Transantarctica
La Transantarctica est une expédition, scientifique et humaine internationale, de traversée intégrale du continent Antarctique sur 6 300 kilomètres, à pied aidé au total de trente-six chiens de traîneaux, réalisée en 219 jours en 1989-1990[1],[2]. Ce n'est pas la première traversée terrestre du continent mais elle a été la première sans aide mécanique et elle reste l'unique performance de ce type. Elle est également la plus longue par son tracé.
Origine
[modifier | modifier le code]Le projet est né de la rencontre en Arctique en 1986 de Jean-Louis Étienne, parti dans une marche solitaire vers le pôle Nord, avec Will Steger, qui lancent alors l'idée de ce défi[1]. Elle avait pour objectif de traverser le continent Antarctique sur sa plus grande diagonale le long plus ou moins du 90e degré de longitude, durant la période estivale afin d'attirer l'attention du monde sur l'importance du traité sur l'Antarctique qui arrivait alors à expiration et sensibiliser l'opinion internationale pour la préservation du continent de l'exploitation minière et de la pollution[2],[3]. En , lors d'une conférence de presse tenue par Will Steger et Jean-Louis Étienne à l'Explorer Club de New York, le projet est officialisé[4] après la levée de la moitié des fonds nécessaires à l'expédition estimés à 16 millions de dollars (25 millions de francs de l'époque[5]).
Préparation
[modifier | modifier le code]La dureté du climat du continent antarctique (entre -25 °C et -70 °C en juillet-août ; entre -10 °C et -35 °C en décembre-janvier) ne permettait pas aux membres de la Transantarctica de compter sur la ponctualité des liaisons aériennes qui apporteraient le ravitaillement nécessaire. Il a donc fallu profiter de l'été austral 1988-1989 pour envoyer des appareils constituer des dépôts sur la majorité du parcours, c'est-à-dire jusqu'à la chaîne Thiel. Une fois franchi le pôle Sud, les explorateurs ont disposé de réserves de vivres et de combustible qui avaient donc été mises en place durant l'été austral 1989-1990 par la compagnie canadienne Adventure Network grâce à un avion cargo Douglas DC-6 opérant dans un but non gouvernemental dans l'Antarctique[6]. Le coût de cet approvisionnement fut de 1,5 million de dollars. À la suite de problèmes logistiques de l'avion, les Soviétiques se sont chargés de l'approvisionnement des derniers sites vers le pôle[6] qu'ils visitent traditionnellement en camions à chenilles.
Déroulement
[modifier | modifier le code]Le , l'expédition part de l'extrémité de la péninsule Antarctique à Seal Nunatak, avec trois traîneaux de 400 kilos de matériel et de vivres tirés par douze chiens. Les hommes skient et marchent à côté, et parcourent une distance moyenne quotidienne de 33 km en plus ou moins 7 heures, malgré les conditions extrêmes. Au début du mois de décembre, à environ 300 km du pôle dans la zone des montagnes Thiel, le fioul et la nourriture pour les hommes et les chiens viennent à manquer à la suite de problèmes de logistique de l'avion canadien. Une aide d'urgence est apportée par les Soviétiques sur leurs propres réserves constituées[6]. Le , ils atteignent le pôle Sud et la base américaine Amundsen-Scott. Au début du mois de , ils rejoignent la base russe de Vostok, et atteignent enfin leur objectif le en arrivant après sept mois à la station soviétique Mirny, sur la côte Est du continent au début de l'hiver austral.
Cette traversée a été, pour le symbole, une mission internationale regroupant six hommes de six nationalités différentes[2] :
- Will Steger (États-Unis), maître-chien et aventurier
- Jean-Louis Étienne, (France), médecin
- Viktor Boyarsky[7], (URSS), glaciologue à l'Institut de recherches arctiques et antarctiques de Leningrad
- Qin Dahe[8],[9], (Chine), glaciologue de l'Institut de Lanzhou
- Geoff Somers (en), (Grande-Bretagne), membre du British Antarctic Survey
- Keizo Funatsu, (Japon), universitaire et économiste
Conséquence
[modifier | modifier le code]En partie grâce à l'accueil international reçu par cette expédition hors normes, le continent est resté une terre de sciences et de paix par la signature du protocole de Madrid, le . Ce moratoire de cinquante ans reconduit le traité, et gèle toute exploitation des ressources et richesses de l'Antarctique jusqu'en 2041[3].
Un documentaire intitulé Transantarctica a été réalisé par Laurent Chevallier en 1990, retraçant en deux heures les cent premiers jours de l'expédition, lors de quatre fois une semaine de tournage pris à des rendez-vous à l'avance[10]. Par ailleurs, Jean-Louis Étienne a retracé son expédition dans un livre Transantarctica paru en 1990.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Jean-Pierre Defait, « Ce que nous avons fait est monstrueux ! », L'Humanité, (lire en ligne)
- Cécile Ré, « La marche fabuleuse », L'Humanité, 5 mars 1990.
- Philippe Legrand, « Jean-Louis Etienne : "Transantarctica était une ouverture sur le monde" », Europe 1, 1er septembre 2019.
- (en) « Polar Explorers Announce New Expeditions », The New York Times, 8 décembre 1987.
- « J'ai cassé les frontières dans ma tête » entretien avec Jean-Louis Étienne, L'Humanité, 7 juillet 1990.
- (en) « Soviets Come to Aid of Antarctic Expedition », The New York Times, 6 décembre 1989.
- « Victor Boyarsky, l’homo antarcticus », Le Courrier de Russie, novembre 2016.
- Fréquemment orthographié Tchin Daho.
- (en) Biography of Qin Dahe, www.chinavitae.com, consulté le 23 avril 2021.
- Jean-Pierre Defait, « Six hommes et un continent », L'Humanité, 7 juillet 1990.
Annexes
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Jean-Louis Étienne, Transantarctica, éditions Robert Laffont, 1990 (ISBN 222105993X).