Distingué en 1960, deuxième en 1961,
Luis Suarez n'imaginait pas une seconde que le neuvième
Ballon d'Or pourrait lui échapper. Et il avait
de sérieux arguments à faire valoir au
départ du scrutin. L'homme aux trois titres suprêmes
(Coupe d'Europe des champions et Coupe intercontinentale
avec l'Inter, Coupe d'Europe des nations avec l'Espagne)
semblait avoir plané tout au long de l'année.
C'était sans compter sur le plus anticonventionnel
des joueurs britanniques, Denis Law, qui l'emporta de
dix-huit points face au grandissime favori et réalisa
le plus magistral des contre-pieds. Ni son caractère
ombrageux, ni ses problèmes récurrents
avec le corps arbitral ne pesèrent de façon
décisive dans le choix des jurés, qui
préférèrent saluer le talent à
l'état pur d'un joueur capable d'endosser plusieurs
rôles sur un terrain. Plaque tournante de Manchester
United, il fut honoré tel un génie du
jeu. Et chacun s'inclina devant le choix du cour et
de la passion. La promotion d'Amancio à la troisième
place marqua le retour du Real dans une élite
dominée, jadis, par Di Stefano, mais qui était
désertée par les représentants
madrilènes depuis quelques années. |
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CE DIABLE DANS LE BÉNITIER | ||||||||||
L'arrivée de Denis Law à
Manchester United fut marquée par une période
difficile. A Turin, il avait acquis des manières
fort indépendantes. Il se montra peu discipliné,
avec des retards à tous les entraînements,
au point que ses coéquipiers lui firent des scènes.
Mais Law réalisa vite qu'il était la cause
des frictions dont il souffrait et, du jour au lendemain,
il changea son attitude et devint le plus ponctuel et
le plus discipliné des joueurs. La réalité est que, si Denis Law s'enflamme instantanément, il le regrette tout aussi vite, car personne moins que lui n'aime faire du mal à son prochain. Certains disent que Law est un mercenaire. C'est sans doute vrai pour ceux qui veulent monnayer sa popularité. Mais il est grand seigneur avec ceux qui sont sincères. Sur le terrain, il possède un tempérament splendide, une énergie de géant dans son corps d'adolescent, riche de tous les dons, y compris un gauche colossal ; Law est dur à la douleur (frappez-le du pied, vous ne ferez que l'inciter à venir vous défier). On dirait qu'il est bâti d'acier. Son tempérament est extraordinaire en ce sens qu'il est capable de passer du relax le plus absolu à l'action la plus virulente, tirant dans des angles considérés comme impossibles. Sa détente sur les balles de tête est étonnante. Son timing est superbe, au point que la balle, au lieu d'être ralentie, est accélérée par la trajectoire du ricochet.
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