Aller au contenu

Gerda Taro

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Gerda Taro
Gerda Taro en juillet 1937.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom de naissance
Gerta PohorylleVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Gerda TaroVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Période d'activité
Père
Heinrich Pohorylle (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mère
Gisela Boral (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
A travaillé pour
Alliance-Photo ()
Magnum PhotosVoir et modifier les données sur Wikidata
Conflit
Mouvements
Œuvres principales
Plaque commémorative
Tombe de Gerda Taro au cimetière du Père-Lachaise (division 97).

Gerta Pohorylle, dite Gerda Taro, née le à Stuttgart, Allemagne, et morte le à l'Escurial en Espagne, est une photojournaliste allemande, connue notamment pour ses reportages sur la guerre d'Espagne.

Elle a été la compagne du photographe de guerre Robert Capa, dont elle a inventé le pseudonyme et contribué à lancer la carrière.

Elle est la première femme photographe de guerre à avoir trouvé la mort lors d'un reportage, pendant la guerre civile espagnole, en 1937, à vingt-six ans.

La découverte tardive de nombreux négatifs donne une dimension nouvelle à son travail, longtemps sous-estimé.

Elle est inhumée au cimetière du Père-Lachaise à Paris, ville où elle avait trouvé refuge en 1933 pour échapper au nazisme.

Née au sein d'une famille modeste de commerçants juifs immigrés de Galicie, Gerta Pohorylle bénéficie d'une éducation bourgeoise et artistique. Sa famille, endettée, déménage à Leipzig vers 1930.

Elle y fait la connaissance d'un étudiant en médecine, Georg Kuritzke, qui lui confirme ses intuitions révolutionnaires. En 1933, après s’être jointe à des groupes de gauche anti-nazis[1], elle est arrêtée pour distribution de tracts et fait l’expérience de la prison. À la fin de la même année, face à la montée de la répression contre les opposants politiques, elle est contrainte de quitter l’Allemagne[2].

Elle s'installe à Paris fin 1933 avec son amie Ruth Cerf. En ces temps où la France souffre de la Grande Dépression économique mondiale, Gerda ne trouve que des travaux occasionnels (jeune fille au pair, dactylographe, secrétaire, modèle), et passe une partie importante de sa vie dans les cafés du quartier du Montparnasse, notamment Le Dôme et Le Capoulade, où bon nombre d'artistes et d'intellectuels se retrouvent, se lie avec d'autres anti-fascistes réfugiés en France[3],[4].

Elle y anime le groupe Leipziger Kreis avec Trudel Frank-Fromm, Ruth Cerf et Willi Chardack, groupe qui se réunit au café Capoulade sur le boulevard Saint-Michel, et auquel participent les membres du S.A.P (Parti socialiste ouvrier d'Allemagne) en exil[2].

Elle travaille ensuite comme assistante à l'agence Alliance-Photo créée par Maria Eisner, Pierre Verger et Pierre Boucher en 1934[5].

L’« invention » de Robert Capa

[modifier | modifier le code]
Robert Capa photographié par Gerda Taro en mai 1937.
Soldate républicaine à Barcelone, Gerda Taro, photographie sur la plage du Somorrestro, à Barcelone, août 1936.

Gerda Taro fait la connaissance du photographe d'origine hongroise Endre Ernő Friedmann, avec qui elle travaille et entretient une liaison amoureuse à partir de 1935. Elle le fait entrer à Alliance-Photo[5].

Leur carrière ne décolle pas vraiment, jusqu'au stratagème qui lance la carrière de Friedmann. En effet, elle invente pour lui le personnage du « photographe américain » et lui donne le pseudonyme de Robert Capa. Elle choisit pour elle-même celui de Gerda Taro. Gerda fait avec talent la promotion des clichés de son compagnon auprès des journaux.

1936, première carte de presse

[modifier | modifier le code]

Sa première carte de presse date du , délivrée par A.B.C. Press-Service, une agence de photo d'Amsterdam.

