Emploi, pouvoir d’achat, augmentation des salaires et des pensions, conversion écologique de l’économie, révolution féministe, égalité réelle : les besoins de notre peuple sont immenses, les moyens à mobiliser doivent être à la hauteur si l’on veut surmonter la double crise, économique et sanitaire, qu’affronte la France, comme l’ensemble de la planète
Ainsi peut-on estimer à 27 milliards d’euros, chaque année, les dépenses supplémentaires que l’État, la Sécurité sociale et les collectivités territoriales devront engager pour les 500 000 embauches indispensables à la réponse aux urgences en matière de santé, d’éducation, de recherche, de sécurité, de justice... De même, 60 milliards seront indispensables pour mettre en œuvre le plan de développement des services publics. Les interventions sur le financement des entreprises, sous forme de nationalisations, de prises de participation ou de bonifications d’intérêt nécessiteront plusieurs dizaines de milliards. Dans le même temps, les entreprises auront à dégager des dépenses supplémentaires — de l’ordre de 50 milliards —, entraînées par la hausse du smic et la reconnaissance des qualifications. Quant à la réalisation effective de l’égalité salariale entre femmes et hommes, elle exigera une augmentation d’environ 140 milliards des salaires versés aux femmes et des cotisations sociales assises sur les salaires.
Au total, la réalisation des objectifs énumérés dans les pages précédentes exigera donc des dépenses de l’ordre de 300 milliards, chaque année, pour les finances publiques, et à peu près autant de la part des entreprises publiques et privées. Pour réunir cet argent, il ne suffira pas de répartir autrement les richesses existantes. Il faudra, en cinq ans, augmenter massivement la création de richesses dans le pays. Il faut donc beaucoup plus d’emplois, et des emplois de plus en plus efficaces, donc de mieux en mieux formés. C’est cette démarche qui inspire le projet de la France des Jours heureux.
Précisément, plus de six millions de personnes, soit près de 20 % de la population en âge de travailler, sont aujourd’hui en situation de chômage ou de sous-emploi. Si toutes ces personnes avaient la possibilité de déployer pleinement leurs capacités de création de richesses, le produit intérieur brut (PIB) s’en trouverait augmenté dans une proportion correspondante, soit de plus de 500 milliards d’euros. Il s’agit bien de rompre avec le type capitaliste de « croissance », ruineux pour les êtres humains et pour la planète, au profit d’un nouveau modèle de développement, écologique, social et économiquement plus efficace que la recherche obsessionnelle de la rentabilité du capital. Les multinationales de l’industrie et des services, les capitalistes des plateformes, qui exploitent avec cynisme une main-d’œuvre ultra-précaire, détournent les formidables gains de productivité engendrés par la révolution technologique informationnelle pour « réduire le coût du travail » et rejeter les salarié·e·s dans le chômage. Il conviendra, au contraire, d’utiliser ces gains de productivité pour économiser les ressources naturelles et l’énergie, pour réduire le temps de travail et pour dégager les moyens d’augmenter les dépenses pour les êtres humains : embauches, salaires, formation.
Cette masse de richesses supplémentaires aurait pour effet d’augmenter, en année pleine, de plus de 230 milliards les recettes de l’État, des collectivités territoriales et de la Sécurité sociale. C’est aussi grâce à cette augmentation de la richesse globale qu’il deviendra possible, dans les entreprises, d’obtenir l’augmentation des salaires et de mettre fin aux exonérations de cotisations sociales et autres niches fiscales qui minent les recettes publiques et tirent vers le bas les salaires et l’emploi. Au sein d’une valeur ajoutée elle-même fortement accrue grâce au développement de l’emploi et de la formation, la part des salaires, des cotisations sociales et des recettes fiscales reprendra ainsi, en cinq ans, les dix points perdus dans les années 1980, après la libéralisation financière et l’adoption de politiques influencées par le néolibéralisme.
En ce sens, la construction d’un système de sécurité de l’emploi et de la formation, rendant effectif le droit universel à l’emploi, est à la fois un objectif majeur de ce projet, et la clef de sa réalisation.
Cependant, le redressement de l’emploi – et la création supplémentaire de richesses qui en découlera – ne viendra pas automatiquement d’une augmentation de la demande. Il faudra surmonter l’obsession de la rentabilité et de la baisse du prétendu « coût du travail », qui domine la gestion des entreprises. Pour y parvenir, la première condition sera l’exercice de nouveaux pouvoirs par les salarié·e·s et leurs représentant·e·s, dans le but de changer l’utilisation des profits des entreprises et des crédits bancaires (proposition 4). À l’appui de ces nouveaux pouvoirs dans l’entreprise, une véritable révolution de la fiscalité et du crédit aura pour objet de faire pression sur le comportement des grands groupes et des banques, tandis que seront encouragés, par un dispositif de crédits superbonifiés, les capacités de création d’emplois et de valeur ajoutée dans les petites et moyennes entreprises (TPE-PME).
Évidemment, l’augmentation attendue de cette création massive de richesses se manifestera progressivement, à mesure que la nouvelle logique économique s’affirmera contre la logique du capital. Cela occupera la durée du mandat et de la législature.
La nouvelle majorité politique qui sortira de l’élection présidentielle et des élections législatives, appuyée par la mobilisation des citoyennes et des citoyens, devra donc engager immédiatement une bataille afin que la création monétaire des banques et de la BCE procure tout de suite aux agents économiques – et en particulier à l’État – les avances de fonds nécessaires aux dépenses indispensables pour rendre possibles les embauches, la formation des travailleurs, les investissements matériels et immatériels. Ce sont ces dépenses qui se traduiront, au fur et à mesure, par l’augmentation de la création de richesses, et par les recettes publiques correspondantes.
Il s’agit bien de centaines de milliards d’euros, mais ces sommes correspondent à ce que les banques et les banques centrales sont capables de faire. La Banque de France n’a-t-elle pas acheté, pour le compte de la BCE, 290 milliards de titres de dette publique entre février 2020 et novembre 2021 ? Quant aux banques, leurs prêts aux entreprises n’ont-ils pas augmenté de 163 milliards au cours de la même période ?