Henri Gouraud (général)

général français

Henri Gouraud, né le à Paris (Seine) et mort le dans la même ville, est un général d'armée français. Il participe à la colonisation du Soudan français (actuel Mali), de la Mauritanie, du Tchad et du Maroc puis pendant la Première Guerre mondiale, il combat en Argonne, aux Dardanelles — où il perd son bras droit — et en Champagne.

Il fut également le Haut-commissaire de la République française au Levant de 1919 à 1922 et gouverneur militaire de Paris de 1923 à 1937. C'est un colonisateur actif qui s'inscrit dans le sillage de Gallieni et de Lyautey. Il est davantage connu pour ses fonctions de haut-commissaire de France au Levant et de commandant en chef de l'armée du Levant, en Syrie et au Liban, que pour ses vingt années passées en Afrique. Il est célèbre pour avoir proclamé la création du Grand Liban en 1920, après sa séparation de la Syrie, en application des accords de Sykes-Picot entre la France et la Grande-Bretagne. Cette décision marqua une étape significative dans la politique coloniale française au Levant, qui visait à diviser les territoires pour mieux les contrôler

Il est grand-croix de la Légion d'honneur et médaillé militaire à la suite de sa participation à la Première Guerre mondiale.

Biographie

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Enfance et formation militaire

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Né dans le 17 novembre 1867 dans le 7e arrondissement de Paris[3],[4] dans une famille aisée de tradition catholique[5], il est le fils de Vincent Gouraud (1834-1906), médecin, et de Marie Portal (1844-1918). Il est l'aîné d'une fratrie de six enfants. Henri Joseph Eugène Gouraud fait ses études au collège Stanislas, où il reçoit une éducation marquée par la foi.

De ces jeunes gens qui appartiennent à la génération ayant connu l'humiliation de 1871[6], il se trouve rapidement une vocation coloniale. Il réussit le concours d'entrée à école militaire de Saint-Cyr en 1888, avec la promotion de « Grand Triomphe »[Note 1]. Sorti dans l’infanterie avec le grade de sous-lieutenant en 1890, il exerce quelques commandements dans l'Est[7]. Gouraud espère partir outremer ; mais son père s'y oppose et Henri Gouraud est d'abord affecté au 21e bataillon de chasseurs à pied à Montbéliard. Soutenu dans son projet par sa mère, il part en 1894 au Soudan français, le long de la boucle du Niger[8].

Il est l’oncle du général Michel Gouraud (1905-1991) qui participe au putsch des généraux à Alger en avril 1961[9].

Premiers faits d'armes (1894-1914)

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En Afrique subsaharienne (1894-1910)

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Gouraud est appellé en Mauritanie en 1894 sous la direction d'Ernest Nestor Roume, gouverneur général de l'Afrique occidentale française. En 1898, et sous les ordres du général de Trentinian, il parvient à capturer Samory Touré, chef mandingue et résistant à la colonisation française[10]. Touré avait fondé un empire au sud du fleuve Niger et disposait de nombreuses forces armées. Il est arrêté et déporté au Gabon, où il meurt deux ans plus tard. Le « trésor de Samory », saisi lors de sa reddition, est évalué à 200 000 ou 300 000 francs de l’époque et remplit douze caisses. Ces artefacts sont aujourd’hui conservées pour partie au musée de l’Armée[11]. Réalisée sans coup férir, l’arrestation du grand chef africain et de ses troupes en , marquant l'achèvement de la colonisation française de l'Afrique de l'Ouest, attire l'attention sur Gouraud au moment où la France cherche à effacer l'affront de l'incident de Fachoda. Aussitôt décoré et promu, Ce jeune lieutenant[12] de l'armée métropolitaine devient ainsi une figure connue des cercles coloniaux français, où il rencontre des personnalités telles qu'Auguste d'Arenberg ou Eugène Étienne, futurs fondateurs du « Parti colonial », un mouvement prônant la colonisation de l'Afrique. Grâce au soutien d'Étienne et d'autres partisans de la colonisation, Gouraud poursuit une carrière en Afrique pendant encore quinze ans, notamment au Niger, au Tchad et en Mauritanie.

En 1900, il décide de permuter dans « la Coloniale », tout juste reconnue comme une armée à part entière. Les compétences d’Henri Gouraud intéressent beaucoup Eugène Étienne, député d’Oran dit « pape des coloniaux » . Soucieux de disposer d’une équipe d’officiers serviables et obéissants, il juge Gouraud trop bon « Africain » pour le laisser partir en Asie. Il le recommande pour une mission pionnière, entre le Niger et le Tchad, où il faut organiser le IIIe Territoire militaire (entre le Niger et le Tchad), autour du chef-lieu de Zinder. En 1901, le liteutenant-colonel Péroz , à la suite d’une affaire de rivalité avec les Anglais, lui cède sa place au commandement du IIIe Territoire militaire après avoir été « cassé » par son autorité de tutelle. Au moment de son départ, Péroz recommande Henri Gouraud à ses supérieurs : « C’est un discipliné dans toute la force du terme. Vous aurez en lui plus tard un général obéissant en pensées et en faits. »[7] Ses tâches variées le mettent en contact fréquent avec la population. Durant son travail, il collecte une importante documentation photographique sur la société africaine : le griot, l’arbre à palabres, l’organisation du village, les circuits commerciaux au sud du Sahel. Il n’est pas photographe lui-même mais recueille des images auprès des opérateurs qu’il rencontre, souvent des officiers avec lesquels il est en relation[12].

Henri Gouraud se trouve éloigné des postes parisiens considérés comme essentiels pour sa carrière. En raison de cette distance, il prend l'habitude d'écrire fréquemment à sa famille et à ses contacts à Paris, notamment à Auguste Terrier, secrétaire général du Comité de l'Afrique française. Ce dernier devient rapidement son ami et un intermédiaire auprès des cercles coloniaux parisiens. Il facilite ses relations aussi bien avec Eugène Étienne et les parlementaires qu'avec d'autres officiers coloniaux d'Afrique et d'Asie. Ces échanges épistolaires deviennent un moyen pour Gouraud de renforcer ses liens d'amitié tout en cultivant un réseau de plus en plus influent au sein du Palais Bourbon. Ainsi, Gouraud s'impose comme l'un des principaux officiers coloniaux auxquels la République confie des missions difficiles, comme celle de la conquête de la Mauritanie.

Il est nommé en Oubangui-Chari de 1904 à 1906. En 1907, il est promu colonel et remplace Bernard Laurent Montané-Capdebosq en commissaire du Gouvernement général en Mauritanie[8] et, plus important encore, il mène, sur ordre du gouvernement, une grande campagne contre les meneurs de razzias et est chargé stopper un important trafic d'armes organisé par les Maures dans le Sahara en direction du Maroc. La conquête de l'arrière-pays mauritanien devient ainsi une question liée aux enjeux marocains. Gouraud prend les rênes de la Mauritanie en 1908, après la mort de Coppolani et face à une situation sécuritaire de plus en plus chaotique. Le ministre des Colonies, Eugène Milliès-Lacroix, se rend alors à Dakar et, après avoir pris connaissance de la situation avec Gouraud et le gouverneur général, conclut à la nécessité d’une action ferme pour endiguer l’anarchie qui menace de s’installer. Entre la mort de Coppolani et l’arrivée de Gouraud, le colonel Montané-Capdeboscq avait tenté de poursuivre une politique d'apaisement, mais la France subit alors 125 attaques, avec un lourd bilan humain. Désormais, la politique de pacification est abandonnée au profit d'une répression drastique, soutenue par un état-major résolu à employer tous les moyens pour restaurer l'ordre. Les troupes françaises, équipées et préparées pour le combat, sont rassemblées dans la colonne de l'Adrar, du nom de la région qui défie la suprématie française[13]. Dans un rapport adressé au gouvernement daté de 1908, il écrivait dans la Pacification de la Mauritanie : « Il ne s'agit pas de conquérir l'Adrar dans l'intention d'une occupation permanente de ce pays et d'une nouvelle extension de nos possessions africaines. Nos intentions se limitent à l'organisation d'une colonne de police forte, qui serait reçue exclusivement pour la mission de purger ce pays de tous ces éléments de trouble et de désordre [mouvements de résistance] et de réduire une fois pour toutes les mille guerriers dissidents qui font obstacle à notre œuvre de pacification. »[14]Pour l’officier français, maîtriser l'insurrection de Ma al-Aïnin et de ses partisans dans cette région stratégique serait la clé pour s'assurer le contrôle de toute la Mauritanie. Il ne lui reste plus qu'à attendre le moment propice pour lancer l'expédition[13].

En 1909, il commande avec succès la colonne de l’Adrar[15] de plus de 700 chameaux[13] et, en faisant preuve d'une grande organisation logistique dans le désert, Gouraud réussit à conquérir la Mauritanie quelques mois. Il se distingue par sa maîtrise de la « petite guerre » coloniale, une guerre qui s'adapte à de multiples fronts et points de contact, combinant attaques et contre-attaques[7]. Cette réussite lui vaut la reconnaissance nationale et, bien qu'il soit encore colonel sans brevet, l'honneur de faire partie de la première promotion d'officiers autorisés à suivre les cours des Hautes Études militaires à Paris. Gouraud retourne en France en mars 1910 et en 1911, il fait son stage au Centre des Hautes Études Militaires, surnommé « L’École des maréchaux », qui vient d’être créé[5].

Bras droit de Lyautey au Maroc (1911-1914)

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Henri Gouraud, colonel commandant le 1er régiment d'infanterie coloniale de marche, embarque pour le Maroc depuis Marseille le .

