Ve République

Régime de la France fondé par la Constitution du 4 octobre 1958.

La Ve République est, comme les régimes républicains qui l'ont précédée, issue d'une crise : celle de la guerre d'Algérie, qui ramène au pouvoir le général de Gaulle en mai 1958 et provoque la fin de la IVe République.
Portée par les espoirs de la Libération, la IVe République est un régime très parlementaire que fragilisent les querelles de partis, de courants et de personnes. La grande instabilité ministérielle qui en découle empêche toute politique dâenvergure tandis que la France doit évoluer dans un contexte marqué par la guerre froide et les guerres coloniales.
Les institutions de la Ve République, inspirées notamment des idées du général de Gaulle, mettent en place un régime semi-présidentiel. La Constitution de 1958 juxtapose effectivement un régime de type présidentiel â le président de la République, chef de l'Ãtat, dispose de nombreuses prérogatives, dont le droit de dissoudre l'Assemblée nationale â et un régime de type parlementaire, caractérisé par le renforcement du pouvoir que détient le Premier ministre, chef du gouvernement.
La Constitution de la Ve République a fait la preuve de sa flexibilité en permettant, à plusieurs reprises, l'alternance politique aux plus hautes responsabilités de l'Ãtat, ainsi que la « cohabitation » d'un président de la République et d'un Premier ministre de bords politiques opposés. Elle se caractérise par la stabilité de la vie politique, favorisée par la réorganisation de lâéchiquier politique autour de deux grands partis.
1. La République gaullienne (1958-1969)
1.1. Deux moments forts
La vie politique des années 1960 est marquée par l'élection présidentielle de 1965 et la crise de mai 1968.
Après avoir fait campagne sur le thème « moi ou le chaos », le général de Gaulle n'est élu qu'au second tour de scrutin. L'élection de 1965 révèle les rapports de force, tendant à la bipolarisation du paysage politique français, en même temps que la montée du mécontentement.
Les événements de mai 1968, qui ont leur source dans une révolte étudiante, reflètent un malaise politique et social. Les revendications des jeunes traduisent la contestation de l'ordre établi, allant jusqu'au refus de l'autorité, la dénonciation de la société de consommation et, plus globalement, un conflit de générations (→ événements de mai 1968). Malgré la victoire écrasante de sa majorité aux élections législatives de juin 1968, le fondateur de la Ve République ne se remettra pas du soulèvement de mai. Le 27 avril 1969, constatant l'échec de son référendum sur la régionalisation et la réforme du Sénat, le général de Gaulle démissionne.
1.2. La politique étrangère
De 1962 à 1969, deux traits dominent la politique étrangère gaulienne : l'obsession du rang de la France dans le monde et l'affirmation de l'indépendance nationale, en particulier à l'égard des Ãtat-Unis. Le retrait des forces françaises du commandement intégré de l'OTAN (Organisation du traité de l'Atlantique Nord), en 1966, de même que l'instauration d'un dialogue avec l'URSS et la reconnaissance de la République populaire de Chine procèdent de cette politique.
En matière européenne, de Gaulle plaide pour une Europe des patries, organisée autour de l'axe franco-allemand.
Le contexte économique est encore favorable : la présidence du général de Gaulle, puis celle de Georges Pompidou sont marquées par le taux de croissance qui caractérise ces années qu'on appelle les Trente Glorieuses (1949-1975).
Pour en savoir plus, voir les articles Charles de Gaulle, gaullisme.
2. Georges Pompidou (1969-1974) et Valéry Giscard dâEstaing (1974-1981)
La sensibilité de Georges Pompidou, ancien Premier ministre de de Gaulle, diffère notablement de celle du général. Le nouveau président, élu en juin 1969, s'efforce d'être populaire, tout en mettant l'accent sur la modernisation du pays et le développement économique. Avec lui, le gaullisme s'institutionnalise, les objectifs demeurant l'indépendance et la grandeur nationales, ainsi que l'autorité de l'Ãtat. La maladie emporte le président Pompidou le 2 avril 1974.
Valéry Giscard d'Estaing, représentant de la pensée libérale, lui succède, alors que le premier choc pétrolier (1973) et la détérioration de la situation économique modifient les conditions d'exercice du pouvoir. Les premières réformes vont dans le sens de l'adaptation de la législation à l'évolution des mÅurs : l'âge de la majorité est abaissé à 18 ans, l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est légalisée. Les liens entre le pouvoir et les médias se détendent progressivement.
