Antépiphore
L'antépiphore (substantif féminin), du latin ante ("avant) et phorê ("porter ensuite"), est une figure de style qui consiste en une répétition d'un même groupe de mots (ou d'un même vers) au début et à la fin d'un paragraphe (ou d'une strophe). Très proche de l'épanadiplose, de l'anaphore et de l'épiphore dont elle est une variante, elle permet de créer un effet de circularité du discours ou de mettre en valeur des mots choisis.
Exemples
[modifier | modifier le code]« Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ?
Peut-on déchirer des ténèbres
Plus denses que la poix, sans matin et sans soir
Sans astres, sans éclairs funèbres ?
Peut-on illuminer un ciel bourbeux et noir ? »
— Charles Baudelaire, LIV. — L’Irréparable dans Les Fleurs du mal
« Le mal dont les hommes sont responsables est en fin de compte le vrai visage du mal »
« Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance
Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret,
L'amertume peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine peuvent étendre leur nuit,
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde. »
— Ilarie Voronca — Beauté de ce monde in Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde
Définition
[modifier | modifier le code]Définition linguistique
[modifier | modifier le code]L'antépiphore ressemble beaucoup à l'épanadiplose excepté qu'elle reproduit plusieurs mots ou un syntagme entier alors que l'épanadiplose ne reproduit qu'un mot. Elle consiste en la combinaison d'un phénomène d'épanaphore et d'épiphore, sous la forme d'un unique encadrement par un même texte (éventuellement réduit à très peu de mots) de tout le discours[1]. Il peut arriver que le mot apparaisse au début d'une phrase et à la fin de la phrase suivante :
« Pourtant, à deux pas de sa chaise, il se figea tel un chien d'arrêt: son père était là... Il venait de sentir l'odeur unique du tabac que fumait son père »
Néanmoins l'antépiphore concerne surtout le retour d'un même vers en début et fin de strophe ou de poème (voir l'exemple de Baudelaire) :
« Que vous disent les vieilles rues
Des vieilles cités?...
Parmi les poussières accrues
De leurs vétustés
Rêvant de choses disparues
Que vous disent les vieilles rues? »
— Emile Nelligan, Les Vieilles Rues dans Eaux-Fortes Funéraires
Définition stylistique
[modifier | modifier le code]L'antépiphore permet de donner une impression de clôture du discours, ne permettant pas la contestation. Elle permet aussi d'attirer l'attention par des mots mis en valeur en début et fin de phrase ou de vers voire de strophe. En poésie lyrique, elle peut aider à exprimer une passion ou une obsession (répétition de mots lugubres par exemple).
Genres concernés
[modifier | modifier le code]Historique de la notion
[modifier | modifier le code]Charles Baudelaire utilise beaucoup les ressources de l'antépistrophe, dans ses quintils notamment : Le Balcon, Réversibilité, Lesbos, L'irréparable ou encore Moesta et errabunda. Mais on peut signaler aussi les poètes Marceline Desbordes-Valmore dans les poèmes La reconnaissance (dans son recueil Romances) ou "Le Crieur de nuit" (Les Pleurs) et Leconte de Lisle dans La chanson du rouet.
Figures proches
[modifier | modifier le code]- Figure "mère": répétition stylistique
- Figures "filles": aucune
Notes et références
[modifier | modifier le code]- « Les figures de style », sur EspaceFrancais.com, (consulté le ).
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Pierre Pellegrin (dir.) et Myriam Hecquet-Devienne, Aristote : Œuvres complètes, Éditions Flammarion, , 2923 p. (ISBN 978-2081273160), « Réfutations sophistiques », p. 457.
- Quintilien (trad. Jean Cousin), De l'Institution oratoire, t. I, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Budé Série Latine », , 392 p. (ISBN 2-2510-1202-8).
- Antoine Fouquelin, La Rhétorique françoise, Paris, A. Wechel, (ASIN B001C9C7IQ).
- César Chesneau Dumarsais, Des tropes ou Des différents sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue, Impr. de Delalain, (réimpr. Nouvelle édition augmentée de la Construction oratoire, par l’abbé Batteux), 362 p. (ASIN B001CAQJ52, lire en ligne).
- Pierre Fontanier, Les Figures du discours, Paris, Flammarion, (ISBN 2-0808-1015-4, lire en ligne).
- Patrick Bacry, Les Figures de style et autres procédés stylistiques, Paris, Belin, coll. « Collection Sujets », , 335 p. (ISBN 2-7011-1393-8).
- Bernard Dupriez, Gradus, les procédés littéraires, Paris, 10/18, coll. « Domaine français », , 540 p. (ISBN 2-2640-3709-1).
- Catherine Fromilhague, Les Figures de style, Paris, Armand Colin, coll. « 128 Lettres », 2010 (1re éd. nathan, 1995), 128 p. (ISBN 978-2-2003-5236-3).
- Georges Molinié et Michèle Aquien, Dictionnaire de rhétorique et de poétique, Paris, LGF - Livre de Poche, coll. « Encyclopédies d’aujourd’hui », , 350 p. (ISBN 2-2531-3017-6).
- Michel Pougeoise, Dictionnaire de rhétorique, Paris, Armand Colin, , 228 p., 16 cm × 24 cm (ISBN 978-2-2002-5239-7).
- Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Premier cycle », , 256 p., 15 cm × 22 cm (ISBN 2-1304-3917-9).
- Hendrik Van Gorp, Dirk Delabastita, Georges Legros, Rainier Grutman et al., Dictionnaire des termes littéraires, Paris, Honoré Champion, , 533 p. (ISBN 978-2-7453-1325-6).
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- Nicole Ricalens-Pourchot, Dictionnaire des figures de style, Paris, Armand Colin, , 218 p. (ISBN 2-200-26457-7).
- Michel Jarrety (dir.), Lexique des termes littéraires, Paris, Le Livre de poche, , 475 p. (ISBN 978-2-253-06745-0).