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Vishishtâdvaita

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Vishishtadvaita ou Viśiṣṭādvaita[1] (du sanskrit viśiṣṭa qualifé, distinct, et advaita non dualiste) désigne traditionnellement l'une des principales écoles du Vedānta, enseignée essentiellement par Rāmānuja. Cette doctrine relativise celle de Shankara, le non-dualisme (a-dvaita) entre le Soi individuel (atman) et le brahman, en affirmant qu’ils ne sont pas entièrement identiques, que l’atman, ainsi que le monde matériel sont bien réels et que s’ils ne sont pas distinct de « Dieu » (brahman) du point de vue de celui-ci, ils sont distincts (viśiṣṭa) de lui en tant que « modes » (prakara)[2].

Les précurseurs de cette forme de vedānta vaishnava sont les Alvars, un groupe de 11 saints, auteurs de nombreux chants dévotionnels tamouls réunis dans le Nalayirappirabandam. Pour les Alvars, la dévotion à Vishnou prime tout. Première conséquence : peu importe l'origine des castes. Mieux vaut un Shoûdra à la dévotion sincère et ardente qu'un Brahmane imbu de son savoir. Le bhakta (dévot) l'emporte sur le pandit (érudit).

Les plus célèbres Alvars se nomment :

  • Nammalvar (IXe siècle), auteur du Tiruvāymoli.
  • Nathamuni (XIe siècle), éditeur et commentateur de Nammalvar.

Enfin :

À la suite de Ramanuja, l'école se divisa en deux branches, toujours florissantes actuellement : La branche du Nord (vadagalai) est attachée aux textes sanskrits de l'école. Principal représentant :

La branche du Sud (tengalai) est attachée aux textes tamouls. Principal représentant:

Le Vishistadvaita offre des similitudes avec l'école Virashaiva du shivaïsme.

Philosophie

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Rāmānuja a accepté les Védas comme étant une source fiable de connaissance, puis a critiqué d'autres écoles de la philosophie hindoue, y compris l'Advaita Vedānta : selon lui, elles ont échoué dans l'interprétation de tous les textes védiques [3]. Il a affirmé, dans son Sri Bhāshya, que les Purvapaksin (les écoles précédentes) interprètent sélectivement les passages des Upanishads qui soutiennent leur interprétation moniste, et ignorent les passages qui soutiennent l'interprétation du pluralisme [3] : Il n'y a aucune raison, déclare Rāmānuja, de préférer une partie d'une Écriture aux autres, la totalité de l'Écriture doit être considérée comme égale [4]. On ne peut pas, selon Rāmānuja, tenter de donner des interprétations correctes des textes védiques en prenant juste des parties isolées tandis que l'on rejette d'autres ; au contraire, l'Écriture védique doit être considérée comme un corpus dans son intégrité, exprimant une doctrine cohérente [3]. La littérature védique, affirme Rāmānuja, mentionne à la fois la pluralité et l'unité (du Brahman), donc la vérité doit incorporer le pluralisme et le monisme, ou le monisme qualifié [3].

Cette méthode d'interprétation des Écritures distingue Rāmānuja de Ādi Shankara [4]. L'approche exégétique de Shankara (Samanvayat Tatparya Linga avec Anvaya-Vyatireka), déclare que, pour bien comprendre, tous les textes doivent être examinés dans leur intégralité et ensuite leur intention établie par six caractéristiques, ce qui comprend l'étude de ce que l'auteur déclare être son but, ce qu'il répète dans son explication, ce qu'il déclare comme conclusion et si elle peut être vérifiée épistémiquement [5],[6]. Selon Adi Shankara, tout dans un texte n'a pas le même poids et certaines idées sont l'essence du témoignage textuel d'un expert [4]. Cette différence philosophique dans les études védiques a permis à Adi Shankara de conclure que les principales Upanishads enseignent principalement le monisme avec des enseignements tels que Tat tvam asi (« Tu es Cela »), tout en aidant Rāmānuja à conclure que le monisme qualifié est à la base de la spiritualité hindoue [3],[4],[7].

Comparaisons avec d'autres écoles du Vedanta

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Cette forme de vedānta appelé encore non-dualisme qualifié se distingue du non-dualisme de Shankara parce qu'il admet que le Brahman soit doué d'attributs en nombre infini. Parmi ses attributs : le pouvoir de création, l'univers, les âmes individuelles (Jiva). Il s'agit d'une forme de vedānta théiste d'obédience vaishnava. Dans sa perspective, l'identification de la réalité universelle (brahman) avec le seigneur suprême ishvara identifié à Vishnou s'oppose donc délibérément au vedānta de Shankaracharya, fondé sur la conception exclusive du Brahman comme principe non-agissant et non-qualifié (nirguna), absolument Un et sans second. Ces deux courants du vedānta, celui de Shankaracharya et celui de Rāmānuja sont également non-dualistes, mais tandis que Shankara privilégie la connaissance (jñāna), pour parvenir à la délivrance (mukti), Rāmānuja affirme que la dévotion (bhakti), fondée sur l'adoration exclusive et totale du Seigneur suprême, est la plus haute forme de connaissance. Une autre différence caractéristique entre la philosophie de Shankaracharya et Ramanujacharya porte sur la réalité du monde : tandis que Shankaracharya considère la manifestation universelle comme une illusion (māyā) produite par l'ignorance (avidyā), Rāmānuja la considère comme réelle et produite par le Seigneur suprême, dont elle manifeste les qualités infinies. La libération spirituelle selon Shankara est la pleine compréhension et la réalisation de l'unité de l'Âtman immuable (l'Âme) comme étant la même chose que l'Âtman chez tous les autres êtres : l'Âtman, Soi ou Âme des créatures, est en réalité identique au Nirguna Brahman (Âme universelle sans qualité) [8]. En revanche, la théorie de Rāmānuja considère que le Brahman et le monde de la matière sont à la fois deux absolus différents, tous deux métaphysiquement réels, dont l'un ne devrait pas être appelé faux ou illusoire, et que Saguna Brahman (Âme universelle avec des attributs) est également réel [9]. Dieu, comme l'homme, déclare Rāmānuja, est à la fois l'âme et le corps, et tout le monde de la matière est la gloire du corps de Dieu [10]. Le chemin vers le Brahman (Vishnou), affirme Rāmānuja, est la dévotion, la piété et le souvenir constant de la beauté et de l'amour du dieu personnel (Saguna Brahman, Vishnou), qui conduit finalement à l'unité avec le Nirguna Brahman (Absolu sans attributs)[10].