Le président veut donner de la France une image moins arrogante, en particulier en matière de construction européenne, et exprime des vues communes avec le chancelier social-démocrate de la République fédérale d'Allemagne, Helmut Schmidt. La fin du septennat est rendue difficile par les « affaires » qui se succèdent et par la fronde des gaullistes.
Pour en savoir plus, voir les articles Georges Pompidou, Valéry Giscard dâEstaing.
3. Le double septennat de François Mitterrand (1981-1995)
Le 10 mai 1981, François Mitterrand, rénovateur du parti socialiste (PS) en 1971, est élu à la présidence de la République avec une partie des voix gaullistes. Les élections législatives qu'il provoque, en juin, consacrent la victoire des partis de gauche, favorisée par lâusure de la droite et par le déclin du parti communiste (PCF), sur fond dâaggravation de la situation économique.
Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, la gauche est au pouvoir. Il s'ensuit une vague de réformes qui visent à transformer la société â abolition de la peine de mort, légalisation des radios privées, dépénalisation de l'homosexualité â et à faire progresser les acquis sociaux â semaine de 39 heures, cinquième semaine de congés payés, retraite à 60 ans, régularisation de la situation de certains immigrés clandestins, hausse du SMIC et des allocations familiales.
Mais le contexte économique continue de s'alourdir. Les réformes sont alors freinées, et une politique d'austérité est mise en Åuvre.
Cette rigueur, jointe à la montée du chômage, provoque la défaite de la majorité de gauche sortante lors des élections législatives de 1986. Celles-ci créent une situation inédite â la « cohabitation » : le président de la République est obligé de nommer au poste de Premier ministre un adversaire politique, en l'occurrence Jacques Chirac, leader du Rassemblement pour la République (RPR). Cette situation modifie les rapports de force entre les deux têtes de lâexécutif et tend à affaiblir le pouvoir.
Réélu pour un second septennat en 1988, le président Mitterrand fait campagne en faveur du traité de Maastricht, qui est ratifié de justesse, par référendum, en 1992. Dans un contexte de persistance de la crise économique, ce second mandat est marqué par la multiplication des scandales politico-financiers. La défaite de la gauche aux élections législatives de mars 1993 lui impose une deuxième période de cohabitation. Le pouvoir du chef de l'Ãtat est affaibli par les polémiques sur son passé et par la disparition dramatique du Premier ministre Pierre Bérégovoy, le 1er mai suivant.
Pour en savoir plus, voir l'article François Mitterrand.
4. Jacques Chirac (1995-2007)
4.1. La troisième cohabitation (1995-2002)
à lâélection présidentielle de 1995, lÃlysée revient à Jacques Chirac, élu sur les thèmes du changement et de la réduction de la fracture sociale. Mais la politique de rigueur de son Premier ministre Alain Juppé soulève le mécontentement et, dès 1997, la dissolution de l'Assemblée nationale est suivie d'une troisième période de cohabitation.
Lionel Jospin prend la tête d'un gouvernement de la gauche dite « plurielle », comprenant notamment des ministres communistes et des Verts. C'est ce gouvernement qui fait voter les lois sur la réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires (1998 ; 2000) et qui gère le passage de la France à l'euro.
Lâadoption du quinquennat (réforme constitutionnelle de 2000) pour le mandat présidentiel, qui atteste l'évolution doctrinale des gouvernants de la Ve République, vise à réduire les risques de cohabitation en alignant la durée du mandat présidentiel sur celle du mandat de lâAssemblée nationale.
4.2. La percée du Front national
Candidats l'un et l'autre à l'élection présidentielle de 2002, Jacques Chirac et Lionel Jospin se préparent à être les adversaires du second tour. Or, le premier tour de scrutin crée une situation à tous égards inédite en cumulant les effets de l'abstention (28,4 %) et de la force du vote dit « protestataire », qui profite à l'extrême gauche (10,44 % des voix) et surtout à l'extrême droite (19,2 % des voix). Si le président sortant (19,88 %) arrive en tête, le Premier ministre socialiste (16,18 %) est devancé par Jean-Marie Le Pen (16,86 %), représentant du Front national (FN), et est éliminé de la course à l'Ãlysée. Les forces de gauche décident alors de contribuer à la réélection de Jacques Chirac, qui recueille ainsi 82,22 % des voix.
