Paris, le 2 novembre 2001.
Le Premier ministre à Mesdames et Messieurs
les ministres et secrétaires d'Etat
Aux termes de l'article 3 de la loi no 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives, les archives publiques comprennent l'ensemble des documents qui, quels qu'en soient la date, la forme ou le support, procèdent de l'activité de l'Etat, des collectivités locales, des établissements et entreprises publics, et des organismes de droit privé chargés de la gestion d'un service public ou d'une mission de service public, ainsi que les minutes et répertoires des officiers publics ou ministériels.
Ces documents d'archives sont tout d'abord indispensables au bon fonctionnement des services publics. Ceux-ci sont fréquemment amenés à les consulter dans le cadre de leur activité quotidienne, par exemple pour reconstituer l'historique d'un dossier ou répondre aux questions qui leur sont posées.
Les citoyens peuvent, de leur côté, trouver dans les archives publiques des informations utiles à l'établissement ou à l'exercice de leurs droits vis-à -vis de l'administration ou d'une autre personne privée. L'accès aux archives constitue, de ce point de vue, une composante essentielle du droit d'accès à l'information, dont le Gouvernement entend réaffirmer le caractère fondamental dans une société démocratique.
Outre l'usage qui peut en être fait dans un cadre administratif, les documents d'archives constituent une source irremplaçable d'informations pour l'enseignement et la recherche en sciences humaines, et en particulier pour l'histoire et ses disciplines associées.
L'enrichissement ininterrompu des fonds, au fil des générations, confère enfin aux archives publiques une valeur patrimoniale indiscutable, à l'égal des collections des musées et des bibliothèques. De nombreuses activités culturelles se développent à partir des fonds d'archives : publications, expositions, conférences et colloques, ateliers et animations. Ces activités contribuent à la démocratisation des pratiques culturelles, qui constitue l'une des priorités de l'action gouvernementale.
Ainsi, la collecte, la conservation, la communication et la valorisation des archives publiques ne présentent pas seulement un intérêt pour la gestion publique mais constituent aussi un enjeu fondamental pour l'affirmation des droits des citoyens et pour la politique culturelle.
Or, une bonne gestion des archives publiques n'est possible que si l'ensemble des services et établissements publics de l'Etat se mobilisent à cet effet.
Certes il existe des administrations spécialisées, qui sont, d'une part, les services relevant du ministre chargé de la culture (direction des Archives de France) et, d'autre part, les services placés sous l'autorité des ministres des affaires étrangères et de la défense, dont la mission est d'assurer la conservation des archives définitives (1). Mais la gestion des archives courantes et intermédiaires (2) relève de la responsabilité de chaque ministère. Cette gestion présente une grande importance dans la mesure où elle conditionne l'alimentation des fonds d'archives définitives. La maîtrise de l'archivage intermédiaire par toutes les administrations constitue, à cet égard, un outil majeur de la gestion de l'information et participe de la modernisation de l'Etat.
La présente circulaire a pour objet de rappeler les principales dispositions que les administrations, autres que celles relevant des ministres des affaires étrangères et de la défense, doivent mettre en oeuvre pour organiser en leur sein les fonctions d'archivage. Elle précise également les modalités selon lesquelles les services de la direction des Archives de France contrôlent le respect des règles d'archivage par les services versants.
1. Principes régissant la gestion des archives intermédiaires
dans les services et établissements publics de l'Etat
1.1. Identification des responsabilités
Dans les administrations centrales et les établissements publics de l'Etat, la fonction de gestion des archives intermédiaires doit être assumée par un service ou une cellule spécifique, qui doit apparaître clairement dans l'organigramme et être placé à un niveau lui permettant d'exercer efficacement sa mission. Cette tâche doit être confiée à des agents formés aux techniques de gestion des documents (catégories A et B), et disposant de moyens appropriés à leurs attributions.
Dans les services déconcentrés, cette fonction doit être clairement prise en compte et organisée, dans un cadre interministériel, par le préfet en vertu des compétences qui lui sont reconnues par les décrets du 10 mai 1982 (3).
1.2. Attributions des agents chargés
de la gestion des archives intermédiaires
Les agents chargés de la gestion des archives intermédiaires ont vocation à traiter l'ensemble des documents produits par le service ou l'établissement public dont ils relèvent.
Leurs attributions comportent plusieurs aspects.
En tant que gestionnaires des archives intermédiaires, ils doivent en premier lieu organiser le rassemblement des documents ayant perdu leur utilité courante dans un local convenablement équipé. Ils établissent et tiennent à jour un état de ces documents.
Ils veillent aux conditions de production et de gestion des archives courantes. Ils ont, à cet égard, une mission de sensibilisation et de formation de l'ensemble des agents de leur service ou établissement au classement des dossiers, condition préalable à un bon archivage. Ils ont en particulier la responsabilité de l'archivage des documents électroniques.