Contrairement aux vues du Dvaita (« Dualisme ») de Madhvāchārya, Rāmānuja affirme un non-dualisme qualifié où, selon cette théorie, les âmes partagent la même nature essentielle du Brahman (« Âme universelle ») [11] : il y a une similitude universelle dans la qualité et le degré de félicité possible pour les âmes des êtres vivants ; chaque âme peut atteindre le même état de félicité que le divin, du Brahman [12]. Alors que Madhavāchārya, aux XIIIe et XIVe siècles, affirme à la fois « le pluralisme qualitatif et quantitatif des âmes » (il y a des âmes prédestinées au nirvana et d'autres à un enfer sans fin), Rāmānuja affirme « le monisme qualitatif et le pluralisme quantitatif des âmes » (la possibilité pour toutes les âmes, qui sont toutes fondamentalement les mêmes, d'atteindre la délivrance) [13].

Dans la tradition brahmanique, le Vishistādvaita Vedānta de Rāmānuja appartient à la lignée (ou "transmission") vishnouïte (vishnusampradaya) tandis que l'Advaita Vedānta de Shankaracharya relève de la tradition smarta.[réf. nécessaire] Cela ne veut pas dire que les shivaïtes soient forcément non-dualistes (Advaita, l'âme individuelle et l'âme universelle sont en réalité Une) et les vishnouïtes forcément dualistes (Dvaita, l'âme individuelle et l'âme universelle sont éternellement différentes) : par exemple, la philosophie Shuddhadvaita de Vallabha, maître krishnaïte, appartient au vishouïsme et est néanmoins un « pur non-dualisme » (dans son essence, l'âme de la créature est la même que l'âme universelle, Brahman), tandis que les shivaïtes du Shaiva Siddhanta possèdent une philosophie dualiste (le but du fidèle du Shaiva Siddhanta est d'obtenir une âme illuminée par la Grâce du Seigneur Shiva, puisque sans la Grâce de Shiva il est impossible d'atteindre l'illumination, comme il est impossible à l'œil de voir sans la lumière différente de l'œil)[14].

Bibliographie

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Notes et références

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  1. Sanskrit Heritage Dictionary de Gérard Huet
  2. Dictionnary of Hinduism par W.J. Johnson publié par Oxford University Press, pages 350 et 351, (ISBN 9780198610250)
  3. a b c d et e Shyam Ranganathan (2011), Rāmānuja (c. 1017 - c. 1137), IEP, York University
  4. a b c et d Carman, John B. (1994). Majesty and Meekness: A Comparative Study of Contrast and Harmony in the Concept of God. Wm. B. Eerdmans Publishing. (ISBN 978-0802806932).
  5. Mayeda & Tanizawa (1991), Studies on Indian Philosophy in Japan, 1963–1987, Philosophy East and West, Vol. 41, No. 4, pages 529–535
  6. Michael Comans (1996), Śankara and the Prasankhyanavada, Journal of Indian Philosophy, Vol. 24, No. 1, pages 49–71
  7. Julius Lipner (1986), The Face of Truth: A Study of Meaning and Metaphysics in the Vedantic Theology of Rāmānuja, State University of New York Press, (ISBN 978-0887060397), pages 120-123
  8. William M. Indich (1995). Consciousness in Advaita Vedanta. Motilal Banarsidass. pp. 1–2, 97–102. (ISBN 978-81-208-1251-2).
  9. Joseph P. Schultz (1981). Judaism and the Gentile Faiths: Comparative Studies in Religion. Fairleigh Dickinson University Press. pp. 81–84. (ISBN 978-0-8386-1707-6).
  10. a et b J.A.B. van Buitenen (2008), Rāmānuja - Hindu theologian and Philosopher, Encyclopædia Britannica
  11. Stoker, Valerie (2011). Madhva (1238-1317). Internet Encyclopedia of Philosophy. Retrieved 2 February 2016.
  12. Stafford Betty (2010), Dvaita, Advaita, and Viśiṣṭādvaita: Contrasting Views of Mokṣa, Asian Philosophy: An International Journal of the Philosophical Traditions of the East, Volume 20, Issue 2, pages 215-224
  13. Sharma, Chandradhar (1994). A Critical Survey of Indian Philosophy. Motilal Banarsidass. (ISBN 81-208-0365-5).
  14. Flood, Gavin. D. 2006. The Tantric Body. P.122