La reconnaissance militaire de Henri Gouraud attire l'attention du général Lyautey. En 1911, des circonstances favorables permettent une intervention militaire, le sultan Moulay Hafid qui avait détrôné son frère, le sultan Moulay Abdelaziz, est assiégé à Fès par les tribus amazighs rebelles. Il fait appel à la France, dont une colonne, commandée par le général Moinier, commandant en chef de la colonne de Fès, composée de 23 000 hommes, franchit l'oued Bouregreg le 27 avril. À Casablanca, le , il accueille le général Lyautey, coordinateur de la colonisation française au Maroc, qui le prend à son service dès qu'il apprend que Gouraud est en charge du ravitaillement de la colonne Moinier. Tous deux participent à la défense de Fès face aux tribus révoltés qui assiègent la ville. À cette époque, l'autorité du Sultan Moulay Hafid est affaiblie par diverses révoltes séparatistes qui contestent à la fois son pouvoir et la présence croissante de la France dans le pays. Le 28 et 29 mai 1912, Gouraud se voit confier par Lyautey cinq bataillons, deux escadrons et une batterie d'artillerie pour neutraliser les tribus qui encerclent la ville[16]. Cette opération est un succès. Lyautey exploite la situation de faiblesse du Sultan pour obtenir à la fois la signature du traité de Fès, qui officialise le protectorat français sur le Maroc puis son abdication en faveur de son demi-frère, jugé plus facilement contrôlable[16].

« C'est à lui que nous devons d'être là »[6]dira, à son entrée à Taza en 1914, le général Lyautey.

À ce moment, Gouraud se trouve en première ligne lors des journées sanglantes de Fès. Il est chargé de restaurer l’ordre dans la ville, et mène dans ce but plusieurs combats, dont celui de Hadjera el Kohila[17],[18], qui lui vaut de recevoir ses deux étoiles sur le champ de bataille le 1er juin 1912, à 45 ans, faisant de lui le plus jeune général de brigade de sa promotion[5]. En le nommant à la tête de la « pacification » de la région de Fès, Lyautey renforce non seulement sa position en tant que subordonné de confiance, mais aussi son lien personnel avec lui[7]. Il est nommé en 1914 au commandement des troupes du Maroc occidental.

Depuis Fès, le 27 avril 1914, la 3e compagnie montée du 1er bataillon de marche du 2e Régiment étranger d’infanterie du capitaine Paul-Frédéric Rollet, sous l’égide du général Gouraud, se met en route vers Taza. Début mai 1914, Lyautey décide de neutraliser la poche de résistance des tribus de Taza[19] et place Gouraud à la tête d'un corps de trois colonnes qui doivent traverser le territoire des Tsouls pour atteindre les rebelles de Taza. Elle affronte le 10 mai 1914 la tribu des Ghiata dans le mont Tfazza, à 50 kilomètres au nord de Taza[20]. Le 16 mai 1914, une fois la tribu vaincue, avec le renfort de trois colonnes du général Gouraud, il réussit la « jonction des deux Maroc » à Bab-el-Hamama[réf. à confirmer] avec le général Baumgarten, parachevant la pacification du Maroc[7],[8].

Première Guerre mondiale

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En août 1914, la guerre éclate en France et modifie considérablement la position du général Gouraud à l’égard du monde colonial. Plus question de rester l’homme-lige du résident du Maroc, il réclame un commandement sur le front[7]. Il est ainsi nommé à la tête de la 4e brigade marocaine envoyée en renfort sur le front français. Il est nommé général de division et reçoit le le commandement de la 10e division d'infanterie. Il dirige notamment des combats en forêt d'Argonne, et y est blessé par une balle le , en se rendant sur une position du front, où les soldats français viennent de repousser une attaque allemande, mais subissent encore des tirs de mitrailleuses[21].

Mais le haut commandement ne se résout pas facilement à le voir comme un officier métropolitain, d’autant qu’il a besoin de coloniaux pour l’envoyer avec les troupes sénégalaises aux Dardanelles[7]. Le 22 janvier 1915, le général Gouraud est nommé au commandement du Corps d'armée colonial. En mai 1915, il est nommé au commandement du Corps expéditionnaire français aux Dardanelles.

Fin juin, il est grièvement blessé par un obus. Sur le navire-hôpital Tchad qui le ramène en France, la gangrène se déclare ; il faut l'amputer du bras droit[22],[Note 2]. En moins de trois mois, il a néanmoins fait ses preuves. Il a réussi à trouver un terrain d’entente avec le général anglais Ian Hamilton, ce que n’avait pas obtenu son prédécesseur le général d’Amade[7]. En juillet 1915, Poincaré le décore de la médaille militaire sur son lit d'hôpital[23].

 
Mailly-le-Camp, , les troupes russes défilent devant Gouraud.

Gouraud se rétablit rapidement. Il reprend du service à la fin de 1915 par une mission en Italie. À la fin de 1915, Joffre lui confie le commandement de la IVe Armée en Champagne. Armée gigantesque - de plus d'un demi-million d’hommes durant l'été 1917[5] -, celle-ci devient bientôt « l’armée Gouraud » à tel point que, même après avoir assuré l’intérim de Lyautey au Maroc au début de l’année 1917, Gouraud reprend « son » armée à l’été 1917[7].

En 1916, son frère Pierre Gouraud, commandant au sein du 67e régiment d'infanterie est tué au combat dans la Somme[24].

Le 11 décembre 1916, Aristide Briand, président du Conseil, propose par télégramme à Hubert Lyautey le porte-feuille de ministre de la Guerre. La question se pose de trouver un remplaçant à la Résidence générale apte à maintenir l'ordre au Maroc. Gouraud est proposé par Briand, ce que Lyautey accepte par télégramme[25]. Il écrit :

« Gouraud est tout à fait apte à faire face à la situation et je lui remettrai le commandement en toute confiance. Toutefois, il y aurait intérêt majeur pour atténuer l'inconnu de la situation et ménager la transition, à ce que la désignation de mon successeur fût provisoire, au moins au début pour que je reste aux yeux du Sultan et de la population, la caution de la politique suivie jusque ici[25]. »

Gouraud est toujours sur le front à ce moment et refuse de quitter le théâtre des opérations. C'est Briand qui arrive à le persuader, à la faveur d'une entrevue, de la nécessité de prendre le poste de résident général. Il retourne ainsi quelques mois au Maroc (de à ) pour remplacer Lyautey. Contrairement à ce que Lyautey avait souhaité, la nomination de Gouraud est définitive, ce qui met à mal la stratégie de Lyautey visant à rendre acceptable et peu pesante la présence française au Maroc[25].

 
Le général Gouraud avec la IVe armée française à Strasbourg le 22 novembre 1918.

Gouraud revient finalement en au commandement de la IVe armée. II lui faut organiser le front de Champagne pour répondre à la directive du général Pétain soucieux d’appliquer une nouvelle tactique. Pari réussi, puisque le 14 juillet 1918, après avoir obtenu le renseignement lui donnant l’heure de la prochaine attaque des troupes du général allemand Ludendorff, Gouraud tend un piège à celui-ci sur toute la longueur du front de Champagne. Le lendemain, le 15 juillet, la contre-attaque allemande est arrêtée[7]. Sa mère meurt quelques jours plus tard.

Quelques jours plus tard, Gouraud écrit à sa sœur : « Georges Clemenceau m’a convoqué à la gare de Châlons, à 6 heures et m’a embrassé vingt fois sur les joues, sur les yeux, sur le front, dans le cou. » [7] Appuyée par les Américains, la IVe armée reprend l’offensive le 26 septembre, avance en Champagne, en Argonne, pénètre en Alsace[7]. Il est choisi parmi les militaires vainqueurs pour faire une entrée triomphale dans Strasbourg en . Le mois suivant, en décembre, le général Pétain lui remet la grand-croix de la Légion d'honneur.

Au moment de la sortie de la guerre, après avoir été nommé brièvement gouverneur militaire de Strasbourg, il est envoyé en octobre 1919 par Georges Clemenceau comme haut-commissaire de France au Levant et commandant en chef de l'armée du Levant[8]. Il cumule ainsi les fonctions de chef militaire, d’administrateur et de diplomate[5]. Le 5 décembre, il décore l'émir Fayçal en tant que grand officier de la Légion d'honneur pour le soutien que les Hachémites et leurs alliés ont apporté à l'Entente sur le front d'Orient[26].

Haut-commissaire en Syrie et au Liban (1919-1922)

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Conflit des zones d'influence

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Carte des Accords Sykes-Picot montrant la Turquie orientale en Asie, Syrie et Perse occidentale, ainsi que les zones de contrôle et d'influence convenues entre la France et le Royaume-Uni. Royal Geographical Society, 1910-15. Signés par Mark Sykes et François Georges-Picot, le 8 Mai 1916.

Dès 1915, les Britanniques cherchent à sécuriser la partie orientale du canal de Suez en revendiquant des ports sur la côte syrienne, comme Alexandrette et Haïfa. Parallèlement, ils soutiennent une révolte arabe menée par les Hachémites, en valorisant l'identité arabe et en dépréciant l'influence française sur le littoral syrien, ce qui provoque une réaction virulente de la France, qui considère la région comme essentielle à sa « mission civilisatrice » républicaine quand ce n’est pas celle de la « fille aînée de l’Eglise ». Face à cette situation, les coloniaux français, sous la direction de Robert de Caix, définissent une « Grande Syrie » englobant Alexandrette et le Sinaï, avec les chrétiens (maronites, arméniens, melkites) comme alliés naturels. En revanche, les Britanniques, dans le cadre des accords Sykes-Picot, réduisent la Syrie en excluant la Palestine et la Transjordanie, promises aux sionistes et aux Hachémites en échange de leurs soutien. Cependant, entre 1917 et 1918, l'avance britannique en Orient remet en question l'équilibre établi[7],[8]. Alors que les tensions entre alliés, notamment entre la France et le Royaume-Uni , se ravivent à la fin de l’année 1918 et au début de 1919, il apparaît nécessaire de désigner un général français de stature comparable à celle de Sir Edmund Allenby, l'influent commandant britannique en Orient. Dès octobre 1918, Allenby propose un redécoupage de la Syrie et qui trahissent les intentions britanniques de réviser les accords de 1916. Les tensions entre les deux puissances coloniales deviennent de plus en plus palpables au début de 1919, avec des accusations réciproques de mauvaise foi et d’ingérence[7].