Ils assurent la communication des dossiers archivés aux services lorsque ceux-ci en ont besoin. Ils contrôlent également le respect des règles de communicabilité des documents au public, conformément aux dispositions de la loi no 78-753 du 17 juillet 1978 relatives à l'accès aux documents administratifs, à celles de la loi no 79-18 du 3 janvier 1979 sur les archives et à celles de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Les agents chargés de la gestion des archives intermédiaires sont, en second lieu, les correspondants permanents de l'administration qui assure la gestion des archives définitives du service ou établissement auquel ils appartiennent (Archives nationales ou archives départementales).
Ils veillent à ce titre au respect des instructions de l'administration des archives définissant les durées d'utilité administrative de chaque catégorie de dossiers et déterminant le sort définitif des documents à l'expiration de ces durées. En l'absence de telles instructions, ils participent à l'élaboration de règles de conservation en liaison avec l'administration des archives. Ils soumettent au visa réglementaire la liste des documents à détruire. Ils préparent les versements d'archives définitives et rédigent les bordereaux de versement.
En matière d'archives électroniques, ils doivent notamment s'assurer, dans le respect de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, que la conception des traitements informatiques mis en oeuvre permettra de conserver durablement les données dans les délais fixés par les instructions relatives à la durée d'utilité administrative et au sort final des documents. Ils s'assurent que les documents numériques à verser présentent toutes les garanties d'authenticité et sont accompagnés de l'ensemble des métadonnées (4) indispensables à l'exploitation ultérieure des données.
Ils informent le ministère de la culture et de la communication de tout sinistre, soustraction ou détournement d'archives.
Ils sont enfin responsables de la sauvegarde des archives intermédiaires lorsqu'il est mis fin à l'existence du service ou de l'établissement public auquel ils appartiennent, conformément à l'article 5 de la loi du 3 janvier 1979 sur les archives.
1.3. Moyens
Des crédits suffisants doivent être prévus pour faire face aux dépenses de conservation et de gestion des archives intermédiaires.
Il est, en particulier, indispensable d'aménager des locaux conformes aux normes de sécurité (protection des documents contre le vol et l'incendie) et dotés des équipements adéquats pour la conservation des archives intermédiaires (c'est-à -dire dont la durée d'utilité administrative n'a pas encore expiré).
Il convient en conséquence de mettre un terme dans les meilleurs délais au stockage d'archives dans des locaux inadaptés à leur conservation ou non conformes aux règlements de sécurité. De même, lors de toute opération de construction ou de restructuration de bâtiments administratifs, il faut prévoir des locaux adaptés à la conservation des archives intermédiaires.
1.4. Recours à des prestataires de services du secteur privé
Le recours à des prestataires de services du secteur privé, pour tout ou partie de la gestion des archives courantes et intermédiaires, ne peut se faire qu'avec l'accord et sous le contrôle du service d'archives public compétent, seul habilité à juger de la compatibilité des prestations proposées avec la législation et la réglementation sur les archives, notamment en ce qui concerne les durées de conservation et la communicabilité des documents.
En l'absence d'un local administratif permettant la conservation sur place des archives intermédiaires, il est possible, sous réserve de l'accord du service public d'archives compétent (5), de recourir, pour les seules archives intermédiaires destinées à être ultérieurement détruites, à des sociétés privées offrant des prestations de stockage.
1.5. Mise en oeuvre du dispositif
Chaque département ministériel ou établissement public national est responsable de la mise en oeuvre des principes d'organisation indiqués ci-dessus, et notamment de la création et du bon fonctionnement du service ou de la cellule assurant la gestion des archives intermédiaires.
Dans les services déconcentrés et les établissements publics de l'Etat à compétence territoriale, les préfets veillent, en vertu des compétences qui leur sont reconnues par les décrets du 10 mai 1982, à la mise en oeuvre de ces principes. Ils prennent toutes dispositions pour en arrêter les modalités d'organisation précises, après consultation du collège des chefs de service, selon la forme adaptée à la situation locale : pôle de compétences, réseau d'agents formés aux techniques de gestion des documents ou, le cas échéant, création d'un service interministériel de gestion des archives intermédiaires. Dans tous les cas, le responsable désigné du dispositif (chef de pôle, animateur du réseau ou responsable du service) doit être placé sous le contrôle scientifique et technique du directeur du service départemental d'archives.
1.6. Appui fourni par les Archives nationales
et les services départementaux des archives
Pour l'organisation et le suivi de l'archivage intermédiaire, les Archives nationales et les services départementaux des archives fournissent assistance méthodologique et conseil, dans des domaines tels que l'évaluation des besoins, la définition des procédures, la détermination des équipements adéquats, l'application des règles de conservation, la préparation des versements d'archives définitives ou la formation des agents.