La présence dâun candidat de lâextrême droite au second tour témoigne de son rôle de premier plan sur lâéchiquier politique français depuis sa réapparition brutale dans les années 1980. Avec un programme basé sur la préférence nationale et la lutte contre lâimmigration, le FN récolte les fruits de la crise économique, et de son corollaire lâexclusion sociale, et du déclin du parti communiste.
4.3. Le quinquennat (2002-2007)
Les élections législatives qui suivent, en juin 2002, apportent une nette majorité (399 sièges sur 577) à la droite modérée. Celle-ci, entre-temps, s'est restructurée en donnant naissance à une alliance électorale : l'Union pour un mouvement populaire (UMP). La lutte contre l'insécurité, la politique de décentralisation (dont le premier volet est le nouveau statut de la Corse, soumis à référendum le 6 juillet 2003 mais rejeté par une majorité d'électeurs), la baisse progressive de l'impôt sur le revenu et la réforme des retraites sont les chantiers prioritaires du gouvernement conduit par Jean-Pierre Raffarin.
Le fait marquant du début du quinquennat de Jacques Chirac se situe toutefois en politique extérieure. Face à la volonté des Ãtats-Unis dirigés par George W. Bush de faire la guerre en Iraq afin d'en chasser le régime de Saddam Husayn, le chef de l'Ãtat, soutenu par une grande partie de l'opinion publique tant en France qu'à l'étranger, déclare user, s'il le faut, du droit de veto de la France au Conseil de sécurité de l'ONU pour empêcher cette guerre, qu'il estime contraire au droit international. Dès lors, il contraint les Ãtats-Unis, ayant pour principal allié le Royaume-Uni, à déclencher leur offensive sans l'aval des Nations unies.
Deux échecs successifs marquent cependant le second mandat de J. Chirac. En 2004, l'électorat se sert des élections régionales pour renouer par d'autres voies avec l'esprit de la cohabitation : ainsi, 20 exécutifs régionaux sur 22 ont un président de gauche. En 2005, le projet de Constitution pour l'Europe que le chef de l'Ãtat soumet à référendum (29 mai) gomme certains clivages gauche-droite, mais se heurte à une alliance de mécontents, qui fait passer le « non » avec près de 55 % des voix.
Appelé au poste de Premier ministre, Dominique de Villepin doit plus que jamais combattre sur le front de l'emploi, tout en gérant les tensions internes à sa majorité. Pour la première fois sous la Ve République, le chef du gouvernement n'est plus le seul à exercer le leadership. Ce dernier lui est contesté par son propre ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, qui est aussi le président de l'UMP. De leur côté, les centristes de l'Union pour la démocratie française (UDF), groupés autour de François Bayrou, sont décidés à jouer leur va-tout politique.
L'explosion du « mal des banlieues », en 2005, et, en 2006, l'hostilité soulevée par le projet de « contrat première embauche » (CPE), destiné aux jeunes de moins de 26 ans, montrent les limites du « modèle social » à la française auquel s'identifiait la Ve République.
Pour en savoir plus, voir l'article Jacques Chirac.
5. Nicolas Sarkozy (2007-2012)
5.1. Un mandat de rupture
Lâélection présidentielle de 2007 ouvre la voie à une nouvelle génération politique, incarnée par Nicolas Sarkozy et par Ségolène Royal, candidate de la gauche. Au second tour, Nicolas Sarkozy, qui réalise sur son nom l'union des droites â comme jamais sous la Ve République â, lâemporte avec 53,06 % des voix. Son mandat, placé sous le signe de la rupture et de la nécessaire réforme du pays, est renforcé en juin à lâissue des législatives qui donnent au nouveau gouvernement une confortable majorité et au chef de lâÃtat les mains libres pour mettre en Åuvre son programme.
Le président entend être présent sur tous les fronts â intérieur mais aussi international (et notamment européen, avec l'adoption d'un traité simplifié destiné à remplacer la Constitution précédemment rejetée en 2005) â au point dâéclipser ses ministres et le premier dâentre eux, François Fillon.