Face à cette situation, le vice-amiral de Bon, inquiet de l’absence de direction claire et de l’indécision française, soulève la question de la relève des troupes britanniques. Il dénonce l'autorité excessive d'Allenby, désormais maréchal, et son double jeu consistant à préconiser un remplacement français tout en entravant l'arrivée de renforts. En réponse à ce blocage, le vice-amiral suggère le nom du général Gouraud, en raison de son autorité reconnue et de son succès passé dans les Dardanelles, espérant qu'il puisse restaurer l'efficacité et l'unité des forces françaises en Syrie[7].

La France désigne alors le général Gouraud pour remplacer François Georges-Picot et prendre en charge la transition des troupes britanniques à partir de novembre 1919, renforçant ainsi sa position en Syrie. En tant que colonial, il est regardé comme l’héritier de Lyautey, et on voit en lui un homme capable de respecter l’islam et les pratiques culturelles des musulmans. Estimé des Britanniques avec lesquels il a combattu aux Dardanelles mais aussi chef de guerre reconnu par ses pairs, il reçoit en Orient une armée bien inférieure en nombre et en moyens à celle dirigée sur le front de Champagne mais on reconnaît à Gouraud la capacité de faire beaucoup avec peu de moyens. Enfin, catholique pratiquant, il est susceptible de rassurer les populations chrétiennes d’Orient[8].

Établissement du mandat français en Syrie et au Liban

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Il arrive ainsi à Beyrouth en , quand la France obtient l'évacuation des troupes britanniques de la zone bleue des accords Sykes-Picot (Zone Ouest), qui occupaient le Proche-Orient depuis la défaite de l'Empire Ottoman à l'automne 1918[27]. Le remplacement des Britanniques par des soldats français fait suite à l'acceptation par la France du mandat britannique sur la Palestine (alors que les accords Sykes-Picot avaient prévu pour la Palestine un statut de zone internationale) ; ce remplacement fait suite aussi au compromis négocié par Clemenceau et Lloyd-Georges concernant l'épineuse question du pétrole de la région de Mossoul[27].

   
Version officielle du discours de Gouraud lors de son arrivée à Beyrouth. Archives de la Courneuve (Fonds Gouraud).

Il comprend alors que sa mission ne consiste pas à exercer une autorité pleine et entière sur le territoire syrien, mais à maintenir l’ordre dans un contexte où le pouvoir réel semble lui échapper. La Syrie, le Liban et la Cilicie sont sous son contrôle nominal, mais en réalité, c’est l’émir Fayçal qui, dans l’ombre, poursuit ses négociations avec Paris pour assurer l'avenir politique de la région. Gouraud perçoit donc rapidement que son rôle se limite à la gestion administrative et militaire immédiate, tandis que les véritables décisions diplomatiques échappent à son autorité directe[7]. Chargé de succéder aux troupes britanniques tout en étant limité par leur refus de lui permettre d'intervenir en zone chérifienne, il doit simultanément éviter que Fayçal et les Hachémites ne réalisent leur projet d'une Syrie arabe indépendante, tout en rassurant les populations chrétiennes inquiètes. Cependant, la situation sur le terrain est complexe : les populations arabes, notamment à travers l'enquête de la commission King-Crane (mai-août 1919), réaffirment leur désir d'indépendance. Afin de ne pas se compromettre avec les factions locales, il adopte une attitude prudente, attendant les décisions de la Conférence de la Paix. Il évite ainsi de se lier de manière exclusive aux catholiques les plus ardents de Syrie, ainsi qu’au groupe d’influence présenté par Auguste Terrier, dont les intérêts sont trop divergents. Parmi ce groupe figurent des personnalités comme le docteur George Samné et Chekri Ghanem, reconnus par Robert de Caix comme les principaux leaders du Comité central syrien, mais perçus par la diplomatie française comme des représentants d’un élément libanais francisé, dont les ambitions suscitaient des inquiétudes parmi les musulmans[7].

 
Le général Gouraud, haut commissaire de la République en Syrie, débarquant à Beyrouth, le 21 novembre 1919

Le 21 novembre 1919, lors de son débarquement à Beyrouth, Gouraud prononce un discours mettant en avant les liens historiques unissant la France et la Syrie, par la référence aux Croisades puis aux Capitulations, mais souligne aussi que les Français sont les « fils de la Révolution » et entendent garantir l'égalité de traitement entre les différents cultes[28].

À l’arrivée de Gouraud à Beyrouth, la question de la partition de la Syrie entre une Syrie arabe et une Syrie française a été rejetée par Clemenceau, qui a cependant garanti à Fayçal une Syrie indépendante sous une tutelle administrative française. Cet accord secret du 6 janvier 1920 oblige Fayçal à s'entendre avec Gouraud sur la mise en place du mandat français[7]. La mission de Gouraud n'est pas totalement claire : entre 1918 et 1920, la France hésite entre sa « grande politique arabe » traditionnelle, qui aurait pour objet la mise en place d'une grande Syrie autonome sous influence française avec l'émir Fayçal à sa tête, et sa « petite politique arabe », centrée sur les relations avec les Maronites, historiquement très francophiles[29]. Dans cette deuxième optique, privilégiée par Henri Gouraud, le Proche-Orient devait être constitué d'une mosaïque de petits États divisés selon des critères confessionnels, ce qui impliquait d'encourager le particularisme religieux (Liban, État des Alaouites, État des Druzes, etc). Robert de Caix de Saint-Aymour résume ce projet de la sorte en mettant l'accent sur la politique de morcellement : « Ainsi organisée, la Syrie devrait pendant un certain nombre d'années au moins être comme un vitrail dont le plomb serait français »[30] et cela dans le but de favoriser les intérêts français et d’empêcher toute unité nationaliste.

En outre, il eut recours à des stratégies similaires à celles employées en Afrique du Nord, notamment en manipulant les tribus, les confréries soufies et les Berbères. Néanmoins, l'historienne Julie d’Andurain insiste sur le fait que durant la complexe année 1920, Gouraud est toujours en étroit contact avec les décideurs à Paris et qu’il a tenté jusqu’au bout de trouver un compromis avec Fayçal. La guerre menée par les « bandes arabes » contre les Français et les revers de ces derniers en Cilicie a conduit à l’affrontement final. La création du Grand Liban correspond à toute une évolution politique commencée plusieurs années avant[5]. Pendant ce temps, les Français se trouvent confrontés aux forces turques kémalistes en Cilicie, une région où ils avaient initialement espéré établir un refuge pour les populations arméniennes rescapées du Génocide perpétré par les Turcs. Cependant, face à la résistance déterminée des forces kémalistes, les Français renoncent à leurs ambitions et, dès le mois de mai 1920 et entament des négociations pour parvenir à un armistice. Cet accord leur permet de conserver le contrôle du sandjak d'Alexandrette, une région stratégique située à la frontière entre la Syrie et l'Anatolie, tout en mettant fin à leur tentative de créer un refuge plus vaste pour les Arméniens dans la région[31].

Un mois après son arrivée, il reçoit de la part des représentants de la communauté alaouite un message esquissant un rapprochement avec les autorités françaises. 76 notables de la montagne alaouite envoient un télégramme sollicitant auprès du général la formation d'un « syndicat autonome alaouites sous protection française »[32]. Néanmoins, cet élément ne doit pas donner l'impression que les Alaouites seraient insensibles à la vision unitaire du nationalisme arabe de Fayçal, car dès l'été 1919 a démarré dans la montagne alaouite une révolte ouverte contre les autorités françaises, menée par le Cheikh Salih el-Ali[32], qui ne termine qu'en 1921, lorsque Gouraud décrète l'amnistie générale des rebelles.

Les désaccords avec Fayçal

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Proclamation de Fayçal roi de Syrie.

Après son arrivée à Beyrouth le 14 janvier 1920, Fayçal fut confronté à plusieurs griefs du général Gouraud concernant les attaques contre les troupes françaises et les villages chrétiens. Gouraud remit des listes d’officiers arabes et de leaders soupçonnés d'être impliqués. Cependant, Fayçal doit également gérer un Congrès syrien de plus en plus nationaliste, et sa capacité à apaiser leurs sentiments anti-français dépendait de sa volonté de défier Gouraud. Ce dernier voulait un Liban séparé sous mandat français. Ainsi, l'accord de décembre 1919 entre Fayçal et Clemenceau devenait difficile à accepter pour Fayçal. À la fin février 1920, Fayçal avait deux choix : diriger le Congrès syrien ou s'en retirer. Il opta pour la première option. Un rapport du lieutenant-commandant britannique Butler, envoyé à Beyrouth, souligna que Fayçal maintiendrait son engagement envers les Français, conscients de la nécessité de l’approbation d'une grande puissance. Le rapport confirmait aussi que Fayçal n'avait pas abandonné l'idée de collaborer avec la France.

Le Congrès général syrien, réuni à Damas, rejette catégoriquement tout accord avec la France, cherchant à renforcer la position du prince Fayçal et proclamant, le 7 mars 1920, l'indépendance du royaume de Syrie incluant le Liban, la Palestine et la Mésopotamie. La déclaration stipulait que les aspirations libanaises seraient préservées sous une administration séparée, détachée de toute influence étrangère. Cette décision renforça sa position en Syrie, mais irrita les Français et les Britanniques, ainsi que le patriarche maronite. Du côté français, Georges Clemenceau a quitté le pouvoir après avoir signé un accord avec Fayçal, le 6 janvier 1920, et c’est désormais la droite coloniale qui exerce le pouvoir en France. Le général Gouraud, de son côté, conteste la légitimité de la représentation des différentes communautés au sein du Congrès syrien. Il souligne que les 200 000 musulmans sunnites disposent de 13 représentants, tandis que les 610 000 autres, composés de chrétiens (510 000) et de chiites (100 000), n’ont que 3 députés, dont deux maronites et un seul chiite. De plus, 326 000 habitants demeurent sans représentation.

