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Berenice Abbott

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Berenice Abbott
Berenice Abbott par Hank ONeal en 1979.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 93 ans)
MonsonVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
New Blanchard Cemetery (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonyme
Abbot, BereniceVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Activités
Période d'activité
Autres informations
A travaillé pour
Man Ray (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Mouvement
Maître
Genres artistiques
Distinctions
Women's Caucus for Art Lifetime Achievement Award ()
Ohio Women's Hall of Fame (en) ()Voir et modifier les données sur Wikidata
Archives conservées par
New York Public Library Main Branch (en) (MssCol 17972)[1]Voir et modifier les données sur Wikidata

Berenice Abbott, née le à Springfield (Ohio) et morte le à Monson dans le Maine, est une photographe portraitiste puis scientifique américaine.

Elle a contribué à faire connaître les œuvres d'Eugène Atget et de Lewis Hine. Elle est connue également pour ses photographies de New York, ainsi que pour ses photographies sur des thèmes scientifiques.

Berenice Abbott naît en 1898[2],[3].

À dix-neuf ans, Berenice Abbott fuit une enfance malheureuse dans une famille décomposée en rejoignant l'université de l'Ohio et rapidement les Beaux Arts de la ville de New York[4] où elle fréquente Greenwich Village et ses cercles d'artistes et d'intellectuels. Elle y rencontre Man Ray, la baronne Elsa von Freytag-Loringhoven ou encore Marcel Duchamp.

Paris, Man Ray et Atget

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Après quelques essais en sculpture et en peinture, elle tente sa chance en Europe en embarquant vers Paris en mars 1921[2]. Là, elle travailla dans l'atelier d'Antoine Bourdelle, puis dans l'atelier de Constantin Brancusi.

Elle est bientôt rejointe par d'autres Américains mais elle reste sans revenu et sans vocation. Elle séjourne également à Berlin, sans meilleure réussite financière, et étudie à la Kunstschule avant de revenir à Paris. Man Ray lui propose de devenir son assistante[2]. Elle pose également nue pour lui[5]. Elle dira ultérieurement que Man Ray photographie les femmes comme «de jolis objets»[6]. Il lui apprend les techniques du tirage en laboratoire pour lesquelles elle se montre douée puis celle de la prise de vue. Les portraits qu'elle fait de ses amis plaisent et elle réussit à en tirer quelques revenus. La concurrence avec Man Ray l'oblige à le quitter rapidement[5].

Le studio qu'elle ouvre en 1926 au 44, rue du Bac[6], avec l'aide de Peggy Guggenheim connaît le succès[2]. André Gide, Jean Cocteau, James Joyce, Marie Laurencin, Pierre de Massot, André Maurois, Djuna Barnes, la princesse Murat y sont photographiés. La princesse Murat est photographiée en train de fumer, Sylvia Beach, drapée dans un ciré, le poing sur la hanche et Janet Flanner en habit d'Oncle Sam[6].

Après avoir découvert Eugène Atget en 1925, alors malade et âgé de soixante-dix ans, grâce à Man Ray, elle lui achète quelques tirages. Elle saisit la modernité de ses travaux photographiques[6]. En 1927, elle se décide à lui demander de poser pour elle. La photo est émouvante, Eugène Atget ayant désormais un profil voûté et une apparence bien fragile[5]. Quand elle vient lui présenter ses photos, il est trop tard. Le photographe dont elle admirait tant l'œuvre était mort peu après la séance. Elle profite de sa bonne situation financière pour acheter toutes les archives négligées d'Atget avec le soutien du galeriste Julien Levy. Elle ne cesse de défendre son œuvre par des livres et des expositions[6], et c'est un déchirement quand, plus tard, elle est contrainte de vendre 50 % des droits. De par les articles et les livres qu'elle a publié sur le travail d'Atget, Berenice Abbott a contribué à faire connaître son œuvre. Elle collabore au nouveau magazine français illustré VU.

Berenice Abbott 1930.

Changing New York

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En 1929, au cours d'un passage à New York, elle est surprise par les changements : la ville qu'elle habitait huit ans auparavant est en train de disparaître[5]. Cet étonnement est à l'origine de son premier projet photographique d'envergure : Changing New York[7],[8],[9] qui aboutit en 1939[10] à une exposition au musée de la ville de New York.

Mais la vie à New York n'est pas aussi aisée qu'elle le pensait et sa renommée parisienne ne lui sert à rien en Amérique où la concurrence entre photographes est plus rude qu'ailleurs. Et Berenice Abbott n'appartient pas au cercle des admirateurs d'Alfred Stieglitz qui domine alors le microcosme photographique imposant le modèle pictorialiste. La crise de 1929 et la Grande Dépression qui suit réduisent considérablement ses revenus. Les financements, pourtant modestes, qu'elle sollicite pour Changing New York lui sont refusés[5], malgré les expositions intermédiaires qui lui apportent une reconnaissance limitée.