Dès les premiers mois sont votés nombre de projets inscrits dans le projet du candidat : autonomie des universités ; peines plancher et récidive des mineurs ; service minimal dans les transports terrestres ; renforcement du « bouclier fiscal » et abaissement des prélèvements sur les successions ; détaxation des heures supplémentaires ; immigration ; environnementâ¦
Mais la multiplication tous azimuts des initiatives (réforme de la Constitution, accrocs au modèle républicain laïc, contrôle explicite de lâaudiovisuel public, réorganisation de la carte militaire nationale et des services publics, adoption dâun revenu de solidarité active) comme les orientations néo-libérales et très nettement atlantistes de lâéquipe au pouvoir (intégration de la France dans lâOTAN en 2009) désorientent vite lâopinion. En même temps, la détérioration prononcée de conjoncture économique fait douter de la pertinence des programmes mis en Åuvre par le président et du bien-fondé de son activisme. Par ailleurs, lâaffichage de la vie privée du chef de lâÃtat qui divorce de son épouse et se remarie dans la foulée (2008) affecte sensiblement son image et sa cote de popularité.
5.2. La rupture avec l'opinion
Les scrutins successifs témoignent de cette désillusion et défiance accrue. Les élections municipales de 2008 sont un désastre pour la droite et ravigorent l'opposition. Les remaniements techniques, les succès sur la scène internationale, européenne notamment (2009), et le volontarisme affiché pour faire face à la crise financière majeure qui, à lâautomne 2008, menace de faire plonger la planète dans une terrible dépression, nây peuvent rien.
L'arrivée en tête de l'UMP aux élections européennes de 2009 et le score très médiocre d'un PS encore divisé et talonné par Europe Ãcologie-Les Verts (EE-LV) masquent un véritable étiage des forces de droite (40 %), tandis que la récession et les réformes (territoriale, des services publics, de lâenseignementâ¦) continuent de plus belle à agréger des mécontentements attisés par une série dâaffaires au sommet de lâÃtat. Lâadoption par N. Sarkozy et ses lieutenants dâun discours de plus en plus droitier et populiste ne parvient pas davantage à les faire taire.
Le résultat des élections régionales de 2010 a valeur d'avertissement. La droite de gouvernement sâeffondre (autour de 35 %). Le PS dépasse l'UMP et redevient, non seulement le premier parti du pays, plus que jamais ancré dans les territoires, mais encore la composante dominante à gauche. Suit le Front national (FN), stimulé par les débats sur l'identité nationale. L'union des forces de gauche au second tour réalise une performance historique (54 % des voix) et, non contente de conserver les 20 Régions métropolitaines qu'elle dirigeait, leur ajoute la Corse. à droite, la sévérité de la défaite remet en cause la double stratégie présidentielle du parti unique et du siphonnage des voix du FN.
Soucieux de couper cours à la fronde qui monte des rangs de la majorité, N. Sarkozy décide d'adresser des signes à son électorat (agriculteurs, entrepreneurs, retraités) et renonce à la mise en place dâune taxe carbone. Pour apaiser des marchés de plus en plus inquiets de lâétat financier des pays de la zone euro, et contre la mobilisation populaire, il fait passer une réforme du régime des retraites.
Mais les élections cantonales de 2011 constituent un nouveau revers pour lâUMP, désormais ouvertement menacée par le FN. Sâensuit le basculement historique du Sénat à gauche.
Avec les primaires (EE-LV, PS) et des stratégies dâunion (Front de gauche), lâopposition se met en ordre de bataille pour lâéchéance de la présidentielle de 2012. La campagne, âpre, oppose le président sortant à son challenger socialiste, François Hollande. Fait sans précédent dans la Ve République, celui-ci devance le président sortant au soir du premier tour. Marine Le Pen arrive troisième, avec un score également historique. Les autres prétendants, comme Jean-Luc Mélenchon ou F. Bayrou, et a fortiori les « petits » candidats sont marginalisés.
Le Front de Gauche et les Verts se rallient derrière F. Hollande, tout comme en somme F. Bayrou qui se prononce à titre personnel pour ce dernier. N. Sarkozy accentue dès lors son orientation très droitière sans pour autant obtenir le soutien de M. Le Pen, qui, elle, fait savoir quâelle votera blanc.