 
Liban. Baabda. Vue de la tribune officielle lors de la visite du général Gouraud (à ses côtés Mgr Howayek, patriarche maronite). (vers janvier 1920)

La déclaration syrienne d'indépendance provoqua des protestations à Beyrouth et des réactions de Howayek, qui envoya un télégramme à Millerand. La délégation libanaise protesta également à Paris, demandant une audience. Les protestations contre la déclaration syrienne se firent entendre, surtout de la part de la Grande-Bretagne, opposée aux revendications sur la Palestine et la Mésopotamie, et de la France, qui rejetait toute modification de son mandat en Syrie et au Liban. Le Conseil administratif du Mont-Liban, après la déclaration d'indépendance syrienne, réaffirma ses objectifs : proclamer l'indépendance du Grand Liban, s'opposer à Fayçal comme roi de Syrie, et solliciter la France pour un mandat. Ces demandes furent reprises par un télégramme du contre-amiral américain Mark L. Bristol, qui résuma l'agenda du Conseil pour la prochaine réunion. Le Conseil plaida pour une constitution avant la conférence de paix. Le 20 mars, Millerand rencontra la délégation et confirma son soutien à un Grand Liban indépendant, en accord avec l’accord Clemenceau-Howayek de 1919[33]. Le 22 mars 1920, lors d’une réunion à Baabda, le Conseil libanais proclama l’indépendance du Liban[34] et déploya le nouveau drapeau libanais. Cette cérémonie, approuvée tacitement par les Français, marquait une évolution dans les relations franco-libanaises, puisque le drapeau resta hissé, contrairement à l'année précédente, où il avait été abaissé après une proclamation similaire.

Bien que le Conseil continuât de se diviser sur la question du Grand Liban ou de la Syrie, sa délégation à Paris restait active dans les discussions, jouant un rôle crucial dans la création du Grand Liban[35].Le 31 mars 1920, conformément aux accords de San Remo, octroyant à la France un mandat de la SDN sur la Syrie, Gouraud signe un décret établissant une Banque de Syrie, et une monnaie, la « livre syrienne ». L’acceptation de cette monnaie est obligatoire dans la « zone bleue » (Zone Ouest)[36]. L'arrêté est composé de neuf articles, dont le sixième prévoit une peine maximale de six mois d'emprisonnement et 1 000 livres syriennes d'amende en cas de manœuvre ayant « pour but ou pour effet de déprécier ou tenter de déprécier la valeur » de cette monnaie[36].

Le 10 juillet 1920, après une réunion secrète, sept membres du Conseil administratif du Mont-Liban décidèrent de se rendre à Damas avec une résolution en cinq points qui déclare leurs volonté d'un rapprochement avec la Syrie de Fayçal :

  1. L'indépendance totale du Liban.
  2. Sa neutralité politique, sans armée ni intervention militaire.
  3. La restitution des territoires détachés, via un accord avec la Syrie.
  4. L'étude des questions économiques par une commission mixte, ratifiée par les Parlements libanais et syrien.
  5. La coopération des deux parties pour faire garantir ces points par les Puissances.

Sur douze membres, sept signèrent le document: Saadallah Howayek, Suleyman Kanaan, Fouad Abdel-Malik, Khalil Aql, Mahmud Jumblatt, Elias Shouwayri et Muhammad Muhsin et tentèrent de se rendre à Damas puis à Paris pour le présenter. Cependant, ils furent arrêtés le 10 juillet par les autorités françaises près de Zahlé, sur la route de Beyrouth à Damas, et exilés à l'île d'Arouad, puis en Corse et enfin à Paris. Le 11 juillet, après leur arrestation, Fayçal envoya un télégramme à Allenby à propos des exigences françaises, notamment :

  1. L'occupation militaire des gares de Rayak à Alep.
  2. L'acceptation du mandat français sans conditions.
  3. L'acceptation des billets de banque syriens émis par Gouraud.
  4. L'annulation de sa visite en Europe, sous peine de représailles.

Le ton de Gouraud était désormais celui d'un général déterminé à imposer ses conditions. Le 12 juillet, il dissout le Conseil administratif du Mont-Liban, mettant fin à plus de soixante ans de représentation confessionnelle. Dans une lettre à Howayek, Gouraud exprima ses "regrets profonds" pour l'arrestation des membres du Conseil, les accusant d'avoir monté un complot de trahison contre le mandat français. Howayek répondit le 14 juillet en exprimant son "regret" et réitérant sa volonté de collaborer avec la France pour l'indépendance du Grand Liban. En réponse, les nationalistes libanais Habib Pacha es-Saad et Ignatius Moubarak, président du Conseil et archevêque maronite de Beyrouth, dénoncèrent les membres du Conseil dissous pour leur rejet du mandat français et leur volonté d'approfondir les liens avec la Syrie. Toutefois, cette position ne faisait pas l'unanimité parmi la population libanaise[35].

Écrasement du royaume arabe de Damas

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Entre novembre 1919 et mars 1920, Gouraud parvient à maintenir une communication régulière avec Fayçal, bien que leurs rencontres physiques soient rares. Les échanges se font principalement par correspondance grâce à deux officiers de liaison, dont Édouard Cousse, qui informe quotidiennement Gouraud des activités de l’émir à Damas[7].La rencontre entre Fayçal et Gouraud en janvier 1920 est tendue : bien qu'ils s'accordent sur l'idée d'une Grande Syrie, leurs divergences sur l'indépendance et le maintien de l'ordre deviennent rapidement apparentes. Gouraud exige de Fayçal qu'il mette fin aux troubles dans lesquels il craint de voir une anarchie s’apparentant soit au madhisme africain soit au bolchevisme[8], tandis que ce dernier accuse la France de diviser la région pour mieux régner et d’armer les chrétiens contre les Arabes. Simultanément, la situation militaire se détériore. Depuis le début de la relève, les attaques des bandes se multiplient, et bien que Fayçal ait d'abord réussi à les contenir, une insurrection générale éclate fin janvier 1920. Le général Dufieux constate que la guerre est désormais ouverte, particulièrement en Cilicie et dans les territoires orientaux. La proclamation de l'indépendance syrienne et la nomination de Fayçal comme roi le 7 mars 1920 exacerbent les tensions.[8]

 
Gouraud inspectant ses troupes à Maysaloun.

Face à cette insurrection généralisée, Gouraud réclame des renforts et du matériel, mais se heurte à l'indifférence de Paris, où la démobilisation rend difficile l'envoi de nouvelles troupes. Ce n’est qu’en mai 1920, après l’aggravation de la situation, que Clemenceau, désormais hors du gouvernement, adresse à Gouraud un message de soutien, reconnaissant les difficultés mais soulignant la confiance totale que lui accorde la France : « Vous n'êtes pas sur un lit de roses, mon cher ami, mais ça n’est pas ce que nous avons cherché. Quand le pays a besoin d’un homme, vous êtes là. »[7] La confiance de Clemenceau envers Gouraud n'est pas partagée par tous, notamment Alexandre Millerand, qui, bien qu'ayant connu le général depuis 1915, désapprouve sa gestion de la situation en mai 1919. Cependant, sur le Levant, Millerand s’accorde avec Clemenceau et Poincaré : la France doit maintenir son influence. La proclamation de Fayçal comme roi de Syrie en mars 1920 inquiète Millerand, qui redoute la perte du Liban et préfère une solution diplomatique pour éviter l’intervention militaire. L'accord de San Remo du 25 avril, confirmant les accords Sykes-Picot, suscite la colère des nationalistes arabes et dégrade la situation. Fayçal se rapproche des Britanniques, rejetant le mandat français, tandis que la guerre éclate avec la Syrie hachémite et la Turquie.

Gouraud, confronté à deux fronts, demande des renforts à Paris. Son absence de directives claires agace Millerand, qui envisage de le remplacer, mais reconnaît qu’il n’a pas donné de consignes précises. Il ordonne alors à Gouraud de préparer une offensive pour occuper Alep, Homs et Damas. Toutefois, Millerand avance avec prudence, n'osant pas revenir sur les engagements de Clemenceau. Robert de Caix critique Gouraud pour son manque de planification et soutient secrètement l’idée de faire marcher les troupes françaises sur Damas. Gouraud, soutenu par de Caix, reçoit finalement l’assurance que des renforts seront envoyés pour rétablir l’ordre en Syrie[7]. Gouraud adresse un ultimatum à Fayçal pour qu'il accepte le mandat français. Confronté à une situation militaire difficile, notamment sur le front turc, Gouraud décide de prendre des mesures radicales. Il réclame des renforts militaires à la France (35 000 hommes), renforce ses liens avec les maronites en annonçant le rattachement de la Bekaa au Liban. Face aux réponses dilatoires de Fayçal, Gouraud engage les hostilités. Le 14 juillet, Fayçal reçut un deuxième ultimatum de Gouraud détaillant cinq exigences : Fayçal, n'ayant pas le soutien du Congrès syrien, réussit à gagner du temps en envoyant Sati al-Housri comme envoyé. Après plusieurs jours de retard, et la dissolution du Congrès syrien, Fayçal et son gouvernement acceptèrent les conditions de Gouraud. Cependant, la réponse arriva trop tard, et Gouraud occupa le Bekaa, Zahlé et Wadi al-Harir[35].

 
Le général Gouraud le 17 août 1920 devant le palais Azem où résidait Fayçal à Damas, Syrie. (retouchée)
 
Le général Gouraud à Alep en 1920.

