre, des céramiques sigillées, des ustensiles en métal, des objets manufacturés.

Le long de ces axes commerciaux, on note un certain nombre de centres romains qui n’ont donc aucune fonction militaire, mais qui jalonnent les grands trajets, mettant en relation l’Empire avec le monde nordique. Ce commerce avec et à travers la grande Germanie restait malgré tout d’importance modeste, et n’atteignit jamais l’intensité du trafic à travers la Gaule, pour se cantonner au seul Occident.

Ces centres remarquables sont :

  • Amisia à l’embouchure de l’Ems, au débouché d’une voie venant de Coblence (Confluentes)
  • Feddersen Wierde, à l’embouchure de la Weser, sur la rive droite face à la mer ; en remontant le fleuve et la Fulda, on gagne la Main et Mayence (Mogontiacum).
  • Laciburgium à l’ouest de bouches de l’Oder permet de rejoindre les Beskides et Vienne (Vindobona) ou Carnuntum un peu plus à l’est ; le long de cet axe se trouve Viritium sur l’Oder près de l’actuelle jonction avec le Mittelandkanal ; et Stragona en Silésie (entre Legnica et Wroclaw).
  • Rugium en Poméranie orientale, actuellement polonaise, sur la mer Baltique, à mi-chemin de l’embouchure de l’Oder et de celle de la Vistule, est en contact commercial maritime, soit en contournant le Danemark, soit avec une rupture de charge à Laciburgium.
  • Calisia (actuelle Kalisz) sur la Prosna affluent de la Warta, hors des territoires traditionnellement allemands, mais habités à l’époque de peuples germaniques : les Burgondes. Ce centre se situe au milieu de la voie menant de Carnuntum à l’embouchure de la Vistule.
  • Menosgada près de Lichtenfels à trente kilomètres au nord nord-est de Bamberg, près de la source du Main, est sur la voie allant de Ratisbonne à la Weser en longeant la Werra.

Ainsi, les axes majeurs de l’activité commerciale se sont maintenus correctement du Ier siècle av. J.-C. jusqu’au début du IIIe siècle, voire un peu plus.

On peut dire que sans faire partie de l’Empire en termes politiques et administratifs, la grande Germanie faisait partie de l’Empire en termes économiques. Elle n’était pas exclue, et était une sorte de zone d’influence romaine. L’autorité locale était la seule ayant cours selon son usage comme bon lui semblait, mais à la condition tacite que les marchands et marchandises romains puissent circuler librement. Si des abus se manifestaient, les légions se manifestaient aussi ; c’est le sens des interventions de Domitien et de Marc-Aurèle. Seules les migrations des peuples qui déferleront une première fois sur l’Empire après 235, perturberont durablement ces axes. Les tribus germaniques qui vivaient en grande Germanie aux Ier et IIe siècles de notre ère, ont été les premières victimes des grandes invasions.

La Germanie durant l'Antiquité tardive

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Durant l'Antiquité tardive le long et complexe processus appelé « invasions barbares » ou « migration des peuples » amène une relativement nombreuse population de Germanie à se déplacer. Une première expansion IVe siècle la porte d'abord vers l'Est, jusque dans l'actuelle Ukraine. Mais l'intrusion subite et massive de la confédération de peuples venus d'Asie centrale sous la houlette des Huns met un terme à cette expansion et fait refluer les Germains vers le Sud et l'Ouest. Conquérants de l'Empire romain d'Occident au Ve siècle, ils sont « conquis par leur conquête », adoptant progressivement la religion des vaincus, le christianisme et leur langue écrite, le latin (sauf en Bretagne romaine où les peuples anglo-saxons conservent leurs langues germaniques). Leurs structures politiques et leur droit sont profondément modifiées au contact du modèle romain.

Épitaphe de Cheldofrida, retrouvée sur les terres de Germanie

En Germanie même, l'expansion au VIe siècle des Slaves vers l'Ouest fait reculer la limite orientale des parlers germaniques jusqu'à une ligne reliant l'embouchure de l'Elbe au golfe de Trieste. Il faut ensuite, durant le Haut Moyen Âge, plusieurs siècles de colonisation germanique pour que la « Germanie » culturelle et linguistique reprenne une partie des territoires perdus à l'Est. Vers l'Ouest et le Sud en revanche, au VIIe siècle, l'expansion des Angles, des Saxons, des Frisons puis de la Germanie franque débouche sur la création des royaumes anglo-saxons et de l'Empire carolingien, tandis qu'en Saxe et en Scandinavie, la civilisation germanique primitive perdure encore quelque temps. Les Scandinaves, pour leur part, connaîtront une période d'expansion au IXe siècle : « Vikings » et Varègues atteindront respectivement vers l'Ouest les îles Britanniques, les ports et les fleuves francs, l'Islande, le Groenland et Terre-Neuve ; vers l'Est la future Russie, Constantinople, et la mer Caspienne. Tous finissent par être progressivement christianisés[8].

Dans tous les cas, ces mouvements de populations, ces changements de religion et ces évolutions de civilisation « diluent » la Germanie et ses spécificités initiales en nouveaux ensembles dont l'Allemagne du haut Moyen Âge ne se considère que très partiellement la continuatrice, puisque son modèle est désormais l'« Empire romain » tel que veut le reconstruire la Papauté : le Saint-Empire romain[9].