En 1935, un poste d'enseignement de la photographie lui assure un revenu fixe et son projet est enfin reconnu par le Federal Art Project. Elle peut alors s'y engager pleinement et le projet débouche en 1937 sur une exposition au musée de la ville de New York[11], suivi d'un portfolio dans le magazine Life et d'un livre en 1939. Forte de ce succès elle continue à valoriser l'œuvre d'Atget et découvre celle d'un autre photographe dédaigné des pictoralistes : Lewis Hine. Elle démissionne en 1939 quand son programme est interrompu.

Son travail, sur le thème de l'architecture de New York, a été commenté et revu avec le travail de Eugène Atget, dans des perspectives historicistes et compte tenu de leurs implications esthétiques: « (...) les deux auteurs coïncident dans la recherche et l'exaltation de la beauté intrinsèque de leurs objectifs, indépendamment de la qualité et de la clarté de leurs références »[12].

La photographie scientifique

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Elle s'intéresse désormais à la photographie scientifique estimant que, alors que la majorité en ignore tout, la science domine le monde contemporain. Elle fait le pari que la photographie doit contribuer à la culture scientifique des Américains, mais elle est, pendant quelques années, la seule à défendre cette conviction. Déjà oubliée de la mode photographique, elle repart en quête de financements, vivant dans l'intervalle de maigres commandes. C'est le lancement de Spoutnik par l'URSS en 1957 qui lui donnera raison. Les États-Unis, craignant d'être dépassés par les Soviétiques, décident de financer davantage de projets scientifiques. Berenice Abbott obtient de collaborer avec le Massachusetts Institute of Technology et peut en quelques années réaliser les photos auxquelles elle pense depuis vingt ans.

Sa santé fragile l'oblige à quitter New York pour s'établir dans le Maine, elle y réduit peu à peu ses activités photographiques pour se consacrer à l'écriture : The World of Atget est publié en 1964, suivi d'ouvrages techniques. Elle tombe à peu près dans l'oubli qu'elle a tenté d'éviter à Atget puis Hine. Mais dans les années 1970, son œuvre bénéficie du regain d'intérêt général pour la photographie. Elle reçoit de nombreux prix et honneurs. C'est avec une part d'amertume qu'elle apprécie ce succès tardif. Elle meurt le 9 décembre 1991 dans le Maine, à 93 ans[6],[13].

Conception de la photographie

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L'œuvre de Berenice Abbott illustre une conception de la photographie qu'elle résume en défendant Changing New York pour lequel elle expliquait : « Le rythme de la ville n'est ni celui de l'éternité ni celui du temps qui passe mais de l'instant qui disparaît. C'est ce qui confère à son enregistrement une valeur documentaire autant qu'artistique. »

L'essence de la photographie repose sur ce rapport au temps. Le rôle de la photographie est d'enregistrer cet instant qui disparaît que Roland Barthes appellera le ça a été. La photographie dans son rapport au temps fonctionne toujours au passé, comme représentation d'un temps devenu passé. Pourtant les images d'Abbott, comme celles de Lewis Hine et d'Eugène Atget ne sont pas seulement nostalgiques : le passé, en arrière, fixé sur photographie, est à sa place.

C'est pourquoi aussi la photographie requiert de l'« authenticité » : le ça a été se perd dans la photographie manipulée ou à prétention artistique telle que la pratiquent les pictorialistes. La photographie telle que la conçoit Berenice Abbott doit marcher d'elle-même. Débutante, elle disait les photos viennent bien. En 1951, elle continue à déranger les photographes intellectualistes en déclarant It has to walk alone. Selo Berenice Abbott, la photographie ne doit pas chercher à imiter la peinture par des compositions ou des manipulations savantes, elle doit continuer à chercher son essence dans ce rapport à l'instant.

Rue Berenice Abbott, Paris.

Vie privée

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Le film Berenice Abbott : A View of the 20th Century, qui a présenté 200 de ses photographies en noir et blanc, suggère qu'elle était une "fière proto-féministe", quelqu'un qui était en avance sur son temps dans la théorie féministe. Avant que le film ne soit terminé, elle a questionné, "Le monde n'aime pas les femmes indépendantes, pourquoi, je ne sais pas, mais je m'en fiche".

Elle était ouvertement lesbienne[14]. Elle a vécu avec sa partenaire l'historienne de l'art, critique d'art et écrivaine Elizabeth McCosland (en) pendant 30 ans, travaillant aussi avec elle sur des éditions de ses travaux[5],[15].

La vie et le travail de Berenice Abbott inspirent un roman en 2017, The Realist: A Novel of Berenice Abbott, à Sarah Coleman[16].

