Algorithme de Risch
L’algorithme de Risch, dû à Robert Risch (de), est un algorithme destiné aux systèmes de calcul formel, permettant de calculer des primitives, c'est-à-dire de déterminer une fonction, connaissant sa dérivée. L’algorithme transforme ce problème en un problème d'algèbre (ou plus précisément d'algèbre différentielle (en)). Il est basé sur la forme de la fonction à intégrer et sur des méthodes pour intégrer les fonctions rationnelles, les radicaux, les logarithmes, et les exponentielles. Risch, qui développa l'algorithme en 1968, l'a appelé une procédure de décision, parce qu'il est capable de déterminer si une fonction admet une primitive exprimable à l'aide des fonctions élémentaires (et, si c'est le cas, de la déterminer explicitement). L’algorithme de Risch est résumé (en plus de cent pages) dans Algorithms for Computer Algebra, de Keith Geddes (en), Stephen Czapor et George Labahn. L'algorithme de Risch–Norman, plus rapide mais moins général, fut développé en 1976.
Description
[modifier | modifier le code]L'algorithme de Risch a pour but d'intégrer des fonctions élémentaires, c'est-à-dire des fonctions obtenues par composition d'exponentielles, de logarithmes, de radicaux, des fonctions trigonométriques[1], et des quatre opérations arithmétiques (+ − × ÷). Laplace résolut ce problème pour le cas des fonctions rationnelles, en montrant que la primitive d'une telle fonction est somme d'une fraction rationnelle et de multiples de logarithmes de fractions rationnelles. L'algorithme suggéré par Laplace est généralement décrit dans les manuels de calcul intégral[2] ; en tant que programme informatique, il fut finalement implémenté dans les années 1960.
Entre 1833 et 1841, Liouville formula rigoureusement le problème que résout l'algorithme de Risch. Il montra (par des méthodes analytiques) que s'il existe une solution élémentaire g à l'équation g ′ = f, alors il y a des constantes αi et des fonctions élémentaires[3] ui et v telles que la solution soit de la forme
(c'est le théorème de Liouville-Rosenlicht). Risch développa une méthode permettant de ne considérer qu'un ensemble fini de fonctions élémentaires ayant la forme donnée par Liouville.
L'intuition amenant à l'algorithme de Risch vient du comportement de la dérivée des exponentielles et des logarithmes. Ainsi, pour f eg, on a
donc si eg apparaît dans une primitive, eg devrait déjà figurer dans la fonction initiale. De même, comme
- ,
si lnng apparaît, seules les puissances inférieures du logarithme devraient être dans la fonction initiale.
Exemple
[modifier | modifier le code]L'existence (ou non) d'une primitive élémentaire est extrêmement sensible aux détails exacts de la fonction à intégrer. Ainsi, la fonction suivante a une primitive élémentaire :
Mais ce n'est plus le cas si 71 est remplacé par 72. La raison profonde en est que le groupe de Galois de
est D(4), c'est-à-dire qu'il est engendré par les permutations (1 2 3 4) et (1 3), et contient huit éléments (comme celui de x4 − 2), alors que le groupe de Galois de
est S(4), engendré par les permutations (1 2), (1 3), (1 4), et contient 24 éléments.
Implémentation
[modifier | modifier le code]Transformer la procédure de décision de Risch en un algorithme pouvant être exécuté par un ordinateur, et ce de manière efficace, est une tâche complexe demandant l'utilisation d'heuristiques, et de nombreuses améliorations. De fait, en 2008, on ne connaissait aucun logiciel exécutant l'algorithme complet, quoique plusieurs systèmes de calcul formel utilisent une implémentation partielle. Le système Axiom est le seul annonçant avoir complètement implémenté la partie négative de l'algorithme, c'est-à-dire que si Axiom répond « non », la primitive demandée ne peut s'exprimer à l'aide des fonctions élémentaires, mais dans de nombreux cas, Axiom refuse de se prononcer.
Par exemple, Axiom (voir l'illustration ci-dessus) peut trouver une primitive élémentaire pour la fonction de l'exemple précédent :
La solution renvoyée est:
Beaucoup d'autres programmes ne peuvent trouver une primitive pour cette fonction qu'à l'aide d'intégrales elliptiques, des fonctions spéciales que l'algorithme de Risch ne sait pas traiter.
La fonction suivante[4] est un exemple plus complexe, que la plupart des logiciels n'arrivent pas à intégrer en se limitant aux fonctions élémentaires :
Pourtant, la primitive de cette fonction a une forme assez simple :
Décidabilité
[modifier | modifier le code]L'algorithme de Risch appliqué à des fonctions élémentaires quelconques n'est en fait qu'un semi-algorithme, parce qu'il doit vérifier à certaines étapes si des coefficients d'expressions partielles obtenues sont nuls ou non. Même pour des expressions assez simples, on sait que cette question est indécidable : c'est le théorème de Richardson.
Il faut remarquer que cette difficulté se présente également pour de nombreux algorithmes apparemment sans problème, tel que l'algorithme de division des polynômes[5]. C'est pourquoi, en pratique, on utilise des heuristiques pour déterminer (avec un risque d'erreur) si ces simplifications ont lieu ou non.
Généralisations
[modifier | modifier le code]On a pu étendre l'algorithme de Risch (tout comme le théorème de Liouville) à certaines classes de fonctions non élémentaires ; on consultera en particulier à ce sujet Bronstein 2005.
Notes
[modifier | modifier le code]- Ces deux derniers cas sont en fait combinaisons d'exponentielles et de logarithmes complexes
- On le trouvera par exemple en ligne « sur le site de les-mathematiques.net »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) (consulté le )
- Les u et les v sont "plus élémentaires" que g ; voir l'article théorème de Liouville-Rosenlicht pour plus de détails
- Cet exemple vient de Bronstein 1998.
- Pour une analyse détaillée de cette question, voir (en) « Mathematica 7 Documentation: PolynomialQuotient », Section: Possible Issues (consulté le )
Références
[modifier | modifier le code]- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Risch algorithm » (voir la liste des auteurs).
- (en) R. H. Risch, « The solution of the problem of integration in finite terms », Bulletin of the American Mathematical Society, vol. 76, no 3, , p. 605–608 (lire en ligne, consulté le )
- (en) Maxwell Rosenlicht, « Integration in finite terms », American Mathematical Monthly, Mathematical Association of America, vol. 79, no 9, , p. 963–972 (lire en ligne)
- (en) Geddes, Czapor, Labahn, Algorithms for Computer Algebra, Boston, Kluwer Academic Publishers, , 6e éd., 586 p. (ISBN 978-0-7923-9259-0)
- (en) Manuel Bronstein, Symbolic Integration I : Transcendental Functions, Springer, , 2e éd., 325 p. (ISBN 978-3-540-21493-9, LCCN 2004110974)
- (en) Manuel Bronstein, Symbolic Integration Tutorial, (lire en ligne)
- (en) Bhatt, Bhuvanesh, « Risch Algorithm », sur MathWorld