Bruxelles en mouvements n°333, décembre 2024.
Le dernier numéro du Bruxelles en mouvements, « Technologie : solutions et dissolution », se propose de déconstruire la pensée magique selon laquelle à tout « problème » (social, environnemental, politique) correspond une « solution » de nature technique.
Après un aperçu des grands mythes qui sous-tendent le techno-solutionnisme et irriguent le sens commun, nous exposons, dans les articles sur le « retrofit » et la pompe à chaleur, les impensés et apories du tout-à-l’électrique, avatar d’une transition qui n’a pourtant jamais été observée dans l’histoire de l’énergie. En plus de souligner combien l’électrification préconisée par les pouvoirs publics masque les enjeux liés à la production des véhicules, le texte sur le « retrofit » témoigne que d’autres trajectoires techniques sont possibles, basées sur la réparabilité et le réemploi. L’article sur les pompes à chaleur, tout en insistant sur les importantes contraintes qui président à leur développement, montre que le soutien public à ce dispositif ne s’encombre pas d’un objectif surplombant de sobriété énergétique. Bien au contraire : le tout-à-l’électrique repose sur une fuite en avant énergétique qui devrait être accommodée, notamment en Belgique, par la relance du programme nucléaire [1].
Quatrième contribution à ce numéro, celle relative à la bio-méthanisation montre que l’essor de « solutions » hautement technicisées au « problème » du recyclage appuie et renforce l’imaginaire frelaté de la circularité. Plutôt que d’imposer, en aval, des limites à l’industrie (notamment agroalimentaire), la bio-méthanisation naturalise la production des déchets et les transforme en « ressources » au grand bénéfice de grands groupes privés. En creux, l’article invite à une réflexion politique portant sur la question du pouvoir et de l’appropriation : le traitement industriel des déchets par le biais d’infrastructures complexes est susceptible d’écraser une conception décentralisée du recyclage qui privilégierait, par exemple, les composts de petite et moyenne capacité. Un dernier article revient sur l’entreprise d’apprenti sorcier qu’est la géo-ingénierie, ces « innovations » qui visent une action directe sur le vivant, comme la capture du CO2, la fertilisation des océans ou le renvoi des rayons solaires vers l’espace. Soutenue par d’importants investissements publics et privés (industrie pétrolière, cimenterie, Silicon Valley), cette ingénierie climatique extrêmement coûteuse et nocive pour l’environnement ne fait l’objet d’aucun contrôle démocratique.
Indirectement, c’est bien le mythe de la neutralité de la technique que ce Bruxelles en mouvements se propose de déconstruire. En effet, la technique est performative, elle induit des usages a priori et des rapports particuliers aux autres et à la « nature ». Par ailleurs, opter pour des infrastructures à haute intensité technique dont la construction, l’entretien et la gestion sont fortement concentrés, c’est privilégier une certaine conception du pouvoir et du savoir.