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Deuxième partie : Accès à l’information et renforcement des capacités

L'intelligence artificielle et la digitalisation de l'enseignement : des leviers essentiels pour l'avenir de la formation en Afrique

Artificial intelligence and the digitalisation of education: key levers for the future of training in Africa
Inteligencia artificial y digitalización de la educación: palancas clave para el futuro de la formación en África
Jean-Michel Huet

Résumés

Le numérique a introduit des changements à tous les niveaux de la société. Son évolution a bouleversé les pratiques dans plusieurs domaines notamment celui de l’éducation et de la formation. La digitalisation de l’enseignement et formation technique et professionnelle (EFTP) et plus largement de l’enseignement supérieur peut être une réelle opportunité de renforcement des futures politiques en matière de gestion et de planification du secteur en Afrique. Cette contribution explore les enjeux autour de la formation universitaire et professionnelle avec l’intelligence artificielle. Elle s’interroge d’une part sur la contribution de l’IA à l’amélioration de la formation (travail des professeurs, développement de nouveaux supports de formation notamment grâce à l’intégration de la réalité virtuelle, suivi post-diplôme des étudiants, etc.) et d’autre part, sur les facteurs clés de succès pour le développement de formations encore plus spécifiques autour de l’IA.

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Texte intégral

1. Introduction

1L’Agenda 2063 de l’Union Africaine, adopté en 2013, rappelle la nécessité d’investir dans les peuples africains comme ressource la plus précieuse du continent1. Il prévoit à la fois d’améliorer les compétences dans les professions traditionnelles indispensables (enseignants, infirmiers, médecins, avocats…) et d’investir dans les compétences en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STEM). Le numérique est devenu en Afrique un incontournable pourvoyeur d’emplois : à l’échelle continentale, la GSMA estime par exemple que 650 000 emplois formels, auxquels s’ajoutent 1,4 million d’emplois informels, sont soutenus par l’écosystème de la téléphonie mobile en Afrique subsaharienne2.

2L’édition 2020 du rapport The Future of Jobs du Forum économique mondial3 détaille notamment le profil de l’Afrique du Sud. 33 % des jeunes n’y sont ni employés, ni étudiants, et moins d’un tiers de la population active (30 %) dispose de compétences digitales. Or ces compétences sont les plus demandées sur le marché du travail : automatisation de processus, analyse de données, Big Data, intelligence artificielle, machine learning, figurent toutes dans les 10 premières expertises recherchées par les organisations sud-africaines ayant participé au sondage. De plus, à la suite et en raison de la pandémie de COVID-19, 75 % de ces organisations déclarent vouloir accélérer l’automatisation de certaines tâches, et 63 % comptent fournir plus de possibilités de travailler à distance et de digitaliser leurs processus de travail. Enfin, face à l’évolution des compétences recherchées, 82 % des entreprises consultées affirment chercher à automatiser le travail, 73 % se disent prêtes à former des employés à leurs nouveaux besoins, et 64 % licencieraient les salariés incapables d’utiliser les nouvelles technologies.

  • 4 Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), Recommandation (...)

3La digitalisation de l’enseignement et formation technique et professionnelle (EFTP) et de l’enseignement supérieur permet un meilleur pilotage des politiques publiques du secteur grâce à la récolte de données de qualité. Dans sa Recommandation de 2015, l’UNESCO affirme « des systèmes d’évaluation efficaces et appropriés devraient être mis en place en vue de la production et de l’utilisation d’informations sur les résultats obtenus par les apprenants4. » Parmi les applications du numérique à cet usage figurent : le suivi d’indicateurs de performance ; les tracer studies (études sur l’insertion des alumni dans le marché du travail) ; la gestion de l’enregistrement des élèves, professeurs, diplômes, etc. ; la diffusion d’informations ; l’identification des besoins.

4L’accès à des données fiables permettra ensuite de renforcer les futures politiques en matière de gestion et de planification du secteur en Afrique. La digitalisation de l’EFTP et plus largement de l’enseignement supérieur est ainsi une solution pour gagner en réactivité dans le déploiement et la réactualisation des offres de formation sur le mode de l’amélioration continue, avec une réponse agile aux attentes du marché du travail local, qui permettrait de diminuer les frictions et le taux de chômage.

5Les enjeux autour de la formation, notamment universitaire et professionnelle avec l’intelligence artificielle concernent trois dimensions. D’une part, en quoi l’IA peut-elle contribuer à l’amélioration la formation en renforçant le travail des professeurs, en développant de nouveaux supports de formation grâce à l’apport de l’IA pour la réalité virtuelle et la « gamification » des cours et enfin pour le suivi post-diplôme des étudiants ? D’autre part, la formation aux métiers de l’IA est en soi un enjeu, que cela soit via le coding, les applications liées à l’IA ou la formation à la recherche universitaire. Enfin, nous nous interrogerons sur les facteurs clés de succès pour le développement de formations encore plus spécifiques autour de l’IA.

2. L’IA permet de gagner en efficacité dans l’EFTP et l’enseignement supérieur

2.1. Améliorer la qualité de l’enseignement et de la formation grâce à l’IA

6A priori, le numérique au service de l’EFTP peut sembler une gageure tant la formation professionnelle est traditionnellement associée à l’idée d’une présence sur site, d’un apprentissage face à face, voire manuel, et de compétences pratiques, concrètes, directement applicables en situation réelle. Il n’en est rien. Dans les pays développés, former par le digital et au digital a déjà fait ses preuves. Selon l’UNESCO5, environ 42 % des entreprises du classement Fortune 500 aux États-Unis proposent désormais des formations basées sur les technologies digitales, constatant que cela diminue les coûts de formation de 50 %, réduit le temps de formation jusqu’à 60 %, et augmente le taux de rétention de l’information jusqu’à 60 %.