Après le 24 juillet 1920, date de la bataille de Khan Meyssaloun qui met fin au royaume arabe de Damas rêvé par Fayçal, la situation s'est effectivement dégradée, avec la lutte des nationalistes arabes emmenés par l'émir Abdallah, fils du chérif Hussein et frère de l'émir Fayçal. Mais les Hachémites ne représentent pas complètement tous les Arabes de Syrie. D'autres oppositions internes — comme celle entre les villes de Damas et d'Alep — sont à prendre en compte dans l'instauration du mandat[7]. Le 25 juillet, après Gouraud occupa Damas, et Fayçal, accompagné de son frère Zaid et de son gouvernement, s'enfuient vers le sud en train, en direction de Daraa[35].

La victoire de Gouraud, bien que militaire, se transforme rapidement en échec politique, car elle est perçue par les populations locales comme un coup de force contre un gouvernement légitime. Parallèlement, Gouraud est caricaturé par les communistes comme le représentant d'une France catholique et anti-arabe[37]. Alors qu'une partie de la France laïque, à laquelle appartient aussi Millerand, ne pardonne pas à Gouraud d’avoir fait le jeu des Maronites contre Fayçal.

Controverse sur la visite du tombeau de Saladin

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Alain Tami rapporte une anecdote apocryphe controversée selon laquelle, en , le premier geste symbolique d'Henri Gouraud, en tant que Haut-commissaire de la République en Syrie aurait été, lorsqu'il entra dans Damas, d'aller visiter le tombeau de Saladin où, selon certaines sources, il aurait déclaré : « Réveille-toi, Saladin, nous sommes de retour. Ma présence ici consacre la victoire de la croix sur le croissant »[38]. Cette phrase, rapportée dès 1926 par Pierre Mazière[39] fut perçue comme une provocation envers le monde musulman, et nourrit une légende noire autour de son personnage[40]. Certains sont allés jusqu'à établir un lien entre la visite de Gouraud à Damas et celle d'Adolf Hitler à Paris, le 23 juin 1940 où il demanda à être conduit au tombeau de Napoléon aux Invalides.

 
Entrée du mausolée de Saladin, Damas.

Cette référence apparaît aussi dans les mémoires de l'ancien Haut-Commissaire français Gabriel Puaux, Deux Années au Levant. Puaux raconte que Gouraud se tenait devant la pierre tombale et aurait dit : « Saladin, nous voilà[41].» En 2012, l'historienne française Anne-Marie Edde publia un ouvrage fondamental sur Saladin, l'ouvrant sur la citation de Gouraud, tirée des mémoires de Puaux. Gouraud avait toutes les raisons de faire une telle déclaration, étant donné qu'il considérait Damas comme une « forteresse invaincue qui défiait les assauts des Francs, la capitale et le lieu de sépulture du grand Saladin. » Cependant, Puaux n'était pas avec Gouraud lorsqu'il entra pour la première fois à Damas en 1920, et il ne parvint dans la ville qu'en 1938, en tant que haut-commissaire. Il doit donc avoir entendu l'histoire des habitants locaux, car à la fin des années 1930, de nombreux Syriens la citaient fréquemment dans leurs œuvres et discours. Et lorsqu'en mars 1958, le président égyptien Gamal Abdel Nasser fit une visite guidée de la vieille ville, le président Kouatli s'arrêta au tombeau de Saladin et répéta exactement la même histoire. Nasser en prit grand plaisir et commença lui-même à la répéter, si bien que, depuis lors, tout le monde s'est mis à la considérer comme un fait incontesté.

Cependant, un examen plus attentif nous ramène à un récit publié par l'historien français Louis Garros dans Le Monde en 1970, à l'occasion du 50e anniversaire de l'occupation française de la Syrie. Garros, ayant servi dans l'armée de Gouraud, raconte qu'un « général » entra dans le mausolée de Saladin, sans toutefois mentionner explicitement Gouraud. Il répète ensuite que ce général aurait dit : « Saladin, nous voici. »[42] Il pourrait s'agir soit de Gouraud, soit de son commandant en chef Mariano Goybet, l'homme qui occupa effectivement Damas le 25 juillet 1920. Gouraud, quant à lui, n'entra dans la ville que le 7 août 1920. Comme tout général en charge, il était accompagné d'une armée parallèle de correspondants et de journalistes français, parmi lesquels Maria Rosette Shapira, qui couvrait l'occupation de la Syrie pour le journal français L'Illustration. Myriam Harry publia son premier reportage depuis Damas le 21 août, intitulé Le Général Gouraud à Damas, raconte que Gouraud visita la mosquée des Omeyyades avant de se rendre au tombeau de Saladin, où il s'assit à l'extérieur, à l'ombre d'un citronnier. Il n'entra pas dans le tombeau de Saladin, Harry rapportant la phrase suivant: « Nous n'entrons point dans le mausolée que nous avons visité à notre premier séjour », mais retourna à la mosquée où il fut reçu par divers dignitaires musulmans, avant de se diriger vers le quartier al-Midan, en dehors de la vieille ville. Selon Harry, le ton de Gouraud avec ces hommes était conciliant. Elle rapporte qu’il leur assura de son impartialité religieuse et de son désir de maintenir l'indépendance arabe.

Le reportage suggère qu'il s'agissait de la deuxième visite d'officiers français au tombeau de Saladin, et non de la première. La première avait en réalité eu lieu quelques jours plus tôt, sous la conduite du général Goybet. Étant donné que c'était la première visite de Gouraud à Damas, la phrase implique que Harry avait visité le tombeau avec Goybet et que ce qui s'était passé lors de cette occasion antérieure était suffisamment controversé pour que Gouraud affiche son intention de ne pas entrer lui-même lors de cette première visite. L'absence de toute référence à la visite de Goybet au tombeau dans le premier article de Harry, mais la mention de celle-ci dans le second, permet de soupçonner que c'est au cours de la visite de Goybet qu'un propos "obscène" aurait été prononcé par un Français, ce qui expliqua pourquoi Gouraud décida de ne pas entrer, afin de ne pas ajouter l'insulte à l'injure. La visite de Goybet est mentionnée dans le second reportage, daté du 11 septembre 1920, et non dans le premier, ce qui suggère qu'elle eut lieu entre le 21 août et le 11 septembre.

Le récit que Goybet avait lui-même écrit à propos de cet événement dans la Revue des Troupes du Levant en janvier 1937 montre qu'il entra à Damas avec l'idée de la vengeance, admettant qu'il éprouvait une certaine satisfaction en voyant la ville tomber, en raison d'une part de l'histoire familiale qui lui était propre :

« Je suis à Damas. Ce nom évoquait pour moi, jeune garçon, des associations fabuleuses chaque fois que je le croisais dans les archives de ma famille. Jean Mongolfier, l'ancêtre lointain de ma grand-mère paternelle Louise, fut capturé lors de la deuxième croisade en 1147 et emmené à Damas. Il était un simple fantassin. Le peuple de Damas l’a contraint à travailler comme esclave dans l’une des usines produisant du papier à partir de coton. Le pauvre Jean travailla là pendant trois ans jusqu’à ce qu’il parvienne à s’échapper de la ville et, après d’innombrables périls, rejoignit l’armée des Croisés. Lorsqu'il retourna dans sa ville natale (en France) après une absence de dix ans, il construisit le premier moulin à papier d'Europe. N'est-ce pas un acte de suprême justice que le descendant d'un prisonnier des Croisades entre dans la ville sainte en conquérant triomphant ? »

Cela résout le différend et montre que c’est le général Mariano Goybet, et non Henri Gouraud, qui est le plus susceptible d'avoir prononcé les mots : « Nous voilà, ô Saladin. »[43],[44]

Proclamation du Grand-Liban

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Lors de la Conférence de Versailles, devant Émile Éddé, membre de la délégation libanaise, le général Gouraud hésite un moment à inclure Damas dans les frontières du Grand Liban, bien que la ville apparaisse sur la carte. Cependant, après réflexion, il rejette cette option. Damas, en tant que capitale du Proche-Orient, ne pouvait coexister dans un même État avec Beyrouth, capitale provinciale et marquée par des sympathies fayçaliennes, donc hostiles à la présence française. Inclure Damas aurait risqué de déstabiliser l'équilibre du Grand Liban. Gouraud décide rapidement d'exclure Damas et d’établir une frontière entre les deux villes. Il envisage la « frontière naturelle » de l'Anti-Liban et de l'Hermon, comme une barrière exploitable sur le plan militaire pour marquer la séparation.