La Germanie durant le Moyen Âge

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La dénomination Regnum Teutonicum indiquant les pays du Saint-Empire romain germanique au nord des Alpes commence à apparaître pour la première fois au XIe siècle, pour les délimiter du Regnum Italicum au sud. Jusqu'à cette époque, et en partie au-delà, ces domaines ont désigné l'« Austrasie », la « Francie orientale » ou « Germanie » en référence aux anciennes provinces romaines. Lorsque la lutte pour la succession dans l'Empire carolingien de Charlemagne se termina en 843 par le traité de Verdun, trois royaumes francs sont nés avec des connotations nationales successives; le Regnum Teutonicorum est gouvernée par le roi Louis II de Germanie.

Le terme teutonicus ne dérive pas directement du peuple des Teutons; il s'agit en réalité d'un terme latin, rencontré dans l'expression Furor Teutonicus. Le vieux haut allemand diutisc (*Þeodisk) (« du peuple») est un nom passé d'abord en celtique. Il repose sur l'indo-européen *teutā-, proto-germanique Þeudā, vieux haut allemand diot[a] «nation». Ce dernier élément est à l'origine de l'allemand deutsch[10],[11],[12]. Au XIIe siècle, l'évêque et chroniqueur Otton de Freising affirme que la Francie orientale s'appelle désormais Teutonicum regnum, qui sera traduit en français par « royaume de Germanie », et il lie le changement de terminologie avec l’arrivée au pouvoir des rois de la dynastie saxonne.

Rois de Germanie

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Le roi Louis II ne fut pas surnommé « le Germanique » avant le XVIIIe siècle. Néanmoins, il est désigné rex Germaniae dans les sources contemporaines.

Carolingiens

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Développement ultérieur

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Les successeurs de la dynastie franconienne et de la maison de Hohenstaufen portent toujours le titre de « roi des Romains ». Au Moyen Âge tardif, rex Romanorum est devenu le titre des rois élus qui ne sont pas encore couronnés empereur. Maximilien Ier de Habsbourg était le premier souverain à se faire appeler « empereur élu des Romains » (electus Romanorum imperator), faute d’avoir pu être couronné par le pape Jules II. Jusqu'à la dissolution de l'Empire en 1806, le titre de roi des Romains est préservé, désignant l'héritier présomptif de la couronne.

Cet article s'inspire de travaux de

Notes et références

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  1. a et b Dieter Geuenich, « Pourquoi les Alamans ont échoué face aux Francs », sur journals.openedition.org, (consulté le ).
  2. (de) Britta Fecke, « Die Germanen sind ein Mythos », sur deutschlandfunk.de, (consulté le ).
  3. Jan De Vries, « Kellen und Germanen », sur persee.fr, (consulté le ).
  4. G. de Mortillet, « Parenté des Francs et des Burgundes, leur origine », sur persee.fr, (consulté le ).
  5. Bruno Dumézil, « Les Francs ont-ils existé ? », sur lhistoire.fr, (consulté le ).
  6. Laurence Charlotte Feffer et Patrick Périn, Les Francs, vol. 1 et 2, Paris, Armand Colin, coll. « Civilisations », , 229 p. (ISBN 2-200-37080-6 et 2-200-37072-5, BNF 37700985, présentation en ligne), [présentation en ligne]
  7. Colette Beaune, Naissance de la nation France, Paris, éd. Gallimard, coll. « Folio Histoire », , 574 p. (ISBN 2-07-032808-2), p. 26.
  8. Michel Balard et Jean-Philippe Genêt, Des Barbares à la Renaissance, t. 20, Paris, Hachette, coll. « Initiation à l'Histoire », 1988, 280 p., (ISBN 978-2-010-06274-2)
  9. C'est sous la dynastie des Ottoniens, au Xe siècle, que l'Empire se forme à partir de l'ancienne Francie orientale carolingienne. La désignation Sacrum Imperium est attestée pour la première fois en 1157 ; le titre Sacrum Romanum Imperium apparaît vers 1184 pour être utilisé de manière définitive à partir de 1254 (Gerhard Krause, Gerhard Müller, Siegfried M. Schwertner, Theologische Realenzyklopädie. Band 28. Pürstinger-Religionsphilosophie, Walter de Gruyter, 1997, p. 447). Le complément Deutscher Nation (en latin Nationis Teutonicae, en français « de [la] Nation teutonique ») n'a été ajouté qu'au XVe siècle.
  10. Julius Pokorny, Indogermanisches etymologisches Wörterbuch, Francke Verlag, Berne, t. 2, 1969, p. 1 080.
  11. Calvert Watkins, The American Heritage Dictionary of Indo-European Roots, Houghton Mifflin Company, Boston, 1985, p. 71a.
  12. Gerhard Köbler, Indogermanisches Wörterbuch, 3. Auflage, 2000, p. 221 – 225.

Bibliographie

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  • Werner Eck, La romanisation de la Germanie, Paris, Errance, , 102 p. (ISBN 978-2-87772-366-4)
  • (en) Malcolm Todd, The early Germans, Malden, Blackwell Publishing, coll. « Peoples of Europe », , 2e éd., 266 p. (ISBN 978-1-4051-1714-2)

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Articles connexes

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Antiquité romaine

Liens externes

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