7Ici se trouve le potentiel prometteur de l’IA et de la réalité virtuelle en matière de formation. Les technologies immersives favorisent les mises en situation, multi-utilisateurs, dans des conditions paramétrables à souhait et totalement contrôlables. Les grands groupes ont déjà adopté ces technologies pour optimiser leurs formations sur des compétences techniques ou manuelles. L’avantage de la VR (Virtual Reality), qui ne pourrait se faire sans IA, sur la réalité physique pour l’entraînement à certaines activités professionnelles (maintenance, maniement de produits dangereux, etc.) est évident. Des formations immersives se développent également pour enseigner des « compétences douces » (soft skills). Les capacités de concentration et de mémorisation permises par l’immersion ont une grande valeur pour les services de formation des entreprises : une étude de Deloitte précise que le taux de rétention de l’information serait de 75 % grâce à la réalité virtuelle contre 20 % pour une vidéo6. En Afrique, certains secteurs sont particulièrement intéressés par cet usage de l’IA pour aider à des formations professionnelles, y compris tout au long de la vie des industries extractives (des acteurs comme l’OCP ou Total), notamment sur les opérations de maintenance industrielle. Dans la formation en chimie ou en physique, l’IA peut permettre via la VR des simulations à distance impossibles à réaliser dans les laboratoires universitaires, faute d’équipement adéquat. Des cas similaires pour les formations en médecine et en pharmacie sont à signaler.

2.2. Former grâce à l’IA

8Si le mobile learning permet d’entrevoir la possibilité d’une éducation à moindre coût, l’espoir de toucher les exclus des systèmes d’enseignement et d’améliorer la qualité des savoirs transmis, il est néanmoins important de souligner que l’intégration des TIC à long terme dans les outils éducatifs ne dépend pas tant des évolutions technologiques que de l’appropriation pédagogique par ses usagers. Les établissements d’EFTP doivent utiliser au mieux les nouvelles technologies pour fournir un enseignement adéquat, en les intégrant profondément au mode d’enseignement et non en suivant des modes pédagogiques dans lesquels ils peuvent n’être que des ajouts a posteriori. Une approche uniquement fondée sur l’équipement des enseignants et des élèves en matériel numérique, condition nécessaire mais non suffisante à la digitalisation de l’EFTP, serait vouée au gaspillage de ressources voire à l’échec : il faut également concentrer des efforts sur l’usage qui en est fait. Un enseignement digital de qualité a pour conditions le renforcement des capacités du personnel éducatif et des formateurs, notamment sur la compétence numérique, et l’appropriation des nouvelles technologies par les apprenants, notamment celles liées à l’IA.

9En ce qui concerne le personnel enseignant en particulier, l’apprentissage des technologies numériques dans l’EFTP exige une évolution profonde du rôle, de la posture et des compétences du professeur. Il s’agit de passer de l’enseignant au praticien et du cours magistral au « coaching », c'est-à-dire au rôle de facilitateur, voire de constructeur d'environnements d'apprentissage en bonne partie dématérialisés. Par ailleurs, une étude de 2020 de l’UNESCO-UNEVOC sur l'avenir de l'enseignement de l'EFTP a mis en évidence cinq compétences transversales et appliquées qu'il est important que les enseignants de ce domaine maîtrisent – et qui ne sont pas celles sur lesquelles les systèmes de formation des professeurs mettent actuellement l’accent en Afrique –, à savoir des compétences en matière de : résolution de problèmes ou réflexion critique ; numérique ; entrepreneuriat ou créativité ; travail d'équipe/collaboration ; sciences, technologie, ingénierie et mathématiques.

  • 7 UNESCO, Passerelles entre Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA) et l’ODD 4 en (...)

10Pour cela, le fait de lier la formation continue à la progression de la carrière accroît l’ouverture du personnel de l’EFTP à l’adoption de nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage7. Dans un monde où les changements sont plus rapides que jamais, les enseignants eux-mêmes demeurent des apprenants, tout comme leurs étudiants, si bien que leur capacité à travailler en réseau et à continuer à apprendre en permanence devient une ressource capitale, notamment sur des sujets en constante évolution comme l’IA. Idéalement, il conviendrait de compléter leur formation par la sensibilisation à une pédagogie inclusive, capable d’appréhender la diversité culturelle et linguistique des apprenants, notamment à ceux ayant des besoins particuliers. Enfin, pour former efficacement via l’IA, il est impératif de proposer du contenu en langue locale ainsi que des emplois du temps flexibles et adaptés aux contraintes d’élèves d’EFTP ayant parfois une vie active en parallèle.

  • 8 UNESCO – UNEVOC, Innovation dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels - Un c (...)

11Ainsi, le Yaba College of Technology (YCT) du Nigeria a mis en place un centre de développement de compétences flexibles, appelé à organiser régulièrement des séminaires de développement professionnel des enseignants et instructeurs8. Ils sensibilisent à la pédagogie innovante et aux nouvelles techniques telles que l’apprentissage par problèmes, les ressources éducatives libres ou les techniques flexibles et mixtes. Une collaboration avec le Commonwealth of Learning propose des cours en ligne pour améliorer les capacités des enseignants en matière d’apprentissage basé sur la technologie, et principalement sur l’IA. Dans tous les départements, les enseignants désignent des ambassadeurs chargés de promouvoir les principes de l’enseignement innovant et de soutenir leurs collègues. L’institution a également adapté un processus d’évaluation de la performance des enseignants afin de soutenir et d’encourager la pédagogie innovante sur base d’IA.

12La gamification – c’est-à-dire la tendance de l’éducation numérique à prendre la forme d’un jeu – n’est pas uniquement réservée aux supports d’apprentissage des plus jeunes, par exemple pour apprendre à lire au niveau primaire. Les supports digitaux peuvent fournir un apprentissage de grande qualité sur des sujets complexes et ce, de manière ludique. Dans cette perspective, l’IA apporte une vraie richesse car sans elle, pas de gamification de la formation.

