Dentelle de papier
Edit : alors non, je ne reviens pas ;-) Cet article date bien du 25 février dernier mais je pense que vous étiez beaucoup à l'avoir raté car la newsletter n'était pas partie... C'est elle que Canalblog vient juste de débloquer après six mois de réflexion !
Enfin... je ne reviens pas tout de suite mais je suis en train de travailler sur le nouveau site, patience, ça arrive. Je suis en tout cas bien résolue à reprendre mes publications du dimanche matin. A bientôt ! Peut-être septembre si je n'ai pas trop de soucis techniques.
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L'amoureuse du papier qui sommeille en moi a eu un petit éblouissement cette semaine, en découvrant les Heures de Bar. Subitement, au détour d'un scroll…
J'aime bien me balader dans ces livres d'Heures enluminés qui sont souvent de véritables bandes dessinées. Il faut simplement faire attention à tous les détails qui foisonnent dans les marges ou au creux des lettrines. Il s'y noue des historiettes et même de petits drames qui passent vite inaperçus sans un examen attentif.
Bréviaire d'été de Renaud de Bar
Et souvent, l'éclat de rire n'est pas bien loin ! J'aime particulièrement le moment où les enlumineurs et enlumineuses soulignent de manière plus ou moins moqueuse les oublis des copistes.
British Library, MS Arundel 38, f. 65
Mais au-delà de ses enluminures, le livre d'Heures de Bar, conservé au Walters Art Museum de Baltimore, est exceptionnel à plus d'un titre. Il a probablement été créé par un atelier messin pour l'influente famille de Bar, connue pour ses croisés et l'évêque qu'elle donna à Metz de 1302 à 1316. Proche d'un format carré, il mesure 12,5 sur 10,8 centimètres. Il est possible qu'il ait été commandé à l'occasion des épousailles de Marie de Bourgogne avec Edouard de Bar en 1310.
Ce qui frappe immédiatement, c'est évidemment le travail de découpe du parchemin qui occupe la totalité des marges. Comme il se répète à l'identique d'une page à l'autre, il crée dans le volume une profondeur qui évoque irrésistiblement les rosaces des églises gothiques.
De l'impalpable légèreté du papier à l'élégance massive de la pierre…
L’intérieur de l’église Saint-Denis (décor de théâtre). Bibliothèque-musée de l’Opéra, MAQ A 32
Mais ce qui est extraordinaire dans ce travail de découpe, c'est qu'il semble au premier abord tout à fait anachronique à l'époque où le manuscrit a été créé, au tout début du XIVe siècle. À tel point qu'on a longtemps hésité sur sa datation et envisagé que les canivets aient peut-être pu été ajoutés tardivement, en même temps que la reliure, au XVIIIe siècle.
Cependant, Linley Herbert, conservatrice au Walters Art Museum, a démontré dans une étude passionnante du manuscrit que le travail de découpe était bien contemporain de sa création, en avançant tout un faisceau d'indices mais surtout en décelant à plusieurs reprises d'infimes coulures d'encre à travers les découpures. Ce constat fait de lui une énigme et une quasi anomalie parmi les documents de ce type parvenus jusqu'à nous.
Car si les livres de dentelle sont connus, il a fallu jusque là attendre les prémices du XVIIe siècle pour en trouver des exemplaires qui aient pu être conservés comme celui-ci, figurant dans les collections du même musée. Créé pour Marie de Médicis vers 1640, il contient des pages aux canivets beaucoup plus sophistiqués.
Livre de prière de Marie de Médicis
Mais pour la simplicité brute de ses découpages et la profondeur presque mystérieuse de ses rosaces, j'avoue un faible pour les Heures de Bar…
Décidément, j'adore les réseaux sociaux et toutes les merveilles que j'y découvre !