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Fer zérovalent

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Le fer zérovalent, également écrit fer zéro-valent ou « NPF0 », est une poudre de fer de pureté élevée et de haute qualité. Cette poudre est utilisée en particulier pour le traitement ou le conditionnement de l’eau, pour créer des barrières réactives perméables et d’autres applications de dépollution des sols.

Diagramme montrant les différents états du fer en fonction de l'acidité d'un milieu et du potentiel d'oxydoréduction de celui-ci.
Diagramme de Pourbaix du fer, montrant dans quelles conditions d'acidité et de potentiel d'oxydoréduction il est à l'état natif.

Les particules de fer zérovalent sont de taille nanométrique. Leur composition est systématiquement double. Le cœur de la particule se compose de fer métallique et la périphérie d’oxydes et d’hydroxydes de fer Ce lien renvoie vers une page d'homonymie. Cette double composition permet aux nanoparticules d'être dotées de caractéristiques de sorption, par les oxydes, et d'oxydoréduction par le fer métallique[1].

Fabrication

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Le fer zérovalent consiste à réduire des déchets de fer vierges recyclés intégralement en obtenant une teneur en fer supérieure à 92 % et une faible teneur en carbone ainsi qu'en autres résidus[2].

Plusieurs procédés permettent d'obtenir du fer zérovalent :

Méthode d'obtention du fer zérovalent
Catégorie Nom Procédé Atouts et handicaps
Procédé mécanique Par broyage ou attrition, le matériau initial est introduit en contact avec des billes de plus grande taille servant d’agent de broyage, entraînées à haute vitesse. Les frottements désagrègent le matériau jusqu'à l'obtention d'une poudre nanométrique. Ce procédé est très consommateur en énergie. D'autre part, il nécessite que le matériau de départ soit assez fragile[3].
Procédé chimique simple Réduction au borohydrure de sodium Les réactions suivantes sont utilisées :

Les NPF0 synthétisées par cette méthode ont une taille comprise entre un et cent nanomètres et une surface spécifique de 33,5 m²/g. Les paramètres opératoires peuvent en partie influencer la composition et les propriétés de surface des particules de fer produites[4].
Synthèse à partir de dithionite de sodium Les réactions suivantes sont utilisées :


L'avantage du dithionite de sodium est qu'il est moins dangereux et moins cher que le borohydrure[5].
Synthèse électrochimique La réaction se fait dans un électrolyseur chargé d'une solution de :
à la cathode
À l'anode, du dichlore est produit.
Un courant de 20 V et de 0,4 A est utilisé, avec un rendement de 70 %. Le stabilisateur permet d'éviter la coalescence. Les particules produites ont un diamètre de dix à vingt nanomètres et une surface spécifique de 25,4 m²/g[6].
Synthèse par condensation de vapeur Le pentacarbonyle de fer est porté à l'état gazeux à 150 °C, puis décomposé par de l’hélium à 350 °C dans un four. Les particules sont ensuite condensées par de l’azote liquide et collectées sous atmosphère inerte. La taille résultant dépend de la température de décomposition du [7].
Synthèse par réduction de goethite et hématite Réduction de particules de goethite et hématite par de l’hydrogène entre 200 et 600 °C. Les particules résultantes peuvent se présenter sous forme de poudre sèche ou de suspension avec un pH compris entre 8 et 10[8].
Utilisation de thé vert Les réducteurs utilisés sont les polyphénols présents dans le thé vert. La réaction se fait à température ambiante et sous atmosphère non inerte :
Fe2+ + 2 Ar–(OH)en → n Fe0 + 2n Ar=O + 2n H+.
Ces réducteurs sont biodégradables, non toxiques et solubles dans l’eau à température ambiante. Les particules résultantes sont sphériques et de taille comprise entre quarante et cinquante nanomètres[9].
Procédé chimique permettant d'obtenir des particules modifiées Dépôt d’un autre métal par cémentation Deux étapes sont nécessaires : la préparation du fer zérovalent est suivie du dépôt d’un autre métal par cémentation. Par exemple avec du palladium :
.
Le coût des métaux ajoutés est plus élevé que celui du fer zérovalent ; les performances en sont améliorées d'un facteur six environ, mais seulement en conditions expérimentales ; par ailleurs, l'utilisation de ces additifs crée une dissémination de métaux toxiques dans l’environnement[10].
Combinaison avec des additifs Le carbone est un additif souvent ajouté car les matériaux carbonés adsorbent les contaminants organiques hydrophobes. Des polyélectrolytes solubles dans l'eau peuvent également être ajoutés pour stabiliser les particules et améliorer leur transfert dans le sol[10].

Utilisation

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Double schéma montrant les mises en place, selon deux procédés techniques, de fer zérovalent dans des barrières réactives perméables traitant chacune une pollution des eaux souterraines.