13Il s’agit là d’une leçon intéressante à tirer sur l’éducation via l’IA : les projets éducatifs faisant appel à la simulation par un univers virtuel – et ce, même sur des sujets complexes comme la géopolitique, qui exigent l’adoption d’une multiplicité de points de vue – permettent d’acquérir des connaissances et des méthodes de manière profonde et durable (cas d’un jeu de simulation autour d’un enquêteur de la cour pénale internationale en Ouganda dans la série « Global Conflicts »). Ces résultats sont extrêmement prometteurs dans le cas de l’EFTP, dont les apprentissages peuvent requérir la répétition de gestes particuliers, et supposent de plonger dans un milieu professionnel bien précis ayant son vocabulaire et ses codes spécifiques. Simuler une immersion dans l’environnement professionnel futur, par voie numérique, pourrait élargir le public, abaisser les contraintes matérielles et réduire le temps d’apprentissage de nombreuses formations, y compris dans l’artisanat, les services, etc.

  • 9 La Banque Mondiale estime en effet dans sa banque de données accessible en ligne qu'en 2018, 33% de (...)

14Certaines de ces applications peuvent sembler éloignées des réalités des conditions de connectivité actuelles en Afrique ; mais des projets « low tech » mobilisant le potentiel ludique du numérique ont également pu connaître le succès sur le continent. La GIZ (Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit GmbH), dans le cadre d’un projet pour l’adaptation des chaînes de valeur agricoles au changement climatique (PrAda+), cofinancé par l’Union Européenne, dont une composante visait spécifiquement à promouvoir l’accès aux assurances contre les risques climatiques très élevés à Madagascar, a mis en place le jeu audio éducatif « Ilay Tantsaha Malina », ou « l’agriculteur malin ». Accessible depuis septembre 2018 sur une boîte vocale automatique au 3-2-1, à toute personne ayant accès à un téléphone mobile (indépendamment du téléphone et du niveau d’alphabétisation de l’utilisateur9) grâce à un partenariat entre Airtel et Viamo, « Ilay Tantsaha Malina » a attiré plus de 300 000 joueurs malgaches, parmi lesquels 50 000 ont souhaité recevoir des informations supplémentaires sur les assurances contre les risques climatiques. Les joueurs appellent le numéro puis utilisent les touches de leur téléphone pour indiquer leurs choix à chaque étape d’un récit interactif. Ces choix définissent le résultat du jeu (gain ou perte de « zébus » virtuels) et génèrent des données en temps réel, qui permettent de mesurer les connaissances et résultats des agriculteurs. Sans l’IA, des différentes modélisations (assurantielles, climatiques, agricoles) n’auraient pas pu se faire.

2.3. L’IA dans le suivi des jeunes diplômés

15Un axe tout aussi important dans les formations est la phase post-diplôme, notamment le suivi des diplômés. Ce domaine est encore sous-estimé en Afrique, mais prend progressivement de l’importance, et l’IA a un grand rôle à jouer.

  • 10 Peter Ngure, « African universities are ignoring a rich, invaluable resource: their alumni », The C (...)

16Certaines universités africaines ignorent une ressource inestimable : leurs anciens étudiants. Une étude récente du Consortium for Advanced Research Training in Africa (CARTA) focalisée sur 5 pays (Ethiopie, Kenya, Ouganda, Nigeria et Malawi) et basée sur des entretiens avec 57 responsables de l'enseignement supérieur de 15 universités africaines et 139 anciens étudiants10 souligne à quel point les universités interrogées négligent leurs anciens diplômés. Moins de la moitié de ces universités assurent le suivi de leurs diplômés. Dans l'ensemble, seuls 27 % des anciens étudiants interrogés ont déclaré avoir été contactés et suivis par leurs anciens établissements. Dans la plupart des cas, le suivi était assuré par des universités qu'ils avaient fréquentées en dehors du continent, où beaucoup d'entre eux avaient poursuivi des études de troisième cycle. Il est particulièrement important de noter que près des deux tiers des anciens étudiants interrogés ont déclaré être prêts à être suivis après leur diplomation, et affirmé qu’ils seraient disposés à aider leur alma mater de multiples façons. En outre, les universités qui ont déclaré suivre leurs anciens étudiants ont signalé que ces derniers fournissaient de précieuses informations sur le développement ou la révision des programmes d'études, avaient aidé les établissements à mesurer leur impact sur la société, et avaient contribué à mobiliser des ressources financières par des contributions personnelles, en mettant les universités en relation avec des entreprises, ou en organisant et en participant à des événements de collecte de fonds.

17Il est donc urgent de mobiliser des moyens numériques simples mais efficaces, afin de créer des bases de données complètes, recensant l’ensemble des anciens étudiants et leurs informations de contact, ainsi que des sondages en ligne (e-surveys) permettant de mieux connaître leur situation d’emploi, et de rassembler leurs suggestions d’amélioration. L'engagement des anciens élèves dans la gestion de l'EFTP est vital pour les institutions d’enseignement pour de nombreuses raisons, dont l'augmentation de l'employabilité grâce aux relations facilitées avec les entreprises, le renforcement de l'image publique de l'institut d'EFTP, le soutien au maintien d'une éducation de qualité via l’amélioration continue des programmes, et la fourniture de matériel et de fonds.

18L’IA est surtout utile ici via des applications de suivi des diplômés, de leur carrière, et la proposition de pistes d’emplois futurs pour eux. Elle peut aussi servir à identifier dans les parcours ceux qui demain pourraient faire un « give forward », c’est-à-dire donner à leur tour à leurs anciens établissements (dons, apport en nature, job pour les futurs étudiants). Les bailleurs américains (MCC) sont de plus en plus attentifs à ces approches, les universités américaines étant en avance dans ce domaine. L’African leadership Université (ALU) va assez loin dans la démarche les algorithmes d’IA, allant jusqu’à gérer les frais de scolarité et leur remboursement selon le début de carrière des jeunes diplômés (Rwanda, Ile Maurice).