   
Visite du général Gouraud à Tripoli (retouchée) et à Beit-ed-Dine (vers 1921)

Le 15 août 1920 passe sans que Gouraud ne fasse de déclaration officielle, apparemment en raison de l'absence de réponse de Millerand. Le 19 août, il envoie un nouveau télégramme, insistant sur l'urgence de la proclamation, soulignant que les demandes se multiplient. Il annonce qu’il proclamera le Grand Liban le 23 août 1920, avec pour objectif de rattacher au Liban actuel (la Mutassarrifiyyat) les régions dont les populations ont clairement exprimé leur soutien à cette réunion, à savoir Beyrouth avec une large autonomie municipale, ainsi que Tripoli, Akkar, Marjayoun, Sidon et Tyr. Entre le télégramme du 19 août et celui du 25 août, deux autres télégrammes échangés le 20 et le 23 août entre Gouraud et Millerand apportent des éclaircissements sur la situation. Dans le premier, Gouraud présente les inconvénients d'une division en huit ou neuf autonomies. Il avance trois arguments : un argument politique, selon lequel cette division irait à l'encontre du désir d'unité des populations ; un argument d'équilibre, soulignant qu’il est plus facile de maintenir l’équilibre entre trois ou quatre États relativement vastes plutôt que de multiples petites entités ; et un argument financier et logistique, en raison du coût élevé de la gestion de ces autonomies, nécessitant environ 600 fonctionnaires pour leur administration, ce qui, selon lui, constitue une « impossibilité »[33]. Dans le deuxième télégramme, Millerand évoque la possibilité d’une division administrative et exprime des doutes quant à la réussite de l'annexion de Beyrouth et Tripoli au Grand Liban. Il propose toutefois une « période d'essai » pour l’intégration de ces villes, ainsi que de l'État de Damas et du Djebel el-Druze, tout en donnant un feu vert à Gouraud en lui écrivant : « Dans l’ensemble, je crois désirable de régler les choses de manière que, même si la liquidation de la tentative chérifienne nous amenait à créer d’abord des États étendus, nous conservions, en constituant de larges autonomies locales, la possibilité de composer plus tard la confédération d’éléments plus nombreux. » Ainsi, bien que des réserves subsistent quant à l’ampleur du projet, le soutien de Millerand permet à Gouraud d’aller de l’avant avec la proclamation du Grand Liban, tout en conservant une certaine flexibilité pour ajuster les contours de l’État à mesure que la situation évolue[33]. Pour sa part, le général Gouraud considère l’annonce du 23 août 1920 comme le feu vert tant attendu. Le 25 août, il envoie un télégramme à Millerand pour le remercier de la confiance accordée à sa démarche, exprimée par la réponse favorable à la proclamation du Grand Liban. Gouraud informe également que la proclamation « aura lieu très prochainement ». Dans les jours suivants, Gouraud officialise le rattachement de la Bekaa au Liban lors d'une cérémonie le 3 août 1920 devant le grand hôtel Qadri à Zahlé, et procède à une réorganisation du territoire syrien, créant quatre entités politiques distinctes : l’État du Grand Liban (élargi du vilayet de Beyrouth et de la Bekaa), l’État de Damas, l’État d’Alep et le Territoire des Alaouites. Par cette division, il marque définitivement la fin du projet d'une Syrie arabe unifiée sous l'égide des Hachémites[8].

 
En 1920 au Liban avec le Grand Mufti de Beyrout, Cheik Moustafa Naja (ar), et le Patriarche maronite Elias Hoyek.

À la fin du mois d’août, Gouraud prépare les quatre arrêtés nécessaires à la mise en place des nouvelles frontières libanaises. Le premier arrêté (Arrêté No 299) réunit les cazas de Hasbaya, Rachaya, Békaa et Baalbeck au Liban. Le second (Arrêté No 320) dissout les deux circonscriptions administratives du vilayet de Beyrouth, tandis que le troisième (Arrêté No 321) abolit le Territoire autonome du Liban, précédemment sous administration ottomane. Enfin, le quatrième arrêté (Arrêté No 318) officialise la proclamation du Grand Liban. Le , la moutassarifyat du Mont-Liban est dissoute[45] et le drapeau du Grand Liban, tricolore au cèdre est adopté[46]. C'est sur le perron de la Résidence des Pins que le général Gouraud proclama, ce jour-même, la création du Grand-Liban en y annexant le mont Liban, la vallée de la Békaa et les villes côtières conformément aux souhaits émis par les Maronites[47]:

« Au bord de la mer légendaire qui vit les trirèmes de la Phénicie, de la Grèce et de Rome, qui porta par le monde vos pères [et] par devant tous ces témoins de vos espoirs, de vos luttes et de votre victoire, c’est en partageant votre joie et votre fierté que je proclame solennellement le Grand-Liban, et qu’au nom du Gouvernement de la République Française, je le salue dans sa grandeur et sa force, du Nahr El kébir aux portes de Palestine et aux crêtes de l’Anti-Liban. [...] Avec la fertile Békaa, dont l’inoubliable journée de Zahlé a consacré l’union réparatrice.Avec Beyrouth, port principal du nouvel Etat, siège de son Gouvernement. [...], [avec Tripoli, Sidon et Tyr], au passé fameux, qui de cette union à une grande patrie tireront une jeunesse nouvelle. N’oubliez pas non plus que vous devez être prêts, pour votre nouvelle patrie, à de réels sacrifices. Une patrie ne se crée que par l’effacement de l’individualisme devant l’intérêt général, commandé par la foi dans les destinées nationales[46].»

Cependant, la France se trouve encore confrontée à des résistances armées, notamment dans la région du Djebel el-Druze, où l'opposition au mandat persiste. Au début de l'année 1921, un traité est signé entre la France et les Druzes, établissant les bases d'un nouveau territoire druze. Les chefs de clan, réunis à Soueïda, capitale de cet État naissant, nomment Salim el-Atrash gouverneur, lui conférant le titre d'Émir en mai 1921. Cependant, la famille al-Atrash est divisée, et ce n’est pas Salim, mais son cousin Sultan al-Atrash qui, quelques années plus tard, prendra la tête de la grande révolte de 1925 contre la domination française[48].

Tentative d'assassinat (23 juin 1921)

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Le , Gouraud tombe dans une embuscade sur la route entre Damas et Kuneitra[49] organisée notamment par un Libanais favorable à un royaume arabe sous égide hachémite, Adham Khanjar. Le traducteur de Gouraud est tué d'une balle dans la tête, mais le général s'en sort indemne, tout comme Georges Catroux et Haqqi al-Azm, le gouverneur de Damas, qui l'accompagnaient. Trois balles ont perforé sa manche vide (Gouraud est manchot depuis la bataille des Dardannelles)[49]. Les agresseurs ont été mis en fuite par le général Mariano Goybet et le consul général Carlier, secrétaire général adjoint du haut-commissariat de France en Syrie et au Liban, eux-mêmes attaqués et qui suivaient dans une deuxième voiture.

Catroux ouvre une enquête, qui identifie rapidement un chef syrien, Ahmed Muraywid[50], proche de l'émir de Transjordanie Abdallah. Ahmed Muraywid aurait annoncé la mort de Gouraud avant de fuir en Transjordanie (alors sous mandat britannique) quand la rumeur de l'échec de l'attentat s'était répandue. L'enquête finit par remonter jusqu'à Abdallah et Ibrahim Hanano, nationaliste syrien fondateur du bloc national syrien hostile à la présence française, réfugié dans la zone mandataire anglaise. Gouraud se tourne du côté des Britanniques pour punir les coupables, mais n'obtient d'eux que de vagues promesses. Les relations entre les Anglais et les Français en Orient se dégradent alors davantage, tandis que le haut-commissariat français regarde désormais avec une grande méfiance l'ensemble de la famille hachémite, Fayçal compris.

Action en faveur de l’archéologie française au Moyen-Orient

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Dès son arrivée à Beyrouth il manifeste un grand intérêt pour l'action archéologique française en Orient et soutient le projet de création d'un Service des Antiquités de Syrie, rattaché à l'administration mandataire. Pour lui, poursuivre le travail de redécouverte des antiquités s'inscrit dans une perspective historique de l'action française à l'étranger. Il déclare dans la préface de l'ouvrage Les travaux archéologiques en Syrie de 1920 à 1922 :

« C'est une tradition française qui se maintient ; quand la présence sur l’Euphrate de la colonie française permet à M. Cumont de relever ces admirables peintures de Salihiyé, quand est créé à Damas l'Institut Français d'archéologie et d'arts musulmans, nous ne faisons que suivre l'exemple des soldats français de l'expédition de 1860 auxquels Renan a rendu hommage et celui du Général Bonaparte au Caire[51]. »

Gouraud charge Joseph Chamonard d'organiser le Service des Antiquités de Syrie, début 1920 qui sera épaulé dans sa tâche par la "Mission archéologique permanente" en 1921. Il soumet à la Commission consultative pour les fouilles en Asie Occidentale (rattaché au ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts) une série de texte et de décrets afin de moderniser et rationaliser le cadre légal de l'activité archéologique[52], en remplacement des anciennes législations ottomanes, tombées en désuétude du fait de la disparition de l'Empire ottoman. En juillet 1922, il inaugura le Musée de Beyrouth[53].

Administration de la Syrie et du Liban

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En 1922, il met cependant en place une Fédération syrienne, à la tête de laquelle il place Soubhi Bey Barakat. Issu d'une grande famille de notables d'Antioche, cet ancien responsable militaire proche de Fayçal a été l'ennemi des Français au moment de la prise de Damas. Gracié par Gouraud, il est élu à la présidence de la Fédération en 1923. Au début, le mandataire exprime des réserves quant à l'intégration du Liban dans ce nouvel ensemble territorial. En effet, d’un point de vue commercial, il apparaît avantageux de supprimer les frontières douanières et de créer une unité économique, d’autant plus que le haut-commissariat gère la région du Levant comme une entité économique unique. Toutefois, cette idée suscite l'inquiétude des Libanais, en particulier des Maronites. Le 20 avril 1921, Henri Gouraud confirme l’indépendance du Liban tout en envisageant la possibilité d’une alliance économique. Il déclare :

« Je pense répondre encore à l’une de vos préoccupations en ajoutant quelques mots sur nos intentions concernant la Syrie. L’indépendance du Liban, solennellement proclamée, ne risque rien, mais ce pays côtier ne peut subsister avec une séparation totale d'avec la Syrie intérieure. Je vois, pour l’instant, un moyen de concilier le souci légitime d’indépendance avec les nécessités économiques du pays, en constituant une union économique, dont les modalités devront être définies par des accords conclus d’État à État, sous l’arbitrage impartial du représentant de la puissance mandataire. »[54]

Dans son discours prononcé à l'occasion du premier anniversaire du Grand Liban, le 1er septembre 1921, Henri Gouraud insiste sur le fait que l’État libanais restera solide et stable, malgré les divisions religieuses qui le traversent. Il affirme que la première année de l’existence du Grand Liban a été particulièrement féconde, soulignant les progrès accomplis malgré les défis. De même, lors de l’ouverture du Conseil représentatif, le 25 mai 1922, Henri Gouraud réitère son engagement envers la pérennité du Grand Liban, affirmant que l’unité de l’État sera préservée, en dépit des tensions internes[54].