La dépollution de sols grâce au fer zérovalent est une des techniques utilisant la nanoremédiation.

Dépollution de sols chlorés

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Le fer zérovalent est une des solutions utilisées pour dépolluer les sols souillés au chlordécone. Dans le cas de la pollution antillaise, l'utilisation du fer zérovalent permet de réduire la concentration en chlordécone de 68 % en 94 jours. Mais le coût de l'opération est de 160 000 euros par hectare, soit 3,2 milliards d'euros pour les vingt mille hectares contaminés[11].

De manière plus générale, les polluants chlorés sont transformés par réaction avec le fer zérovalent en éthylène et en chlorures non toxique. Certaines techniques permettent d'observer, du moins en laboratoire, des taux de dépollution de 95 %[12],[13],[14].

Dépollution de sols chromés

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La dépollution du chrome grâce au fer zérovalent se fait par réduction de ses formes les plus toxiques[14].

Contribution à la création d'un milieu anaérobie

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La présence du fer permet d'une part une réaction avec le polluant. En outre, le fer réagit également avec l'eau du sol ou de la nappe. L'environnement résultant s'appauvrit en dioxygène et s'enrichit en dihydrogène. Le déficit en dioxygène crée un milieu anaérobie, où de nombreux micro-organismes peuvent proliférer, ces micro-organismes détachant les atomes de chlore des polluants pour les transformer en ions[14].

La toxicité des nanoparticules de fer elles-mêmes est encore mal connue. Leur taille nanométrique est le facteur permettant d'augmenter très fortement la surface réactive et donc de minimiser le temps de dégradation des polluants ; mais elle permet aussi la traversée de la barrière cutanée et donc l'entrée de ces particules dans l'organisme[14].

Notes et références

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  1. Tanina Kabeche 2014, 4 Caractérisation des nanoparticules de fer zérovalent — 4.1 Composition des NPF0, p. 16.
  2. « Fer zéro valent (ZVI) », Envirotechnics (consulté le ).
  3. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.1. Synthèse par voie mécanique, p. 8.
  4. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — i. Synthèse par réduction au borohydrure, p. 9.
  5. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — ii. Synthèse de NPF0 à partir de dithionite de sodium, p. 10.
  6. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — iii. Synthèse par voie électrochimique, p. 10.
  7. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — iv. Synthèse par condensation de vapeur, p. 10.
  8. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — v. Synthèse par réduction de goethite et hématite, p. 10 & 11.
  9. Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — vi. Synthèse “verte” de nanoparticules, p. 11.
  10. a et b Tanina Kabeche 2014, 3. Synthèse de nanoparticules de fer zérovalent — 3.2 Synthèse par voie chimique — vii. Synthèse par voie chimique de nanoparticules de fer zéro modifiées, p. 15.
  11. Guillaume Le Du, « Chlordécone aux Antilles. Des solutions à l’étude pour faire face à cette “pollution de 100 ans” », Ouest-France,‎ (ISSN 1760-6306, lire en ligne, consulté le ).
  12. « Traiter les sols pollués par injection de fer zéro valent », L'eau, l'industrie, les nuisances, no 376,‎ (ISSN 0755-5016, lire en ligne, consulté le ).
  13. « Traiter in situ les sols et eaux par nanoparticules de fer zéro-valent », L'eau, l'industrie, les nuisances, no 376,‎ (ISSN 0755-5016, lire en ligne, consulté le ).
  14. a b c et d Noële Enjelvin, Jean-Louis Morel et Marie-Odile Simonnot, « Des nanoparticules de fer pour dépolluer les sols », The Conversation,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Bibliographie

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  • [Yann Sivry 2014] Yann Sivry, « Utilisation des nanoparticules de fer zéro-valent dans le traitement des boues d’épuration : bénéfice ou risque ? », Bulletin de veille scientifique, ANSES, no 23,‎ , p. 15-19 (ISSN 1950-4764, lire en ligne, consulté le )
  • [Joubert et alii 2014] Antoine Joubert et al., Traitement d’une zone source en TCE et CrVI par injection de nanoparticules de Fer Zéro Valent optimisées, Paris, ADEME, , 4 p. (lire en ligne)
  • [Tanina Kabeche 2014] Tanina Kabeche, Procédé de traitement in situ des sites pollués par réduction chimique à l'aide de micro et nanoparticules de fer zérovalent, Nancy, Université de Lorraine, , 286 p. (lire en ligne)
  • [Romain Rodrigues 2017] Romain Rodrigues, Mécanisme et cinétique de la déchloration réductrice de l’hexachlorobutadiène et de l’hexachloroéthane par action de réactifs à base de fer zéro-valent, Toulouse, Université Toulouse 3, , 271 p. (lire en ligne)