Par Hossam Shabat
L’armée israélienne a forcé des milliers de Palestiniens de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, à fuir l’un des derniers abris et les maisons environnantes de la ville assiégée aux premières heures de ce mercredi matin, poussant hommes, femmes et enfants dans une marche de la mort qui a duré plusieurs heures, sous les tirs d’artillerie lourde et les tirs d’armes à feu.
Des milliers de familles déplacées s’étaient réfugiées dans le complexe scolaire d’Abu Tamam à Beit Lahia dans un ultime effort pour rester dans la ville au milieu d’une violente campagne d’extermination et d’expulsion menée par les forces israéliennes dans le nord de la bande de Gaza au cours des deux derniers mois.
Selon des témoins, les troupes israéliennes ont pris d’assaut le complexe scolaire, bombardé la zone et émis des ordres d’expulsion par le biais de quadcopters équipés de haut-parleurs, forçant les familles terrifiées à sortir au milieu de la nuit.
Laissant derrière eux la plupart de leurs maigres biens, les civils ont été contraints de marcher pendant une heure et demie le long de la route de Salah al-Din – la principale artère traversant l’enclave – avant d’être forcés de passer par un point de contrôle israélien.
Des témoins décrivent des enfants couverts de poussière et en larmes qui couraient, paniqués, dans les rues, tandis que des avions de guerre et des drones passaient au-dessus d’eux.
Certains ont demandé de l’eau, mais les soldats israéliens ont refusé de leur donner quoi que ce soit et ont préféré verser de l’eau sur le sol devant eux pour les narguer, selon les témoins.
Au poste de contrôle, les troupes israéliennes ont séparé les hommes et les ont retenus prisonniers tandis que leurs familles criaient leur désespoir. Des témoins ont décrit des enfants s’accrochant à des chars israéliens dans une tentative désespérée de rester avec leurs pères.
Après le poste de contrôle, les familles ont été contraintes de marcher encore pendant des heures, tout au long de la journée, parcourant une dizaine de kilomètres pénibles vers le sud, en direction de la ville de Gaza.
Certains blessés sont tombés sur la route sans espoir d’être soignés. « Je marchais avec ma sœur dans la rue », a déclaré Rahaf, 16 ans. Elle et sa sœur sont les seules survivantes dans leur famille d’une précédente frappe aérienne qui a tué 70 personnes. « Soudain, ma sœur est tombée à cause du bombardement. J’ai vu du sang couler d’elle, mais je n’ai rien pu faire. Je l’ai laissée dans la rue et personne ne l’a prise en charge. Je criais, mais personne ne m’a entendue. »
Lorsque ceux qui ont réussi à fuir sont finalement arrivés, ils se sont effondrés dans les rues, épuisés. Les enfants pleuraient de faim et de soif, et les mères frissonnaient à cause du froid glacial, sans abri ni endroit sûr où aller.
« Nous ne savons pas quoi faire. Nous avons quitté nos maisons et nous vivons ici en plein air, sans que personne ne nous aide. Nous mourons lentement ici », a déclaré Umm Mohamed, qui a perdu deux membres de sa famille lors d’une frappe aérienne au début de la campagne de bombardement, il y a deux mois, et deux membres de sa famille arrêtés au poste de contrôle la nuit dernière.
La campagne d’expulsion massive de Beit Lahia de mercredi intervient deux mois après une campagne d’extermination des plus violentes menée par l’armée israélienne dans le nord de la bande de Gaza depuis le 6 octobre [2024].
Selon le bureau des médias du gouvernement de Gaza, plus de 3700 personnes ont été tuées ou portées disparues. Les équipes de la défense civile ont fait l’objet d’attaques répétées et ont été empêchées d’opérer dans la zone, laissant ce que les responsables estiment être des milliers de personnes piégées sous les décombres et les corps jonchant les rues.
L’armée israélienne a imposé un blocus presque total de l’aide humanitaire au cours des deux derniers mois, laissant des dizaines de milliers de personnes sans accès à la nourriture, à l’eau, à l’électricité ou aux soins de santé de base, selon les Nations unies.
Il y a deux semaines, l’ONU estimait qu’entre 100 000 et 130 000 personnes avaient été déplacées du gouvernorat de Gaza Nord vers la ville de Gaza depuis le 6 octobre.
Le 18 novembre, on estimait qu’il restait entre 65 000 et 75 000 personnes dans le nord de Gaza, selon les Nations unies, soit moins de 20 % de la population qui y vivait avant le début de la campagne génocidaire israélienne.
Auteur : Hossam Shabat
* Hossam Shabat, journaliste de 23 ans à Al Jazeera Mubasher, est l'un des rares reporters à être resté dans la bande de Gaza et à avoir survécu depuis le début de l'assaut génocidaire d'Israël, le 7 octobre 2023. Sa bravoure et son dévouement à couvrir l'une des campagnes militaires les plus brutales de l'histoire récente dépassent presque l'entendement. Hossam a été le témoin quotidien de morts et de souffrances indicibles. Il a été déplacé d'innombrables fois. Ses collègues ont été tués sous ses yeux. En octobre 2024, il a été blessé par une frappe aérienne israélienne. Hossam fait partie des six journalistes d'Al Jazeera que l'armée israélienne a publiquement accusés d'être des terroristes. Il a récemment déclaré qu'il se sentait traqué. Son compte X.
5 décembre 2024 – Drop Site News – Traduction : Chronique de Palestine
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