3. Les différents niveaux de formation à l’IA dans l’enseignement supérieur

19Former à l’IA est un enjeu crucial. Il demeure en effet beaucoup plus facile de digitaliser la formation à des compétences informatiques que la formation, par exemple, à un poste de mécanicien ou de réparateur, qui demande des outils et une mise en pratique dans la matière. Trois niveaux différents sont à distinguer : l’apprentissage du code comme base à tous travaux dans l’IA, la formation aux utilisations de l’IA dans les différents usages professionnels et enfin la formation à la recherche universitaire dans le domaine de l’IA

3.1. Apprendre à coder via l’EFTP

20En plus des établissements d’EFTP traditionnels dotés d’offres d’apprentissage en compétences numériques, l’enseignement et la formation techniques et professionnels au digital en Afrique comptent déjà des initiatives d’excellent niveau et à fort impact, souvent adossées à des partenariats entre institutions publiques et entreprises privées. Citons d’abord l’une des plus vastes et des plus ambitieuses : dans le cadre de son initiative pour l’emploi des jeunes en Afrique, et en partenariat avec la Fondation Rockefeller, Microsoft et Facebook, la Banque Africaine de Développement (BAD) a lancé le programme « Coding For Employment » en 2018. Son objectif est de développer les compétences numériques chez les jeunes africains et de faire émerger une nouvelle génération d’innovateurs sur le continent11. Le programme est déployé via 130 centres d’excellence à travers l’Afrique. Coding For Employment doit former 32 millions d’hommes et de femmes et permettre de créer plus de 9 millions d’emplois.

21Aux mêmes fins, la première école de code informatique de Côte d’Ivoire, La Fabrique inclusive du numérique, a été inaugurée en 2018 à Abidjan dans les locaux du Campus Numérique Francophone d’Abidjan (AUF). Elle propose une formation de développeur Web et Mobile. En partenariat avec l’entreprise française Simplon et le Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères français, ce projet vise à améliorer l’employabilité des jeunes, et notamment des femmes, qui représenteront plus de 40 % de la première promotion.

22Dans le même esprit, la Semaine africaine du code (Africa Code Week) créée en 2015 par le programme de responsabilité sociale des entreprises de SAP, l'UNESCO et ses partenaires, a permis d'autonomiser des millions de jeunes et de former des milliers d'enseignants à travers le continent. SAP est également partenaire de la coalition mondiale de l'UNESCO et, à ce titre, a travaillé avec des partenaires pour trouver des solutions à la continuité de l'apprentissage, la numérisation et le développement professionnel des enseignants en Afrique (et à travers le monde).

23Depuis 2015, les géants de la technologie tels que Microsoft Afrique ont établi des partenariats avec le FAWE pour déployer la Série DigiGirlz12, un programme de renforcement des capacités des filles dans les technologies du codage de pointe. Ce programme a permis à ces centaines de filles au Kenya, en Ouganda, en Éthiopie et en Zambie de développer des jeux sur ordinateur et de s’inscrire en ligne pour bénéficier d’un mentorat en technologies de codage13. Maîtriser l’art du code ou codage ne leur apprend pas uniquement à utiliser au mieux un ordinateur, mais leur fait acquérir ce que beaucoup d’éducateurs considèrent comme étant, par sa multiplicité d’usages, le véritable outil du changement : « la pensée informatique (ou computationnelle) ». En effet, au-delà de la seule capacité à développer une application mobile ou un site web, les technologies d’avenir telles que l’intelligence artificielle, le big data ou le machine learning requièrent une formation poussée en algorithmie, à laquelle il importe de préparer les étudiants africains.

24Autre exemple de coding de l’IA, la création d'un institut de l'intelligence artificielle en Afrique du Sud en septembre 2022 s’inscrit aussi dans cette logique sur l’ensemble du cursus de formation, même dès le plus jeune âge. Le gouvernement sud-africain entend renforcer l'enseignement de la robotique et du codage dans les écoles publiques par la création d'un institut de l'intelligence artificielle (IA) pour permettre aux jeunes d'accéder à une formation moderne, à des ensembles de compétences et à une éducation formelle. Pour y parvenir, le département de l'éducation de base a introduit la robotique et le codage comme matières scolaires dans les écoles primaires et secondaires.

3.2. Des formations aux métiers de l’IA

25Les formations aux enjeux et métiers de l’IA, et surtout celles liées aux métiers d’application de l’IA (les jeux vidéo, le metaverse, etc.) restent encore rares sur le continent. Quelques initiatives récentes sont intéressantes. Ainsi, la Carnegie Mellon University Africa (CMU Africa) au Rwanda, née du partenariat entre l’université Carnegie Mellon au Canada et le gouvernement rwandais en 2011 propose depuis 2020 des formations supérieures dans le domaine de l’IA. Prenons deux cas.

26Le Master of Science in Engineering Artificial Intelligence (MS EAI), d'une durée de 16 à 20 mois, ouvre la porte à des compétences avancées qui permettront aux ingénieurs de concevoir des solutions puissantes aux défis d'aujourd'hui. Les étudiants apprennent à combiner une base en intelligence artificielle, en apprentissage automatique et en science des données avec leurs compétences en ingénierie, en technologies de l'information et en logiciels, par le biais d'une étude théorique et pratique d'applications du monde réel.

27CMU-Africa, situé dans la ville de l'innovation de Kigali, est un centre régional d'excellence en matière de TIC qui forme une composition diversifiée de futurs dirigeants de toute l'Afrique, qui utiliseront leurs compétences et leurs connaissances pratiques pour faire progresser l'innovation technologique et développer les entreprises. CMU-Africa fait également partie du College of Engineering de l'université Carnegie Mellon. Les étudiants de CMU-Africa ont la possibilité de suivre des semestres sur le campus de la Silicon Valley de CMU et/ou sur le campus de Pittsburgh, en plus du semestre obligatoire à Kigali. Au printemps 2022, le programme intégrait plus de 230 étudiants représentant 21 pays africains.

28Autre exemple, le Dakar Institute of Technology au Sénégal est une école d’informatique spécialisée dans le Big Data et l’intelligence artificielle avec une proximité avec des grands groupes technologiques (Orange, Atos, etc.). Fondé en 2019, cet institut se donne pour mission de former les prochaines générations de codeurs et de leaders Africains dans l’art d’utiliser la technologie pour le développement autonome du continent.