En outre, dans les administrations centrales autres que celles relevant des ministères des affaires étrangères et de la défense, un agent des Archives nationales peut être amené à exercer une mission, temporaire ou permanente, afin d'élaborer les procédures liées à ce dispositif et de faciliter la coopération entre les services versants et l'administration des archives. Les objectifs de ces missions sont précisés dans le cadre de conventions conclues entre la direction des Archives de France et le ministère ou l'établissement public concerné. Le concours ainsi apporté par le ministère chargé de la culture ne peut en aucun cas dispenser les services ou établissements concernés de mettre en place les moyens humains et matériels nécessaires à la gestion de leurs archives.
2. Contrôle de la gestion des archives intermédiaires
2.1. Contrôle interne
Il incombe à chaque ministre de veiller à la bonne gestion des archives courantes et intermédiaires dans les services directement placés sous son autorité et de s'assurer que les établissements publics dont il a la tutelle respectent les principes énoncés ci-dessus.
A ce titre, il convient d'inclure dans les rapports d'activité annuels des services un bilan des mesures prises pour la gestion des archives courantes intermédiaires. Il faut également veiller à inclure cet aspect dans les missions d'inspection interne à chaque ministère.
2.2. Contrôle par la direction des Archives de France
Le ministre chargé de la culture (direction des Archives de France) exerce un contrôle sur l'ensemble des archives publiques, à l'exception des archives relevant du ministère des affaires étrangères et du ministère de la défense. Ce contrôle porte également sur la gestion des archives courantes et intermédiaires. A ce titre, la direction des Archives de France élabore, en collaboration avec chacun des départements ministériels concernés, les règles à appliquer en matière de tri et de communication des archives. Elle doit disposer des informations nécessaires sur le fonctionnement des services dans tout ce qui a trait à l'archivage et peut, à cet effet, procéder à leur inspection.
Le contrôle de proximité sur l'organisation de l'archivage, notamment sur les conditions matérielles de conservation et sur le sort des archives intermédiaires au terme de leur durée d'utilité administrative (élimination ou versement aux Archives nationales ou départementales), est exercé, au niveau central, par des conservateurs désignés à cet effet par le directeur des Archives de France et, dans les départements, par les directeurs des services départementaux d'archives placés sous l'autorité des préfets.
Ce contrôle implique que les services et établissements publics adressent à l'administration des archives un rapport périodique sur leur activité de gestion des archives courantes et intermédiaires. La périodicité de cet envoi doit être déterminée par un accord entre l'administration des archives et chaque service ou établissement.
De même, les services et établissements publics doivent dresser un état sommaire, régulièrement tenu à jour, des archives dont la conservation est assurée et faire parvenir ce document, après chaque mise à jour, à l'administration des archives. Cette dernière doit aussi être destinataire de la liste des documents proposés pour l'élimination et de tout projet d'aménagements de locaux d'archivage. Enfin, les agents de l'administration des archives doivent pouvoir effectuer des visites sur place.
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J'ai demandé à la ministre de la culture et de la communication de dresser un bilan de l'application des présentes instructions à la fin de l'année prochaine. En conséquence, je vous prie de lui adresser, sous le timbre de la direction des Archives de France, un premier compte rendu des mesures que vous aurez prises en matière de gestion des archives. Ce compte rendu devra être adressé avant le 1er décembre 2002.
(1) Archives définitives (ou archives historiques) : dans le cycle de vie des archives, ce sont les documents qui sont conservés indéfiniment, pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes et pour la documentation historique de la recherche. Ces archives définitives (ou historiques) sont constituées, après tri et élimination, à partir des archives intermédiaires.
(2) Archives courantes : dans le cycle de vie des archives, ce sont les documents utilisés pour le traitement quotidien des affaires et dont la conservation est assurée dans le service d'origine.
Archives intermédiaires : dans le cycle des archives, ce sont les documents qui, n'étant plus d'usage courant, doivent néanmoins être conservés temporairement à proximité des services d'origine pour les besoins administratifs ou juridiques.
(3) Décret no 82-389 du 10 mai 1982 pour les préfets de département et décret no 82-390 du 10 mai 1982 pour les préfets de région.
(4) Métadonnées : ensemble des informations renseignant la structure d'un groupe de données ; les métadonnées exercent la fonction de médiateur entre l'utilisateur et l'information qu'il recherche ; elles permettent également de définir les caractéristiques d'évolution dans le temps d'un document.
(5) Voir circulaire AD 97-1 du 16 janvier 1997 des ministres de l'intérieur et de la culture.
Lionel Jospin