Notons que bien que Gouraud plaide pour une fédération syrienne respectueuse des aspirations locales, ses efforts sont ignorés par une France fatiguée et désintéressée. Dans ce cas, Gouraud souhaitait une Syrie forte et puissante, capable de résister à la Turquie qui se créait sous ses yeux, sous l’égide de Mustapha Kemal. Cette idée lui semblait absolument centrale et guidait sa réflexion sur l’organisation de l'État syrien. Robert de Caix, son adjoint, partageait ce point de vue. Toutefois, dans le processus de mise en place de la « Grande Syrie », ils prirent conscience des tensions que cela engendrait : Alep ne voulait pas que Damas domine ; Damas ne voulait pas que Beyrouth en devienne la capitale ; et Beyrouth refusait de financer les Syriens. Ces tensions locales se manifestaient au grand jour. C’est pourquoi Gouraud et Robert de Caix estimèrent qu'il serait judicieux de proposer un modèle fédéral. Inspirés par le modèle américain, ils envisageaient une « États-Unis de Syrie », réunissant sous la bannière française tous les états de la région. Leur proposition était davantage pragmatique que cynique ou stratégique[7].

 
Réception du cardinal Dubois et de monseigneur Giannini à Beyrouth, Liban. (janvier-février 1920)

Au-delà de ces péripéties politiques, les années syriennes d'Henri Gouraud contribuent au développement économique de l'intérieur de la Syrie : le tourisme, en particulier le tourisme archéologique et le commerce sont pensés comme des outils de développement par la commission Lenail venue en 1921 étudier le potentiel du pays[54],[55]. Le 20 avril 1921, Henri Gouraud indique avoir rencontré plusieurs acteurs économiques français intéressés à investir leurs compétences et capitaux au Liban. Toutefois, il souligne que les efforts économiques doivent se poursuivre, notamment dans le domaine du tourisme. Le 22 septembre 1921, depuis Tripoli, Henri Gouraud exhorte les habitants à construire des hôtels pour aménager le « superbe paysage » et attirer ainsi les touristes français et orientaux.L’objectif du haut-commissariat est clair : le Levant doit générer des revenus suffisants pour couvrir ses coûts. En effet, les dépenses liées à l'administration du haut-commissariat et à la gestion des nouveaux États levantins sont considérables, d’autant plus que la France sort affaiblie et financièrement exsangue de la Première Guerre mondiale. Ainsi, le développement de l’économie libanaise est perçu comme essentiel pour faire du territoire un véritable carrefour commercial[54].

Par la comparaison, il est clair que la situation du Liban en 1922 est plus favorable qu’en 1918. En quelques années seulement, le haut-commissariat a réussi à organiser un recensement ayant conduit à des élections et à la création d’un Parlement. Sur le plan économique, Henri Gouraud a su attirer de nombreux partenaires pour explorer les potentialités du pays. Cependant, en pratique, le Conseil représentatif demeure une simple chambre d'enregistrement, entièrement subordonnée à la volonté du gouverneur, et les investisseurs français hésitent à venir au Liban en raison de la pauvreté des ressources du pays. Les intentions étaient ambitieuses, mais les résultats concrets sont restés limités. L’organisation des services des postes et des télégraphes en 1921 (ancêtre du futur Liban-Post), la création du passeport, des cartes d’identité du Grand Liban, du diplômes de fin d’études scolaires de 1920, actions au porteur, ou billets de transport suivirent[56].

 
Réception à la résidence des Pins vers mai 1921, Beyrouth. (colorisée)

En 1921, deux entités furent créées pour jouer un rôle clé dans les questions d'aménagement urbain : la Régie du cadastre et le Service des travaux publics. La première, placée sous la direction de l’ingénieur Camille Durrafourd, régisseur du cadastre de Syrie et du Liban, était chargée de l'enregistrement des propriétés dans le cadastre nouvellement instauré. Dotée d'une section topographique, la régie entreprit la réalisation de plans cotés, essentiels pour les études d'aménagement et d'extension des villes. Bien que l’œuvre accomplie sous la direction de Durrafourd soit considérable, elle ne doit pas occulter les inégalités qu’elle a générées. Les services fonciers priorisèrent l'aménagement rural et concentrèrent leurs efforts sur la plaine littorale et la vallée de la Békaa. Si les principales villes côtières furent dotées de plans d’aménagement, de nombreuses localités montagneuses, y compris celles concernées par l’estivage et connaissant un développement rapide, en furent privées[57]. Le plan d'urbanisme, bien que poursuivant les objectifs initiaux, resta fidèle à certaines grandes lignes du projet ottoman, notamment en ce qui concerne les percées urbaines. Toutefois, certains éléments du plan, tels que l’avenue-promenade menant au bois des Pins, l’hippodrome et le casino au sud, furent abandonnés. Dès 1924-1925, le secteur Foch-Allenby était largement avancé, notamment sur le plan des infrastructures. Un aspect crucial de ces travaux fut le financement. Bien que leur réalisation fût à la charge de la municipalité, celle-ci se trouvait déjà fortement endettée en raison des expropriations effectuées. Dans un contexte de pénurie budgétaire, il fut envisagé de confier la finalisation des travaux à une compagnie privée concessionnaire, financée par un prêt accordé par le Crédit foncier d'Algérie et de Tunisie. L'entrepreneur bénéficiait d'un droit d'achat préférentiel sur les terrains expropriés, afin d'assurer sa rémunération. Bien que cette concession ne soit pas originale dans le contexte de l'époque, elle illustre les difficultés auxquelles faisait face une municipalité dépourvue de moyens financiers. Toutefois, ce ne fut pas par cette voie que les travaux furent achevés, mais par une méthode plus classique : la cession, aux enchères, des droits à bâtir dans les secteurs progressivement aménagés. Cette tentative de financement à travers une concession privée constitue un précédent intéressant, annonciateur de la création de la société foncière au centre-ville en 1991[57].

 
Inauguration de la Foire-Exposition. Le général Gouraud et Hakki Bey el-Kazem, gouverneur de l'État de Damas, devant le pavillon de Damas à Beyrouth. (avril-mai 1921)

Une Bourse fut également établie à Beyrouth, et la revue française L'Illustration Économique et Financière consacra, en février 1921, un numéro spécial à la Syrie, témoignant de l'intérêt croissant pour la région. Le 30 avril 1921, Beyrouth accueillait la première Foire internationale, un événement majeur qui allait symboliser l'essor économique de la région. Près de 1 200 exposants, principalement venus de France mais aussi de dix autres pays étrangers, prenaient part à cette manifestation. Le gouvernement français y était représenté par un ancien ministre sénateur et un député, à la tête d'une délégation de quelque vingt personnalités. Gouraud, soucieux de marquer l'importance de l'événement, s’efforça d'en conférer un éclat particulier. Dans son discours inaugural, le Haut-commissaire souligna les richesses naturelles du Grand-Liban, notamment ses productions agricoles variées telles que le mûrier, la vigne, le tabac et les fruits, ainsi que les céréales de la Syrie. Il plaida également pour une union économique « vitale » entre les deux pays, insistant sur la nécessité d’une coopération renforcée pour assurer leur prospérité commune. Le succès de la Foire fut incontestable. L’ensemble des marchandises exposées trouva preneur sur place, et environ 150 entreprises françaises, jusque-là sans lien avec la région, y ouvrirent des agences et des dépôts. Les exposants, satisfaits de l’accueil réservé à leurs produits, exprimèrent le désir de revenir pour les éditions futures de l'événement, signe de la fructueuse ouverture des marchés du Levant à l’économie française[58]. Les stands de la Foire-exposition avaient été érigés surtout dans et autour de la rue Allenby. La région sera de ce fait baptisée Maarad (exposition en arabe).

Le Général Gouraud pose les premiers jalons de l’acquisition des immeubles de la Résidence des Pins, à l’installation encore rudimentaire. Il s’inspire de la Résidence de Lyautey à Rabat pour l’aménager Par une Convention du 28 septembre 1921, la famille Sursock céda, contre 1 850 000 FF, ses droits à l’Etat français, qui devint propriétaire des bâtiments et locataire de la Municipalité pour le sol. Une barrière de bois séparait alors la Résidence de l’hippodrome[47].

Gouraud souhaite s'appuyer sur le développement économique du pays pour prévenir les tensions qu'il sent venir, en particulier avec les Druzes. Gouraud avait de grands projets de développement économique pour le Levant, mais il doit affronter la baisse drastique du budget qui lui a été accordé : 185 millions de francs en 1920, 120 millions en 1921, à 50 millions en 1922[5]. Le général, après avoir de nombreuses fois réclamé des fonds pour développer un système politique fidèle à « l’esprit du mandat »[7] et estimant qu'on ne lui donne pas les moyens nécessaires, pose sa démission et rentre en France.

Postériorité

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Henri Gouraud incarne deux visages contrastés dans la mémoire collective syro-libanaise. En Syrie, son héritage est étroitement lié à la répression brutale du nationalisme syrien. En 1920, après sa victoire sur les forces syriennes, il entre à Damas, marquant symboliquement la domination française et l’écrasement des aspirations à l'indépendance. En revanche, au Liban, ce dernier est reconnu pour son rôle dans la proclamation du Grand Liban en 1920, sous mandat français, un événement qui marque un tournant dans l’histoire du pays. Grâce aux nouveaux tracés des deux pays, le Liban prend un avantage considérable sur le plan économique. Avec les ports de Beyrouth et de Tripoli, le Liban a le potentiel pour servir d’interface portuaire au Proche-Orient arabe. Mais cette situation fut vite contrariée par son voisin syrien. Ce nouveau tracé fait enrager les nationalistes syriens qui, encore aujourd'hui, considèrent que la Syrie historique a été amputée de son territoire "naturel". Son territoire passe de 300.000 à 185.000 km². Avec ses frontières actuelles, la Syrie prend son indépendance le 17 avril 1946.