29Les bailleurs de fonds ne sont pas en reste, et commencent à financer des opérations autour de l’IA. Par exemple, l’Initiative pour le Développement de l’Intelligence Artificielle (IDIA) est un projet de recherche soutenu par le programme Intelligence artificielle pour le développement en Afrique (IAPD Afrique), un investissement conjoint du Centre pour le Développement international (CRDI) et de l’Agence suédoise de coopération au développement international (ASDI). Ce projet vise à répondre au manque de données et d’évidences probantes sur l’IA en Afrique francophone. Il contribuera à l’adoption d’une IA responsable en Afrique francophone à travers des recherches qui informent des stratégies et politiques nationales. Le projet se concentre sur trois piliers principaux :

  1. le renforcement des capacités et l’amplification des talents et des communautés de l’IA en Afrique,

  2. le soutien des droits et de l’inclusion par l’élaboration d’une politique responsable en matière d’IA,

  3. et l’avancement des réseaux d’innovation en IA pour relever les défis du développement en Afrique.

30Autre initiative, l’école d’Ingénierie Digitale et d’Intelligence Artificielle (EIDIA), composante de l’Université Euromed de Fès, a été créée en 2019 dans une vision de former des jeunes aux nouveaux métiers du digital et de répondre ainsi au besoin du marché du travail en pleine transition digitale. Première école du genre dans la région, elle forme des ingénieurs en Intelligence artificielle, en Big Data, en Cybersécurité, robotique et en développement web et mobile. Originale et unique par son offre de formation mais également par son approche pédagogique basée sur l’apprentissage, le développement de prototype, et l’entreprenariat et l’éthique. L’EIDIA dispose d’une chaire académique ICESCO-UEMF « Women in Science : Artificial Intelligence and Future » qui promeut l’intelligence artificielle auprès des jeunes filles et des femmes, encourageant et renforçant ainsi la présence des femmes dans ce domaine encore largement dominé par le genre masculin. Plusieurs activités y sont proposées, allant des bootcamps pour les jeunes filles en milieu rural aux formations continues destinées aux femmes en exercice.

31Dernier exemple, Skills & Human AI est la société qui a créé la première Maison de l’Intelligence Artificielle (MIA) d’Afrique à Oujda au Maroc avec l’Université Mohamed Premier et son indispensable écosystème, après avoir créé avec l’Institut EuropIA, la première MIA au monde à Sophia Antipolis (France). Les véhicules sont nombreux et permettent des approches éducatives différentes (Institut Afriqu’IA ; Afriqu’IA Capital - Fonds d’investissements ; Afriqu’IA Conseil - Marketplace de conférenciers & Experts IA tous domaines ; AfriquN’Ass - cellule de recherche pédagogique ; OIASH - Observatoire de l’Intelligence Artificielle au Service de l’Humanité, etc.)

3.3. Favoriser la formation pour la recherche universitaire africaine dans l’IA

32Il ne faut pas omettre aussi le rôle de la recherche universitaire africaine dans l’IA. Quelques exemples à mettre en avant se matérialisent par des partenariats avec des universités étrangères ou des centres de recherche, en vue de former de futurs chercheurs

33Ainsi, L’Institut africain des sciences mathématiques (AIMS) présent au Ghana, Rwanda et Sénégal propose l'African Masters of Machine Intelligence (AMMI), programme d'études intensif d'un an entièrement financé qui offre à de jeunes Africains une formation en apprentissage automatique et ses applications. Lancé en 2018 par Moustapha Cissé, professeur d'apprentissage automatique et responsable du centre Google AI à Accra au Ghana, ce programme est parrainé par Facebook et Google. Initialement mis en œuvre à AIMS Rwanda et AIMS Ghana, le AIMS Sénégal a accueilli le programme AMMI en janvier 2021 avec la première cohorte de 39 étudiants. Les professeurs du programme sont issus des plus grandes universités au niveau mondial : NYU, Imperial, Telecom, Princeton, etc. Plusieurs débouchés sont possibles pour la recherche. L’AMMI forme des chercheurs en intelligence artificielle en se concentrant sur la recherche fondamentale en IA ainsi que sur le développement d'un vaste éventail d'applications répondant aux besoins actuels et futurs de l'Afrique et du monde. Les diplômés de l'AMMI créeront et/ou rejoindront les meilleurs laboratoires industriels et publics de R&D.

34Autre exemple de formation pour la recherche, le Centre Universitaire de Recherche et de Formation aux Technologies de l’Internet (CURI-UCAD) au Sénégal conduit des études et des recherches sur l’Intelligence artificielle en Afrique francophone et forme également les étudiants. Autre exemple, l’Université virtuelle du Sénégal propose un master en intelligence artificielle dans le cadre du Centre national du Calcul scientifique dédié à la recherche et l’innovation numérique.

4. Créer des institutions spécialisées dans la formation supérieure aux « métiers de l’IA » en Afrique

35La mise en place de nouvelles institutions spécialisées sur la formation « aux métiers de l’IA » ou le renforcement d’instituts locaux de formation existants représente un des outils fondamentaux de soutien à la croissance et à la création d’emplois dans les pays africains ambitieux d’opérer la digitalisation de leur économie.

36Le détail et la volumétrie des profils à former pour répondre à ces besoins varient suivant le pays et la sous-région ; mais la nécessité de former de plus en plus de profils titulaires de diplômes d’enseignement professionnel et supérieur dans ces domaines est un invariant mondial. Pour fournir ces profils, le spectre des formations nécessaires couvre des diplômes de management, de commerce et de sciences (développeur, technicien supérieur et ingénieur notamment).

37Nous nous intéressons ici aux facteurs clés de succès pour la mise en place ou la restructuration de telles institutions, avec un prisme orienté vers les formations scientifiques (technicien supérieur, ingénieur, chercheur appliqué).

38Trois facteurs clés paraissent essentiels à la réussite de telles institutions.