Dès le début de la guerre d'Espagne, Taro et Capa suivent les combats des Brigades internationales aux côtés des combattants républicains, comme photographes de guerre.

Alors qu'ils signent leurs photos de leurs deux noms, Capa y gagne une reconnaissance mondiale, tandis que le travail de Taro reste dans l’ombre. Elle décide de le quitter pour couvrir le bombardement de Valence et vendre son travail sous son seul nom[6].

1937, la mort en reportage

[modifier | modifier le code]
L'annonce de la mort de Gerda Taro dans la presse française.

Lors des violents combats autour de Madrid près de Brunete, elle est écrasée par un char républicain alors qu'elle était juchée sur le marchepied d'une voiture où se trouvait également Ted Allan, envoyé spécial de la Federated Press et du journal Clarion de Toronto, qui a eu un pied cassé[7],[8].

Elle meurt le lendemain de l'accident, le [9], à l'hôpital de l'Escurial où des amis, le poète Rafael Alberti et son épouse María Teresa León, vont reconnaître le corps.

Elle est la première femme[10] photographe de presse tuée dans l'exercice de ses fonctions[11].

Son enterrement au cimetière du Père-Lachaise, le , en présence de milliers de personnes, devient une manifestation antifasciste. Son éloge funèbre est prononcé par Pablo Neruda et Louis Aragon[12]. Sa tombe située près du mur des Fédérés, division 97 du cimetière, est dessinée par le sculpteur Alberto Giacometti à la demande d'Aragon : il l'orne d'une simple vasque et d'un oiseau mythologique, le faucon Horus, symbole de lumière et de résurrection[13]. La date de naissance mentionnée sur la tombe est 1911 au lieu de 1910. Sa tombe est profanée par les nazis en 1942[2].

En septembre 1937, lors de son premier voyage à New York, Robert Capa convainc, avec l'aide de son agent Léon Daniel, les Éditions Covici-Friede de publier Death in the Making, un album d'une centaine de photos réalisées en Espagne. Il s'agit de reportages que Gerda Taro et Robert Capa ont effectués ensemble ou séparément entre et , pour les hebdomadaires Vu et Regards, ainsi que pour le quotidien Ce Soir dirigé par Louis Aragon. La préface est signée du journaliste du Chicago Tribune Jay Allen, la maquette, du photographe hongrois André Kertész. L'album paraît au début de l'année 1938. Après Gerda, le roman de Pierre-François Moreau publié en 2018 restitue cet épisode de la vie de Robert Capa. L’amour était presque parfait, le roman de Jean-Michel Thénard publié en 2023 revient également sur cet épisode de la vie de Robert Capa avant sa rencontre avec l’actrice Ingrid Bergman.

La valise mexicaine

[modifier | modifier le code]

En 2007, une valise retrouvée à Mexico, contenant 4 500 négatifs de Gerda Taro, Robert Capa et David Seymour réalisés au cours de la guerre d’Espagne, permet de considérer sous un nouvel angle l'importance du travail de Gerda Taro et sa relation professionnelle avec Robert Capa. En effet, certaines photographies attribuées à Capa seraient en fait l'œuvre de Taro[6],[9].

Postérité et hommages

[modifier | modifier le code]

Hommages publics

[modifier | modifier le code]

En 2012, le groupe anglais Alt-J sort une chanson intitulée Taro. Elle raconte la mort du photographe Robert Capa, compagnon de Gerda Taro, tué par une mine pendant la guerre d'Indochine.

Le , Google a rendu hommage à Gerda Taro sur la page d'accueil de son moteur de recherche, avec un Doodle montrant une illustration de la photographe souriante et tenant un appareil 24x36, sur fond de négatif noir et blanc, avec la mention : « Il y a 108 ans naissait Gerda Taro »[18].