Publications

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Sur les autres projets Wikimedia :

  • 1939 : Changing New York, (réed. en 1973 sous le titre New York in the Thirties)
  • 1941 : A Guide to Better Photography
  • 1948 : The View Camera Made Simple
  • 1949 : Greenwich Village Today and Yesterday
  • 1953 : A New Guide to Better Photography
  • 1964 :
    • The World of Atget
    • Magnet
  • 1965 : Motion
  • 1968 : A Portrait of Maine
  • 1969 : The Attractive Universe

Expositions

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Expositions personnelles

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puis -  : Musée Carnavalet, Paris.
  • -  : Berenice Abbott, Jeau de Paume, Paris
puis : - Musée des beaux-arts de l'Ontario, Toronto.
  • -  : Berenice Abbott : retratos de la modernidad, Fondation Mapfre, Casa Gárriga Nogués, Barcelone
puis -  : Fondation Mapfre, Sala Recoletos, Madrid ; -  : Huis Marseille, Museum voor Fotografie, Amsterdam.

Expositions collectives

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  • -  : Atelier Man Ray : Berenice Abbott, Jacques-André Boiffard, Bill Brandt, Lee Miller : 1920-1935, Musée national d'Art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris.
  • -  : American modern : documentary photography by Abbott, Evans, and Bourke-White, Amon Carter Museum, Fort Worth
puis : - Art Institute of Chicago ; - Colby College Museum of Art, Waterville.
  • -  : Photo Femmes Féminisme 1860-2000 : collection de la Bibliothèque Marguerite Durand, Galerie des bibliothèques, Paris[19].

Bibliographie

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  • Hank O’Neal, Berenice Abbott, coll. « Photo Poche » no 61, 1995
  • Berenice Abbott, éd. Könemann, 1998
  • Michel Larivière, Dictionnaire historique des homosexuel-le-s célèbres (œuvre écrite), La Musardine, .Voir et modifier les données sur Wikidata
  • Bonnie Yochelson et F. Reynaud, Berenice Abbott, Éditions Hazan, 1999
  • Ron Kurtz et Hank O'Neal, Berenice Abbott – Portraits Parisiens 1925-1930, Steidl / Commerce Graphics, 2016

Évocation dans la littérature

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Notes et références

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  1. « https://archives.nypl.org/mss/17972 » (consulté le )
  2. a b c et d Gaëlle Morel, « Berenice Abbott », dans Luce Lebart et Marie Robert (dir.), Une histoire mondiale des femmes photographes, Éditions Textuel, , p. 151
  3. (en) Frank R. Abate, The Oxford Desk Dictionary of People and Places, New York, Oxford University Press, , 879 p. (ISBN 978-0-19-513872-6, présentation en ligne), p. 3
  4. Carole Naggar, Dictionnaire des photographes, Paris, Seuil, , 443 p. (ISBN 2-02-006288-7, lire en ligne), p. 9
  5. a b c d e et f « Berenice Abbott, portraitiste de l'Amérique des villes et des champs », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  6. a b c d e et f « Berenice Abbott, une femme objective », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  7. Olivier Lugon, « Bonnie Yochelson, Berenice Abbott. Changing New York, New York, The New Press/The Museum of the City of New York, 1997, 399 p., 307 ill. NB, 60 $. », Études photographiques, no 5,‎ (lire en ligne)
  8. Brigitte Ollier, « Berenice Abbott, l’instant à l’état brut », Libération,‎ (lire en ligne)
  9. Brigitte Ollier, « Berenice Abbott, le regard à l’affût », Libération,‎ (lire en ligne)
  10. Ian Jeffrey, Le musée de la photo, Phaidon, coll. « Photographie », , 520 p. (ISBN 978-0-7148-9343-3), p. 7
  11. Le musée de la ville de New York a été fondé en 1923 dans sa première résidence à Gracie Mansion. Le musée élit domicile au 1220 Fifth Avenue en 1932 et y réside depuis. Voir le site du musée de la ville de New York (en)
  12. (es) Jerome Saltz, Estructura y armonía. Ciudades y arquitecturas. Tres visiones fotográficas: Eugène Atget, Berenice Abbott, Amanda Bouchenoire, Mexico, Greka Editions. Schedio Biblio, , p. 42
  13. « Mort de Berenice Abbott », Le Monde,‎ (lire en ligne)
  14. (en-US) John Morris, « An American from Paris: Photographer Berenice Abbott », sur Vanity Fair (consulté le )
  15. « Revolt, They Said », sur www.andreageyer.info (consulté le )
  16. Courtney Zoffness, « Art Lives: Sarah Coleman’s “The Realist: A Novel of Berenice Abbott” », sur Los Angeles Review of Books (consulté le )
  17. « Berenice Abbott », sur Centre Georges-Pompidou.
  18. Hervé Guibert, « Déménagements photographiques », Le Monde,‎ (lire en ligne).
  19. « Féminisme : la collection Durand », sur L'Œil de la photographie.

Articles connexes

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Liens externes

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