4.1. Une vision stratégique claire et bien articulée avec les besoins du marché du travail

39Il faut préalablement définir le positionnement stratégique de l’établissement sur la base des besoins des entreprises et institutions : les profils prioritaires à former et la volumétrie associée, c’est-à-dire le nombre adéquat de jeunes diplômés à former chaque année. Préciser clairement le marché de l’emploi ciblé géographiquement doit aussi être une des premières étapes de cette réflexion, afin de définir si l’institution a vocation à se concentrer sur l’échelle nationale ou à former des profils travaillant également à l’international, que ce soit à l’échelle du continent ou plus fréquemment d’une sous-région (dans une logique de formation de référence sur certains pôles d’expertise sur les zones UEMOA ou Océan Indien par exemple). De même, l’identification d’une à deux filières d’excellence est recommandée de façon à ancrer la notoriété de l’école et à bénéficier d’un axe de différentiation clair – et plus encore dans une logique d’institution rayonnant à l’international. Il sera enfin important d’anticiper l’évolution de plus en plus rapide des compétences attendues sur ces métiers de l’IA, et ainsi de mettre en place une cellule de veille ayant vocation à alimenter une revue régulière des cursus proposés, que ce soit en termes de formation « de base », de recherche appliquée ou de formation continue.

4.2. Un lien renforcé avec le monde des entreprises

40Un écueil fréquemment rencontré par un grand nombre d’écoles ou d’universités est celui d’une certaine déconnexion avec les besoins du monde de l’entreprise. Celui-ci conduit à une moindre pertinence des formations proposées aux jeunes diplômés (moins adaptées aux besoins du marché, moins en adéquation avec les attentes concrètes des entreprises, au taux d’employabilité plus faible) et à des thématiques de recherches moins intégrées et appliquées au monde entrepreneurial. Il est donc fondamental de nouer des partenariats de long terme avec quelques entreprises emblématiques au regard des filières clés de formation de l’institution. Ces entreprises partenaires auront idéalement vocation à être associées :

  • aux formations continues proposées, dans une logique de création et d’animation commune de ces formations mais aussi de mise à disposition de ces formations pour les salariés de l’entreprise autour des apports de l’IA ;

  • à certaines thématiques de recherche et d’innovation en IA, de façon à en assurer la pertinence et à renforcer les synergies dans ce domaine où l’ouverture sur l’écosystème est capitale. Des chaires de recherche en IA en partenariat avec ces entreprises sont fréquemment utilisées pour cela ;

  • à la formation supérieure initiale, en mobilisant des intervenants issus des entreprises partenaires, en favorisant les stages au sein de ces mêmes entreprises, et faisant d’elles des recruteurs privilégiés des jeunes diplômés.

41Ces partenariats stratégiques seront d’autant plus forts que les entreprises auront une place à jouer dans la gouvernance de l’institution, par exemple en siégeant au conseil d’administration et en étant ainsi naturellement consultées sur les évolutions structurantes de l’établissement.

La Berkeley Alliance for Inclusive AI : Une vision proactive de l’inclusion et l’éthique en analytique

Entretien avec Gauthier Vasseur, directeur exécutif du Berkeley Fisher Center for Business Analytics. 
Gauthier fonde l’Alliance pour l’IA inclusive en 2018 qu’il copréside aujourd’hui avec Nolwenn Godard, une experte du monde de la tech en Silicon Valley.

Gauthier, pourquoi avez-vous choisi cet engagement aux côtés des femmes et des communautés peu exposées aux enseignements en analytique ?
Je suis parti du constat évident et largement partagé que le monde digital reste encore très peu ouvert à la diversité. Mais je voulais faire plus qu’enchaîner les cocktails, les panels de discussion, ou des blogs de lamentations sur le sujet. Je voulais agir concrètement. Je ne voulais pas me contenter d’être un observateur. Je voulais apporter des clés, des solutions concrètes que mon expérience me permettait de mettre en œuvre.
Je souhaitais aussi compléter le message autour de l’inclusion, souvent limité à la vision du bien contre le mal. Je ne voulais pas rester sur un débat d’opinion, mais amener la discussion sur une évidence factuelle. Aujourd’hui, les entreprises ont besoin de cette diversité. Elles en ont besoin car leur audience est diverse. Elles ont besoin parce que leurs clés de survie au darwinisme digital, aux cygnes noirs et à la concurrence globale dépendent de leur capacité à s’adapter et à innover et elles doivent pouvoir s’appuyer sur toutes les énergies de créativité et d’action de leurs équipes. Nous ne pouvons pas laisser de côté les “minorités” qui représentent en fait la majorité de l’écosystème interne et externe de l’entreprise.

Quelles approches proposez-vous pour changer la donne ?
Je me suis reposé sur mon expérience et ma passion. Après plus de 20 ans dans le domaine de l’analytique, côté praticien, éditeur et enseignant, j’ai constaté que le sujet est tout d’abord accessible à tous. Que ce soit dans mes équipes ou dans la formation de groupes allant de lycéens à des cadres exécutifs, j’ai pu observer que tous pouvaient appréhender les savoirs et les techniques. Qu’il n’y a pas véritablement de frein académique et que ce sont la curiosité, l’envie d’apprendre et le courage de se mettre à l’eau qui sont les plus déterminants.
J’ai constaté que la maîtrise de l’analytique est également un révélateur de nos qualités. Paradoxalement, par la meilleure compréhension des problématiques qui nous entourent et par l’efficacité à les appréhender, nous allons passer moins de temps à faire de la data et plus de temps à prendre nos responsabilités dans le questionnement, la réflexion et l’action.
Enfin, j’ai compris que nous avons tous une place à la table de la data. Nous avons tous un rôle clé à jouer, quels que soient notre niveau académique, notre sensibilité à la technologie ou encore notre envie de nous impliquer. Par sa nature multi-facettes, donnée, technologie, processus et humaine, le monde de l’analytique a besoin des talents de chacun.