Le résultat du 6 mai, plus serré quâannoncé mais toujours marqué par une participation élevée (plus de 80 %), donne F. Hollande vainqueur, avec 51,6 % des voix. Lavant lâaffront du 21 avril 2002, et comme dans une répétition du 10 mai 1981, celui-ci devient le septième président de la Ve République et le second socialiste à accèder à cette fonction.
Pour en savoir plus, voir l'article Nicolas Sarkozy.
6. La présidence de François Hollande
6.1. Le temps de la rigueur et des épreuves
à son entrée en fonction, F. Hollande nomme Jean-Marc Ayrault à la tête dâun gouvernement paritaire qui dispose, à lâissue des élections législatives de juin, remportées par le PS et ses alliés, dâune confortable majorité à lâAssemblée nationale. Lâéquipe a ainsi les coudées franches pour mener à bien la restauration des comptes publics â priorité de la campagne. Prônant lâaustérité, elle revient sur les cadeaux fiscaux octroyés lors du précédent quinquennat et fait adopter le traité budgétaire européen tout en promouvant un choc dit de compétitivité destiné à mieux armer lâindustrie française dans la compétition internationale.
Mais lâimpression que le gouvernement donne de tarder à mesurer lâampleur de la crise et la montée inexorable du chômage, associées aux hésitations de ses principaux leaders comme aux manifestations dâindépendance de sa majorité dans les deux chambres, sont sources de désillusions et accentuent le fossé entre la classe politique et le corps social, dâoù la poussée dâun populisme dont ne profite guère pour l'heure le principal parti dâopposition, lâUMP, déchiré dans sa lutte pour la succession de N. Sarkozy.
Au début de 2013, lâintervention française au Mali et lâaccord entre partenaires sociaux pour la sécurisation de lâemploi et la compétitivité des entreprises, puis le vote de la loi sur le mariage pour tous ne permettent guère au chef de lâÃtat, au gouvernement et au PS de retrouver grâce auprès de lâopinion ; lâaffaire Cahuzac, qui voit le ministre du Budget forcé en mars à la démission pour avoir caché lâexistence dâun compte bancaire en Suisse, les discrédite, faisant le jeu avant tout d'un Front national plus que jamais en embuscade.
Impuissant à conjurer lâatonie de lâactivité, la hausse du chômage et les mouvements de fronde fiscale qui agitent le pays, le gouvernement ne bénéficie guère de la réforme des retraites quâil a négociée en septembre 2013, ni du pacte de responsabilité en faveur des entreprises quâil met en avant à lâorée de 2014. Au contraire : consacrant la politique de lâoffre choisie par le président, ces mesures mécontentent une partie de sa base qui sâabstient massivement lors des élections municipales de mars et inflige au PS en particulier et à la gauche en général une cinglante déroute. Celle-ci perd quelque 155 villes de plus de 10 000 habitants, dont des bastions comme Limoges, Nevers, Roubaix ou Pau, au profit de lâUMP et de ses alliés centristes, ainsi que du Front national qui, avec la conquête de 11 villes et un total de 1 400 conseillers, confirme son implantation locale.
6.2. Défis et impopularité
Lâampleur de la sanction oblige F. Hollande à se séparer de J.-M. Ayrault, qu'il remplace par Manuel Valls à la tête dâun gouvernement remanié et resserré. Toutes choses qui nâempêchent pas au scrutin européen de la fin mai de faire figure de tremblement de terre politique : arrivé en tête, le FN obtient près de 25 % des voix, loin devant une UMP empêtrée dans les conflits de personnes et les affaires (20,79 %) et un PS au plus bas, avec moins de 14 % des suffrages.
