ASPECT DÉMOGRAPHIQUE

DE LA CRISE DES GRANDES INVASIONS

Les grandes invasions et l'effondrement de l'Empire d'Occident qui les a accompagnées passionnent les historiens depuis des siècles. Il y a près de 250 ans qu'on se penche sur cette crise, l'une des plus graves qu'ait traversées l'humanité, pour en découvrir les causes et en mesurer les conséquences. Ses résultats, l'introduction dans le circuit de la civilisation occidentale de peuples barbares qui, jusqu'alors, étaient restés en dehors d'elle, le brassage humain qui devait aboutir à la formation de l'Europe médiévale, sont des faits dont l'intérêt démographique est incontesté. La démographie a donc son mot à dire dans l'étude de cette tranche de l'histoire de l'humanité.

Si elle ne l'a pas fait jusqu'ici, n'est-ce pas parce que les spécialistes de cette discipline, qui aiment à s'appuyer sur des statistiques nombreuses et précises, ont été rebutés et comme déroutés par la rareté et la maigreur des documents dont on dispose pour sa connaissance ? Peut-on songer à tirer des conclusions se traduisant par des chiffres quand on n'a pour les étayer que des textes aussi légendaires que YHistoire des Goths, de Jordanes, aussi inconsistants que les lamentations du moine Gildas sur la ruine de la Bretagne, aussi grandiloquents que l'homélie où Saint Jérôme a