Concrètement, que propose AIAI à ses participants ?
Pour changer la donne, il faut cesser de parler. Il faut maintenant former ! En équipant nos participants de compétences concrètes, appliquées, holistiques, nous leur permettons d’avoir un rôle à jouer en analytique.
Nous offrons une approche innovante née de notre expérience et de notre présence au sein d’un écosystème universitaire et entreprise de premier plan, autour de 3 piliers. Tout d’abord, nous pouvons tous atteindre un niveau d’excellence opérationnelle en data. Tout au long de la chaîne de valeur analytique, nous avons besoin de compétences variées qui vont devoir soutenir toutes les étapes : de la question métier à poser pour orienter nos analyses, de la capture physique de la donnée, de la préparation, de la gouvernance, de l’organisation, de l’analyse, de la visualisation, de la présentation des résultats et bien sûr de l’action. Autre pilier, grâce au No-Code/Low-Code, nous avons tous une opportunité de travailler de manière performante et précise. Nous pouvons nous libérer d’une courbe d’apprentissage parfois fastidieuse, nous pouvons nous concentrer sur la fin (les résultats), plus que sur les moyens (la programmation). Enfin, 3è pilier, en pratiquant immédiatement nos acquis, nous pouvons non seulement mieux apprendre, mais nous pouvons également prendre confiance en nous et réaliser tout notre potentiel. Nous mettons à la disposition de nos participants une plateforme analytique en ligne, accessible immédiatement partout dans le monde, à partir d’un simple navigateur internet. Dès les premières heures, nos participants réalisent leur potentiel !
Nous nous reposons sur 4 parcours certifiants Fisher Center ou Berkeley Extension.
Ces parcours sont fondés sur ceux qui sont enseignés dans des programmes que j’enseigne à Berkeley, Stanford et dans divers programmes internationaux de Master et d’executive MBA. Nous respectons nos participants en leur donnant ce que nous avons de meilleur.

Quels sont les récents succès qui vous ont le plus marqué en Afrique ?
Au Maroc, sur des parcours de business analytique, j’ai vu des talents se révéler grâce à la maîtrise de la donnée. Libérés des tableurs, de leur lenteur et de leur complexité, de jeunes talents ont non seulement acquis une solide expérience en data, mais ont également grandi dans leur métier.
Enfin, en 2022, lors de ma 26e saison au programme Continuing Studies de Stanford, avec un groupe international issu d’Europe, d’Amérique latine et d’Afrique, j’ai assisté à l’éclosion incroyable de la capacité des participants à non seulement appréhender la pratique de l’IA en entreprise, mais également ses défis éthiques et humains.
En fait, chaque parcours nous donne la joie immense de voir des individus (enfin) aller plus loin dans leur potentiel, devenir des praticiens solides et surtout des garants d’une data plus pertinente, efficace, durable, éthique et inclusive.

Comment contribuer à la mission d’AIAI ?
C’est très simple ! Nous recevons des donations de nos partenaires qui nous permettent de financer des formations certifiantes avec Berkeley Extension. Mais l’approche qui rencontre un vif succès est celle du “1 pour 1”. C’est une évidence, toutes les entreprises ont besoin de former ou re-former leur personnel à l’analytique. En travaillant avec nous sur leur projet d’acculturation, nous nous engageons à former une femme ou un représentant de communauté en besoin pour chaque salarié inscrit. Cela permet de donner une vraie substance aux programmes d’inclusion des organisations, de créer un pool de talents formés et souvent de créer une relation mentor entreprise/étudiant AIAI particulièrement bénéfique notamment quand les bénéficiaires sont de jeunes africains14.

4.3. Un renforcement des synergies entre formation initiale, recherche appliquée, formation continue, incubation et entreprenariat

42La formation initiale, la recherche appliquée, la formation continue et l’incubation de start-up basées sur des avancées de l’IA doivent être pensées comme un tout pour une institution de formation. Ces différentes activités regorgent en effet de synergies :

  • la recherche appliquée sera structurée autour de pôles qui soutiendront les domaines d’excellence de l’institution et contribueront à attirer un corps d’enseignants-chercheurs de qualité, contribuant à la renommée de l’institut et à la qualité des formations initiale et continue ;

  • l’attractivité de la recherche appliquée en IA, de l’incubation et de la formation continue contribueront à nouer/enrichir les partenariats stratégiques avec des entreprises, bénéfiques à l’étoffement des débouchés de l’ensemble des formations ;

  • une partie des élèves formés par la formation initiale a bien sûr vocation à enrichir les équipes de recherche appliquée et d’incubation/entreprenariat notamment dans les secteurs générant ou utilisant beaucoup de données et donc où l’IA est importante, en Afrique ce sont notamment les secteurs des fintech, de l’agritech et des civictech ;

  • cette dernière dimension d’entreprenariat, particulièrement importante sur le continent africain, est un axe naturel de formation et de développement lié aux thématiques digitales.

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Bibliographie

Agence Française de Développement (2018). L’éducation en Afrique subsaharienne : idées reçues. https://www.afd.fr/sites/afd/files/2018-01/education-afrique-subsaharienne-idees-recues.pdf

Agence Française de Développement, Agence Universitaire de la Francophonie, Orange et Unesco (2015, février). Le numérique au service de l’éducation en Afrique. Savoirs communs, n°17. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000231278

Forum Economique Mondial (2020). The Future of Jobs Report 2020. http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs_2020.pdf.

Groupe Banque Mondiale (2020). TVET Systems’ response to COVID-19: Challenges and Opportunities. https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/33759/TVET-Systems-response-to-COVID-19-Challenges-and-Opportunities.pdf?sequence=1&isAllowed=y

Institut de Statistique de l’UNESCO (2020, 26 février). L’ISU publie les données nationales les plus actuelles de l’ODD 4 sur l’éducation. https://uis.unesco.org/fr/news/lisu-publie-les-donnees-nationales-les-plus-actuelles-de-lodd-4-sur-leducation

Inter-Agency Working Group on TVET (2014). Proposed indicators for assessing technical and vocational education and training – Working Document. https://unesdoc.unesco.org/in/documentViewer.xhtml?v=2.1.196&id=p::usmarcdef_0000260674&file=/in/rest/annotationSVC/DownloadWatermarkedAttachment/attach_import_68f11d7d-2ddc-473c-a479-6243c6cd8193%3F_%3D260674eng.pdf&locale=fr&multi=true&ark=/ark:/48223/pf0000260674/PDF/260674eng.pdf#%5B%7B%22num%22%3A8%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2C315%2C464%2C0%5D

Järvinen, S. (2018, 9 mai). Nouvelles technologies : une menace ou une chance pour l’Afrique ? Partenariat Mondial pour l’Education. https://www.globalpartnership.org/fr/blog/nouvelles-technologies-une-menace-ou-une-chance-pour-lafrique.