Ce séisme, ajouté à la révélation de nouvelles dérives financières, décapite la tête de lâUMP et précipite le retour de N. Sarkozy qui se porte candidat à sa présidence en septembre pour lâenlever finalement en novembre. Il suscite également des répliques à gauche, alimentant de plus belle la grogne contre la politique suivie par le gouvernement, au point de contraindre F. Hollande et M. Valls à congédier les contestataires A. Montebourg, B. Hamon et A. Filipetti en août et à procéder à un remaniement qui concrétise davantage lâoption réformiste sociale-libérale suivie. Sans parvenir à étouffer mécontentement et protestation, ravivés tout au long de la fin dâannée par de nouvelles affaires â et la morosité de la conjoncture. Les attentats terroristes des 7, 8 et 9 janvier 2015, qui font 17 morts parmi la rédaction de Charlie Hebdo, les policiers et les clients dâun hypermarché casher, créent un sentiment dâunion nationale qui sâexprime notamment dans les immenses défilés républicains des 10 et 11 janvier. Mais le crédit accordé à lâexécutif pour sa gestion des événements se dissipe rapidement. Les élections départementales de mars infligent une nouvelle raclée au PS et à une gauche divisée, avec une perte sèche de 27 conseils, dont le Nord, les Bouches-du-Rhône, ou la non moins symbolique Corrèze, au profit de lâUMP et de lâUDI qui réalisent lâunité et parviennent à contenir lâimplantation locale dâun Front national pourtant très haut dans les intentions de vote comme dans les urnes. Après le basculement logique dans son escarcelle du Sénat en septembre 2014, lâopposition de droite renforce son contrôle des territoires et amplifie la dynamique par défaut qui semble désormais lâanimer. Rallié au principe de la primaire ouverte pour la fin 2016, N. Sarkozy renforce au printemps son contrôle de lâUMP renommée « Les Républicains » et proroge lâalliance avec lâUDI en vue des prochaines régionales.
Pendant lâété, marqué par la langueur de lâactivité, les menaces terroristes accrues, et les inquiétudes que font peser sur lâUE le sort de la Grèce et la pression migratoire aux portes du continent, le gouvernement joue la carte de lâautorité et de lâaction réformatrice (usage du 49-3 pour lâadoption de la loi « Macron » de modernisation économique), heurtant un peu plus sa majorité et sa base électorale.
Trois groupes de djihadistes de lâorganisation Ãtat islamique ciblent à nouveau la capitale au soir du 13 novembre, faisant 130 morts et 352 blessés au Stade de France, dans des cafés de lâEst parisien, et au Bataclan. Lâétat dâurgence est décrété sur lâensemble du territoire. Le 16, devant le Congrès, F. Hollande annonce son intention de modifier la Constitution pour en faciliter lâemploi. Afin de complaire aux représentants de droite prompts à demander des comptes, il projette de déchoir de la nationalité les binationaux coupables de terrorisme. Les deux chambres votent peu après lâextension à 3 mois des mesures dâexception, cependant que sâouvre à Paris la Conférence internationale sur la planète et le climat (COP21).
Les élections régionales de décembre, maintenues, placent le FN en tête au premier tour avec 28 % des voix, contre 27 % à lâalliance LR-UDI et 23 % pour le PS. Pour lui faire barrage, ce dernier retire ses listes dans les régions quâil menace de ravir (Nord-Pas-de-Calais-Picardie et PACA). Avec succès, puisque lâextrême-droite nâenlève aucun conseil régional, et que droite et gauche se partagent les exécutifs locaux (respectivement 7 et 5 chacun).
La question de déchéance de la nationalité empoisonne la gauche, tout en divisant à droite. La ministre de la Justice, en désaccord avec le projet, démissionne à la fin de janvier 2016. La départ de L. Fabius pour le Conseil constitutionnel en février suscite un mini-remaniement : J.-M. Ayrault prend la tête du Quai dâOrsay, tandis que 3 écologistes en rupture de ban avec leur formation réintègrent lâexécutif, comme pour mieux resouder une gauche de gouvernement à la peine, au moment où de nouvelles revendications catégorielles se font jour et que jeunes, syndicalistes et salariés montent au créneau contre la réforme annoncée du code du travail.
Bien quâayant obtenu le prolongement de lâétat dâurgence pour 3 mois supplémentaires, puis à nouveau jusquâà la fin juillet, le président, incapable de réunir la majorité des 3/5e requise pour réviser la Constitution, renonce à son entreprise à la fin mars, alors même que de nouveaux attentats font 32 victimes à Bruxelles. Mais, tablant sur les effets de lâamélioration de la conjoncture, et moyennant quelques aménagements, le gouvernement entend imposer sa réforme du travail : bravant les frondeurs de sa majorité à lâAssemblée, il recourt à nouveau à la procédure du 49-3 et parie sur lâépuisement des grèves et manifestations qui sâensuivent.
Emmanuel Macron est élu président de la République le 7 mai 2017.
Pour en savoir plus, voir l'article France : vie politique depuis 1958.