 
Vue sur la rue Gouraud, Achrafieh.

En 1950, les dirigeants syriens exigent un rééquilibrage des modalités de l'union douanière qui unit le Liban et la Syrie. La rupture entre le Liban libéral et la Syrie dirigiste est consommée. Le 30 septembre 1954, Michel Chiha, écrit à l'adresse de Khaled el-Azem, Premier ministre syrien de l'époque : « L'union économique intégrale [...] est beaucoup plus politique qu'économique [..] Que ne dit-il ouvertement qu'il veut d'un contrôle syrien, d'une domination syrienne sur le Liban. » La question de la souveraineté  devient une question centrale dans la relation entre les deux voisins. Un an après le début de la guerre civile libanaise, le président syrien Hafez el-Assad, qui considère que le Liban et la Syrie forment "un seul peuple dans deux États", ordonne l'entrée de troupes au Liban en juin 1976. Pendant près de 15 ans, un État sécuritaire et policier, inspiré du régime autoritaire de Hafez el-Assad, se met en place, avec le concours des autorités libanaises. De nombreuses manifestations sont organisées et violemment réprimées.

Le 26 août 2004, le président syrien Bachar el-Assad, qui a succédé à son père en 2000, menace le premier ministre libanais Rafiq Harir, qui s'était rallié à l'opposition anti-syrienne de "briser le Liban sur [sa] tête". Le 2 septembre, l'ONU vote, à l'initiative de la France et des États-Unis, la résolution 1559 de l'ONU appelant au retrait des forces étrangères du Liban. Notons que depuis l'indépendance du Liban en 1943, les deux pays n'entretiennent aucune missions diplomatiques dans chaque pays. Le 17 mai 2006, le Conseil de sécurité vote la résolution 1680, rejetée par Damas, appelant la Syrie à établir des relations diplomatiques avec le Liban et à délimiter leur frontière commune.

En août 2006, le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem se rend au Liban, première visite d'un responsable syrien de ce rang depuis le retrait des troupes syriennes. Le 5 juin 2008, Bachar el-Assad affirme que son pays prévoit l'ouverture d'une ambassade au Liban, après la formation d'un gouvernement libanais d'union nationale conformément aux accords de Doha mettant fin à la crise politique au Liban. Le 15 octobre, la Syrie et le Liban établissent des relations diplomatiques. Les ambassadeurs des deux pays prennent leurs fonctions en 2009[59].

Retour à Paris

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William Lyon Mackenzie King et Gouraud se rendent à la stèle du soldat inconnu.

Gouraud rentre définitivement à Paris en 1923. Nommé membre du Conseil supérieur de la guerre, il devient membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres de Paris. Au cours d'un voyage en 1923 aux États-Unis, il apprend sa nomination au poste de gouverneur militaire de Paris, poste qui le place désormais dans des fonctions éminemment représentatives et de nature diplomatiques. Il réalise plusieurs tournées triomphales à l'étranger, notamment aux États-Unis et au Mali, à l'occasion du cinquantenaire de la conquête. Pour les Français, il devient l'incarnation vivante de l'héroïsme des Poilus. Toutefois, Gouraud n'est pas seulement un militaire. Tout au long de sa carrière, il fait preuve d'une curiosité insatiable pour les pays qu'il visite, se passionnant pour les peuples et les territoires qu'il explore. Il constitue ainsi une impressionnante collection de plus de dix mille photographies, dont certaines des premières prises dans des régions encore peu connues, comme la Mauritanie. Cette collection, aujourd'hui précieuse, constitue une source inestimable pour les historiens de l'Afrique et du Proche-Orient[10].

Après la mort du président des États-Unis, Warren G. Harding en août de cette même année, il représente à ses obsèques le gouvernement français en tant qu'ambassadeur extraordinaire. En , Gouraud inaugure la crypte et les plaques commémoratives du monument Aux Morts des Armées de Champagne à la ferme Navarin, entre les villages de Souain-Perthes-lès-Hurlus et Sommepy-Tahure, dans le département de la Marne.

Il se préoccupe ensuite de soutenir l'action de l'Association du souvenir aux morts des armées de Champagne. Dès l'association créée, il demande et obtient l'agrément du ministère de la Guerre pour la Fondation du Monument aux Morts des Armées de Champagne et Ossuaire de Navarin et sa reconnaissance comme association d'utilité publique (). En juin 1933, il accorde son patronage à l’exposition Visions féeriques d’Orient de l'architecte orientaliste Alexandre Raymond. Toujours prêt à présider une cérémonie, incarnation de l'ancien combattant du fait de sa manche droite vide, les Parisiens lui témoignent une véritable vénération. Il fait alors de nombreux voyages : la Pologne en 1925, les Indes et les États-Unis en 1929, la Turquie en 1930, l'Afrique-Occidentale française en 1933.

 
Inhumation du Général Gouraud à Navrin.

Fin de vie

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En 1937, à l'âge de 70 ans, il quitte le gouvernement militaire de Paris. Il quitte la capitale pour Royat, à côté de Clermont-Ferrand. Après 1940, refusant d’admettre la défaite et la collaboration, il se réfugie dans la religion et finalement dans un travail d’écriture centré sur son activité en Afrique[5]. Il ne revient à Paris qu'à la fin de la guerre, en mai 1945. Il y meurt (dans l'arrondissement où il était né[3]) le , quelques mois après la fin du mandat français en Syrie.

Le Gouvernement provisoire de la République française, présidé par Georges Bidault, lui rend un dernier hommage par des obsèques nationales le devant le monument Aux Morts des Armées de Champagne à Navarin. Conformément à ses dernières volontés, le général Gouraud est inhumé dans la crypte de ce monument-ossuaire « au milieu de ses soldats de la IVe armée qu'il a tant aimés », son képi et sa montre sont en dépôt au fort de la Pompelle, clef de la défense de Reims.

Distinctions

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Décorations françaises

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Décorations étrangères

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Hommages

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Monument à Henri Gouraud, square d'Ajaccio (Paris).

Plusieurs voies publiques et autres lieux sont nommées d'après lui en France :

Au Liban :

Au Maroc :

  • dans la région d'Ifrane, à l'entrée d'une forêt à Azrou, un imposant cèdre porte le nom du Général-Gouraud, en arabe arz-Gouraud,
  • À Rabat est fondé en 1919 le lycée Gouraud devenu ensuite lycée Hassan-II[63].
 
Statue du général Henri Joseph Eugène Gouraud, square d'Ajaccio, Paris 7e.

Au Salon des artistes français de 1927, le sculpteur Émile Guillaume exposa une buste en bronze du général Gouraud, gouverneur militaire de Paris (n° 3224)[64]. C'est un exemplaire en pierre de ce buste qui se trouve à Paris, square d'Ajaccio[Note 4]. Érigé à la demande de la famille du général, il fut inauguré le par Jacques Chirac, alors maire de Paris[65].

Publications

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Couverture de Au Soudan

Une classification des archives du général Henri Gouraud est disponible sur le site de la diplomatie française. Gouraud étant passionné de photographie, ses archives photographiques demeurent un exemple majeur de la représentation des sociétés dans les colonies françaises au début du 20ème siècle.

Notes et références

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  1. C’est pour marquer le retour de la fête du Triomphe à Saint-Cyr, interdite 4 ans plus tôt par le ministre de la Guerre et son nouveau « style » (fête de fin d'année) que la 73e promotion de l'école choisit ce nom de baptême. Sur les 432 élèves de cette promotion, plus du quart (119) seront tués au combat: 12 lors d'opérations dites de "pacification" dans les colonies et 106 pendant la Première Guerre mondiale. Dans cette promotion figurent les futurs généraux Charpy, Daugan, Degoutte, Giraud, Naulin, Tanant ou encore Vidalon.
  2. Sur le navire-hôpital, Gouraud est pris en charge par le chirurgien-adjoint Pierre Oudard qui s'illustrera plus tard dans la transformation de l'organisation du service de santé de la marine, adaptant également le matériel chirurgical et créant une gouttière brancard. La promotion 1953 de l'École principale du service de santé de la Marine de Bordeaux porte le nom de Médecin général de première classe Oudard.
  3. la Médaille militaire se porte avant la Légion d'honneur pour les officiers généraux ayant commandé au front. Selon la Grande chancellerie de la Légion d'honneur aucun texte officiel n'existe et il s'agit d'une simple habitude.
  4. Le square d'Ajaccio est situé à l'angle nord-est de l'esplanade des Invalides, le long du boulevard des Invalides.

Références

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  2. « https://francearchives.fr/fr/file/ad46ac22be9df6a4d1dae40326de46d8a5cbd19d/FRSHD_PUB_00000355.pdf »
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Bibliographie

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    Sans donner aucune source, Alan Tami discrédite Gouraud p. 21 tout en affirmant que l'expression qu'il cite est peut-être apocryphe.

Contexte

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  • James Barr, Une ligne dans le sable : le conflit franco-britannique qui façonna le Moyen-Orient, Paris, Perrin, (ISBN 978-2-262-06499-0)
  • Nicole Chevalier, La recherche archéologique française au Moyen-Orient (1842-1947), Paris, Éditions Recherche sur les Civilisations,
  • Rémi Kauffer, La Saga des Hachémites : la tragédie du Moyen-Orient, Paris, Éditions Perrin, (ISBN 978-2-262-03699-7)
  • Gérard Khoury, La France et l'Orient arabe, Paris, Armand Colin, (ISBN 2-200-21322-0)
  • Nadine Picaudou, La déchirure Libanaise, Bruxelles, Éditions Complexe, (ISBN 2-87027-273-1)

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