King, K. et Palmer, R. (2015). Planifier le développement des compétences techniques et professionnelles. (Publication n°94 Principes de la planification de l’education). UNESCO : Institut international de planification de l’éducation. https://unesdoc.unesco.org/in/documentViewer.xhtml?v=2.1.196&id=p::usmarcdef_0000189530_fre&file=/in/rest/annotationSVC/DownloadWatermarkedAttachment/attach_import_185d4ce3-4866-4e38-8e6d-2e4f1f1e95be%3F_%3D189530fre.pdf&locale=fr&multi=true&ark=/ark:/48223/pf0000189530_fre/PDF/189530fre.pdf#%5B%7B%22num%22%3A772%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2Cnull%2Cnull%2C0%5D

Morsy, H. et Mukasa, A. N. (2019). Youth Jobs, Skill and Educational Mismatches in Africa. (Working Paper series n°326 de la Banque Africaine de Développement). https://www.afdb.org/sites/default/files/documents/publications/wps_no_326_youth_jobs_skill_and_educational_mismatches_in_africa_f1.pdf

Ngure, P. (2018, 7 mars). African universities are ignoring a rich, invaluable resource: their alumni ». The Conversation. https://theconversation.com/african-universities-are-ignoring-a-rich-invaluable-resource-their-alumni-92531

Partenariat Mondial pour l’Education (2021, 10 juillet). 5 raisons d'investir 5 milliards de dollars : entretien avec Atsuko Toda 10. https://www.globalpartnership.org/fr/blog/5-raisons-dinvestir-5-milliards-de-dollars-entretien-avec-atsuko-toda

Salentey, P. (2020, 3 décembre). Femmes entrepreneures en Afrique : la course au financement. Les Echos. https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/toujours-plus-haut/coaching/0610040586765-femmes-entrepreneures-en-afrique-la-course-au-financement-341006.php

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Notes

1 Bernard Kirk, Claire Gillissen-Duval, « En Afrique, les enseignants transforment l’éducation pendant la pandémie », Partenariat Mondial pour l’Education (5 octobre 2020), https://www.globalpartnership.org/fr/blog/en-afrique-les-enseignants-transforment-leducation-pendant-la-pandemie.

2 GSMA, The Mobile Economy – Sub-Saharan Africa (2021), https://www.gsma.com/mobileeconomy/sub-saharan-africa/.

3 Forum Economique Mondial, The Future of Jobs 2020 (octobre 2020), http://www3.weforum.org/docs/WEF_Future_of_Jobs_2020.pdf.

4 Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture (UNESCO), Recommandation concernant l’enseignement et la formation techniques et professionnels (EFTP), 2015, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000245178_fre/PDF/245178fre.pdf.multi.

5 UNESCO, Using ICTs and Blended Learning in Transforming TVET (2017), https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000247495/PDF/247495eng.pdf.multi.

6 Voir p. 28 du rapport de Deloitte, Digital Reality changes everything (2019), https://www2.deloitte.com/content/dam/Deloitte/dk/Documents/Grabngo/Digital%20Reality%20GrabNGo_2019_030419.pdf

7 UNESCO, Passerelles entre Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique (CESA) et l’ODD 4 en Afrique (janvier 2021), https://unesdoc.unesco.org/in/documentViewer.xhtml?v=2.1.196&id=p::usmarcdef_0000375419_fre&file=/in/rest/annotationSVC/DownloadWatermarkedAttachment/attach_import_6acaf8eb-9790-4eba-bdc8-8bd435a34b33%3F_%3D375419fre.pdf&locale=fr&multi=true&ark=/ark:/48223/pf0000375419_fre/PDF/375419fre.pdf#%5B%7B%22num%22%3A111%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2C44%2C792%2C0%5D.

8 UNESCO – UNEVOC, Innovation dans l’enseignement et la formation techniques et professionnels - Un cadre pour les institutions (2021), https://unesdoc.unesco.org/in/documentViewer.xhtml?v=2.1.196&id=p::usmarcdef_0000376160&file=/in/rest/annotationSVC/DownloadWatermarkedAttachment/attach_import_d3713575-2aa1-4785-8d04-94b5a9dc383c%3F_%3D376160fre.pdf&updateUrl=updateUrl6985&ark=/ark:/48223/pf0000376160/PDF/376160fre.pdf.multi&fullScreen=true&locale=fr#%5B%7B%22num%22%3A249%2C%22gen%22%3A0%7D%2C%7B%22name%22%3A%22XYZ%22%7D%2C-118%2C842%2C0%5D.

9 La Banque Mondiale estime en effet dans sa banque de données accessible en ligne qu'en 2018, 33% de la population adulte malgache était analphabète (voir https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SE.ADT.LITR.ZS?locations=MG).

10 Peter Ngure, « African universities are ignoring a rich, invaluable resource: their alumni », The Conversation, 7 mars 2018, https://theconversation.com/african-universities-are-ignoring-a-rich-invaluable-resource-their-alumni-92531

11 Voir https://coding4employment.org/.

12 Voir https://www.microsoft.com/en-us/diversity/programs/digigirlz/default.aspx.

13 Juliet Kimotho, « Réduire les écarts dus à l’inégalité des sexes dans les STEM pour transformer l’Afrique », Partenariat Mondial pour l’Education, 8 mars 2019, https://www.globalpartnership.org/fr/blog/reduire-les-ecarts-dus-linegalite-des-sexes-dans-les-stem-pour-transformer-lafrique

14 https://form.jotform.com/223476723540052

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Pour citer cet article

Référence électronique

Jean-Michel Huet, « L'intelligence artificielle et la digitalisation de l'enseignement : des leviers essentiels pour l'avenir de la formation en Afrique »Communication, technologies et développement [En ligne], 16 | 2024, mis en ligne le 01 novembre 2024, consulté le 13 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/ctd/12615 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12nfg

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Auteur

Jean-Michel Huet

Partner at BearingPoint ; jean-michel.huet[at]bearingpoint.com

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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