Bibliographie

[modifier | modifier le code]
  • Irme Schaber, Gerda Taro. Une photographe révolutionnaire dans la guerre d'Espagne, Monaco, Éditions du Rocher, coll. « Anatolia », 2006 (ISBN 2-268-05727-5) ; titre original (de) Gerda Taro Fotoreporterin im spanischen Bürgerkrieg
  • François Maspero, L'Ombre d’une photographe, Gerda Taro, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Fiction et Cie », 2006 (ISBN 2-02-085817-7)
  • Susana Fortes, En attendant Robert Capa, Éditions Héloïse d’Ormesson, 2011, (ISBN 2350871533)
  • Jane Rogoyska, Gerda Taro. Inventing Rober Capa, London, Johnathan Cape, 2013, (ISBN 9780224097130)
  • (en) Ruth Styles, « Dramatic story of 1930s pioneer Gerda Taro, the first female photographer to die in battle, brought to life in new book », Daily Mail,‎ (lire en ligne, consulté le )
  • Helena Janeczek La fille au Leica, Arles, 2018 Actes Sud, , 384 p
  • Olivier Weber, Dans l'oeil de l'archange, Calmann-Lévy, 2023.

Documentaires

[modifier | modifier le code]

Notes et références

[modifier | modifier le code]
  1. « La fille au Leica », sur France Culture (consulté le )
  2. a b et c « Gerda Taro, le sourire caché d’une jeunesse immortelle », sur L'Humanité,
  3. Christian Bouqueret, Les femmes photographes, Marval, , p. 121
  4. (en) Irme Schaber, Richard Whelan, Kristen Lubben, Gerda Taro, , p. 13
  5. a et b Thomas Michael Gunther, Marie de Thézy, Alliance Photo, agence photographique 1934-1940. Cat. exp, Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 1988-1989. Paris : BHVP, 1988.
  6. a et b Ruth Styles 2013, p. 1
  7. Mlle Taro, correspondante de Ce Soir, tuée sur le front de Brunete, Le Droit du Peuple (Quotidien socialiste Genève-Lausanne) (page 2), 29 juillet 1937. Archive Scriptorium de la Bibliothèque cantonale et universitaire (Lausanne)
  8. Les dangers du métier, Feuille d'Avis de Lausanne (page 18), 27 juillet 1937. Archive Scriptorium de la Bibliothèque cantonale et universitaire (Lausanne)
  9. a et b Alain Esterzon, « Gerda Taro, la fille au Leica », sur revues.be (consulté le )
  10. Laurent Gervereau, Histoire du visuel au XXe siècle, Seuil, , p. 154
  11. « Leur amie Gerda Taro, cinéaste et photographe, épouse de Robert Capa, périt, elle, […], sur le front de Brunete. Le troisième voyage espagnol de [Paul] Nizan, cette année-là, fut pour ramener en France le corps de Gerda [Taro]. »Pascal Ory, Nizan destin d’un révolté, édition Complexe, Bruxelles, 2005 (ISBN 2-8048-0029-6), p. 151.
  12. Irme Schaber, Richard Whelan et Kristen Lubben, Gerda Taro=, International Center of Photography, , p. 31.
  13. Paul Bauer, Deux siècles d'histoire au Père Lachaise, Mémoire et Documents, , 867 p. (ISBN 978-2-914611-48-0), p. 740
  14. « Conseil de Paris » (consulté le )
  15. « Le Salon de la Photographie du 13ème rend hommage à Gerda Taro », sur 9 Lives Magazine, (consulté le )
  16. « Délibération du Conseil de Paris » (consulté le )
  17. « Exposition / Femmes photographes de guerre », sur museeliberation-leclerc-moulin.paris.fr, (consulté le ).
  18. (en) « Gerda Taro’s 108th Birthday », sur www.google.com (consulté le )
  19. « film-documentaire.fr - Portail du film documentaire », sur www.film-documentaire.fr (consulté le )
  20. « « Sur les traces de Gerda Taro », sur France 5 : la courte et intense vie d’une pionnière du photojournalisme », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )

Articles connexes

[modifier | modifier le code]

Liens externes

[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :